J’aime beaucoup la vie en communauté, je crois que je ne pourrais l’échanger pour rien au monde. Quoi qu’il y a bien quelque chose qui me gêne. Une seule cabine de toilette. Est-ce suffisant pour autant de personnes ? La réponse est non, n’importe qui aurait pu le deviner. D’ailleurs je sais très bien qui occupe cette toilette puisque je l’ai vu rentrer quelques instants auparavant. J’avais attendu en tentant de m’occuper autrement mais finalement j’avais craqué et c’était en me dandinant dans tous les sens pour ne pas m’uriner dessus que j’étais allée toquer à la porte. « Excuse-moi Esteban mais cela fait un long moment que tu es dans les toilettes et j’ai pu remarquer que c’était très fréquent lorsque j’étais dans la salle de vidéo surveillance. » Ah oui et même Jouko l’avait dit que ce n’était pas normal tout ça, alors j’aimerais connaître la vérité puisque c’est bien connu que ma curiosité est et restera à jamais assoiffée. « As-tu des problèmes ou des attirances dont tu voudrais parler ? » La vérité est que je voudrais vraiment aller aux toilettes, je pourrais bien aller dans la nature mais premièrement ce n’est pas de mon rang et deuxièmement je ne voudrais pas que Maxence revienne de sa balade champêtre pile au moment où j’ai la culotte aux chevilles. Avec une telle question il va bien être assez gêné pour sortir d’ici, non ? J’ose l’espérer en tout cas.

Il est midi, je viens donc à peine de me lever. J'ai pris un bon petit déjeuné puis je suis allé me balader du côté du salon de détente, pour me détendre, évidement. J'ai à peine le temps de m'affaler dans un canapé et de me dégoter un magazine débile que je ressens le besoin pressant d'aller m'asseoir sur le trône. Je me lève donc d'un bond et me dirige à toute vitesse jusqu'aux toilettes que je trouve heureusement vides. Au moins cette fois je n'aurais pas besoin d'attendre qu'un crétin ait fini et dévisse l'ampoule pour prendre sa place. Ah quel con cet Ollie-Blake. C'est pas un nom de cheval, Ollie-Blake, d'ailleurs ? Peu importe. J'entre dans l'unique cabine, baisse mon pantalon de pyjama et m'assois tranquillement sur le trône, continuant la lecture de l'article passionnant que j'avais commencé dans le salon. Sauf qu'au bout d'un instant, j'entends des pas qui vienne vers les toilettes et la seule cabine que j'occupe. Puis la voix de la petite Teddy se fait entendre. Elle dit que ça fait longtemps que je suis là-dedans et qu'elle a déjà pu remarquer que ça m'arrivait souvent d'après ce qu'elle a pu voir dans la salle de vidéo surveillance. « Donc tu m'espionnes. » Que je fais remarquer, juste comme ça. C'est bon à savoir. Je souris, mais bien sûr elle ne peut pas le voir. Elle me demande si j'ai des problèmes ou des attirances dont je voudrais parler. Heu... Pardon ? Non mais elle a vraiment cru que si ça avait été le cas je lui en parlerais à elle ? Je l'aime bien, mais pas au point de parler de ça, enfin, il y a rien à dire de toute façon. « Non. Laisse tomber, tu pourrais pas comprendre. » Franchement ça m'étonnerait qu'elle comprenne qu'un mec comme moi reste aux chiottes pendant dix ans rien que pour finir son article dans la presse people. Je termine mon affaire, tire la chasse et ouvre la porte, un grand sourire aux lèvres, tentant de cacher le magazine que je tiens en le plaquant dans mon dos. « Voilà, le trône est à vous très chère. » Elle est princesse, non ? Donc voilà, son trône lui ai restitué, manque plus que la couronne, hm. En fait je sais pas vraiment si elle est venue pour se soulager ou je ne sais quoi, mais ça me parait être la seule hypothèse plausible, parce que personne ne vient déranger un gars aux toilettes juste pour lui taper la causette. En tout cas si c'était le cas ça serait vraiment bizarre.

La chance n’est pas avec moi aujourd’hui, si elle l’avait été je n’aurais pas eu à me dandiner dans tous les sens avant de craquer et d’aller frapper à la porte de la cabine pour un simple pipi de routine. D’autant plus qu’il s’agit qu’Esteban et que ce blond est particulièrement long lorsqu’il va aux toilettes, cela semble être bien plus qu’une excursion pour lui. Je dirais qu’il s’agit d’une réelle visite. Connait-il par cœur le nombre de carrelages qu’il y a au sol de la cabine ? Je mise sur la réponse « oui » pour ma part. Quant à la raison pour laquelle j’ai ces informations eh bien il l’a deviné tout seul. « Oui. » J’avoue naturellement, sans aucune honte puisqu’il n’y a pas à en avoir. Par ailleurs je trouve le mot « espionner » particulièrement excessif mais puisqu’il insiste, laissons-le croire cela et puis de toute façon il est vrai que je me renseigne sur mes camarades. On est là pour découvrir des secrets, tout de même. Peut-être que le secret de l’espagnol se cache dans les toilettes. En tout cas il n’a pas l’air de vouloir parler de ce qu’il y fait dans ce lieu sacré. « Pourquoi je ne pourrais pas comprendre ? » Le fait est qu’on ne se débarrasse jamais de moi, j’insiste, je questionne et je colle. Il se décide finalement à ouvrir la porte mais voilà, je suspecte quelque chose maintenant et je veux vraiment savoir de quoi il s’agit. « Merci beaucoup. » Je reste devant la porte, lui bloquant le passage. « Qu'est-ce ? » Je désigne sa main absente du regard, celle qui en l’occurrence est cachée dans son dos. « Un jouet ? » J’esquisse un sourire malin et un ton suspicieux, parce qu’entre nous s’il s’agit d’un jouet je doute que Jasmine serait ravie de l’apprendre, moi qui pensait les espagnols machos me voilà presque surprise. Ah mais attendez je n’ai toujours pas vu de quoi il s’agit ; ne pas s’emballer. « En tant que détentrice du trône je voudrais que tu me montres ce que tu caches au royaume. » J’ai l’air sérieuse là mais ô non je ne le suis pas. Presque pas. Un peu.

Teddy a au moins le mérite d'être honnête puisqu'elle avoue effectivement m'avoir espionné. Enfin, dans la mesure où une pièce est consacrée à cette activité, je ne suis pas certain qu'on puisse parler d'espionnage, plutôt de surveillance ou d'observation, mais peu importe. Je lui qu'elle ne pourrait pas comprendre pourquoi je reste si longtemps aux toilettes, mais n'allez pas vous imaginer des choses, je n'y fais rien à part ce qu'on est censé y faire et lire quelques articles débiles dans les magazines pour gonzesses, rien de bien méchant en outre. Elle me demande pourquoi elle ne pourrait pas comprendre. Je soupire. Elle peut pas se contenter de ma réponse et arrêter de poser des questions celle-là ? « Parce que c'est comme ça, et puis c'est tout. » Ah, je déteste quand on me répond des trucs comme ça, mais maintenant je comprends un peu pourquoi on le fait. C'est chiant de devoir se justifier. Donc tant pis pour elle mais je compte pas le faire pour ses beaux yeux. Je finis par sortir, lui laissant la place, cachant de mon mieux le magazine que j'ai pris au salon. Sauf que mademoiselle le vois et me demande ce que c'est. « De quoi tu parles ? » Que je demande l'air innocent, comme si je ne comprenais pas à quoi elle faisait allusion. Puis elle demande si c'est un jouet. « Oui, voilà, c'est un jouet mais interdit au moins de dix-huit ans, tu vois, donc c'est pas pour toi. » Je sais pas quel âge elle a mais elle m'a l'air jeune, pas au point d'être mineur mais c'est pour me moquer un peu d'elle. Pour ce qui est du jouet, cest faux bien sûr, je m'amuse pas avec ce genre de truc, moi, j'en ai pas besoin, mais c'est juste pour la dissuader de vouloir savoir ce que c'est. Et puis là elle prend ses grands airs de princesse des chiottes et me demande de lui montrer de quoi il s'agit, au nom du royaume ou que sais-je encore. Je m'agenouille, me décidant finalement à lui dévoiler ce que je cache parce que sinon je sens qu'on va en avoir pour toute la journée. « Ô grande reine des toilettes, veuillez accepter ce modeste présent et mes plus plates excuses pour avoir tenté de dissimuler ce livret à vos yeux. Je vous souhaite une agréable lecteur, votre Altesse. » Moi, j'en fais des tonnes ? N'importe quoi. Je suis juste un super bon acteur, au même niveau que Jasmine, voyez, donc c'est pour dire. Je me relève et tends le magazine à Teddy pour qu'elle le prenne, enfin si elle veut, moi en tout cas j'en ai plus besoin, j'ai fini de lire ce qui m'intéressait.

« Parce que c'est comme ça, et puis c'est tout. » L’espagnol n’est pas très complaisant mais comme je viens de le dire il m’en faut bien plus. « Pourquoi c’est comme ça ? » J’insiste et ça m’amuse grandement d’autant plus que j’ai bien consciente d’être dans l’instant présent très agaçante. N’était-ce pas l’enjeu ? J’adopte un sourire angélique tandis qu’il sort de la cabine et mes yeux viennent bien vite se glisser vers l’intrus du tableau : il manque une main à Esteban ! Ce ne serait pas le cas s’il ne cachait pas quelque chose. Du coup je vous le donne en mille : je lui demande ce qu’il cache. « De quoi tu parles ? » Il ne répond jamais c’est agaçant ! Mais s’il veut faire une bataille de questions alors il a choisi la mauvaise personne puisque je renchéris. Oui. « Oui, voilà, c'est un jouet mais interdit au moins de dix-huit ans, tu vois, donc c'est pas pour toi. » Une offense ! Je ne m’y attendais pas. Ce n’est pas très gentil de sa part mais ça a le mérite d’être efficace puisque ma bouche s’ouvre grand. « Ta réplique est nullissime ! Je ne suis pas une adolescente ! » Je croise les bras sous ma poitrine, l’expression refrognée, mais je n’ai pas joué ma dernière carte. Ah ça non. Et je crois bien que celle-ci fonctionne puisqu’Esteban s’agenouille. Lord, heureusement que ces toilettes ont été nettoyées il y a peu car s’il avait fait ça quelques jours auparavant il l’aurait fortement regretté. Les doigts de ma main posés sur mes lèvres, masquant à demi mon amusement, je suis tout à coup surprise par ce que dévoile le candidat. Un magazine. Oh. Ça a son importance. Je m’en empare donc puisqu’il est si gentiment proposé. « Merci ! » Mh mais attendez, cette chose là… oh. OH. « Tu te renseignes sur Jasmine ? Sur des toilettes ? Comme ça ? De cette manière ? Ce n’est pas très élégant ça, Esteban. » Non pas du tout même mais c’est bien drôle parce que je suis persuadée que la première chose qu’il a fait fut de chercher les articles concernant la chanteuse. Je quitte mon air moralisateur et reprends. « Mais si tu veux mon avis ces tissus de mensonges ne sont en rapport qu’avec Jasmine Seven, pas la vraie Jasmine. Et puis je ne te les conseille pas parce que ces magasines sont pas toujours gentils avec elle. » Ces choses-là existent pour faire du mal aux concernés et à rassasier les jaloux, du moins c’est ce que j’en pense. « Qu'as-tu pensé de l’article sur son style vestimentaire ? » Le premier sujet de conversation que j’ai eu avec l’idole, d’ailleurs. Je décroche un sourire à Esteban, m’amusant bien de la situation parce que je trouve ça à la fois drôle et mignon l’attention qu’il porte à la starlette et puis il n’a pas le choix, je suis toujours devant la porte.

Est-ce que je lui en pose moi, des question ? Non. Donc voilà, qu'elle arrête de me saouler là. Elle me demande encore pourquoi, pourquoi c'est comme ça. « Parce que. » Je lui réponds encore, d'un air amusé. Je peux continuer encore longtemps comme ça si elle veut, si elle a envie de jouer elle a trouvé un adversaire à sa taille. Et puis elle me demande ce que je cache, si c'est un jouet. Je réponds affirmativement, même si ce n'est pas vraiment le cas, et la taquine sur son âge en espérant m'en sortir. Apparemment ma réplique est nulle, nullissime même, et la demoiselle n'est pas une adolescente. « Ah ouais ? On dirait pourtant. » Que je lance d'un air narquois, fixant la brunette qui semble un peu vexée par ma remarque. Finalement je lui montre ce que je dissimulais dans mon dos, un genou à terre pour confirmer sa supériorité étant donné qu'elle est princesse des toilettes, c'est pas rien quand même. Je me relève quand Teddy commence à me poser un tas de questions parce qu'évidement, la première chose qu'elle a vu, elle, c'est Jasmine sur le magazine. Je soupire et roule des yeux. « T'es mignonne mais je fais encore ce que je veux, que ce soit élégant ou pas. » Oui, bon, vu comment on parle du fait que je me "renseigne" sur ma partenaire dans les toilettes on pourrait croire que je me branle dessus ou quoi, surtout vu que ma brune est pas prête à faire quoi que ce soit pour l'instant, mais je vous arrête tout de suite : je ne fais que lire, rien d'autre. Arrêtez avec vos idées mal placées, là. Elle est chiante Teddy avec ses questions, sa curiosité mal placé. Surtout que je lis pas ce genre de truc aux chiottes juste pour Jasmine, heureusement que ça parle pas que d'elle sinon je la plaindrais, elle en pourrait plus. Parce que la petite brune à raison, ces magazines sont surtout des tissus de mensonges et ne parle presque jamais de la vraie Jasmine, vu qu'elle ne doit pas souvent se montrer pour de vrai. « Tu crois que je le sais pas ? » Je suis au courant de tout ce qu'elle me raconte, là. Et en fait je sais pas pourquoi je continue de parler, j'ai juste envie de sortir des toilettes. Elle me demande ce que j'ai pensé de l'article sur le style vestimentaire de ma partenaire. Heu... Mais elle peut pas arrêter avec ses questions et me laisser passer ? Non. Je la regarde de haut en bas d'un air supérieur. « Hm, je pense que tu devrais prendre exemple sur elle. » Je décoche un sourire mesquin. J'espère que maintenant elle va penser que je suis juste con et que je ne mérite pas son intention, au pire elle doit pas être bien costaud, j'aurais qu'à la pousser, je sais même pas ce qui me retient.

Esteban ne me répondra jamais, je trouve ça d’ailleurs très facile de répondre un simple « parce que » qui est en soit un début de phrase mais certainement pas une phrase entière. Ça veut tout et rien dire à la fois, je devrais deviner ce qu’il a dans la tête pour avoir une réponse et je ne le connais vraiment pas assez pour prétendre savoir faire ça. Mais s’il veut jouer à ça alors… alors comme je suis celle qui a commencé le jeu, je sais parfaitement le maitriser. « Pour-quoi ? » Je ne le prononce pas, mimant simplement le mot des lèvres. Il m’agace un peu le blond, ce n’est que très léger jusqu’à ce qu’il évoque mon apparence quelque peu trompeuse. Trompeuse car je ne suis pas une adolescente et je sais que je n’y parais pas, contrairement aux dires de mon interlocuteur. Piquée au vif, je me referme en croisant les bras dans une moue vexée aux sourcils froncés et aux lèvres pincées. Pourtant tout s’arrange lorsqu’il se décide à me montrer ce qu’il cache : un magazine people. Forcément ici people rime avec Jasmine et puisqu’Esteban rime aussi avec Jasmine je trouve que les deux font un mélange évident. Toujours aussi désagréable l’espagnol m’envoie balader lorsque j’évoque son manque d’élégance évident, feuilleter sur sa copine sur les toilettes en est un exemple typique. « Oh tu me trouves mignonne cariño ? » Je cille, un grand sourire sur les lèvres en riant déjà intérieurement de sa réaction. Il n’y a rien qui m’amuse plus que de jouer sur les mots pour embêter les gens, d’ailleurs j’ai même fait l’effort d’y introduire un mot espagnol. Pour ne pas qu’il réplique trop méchamment, hm. Je l’avertis d’ailleurs sur ces feuillets, je me trouve très gentille par ma démarche mais ce garçon n’est reconnaissant de rien. « Tu crois que je le sais pas ? » Plus il est désagréable et plus j’ai envie de l’embêter alors… qu’il se tienne prêt. « Je ne sais pas, je crois ce que je crois. Que crois-tu que je crois, toi ? » Vous avez dit soulante ? Je m’amuse bien en tout cas même si l’espagnol m’attaque sur mon style. Lord, dites-moi que ce n’est pas lui qui m’a qualifiée d’adolescente quelques secondes plus tôt. « Hm… aurais-tu tenté de m’atteindre ? Parce que… » Je regarde alors aux alentours. Rien. « Ca me semble raté. » Totalement à vrai dire, je ne pense pas avoir de leçons à recevoir concernant le style. Par ailleurs ça ne m’étonne pas d’Esteban ce genre de réflexion, ce type est exactement le genre de personne que j’ai cherché à fuir en venant ici mais visiblement ils sont partout. « Bon aurais-tu l’obligeance de respecter mon intimité ? Come on. » Me décalant afin de le laisser passer, je tape dans mes mains comme pour l’encourager. Hop hop hop !