Il ne se passe pas un jour sans que je regarde en arrière en me disant que j'ai fait le bon choix. Le choix d'écouter Savannah d'abord, d'avoir pu pardonner, et maintenant d'être ici dans un pays qui n'est pas le mien pour être avec Ivan. Il est ce qui m'est arrivé de mieux depuis de nombreuses années, un nouveau regard sur le monde, l'espoir que tout n'était pas perdu, une chance de tourner la page, et par dessus tout une nouvelle chance d'être heureuse. Il n'y a pas une seule chose que je regrette de mon ancienne vie dans le noir, il est ma lumière, il est mon présent, mon avenir et ce mot a une importance plus profonde aujourd'hui. Je ne suis pas là depuis très longtemps, mais j'ai l'impression d'avoir facilement pris mes marques, il faut dire qu'il m'a énormément facilité la tache. Il m'a aidé à me sentir à l'aise et je me sens à ma place avec lui, entouré de ses amis, je sors même toute seule. Je ne reste pas trop longtemps dehors mais j'y vais et c'est plus simple ici alors que tout m'est inconnu. Tout est plus simple. Comme aller faire des courses ou chez le médecin sans que ce soit compliqué. Je ne sais pas si c'est que l'effet Ivan, oh évidemment il y est pour beaucoup, il est tellement parfait avec moi mais peut être qu'être hors de Stockton n'est pas plus mal, ici personne ne me connait, les gens qui m'ont vu dans Fake Lover sont assez délicats pour ne pas m'importuner ou me regarder bizarrement et c'est plutôt agréable. Ça facilite les choses, dirons-nous. En tout cas aujourd'hui j'ai dû aller chez le médecin pour vérifier certaines choses. Je n'ai rien dit à Ivan pour le moment, pour ne pas l'inquiéter si jamais mes doutes n'étaient pas fondés, sauf qu'ils le sont. Il faut que je lui en parle, je ne suis pas certaine d'être à l'aise avec cette idée, je n'ai pas envie de lui faire peur, ou pire encore, de le perdre. Et je pense que je me fais du soucis pour rien parce que c'est un homme extraordinaire et qu'il ne me quittera à cause de ça mais je sais que c'est trop tôt. Beaucoup trop tôt, mais peut être que j'en sais rien ça devait arriver comme ça, de toute façon ce qui est fait est fait. Je n'ai pas voulu attendre trop longtemps pour lui en parler parce que je dois lui dire, parce qu'il mérite de savoir ça le concerne tout autant que moi. Il est dans la cuisine et si je ne lui dis pas maintenant j'ai peur de ne pas réussir. Je m'avance doucement vers lui pour voir ce qu'il est entrain de faire, je ne sais pas trop parce que je n'arrive pas à me concentrer sur autre chose. « Ivan... je... Il faut que je te parle d'un truc, tu peux... tu peux venir t'asseoir ?  » Je bafouille légèrement mais ne cesse pas de sourire parce que je n'ai pas envie de lui faire trop peur toute suite. J'attrape sa main autant pour le rassurer que pour me rassurer aussi. « Je... On va avoir un bébé mon ange... Je suis enceinte.  » Mon cœur bat la chamade, mon dieu. On va avoir un bébé. Lui et moi, un bébé, un tout petit bébé, un autre enfant et ça me terrifie même si j'ai l'air assez sereine, pour Ivan, il le faut.

Après Fake Lover, tout s’est passé plutôt rapidement pour toi. Ton projet d’avoir ton propre restaurant s’était concrétisé puisque tu avais trouvé, et acheté un endroit pour ce faire. Et puis, après Noël, India était venue s’installer à Londres, avec toi. Pour toi. Il fallait dire qu’au début tu étais un peu dubitatif face à sa décision qui n’était pas des moindres. Non parce que tu ne voulais pas qu’elle soit à tes côtés, pas du tout, mais seulement parce que tu avais peur de la rendre malheureuse. Oui, vraiment, c’était une de tes plus grandes peurs. Et comme d’habitude, India avait su te rassurer. C’était fou ce qu’elle était douée pour ça, te rassurer. Quoi qu’il en soit, tu étais heureux maintenant, avec elle à tes côtés, et tu faisais tout pour qu’elle le soit aussi. Tu ne voulais que son bonheur après tout. Et même si tu avais beaucoup de boulot ces derniers temps avec ton projet, tu faisais tout pour trouver le maximum de temps pour India. Tu ne voulais pas la laisser seule, et puis tu avais tout simplement envie de passer du temps avec elle. Beaucoup de temps. Tout était si parfait avec elle, tu en oubliais tellement de chose… Et alors que tu es dans la cuisine, en train de tenter de nouvelles « expériences » afin de pouvoir mettre au point ton menu, tu entends India rentrer dans la maison et s’approcher de toi. Automatiquement, tes lèvres s’étirent pour former un immense sourire. Mais il ne reste pas bien longtemps sur ton visage. « Ivan... je... Il faut que je te parle d'un truc, tu peux... tu peux venir  t'asseoir ?  » Tes sourcils se froncent, son air grave ne te rassure pas trop il faut dire, même si elle te sourit. Tu sais bien détecter lorsqu’il y a un problème, et lorsqu’il n’y en a pas, tu n’es pas un idiot. Et du coup, tu t’imagines le pire des scénarios, bien évidemment. Tu ne comprends rien, tu te demandes si tu as fait quelque chose de mal, ou même si elle est le point de te quitter, tout s’embrouille dans ta pauvre tête. Mais pourtant tu t’exécutes, et tu t’assois comme elle te l’a conseillé. « Je... On va avoir un bébé mon ange... Je suis enceinte.  » Et là, ton cœur rate un battement. C’est la panique dans ta tête, et tu supposes que ça doit se voir à l’expression de ton visage. Un bébé. Toi, avoir un enfant. Mais, comment c’était possible ? Enfin si, tu savais comment c’était possible mais… mais t’étais certain de ne pas être fait pour ça. Toi, père. Tellement de gens te riraient au nez en apprenant ça. Tu arrivais déjà difficilement à t’occuper correctement de toi-même, alors comment est-ce que tu pouvais faire avec un enfant en plus ? Tu allais être mauvais, t’en étais certain. « Qu.. quoi ? » tu bredouilles, un peu perdu. « De.. de moi ? » après tout, on ne savait jamais. Sans vraiment t’en rendre compte, tu lâches sa main, le regard dans le vide. Peut-être que c’était un eu trop pour toi, tu ne savais pas. « Je.. mais.. je peux pas.. je vais.. je sais pas comment on fait… et.. et si  je suis un mauvais père.. ? et .. s’il est malheureux.. ? je.. » tant de questions sans réponse. Tant de doutes, de peur, et d’inquiétude. Ce n'était pas possible.

J'ai toujours peur de déranger Ivan, il a beaucoup de travail en ce moment avec le restaurant et tout ça et j'ai l'impression constante de l'empêcher de travailler correctement. Et je ne me plains pas de sa présence, j'aime passer du temps avec lui, beaucoup de temps mais je ne veux pas non plus l'ennuyer. J'ai toujours peur de l'ennuyer. Toujours. J'ai beau savoir que non c'est plus fort que moi. Néanmoins je suis sortie seule aujourd'hui, il fallait que je récupère mes résultats de toute façon et il est dans la cuisine sans doute entrain d'élaborer son menu quand j'arrive. J'ai un moment d'hésitation évidemment, je me dis que je vais le déranger, que je pourrais lui dire plus tard mais ce serait mal de lui cacher plus longtemps. De toute façon je suis persuadée que je ne parviendrais pas à le cacher plus longtemps, il va voir que quelque chose me préoccupe, je n'ai pas envie de lui mentir donc finalement je prends sur moi. J'affiche un sourire pour tenter de le rassurer mais je crois que je n'arrive plus à dissimuler mon inquiétude aussi bien qu'avant. Ou en tout cas je n'arrive pas à lui dissimuler quoi que ce soit. Bon évidemment il a comprit qu'il avait un soucis, pourtant il me sourit et s'assied comme je lui ai demandé, je lui tiens la main autant pour lui que pour me donner un peu de courage et je lâche la bombe finalement. Et c'est la panique, ça se voit et je caresse doucement sa main, je me doutais qu'il allait paniquer. J'ai peur aussi. Je suis terrifiée. Je n'étais pas prête pour ça. Un autre enfant, non, je n'avais rien prévu, surtout pas ça mais d'un autre côté je ne pensais pas être capable de tomber amoureuse à nouveau et Ivan est arrivé. Il bredouille. « De.. de moi ? » J'écarquille les yeux assez étonnée. « Mais ... enfin je... oui évidemment qu'il est de toi... » J'imagine que c'est la panique qui le fait parler. Il sait qu'il est le seul avec qui j'ai eu une relation en dehors de mon défunt mari. Il me lâche la main et je sens la panique m'envahir. Il ne faut pas. Je ne dois pas paniquer, je ne peux pas. « Je.. mais.. je peux pas.. je vais.. je sais pas comment on fait… et.. et si  je suis un mauvais père.. ? et .. s’il est malheureux.. ? je.. » Je m'approche de lui encore un peu plus, je crois que j'ai besoin de le toucher pour tenter de le rassurer. « Je suis désolée, c'est de ma faute ... je... je n'ai pas fait attention mais... » Oui non mais ça ne va pas le rassurer ça. Même si c'est vrai que je n'ai pas vraiment fait attention, j'ai complètement oublié de prendre mes précautions après tout ce temps. « Tu es quelqu'un de vraiment formidable Ivan, tu... j'ai confiance en toi, je sais que tu seras parfait... Je te monterai, je sais m'occuper d'un bébé, tu vas t'en sortir et tu le rendras heureux ce bébé, on le rendra heureux tous les deux.   » Je réponds un peu plus calmement sans cesser de le regarder. Je crois vraiment en lui, c'est bien la seule chose dont je suis sûre, la chose qui m'empêche de trop paniquer. Parce que j'ai beau être terrifiée il est évident hors de question que je ne le garde pas. Je ne peux pas tuer un bébé.