Il y a des nuits comme ça où on n'arrive pas à trouver le sommeil pour diverses raisons, souvent personnelles, des problèmes, des soucis qui nous trottent dans la tête jusqu'à ce qu'on en vienne à bout. Sauf que parfois, c'est juste impossible. Je ne sais pas si j'ai vraiment de "problèmes" en fait. À moins que la vie toute entière soit un problème, et à ce moment-là, oui, j'en ai un, et un gros en plus. Et c'est avec ce genre de réflexions débiles que je m'empêche de trouver un peu de répit depuis que je me suis mise au lit. Oh, j'ai bien dû fermer l'œil quelques heures, deux ou trois, mais pas plus. Je suis déjà levée à six heures et des brouettes. Je me sens un peu molle mais pas spécialement fatiguée, il faut dire que je dors vraiment bien ici, d'habitude. J'ai sans doute eu le temps de rattraper un bon paquet d'heures de sommeil en retard, j'ai à nouveau le droit de faire des nuits blanches. Enfin, techniquement, je fais des nuits blanches tous les soirs puisque je travaille, et j'essaye de dormir pendant la journée, même si je n'y arrive pas toujours ou pas longtemps. C'est un rythme à prendre que j'ai perdu ici mais que je devrais retrouver une fois rentrée chez moi, mais le plus tard sera le mieux. Je me plais bien ici, même si je commence à m'ennuyer un peu par moment. De toute façon, ça devait bien arriver à un moment ou à un autre, comme il faudra bien s'en aller, à un moment ou à un autre. J'entre dans la cuisine en baillant et sans trop remarquer la présence de Mallaury. Je mets un petit instant avant de comprendre qu'il s'adresse à moi. Il me demande si je suis déjà débout ou pas encore couchée. « Déjà debout. » Je réponds en lui adressant un fin sourire. Je m'en vais ouvrir le frigo pour sortir la bouteille de lait. Je sors un verre et le rempli. Je baille encore, et encore, à presque m'en décrocher la mâchoire. « Eh beh. » J'étonne simplement en rangeant la bouteille. C'est que je ne me sentais pas fatiguée tout à l'heure, et ça me tombe un peu dessus d'un coup. Je sors une petite boite de comprimés de la poche de mon pantalon de pyjama. Ce sont des vitamines que je prends en automne parce que j'ai souvent des coups de barre. J'en sors deux, les dépose sur ma langue et les avale avec une rasade de lait frais. « Bien dormi ? » Je demande tout naturellement au jeune homme avant de m'installer à ses côtés.

Je suis bien déjà debout, et non pas sur le chemin de ma chambre pour me mettre au lit. J'en sors à peine et même si je veux me persuader du contraire, ma presque nuit blanche m'a un peu fatiguée. « Oui, bonjour. » Je réponds à Mallaury dans un doux sourire. Je vais ensuite me chercher de quoi déjeuné, un simple verre de lait qui me servira aussi à avaler mes quelques cachets. Je viens m'asseoir à côté du candidat et lui demande comment s'est passée sa nuit. Il n'a pas à se plaindre. « Ah. » Je fais sur un ton qui trahit sans doute un point de déception, même si c'est plutôt une bonne chose pour lui s'il a passé une bonne nuit. « Et c'est tout ? Tu n'as pas rêvé ? » Je lui demande. Moi je rêve souvent et en général, j'arrive assez bien à m'en souvenir, mais je sais que ce n'est pas le cas de tout le monde. Il me demande alors ce qu'il en a été de la mienne, de nuit. Il lui semble qu'elle a été courte. Ça se voit donc à ce point. Je hoche doucement la tête. « Assez, oui. Je n'ai pas beaucoup dormi, je n'ai pas réussi. » Je réponds d'un air légèrement contrarié avant de boire une gorgée de lait. « Et le pire, c'est que je ne sais même pas pourquoi. Je devais, hm, trop cogiter, sans doute. » Je conclus dans un léger sourire en agitant un peu les mains autour de ma tête pour illustrer. Puis le silence nous enveloppe jusqu'à ce qu'il me demande si j'entends. « Quoi ? » Je demande tout bas, même si je me doute un peu de la réponse. Pas un bruit, qu'il dit, et c'est tous les matins comme ça. Je souris. La chance. Je trouve que ça fait un bien fou. Je n'ai vraiment pas envie que les autres viennent tout gâcher dans quelques heures. On est bien là, rien que tous les deux. « Et tu te lèves toujours aussi tôt exprès pour ça ? » Profiter de ce calme avant la tempête. Remarque, il a bien raison, c'est vraiment très agréable, surtout après une nuit pas forcément très reposante.

Il dit ne pas avoir à se plaindre de la nuit qu'il a passée, mais je cherche tout de même à en savoir plus, si c'est tout, s'il n'aurait pas rêvé. Mais non. Bien qu'on rêve chaque nuit, comme il trouve utile de le préciser, il ne se souvient pas de quoi étaient faites ses pensées quand il dormait à poings fermés. « Ah. » Je fais à nouveau d'un air un peu déçu. J'aurais bien aimé qu'il me raconte son ou ses rêves, enfin s'il en avait eu envie, mais bon, tant pis. C'est alors à mon tour m'exprimer sur ma nuit, qui a été courte en effet. Je n'ai pas beaucoup dormi, j'ai trop pensé je crois. Le jeune homme me demande si j'ai des tracas en ce moment. « Non, pas vraiment. » Je réponds sur un ton des plus convainquant en haussant légèrement les épaules avant de boire la dernière gorgée de mon verre. En fait, ce n'est pas très sincère comme réponse, parce que si, j'ai quelques soucis, sinon j'aurais mieux dormi cette nuit, mais je n'ai pas tellement envie d'en parler et c'est mieux de faire comme si ça allait, on a tous nos problèmes, ce serait égoïste de placer les miens aux dessus de ceux des autres en les partageant avec quelqu'un qui ne pourrait, de toute façon, pas faire grand chose pour y remédier. Le silence prend place un instant avant que le jeune homme déclare que c'est comme ça tous les matins, quand il se lève, avant que le nid ne se réveille. Je lui demande si c'est pour ça qu'il déjà debout, pour profiter d'un petit moment de calme et de paix. Il répond que non d'un air amusé et je souris. Il m'explique que ça fait longtemps qu'il se lève aussi tôt, même bien avant l'aventure. Il vit seul chez lui, et donc au calme, mais c'est tout à fait différent ici puisque nous sommes encore une trentaine à loger sous le même toit. Ça doit drôlement le changer, et je comprends maintenant qu'il veuille profiter de quelques heures de tranquillité en se levant tôt le matin avant que les autres ne viennent tout gâcher. Il me demande si je vis seul, moi aussi. « Oui, enfin, j'avais un chat avant mais il a disparu depuis quelques temps. » Je dis sans pourtant me montrer trop affectée. Elle n'était pas à moi cette bestiole de toute façon, je ne faisais que le nourrir. Dans le meilleur des cas, il se sera trouvé de nouveaux maîtres bien plus gentils que moi. Je ne préfère pas penser au pire, le pauvre. De toute façon, je ne suis jamais vraiment seule, même depuis qu'il ne vient plus. J'ai souvent du monde chez moi, des amis, proches généralement, et puis des moins proches aussi. Mais bref. Je vis bien seule dans le sens où il me semble qu'il l'entend.