too predictable
ft. Alistair & Andreja

Andreja ne voyait vraiment pas l'intérêt d'avoir installé un ascenseur dans le nid. Il y aurait eu sept ou huit étages, bon, la chose aurait été compréhensible, ou encore s'il y avait eu un candidat diminué ou dans l'incapacité d'utiliser un escalier ... Mais non, de toute évidence il n'y avait que des candidats flemmards, et depuis les deux semaines et demi qu'ils étaient enfermés ici Andreja n'avait encore jamais utilisé l'ascenseur ... Il n'y avait qu'un seul étage bon sang de bois. Pourtant le serbe s'y était engouffré en ce début d'après-midi, ne résistant pour une fois pas à l'appel de la facilité, sans doute aidé par le fait qu'il avait dans les mains une panière de linge pleine à ras-bord et qu'il voyait à peine où il mettait les pieds ... C'était un coup à se casser la figure dans les escalier en glissant sur une chaussette sale. Appuyant sur le bouton d'appel avec son coude il avait donc patiemment attendu que la cabine remonte au premier étage et avait maintenant les portes ouvertes avec un de ses pieds en voyant Alistair arriver. Bon par contre, s'il pouvait se décider rapidement sur s'il montait ou non, Andreja aimerait bien expédier l'opération lessive le plus vite possible. Ce n'était pas l'activité la plus passionnante du nid, qu'on se le dise. Une fois dans la cage d'ascenseur il n'avait pas cherché à engager la conversation, peut-être curieux de voir si Alistair le ferait lui-même mais sans grand espoir que ce soit le cas. Et puis là, bien sûr ... L'ascenseur s'était immobilisé. « Cupidon vouloir tu rester un peu avec moi. » avait-il alors fait remarquer en posant un regard calme sur Alistair. Oui, peut-être que Cupidon essayait de le forcer à se sociabiliser un peu, allez savoir. « Et comme je pas trop aimer la association silence et porte fermée, tu avoir le choix ... » Marquant une pause il avait finalement posé sa panière à ses pieds, avant de reprendre « Tu me parler ... parle de toi, ou sinon tu me aide pour démélanger le lessive.  » Démélanger, nouveau mot. Faire la conversation ou trier les chaussettes sales d'Andreja, c'était en tout cas un choix cornélien qui s'offrait à Alistair. Pas que le serbe n'espère vraiment le persuader de trier son linge sale, à vrai dire c'était plutôt une excuse pour essayer d'en apprendre un peu plus sur le brun ... Parce que le moins que l'on puisse dire c'était qu'il fallait user de stratagèmes pour essayer de lui tirer la moindre phrase.

Pourquoi ? C’est la question qui occupe son esprit à peine a-t-il franchi les portes de l’ascenseur. Pourquoi il s’est engouffré là-dedans ? Lui qui met un point d’honneur à toujours prendre les escaliers, voilà qu’il a opté pour l’ascenseur quand il a aperçu le regard d’Andreja en sa direction. Malgré l’air constant de chien battu sur le visage d’Andreja, Alistair n’est pas du genre à se laisser influencer. Et pourtant. Il est déjà trop tard, les portes se referment, il ne peut plus passer la main pour stopper celles-ci. Il va devoir supporter le voyage. Ce n’est que l’histoire de quelques secondes, c’est largement supportable. Du moins, c’est ce dont il essaie de se convaincre. Il sent le truc venir à trois kilomètres, ce qu’il redoute le plus – à savoir rester coincé ici avec un autre candidat – va avoir lieu, tout de suite et en compagnie d’Andreja. Ce n’est pas comme si sa chance lui faisait sérieusement défaut, il n’y a aucune raison qu’aujourd’hui fasse exception à la règle. Et c’est bien évidemment ce qu’il se passe. L’ascenseur tremble légèrement, avant de totalement s’immobiliser. Il le savait, il le savait que cet ascenseur n’était pas pour lui, mais il a fallu qu’il change sa petite habitude. Il ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Une chose est sûre : sauf cas de force majeur, cet ascenseur, c’est fini pour lui. Enfin, il essaie de relativiser. Andreja n’a pas l’air de paniquer, il n’y aura donc pas de crise de claustrophobie à gérer. Et surtout, son camarade n’est pas le candidat qu’il déteste le plus – pas qu’il en déteste un, en fait – et quitte à choisir, être coincé avec lui n’est pas forcément le pire scénario envisageable. Alistair reste silencieux, il espère que ce n’est qu’une passade, mais c’est finalement Andreja qui brise le silence. Il est d’accord sur un point, c’est un coup de Cupidon. Quant à savoir si c’est volontaire que ce soit eux deux, il n’est pas certain. Il se contente de hausser les épaules, peut-être qu’il a visé juste ou peut-être pas. Ce qui lui annonce par la suite lui déplait déjà plus. « Je vois. » Il réplique rapidement après son camarade. Il n’a pas besoin d’en dire plus, c’est assez équivoque. Silence + porte fermée = conversation pour passer le temps. Enfin, il a une alternative. Qui plait déjà plus à Alistair. « J’opte pour la lessive. » Comment ça, ce n’est pas une réponse valable ? À choisir pourtant, il préfère largement s’occuper de trier ses chaussettes sales que de parler de lui, c’est dire s’il aime être le centre de l’attention. « Tu poses les questions, j’y réponds. » Il se ravise, plus par dépit que par réel choix. Andreja est pas méchant, il fait partie de la catégorie de candidats qu’Alistair n’a pas envie de fuir à chaque fois qu’il le croise, c’est un véritable honneur dont le serbe ne se rend pas compte. Et puisqu’il n’est pas méchant, il veut bien faire un effort et se plier à son petit jeu. Sauf que déblatérer un monologue sur sa vie, ce n’est pas son truc et si Andreja veut réellement en savoir plus sur lui, il devra donc y mettre du sien et lui poser des questions ciblées. Alistair répondra à celles-ci, sans forcément développer ses réponses, mais il y mettra également du sien.

Quelque part au fond de lui il aurait pourtant du sentir venir le truc, ce n'était pas comme si certains candidats ne s'étaient pas déjà vantés d'être restés coincés dans cet ascenseur de malheur. Et bien évidemment que c'était fait exprès, s'il y avait une caméra là-dedans c'était dans l'espoir d'y filmer quelque chose d'intéressant, et que pouvait-il y avoir d'intéressant dans un trajet d'un seul étage ? Rien du tout, à priori. Alors que dans le fait de bloquer plusieurs personnes ensemble en les forçant au mieux à se parler, ou au pire à tenter de résister à l'envie de s'écharper, il y avait de quoi faire grimper l'audience. Si un jour Andreja cherchait à se reconvertir de nouveau il se lancerait peut-être dans la télévision tiens, il avait l'impression d'en comprendre quelques ficelles trop prévisibles, déjà ... Enfin, pas qu'il n'ait pas déjà eu son compte, pour ce qui était de changer de métier. Pour l'heure en tout cas il était coincé dans cet ascenseur avec Alistair, et pour un peu il le tiendrait presque pour responsable de la situation ... s'il était un peu plus bavard, Cupidon ne serait pas forcé d'utiliser tout un tas de stratagème pour le forcer à se sociabiliser un peu. Et manque de bol pour lui, Andreja avait envie de se mettre de mèche avec Cupidon à ce sujet. « Je vois. » Cache ta joie mon ami, cache ta joie. Heureusement qu'Andreja ne se basait pas sur la motivation de son interlocuteur pour prendre ses décisions, sinon il n'aurait plus envie de rien à cet instant, pas même de faire sa lessive ... Quoi que non, il n'avait aucune envie de faire sa lessive, et ça en revanche Alistair n'y était strictement pour rien, la lessive était juste l'une des tâches ménagères les plus barbantes au monde. Et c'était précisément pour cela que le serbe avait donné le choix à "Ali" entre la lessive et parler un peu de lui, parce qu'à ses yeux il n'y avait pas photo, et il obtiendrait enfin ce qu'il souhaitait, à savoir en apprendre un peu plus sur le jeune homme. « J’opte pour la lessive. » D'accord, cela s'annonçait véritablement bien plus compliqué qu'il ne l'imaginait, et ça Alistair avait probablement tout le loisir de s'en apercevoir s'il relevait les yeux vers Andreja, il ne pourrait pas ignorer la moue déçue sur son visage. « Non mais, je pas te demander vraiment de trier mon linge. » C'était pour le principe ... il n'avait tout de même pas sérieusement pensé qu'Andreja essayait de se le mettre dans la poche comme boniche ? Il avait une conscience Andreja, il n'utilisait pas les autres comme larbin, lui, n'est-ce pas. « Tu poses les questions, j’y réponds. » Farfouillant dans sa panière de linge d'un air déconfit, Andreja avait un peu perdu espoir de tirer quoi que ce soit de convaincant de la bouche du brun ; Il ne lui en voulait pas d'être ce qu'il était, c'est à dire diablement silencieux, mais il n'empêche qu'Alistair restait une énigme à lui tout seul, et qu'Andreja n'aimait pas les énigmes sans réponses. Alors il avait eu beaucoup de mal à camoufler le sourire satisfait qui avait tenté de se frayer un chemin sur son visage aussitôt la dernière proposition du concerné annoncée. Il ne savait pas trop ce qu'il avait envie de savoir, c'était le seul ennui, mais pour cette fois-ci disons qu'il essayerait de s'en contenter. « D'accord. Mais tu me dire si je être trop ... invasissant. » Y'avait pas à dire, on pourrait refaire tout un dictionnaire avec les mots inventés par Andreja. Il ne doutait pas qu'Alistair ne se gênerait pas pour le lui faire remarquer de toute façon, s'il dépassait les bornes, mais c'était plus une façon pour lui de lui faire comprendre que si cela arrivait ce ne serait pas fait volontairement. « Ça te embête que te dise Ali ? » Oui, n'importe quelle question et il décidait de commencer par celle-ci, allez comprendre. Il ne savait plus trop sur quel pied danser, depuis que le concerné l'avait corrigé à ce sujet lors du prime, alors qu'il ne l'avait pas fait auparavant. « Parce que je peux arrêter. C'est juste, je le prononcer n'importe comment alors je me dire c'est mieux si je fait court ... Comme mon nom, les gens pas savoir le prononcer et écrire comme il faut, alors je leur dire de le diminuer. » Et par nom il entendait nom de famille, pas son prénom. Il ne voyait même pas comment on pourrait trouver un diminutif convenable à Andreja de toute façon, le seul diminutif qu'on lui ait jamais donné dans sa famille n'avait d'ailleurs rien à voir avec son prénom. Un tee-shirt gris à la main, il fixait Alistair sans plus rien dire, attendant une réponse de sa part.

Cela doit probablement se lire sur son visage qu’il n’est pas spécialement ravi d’être coincé ici. Ce n’est, de base, jamais agréable d’être dans un ascenseur en panne, mais certains parviennent à relativiser. Alistair, non. Ce n’est pas forcément le fait d’être enfermé ici durant les prochaines minutes qui l’agace le plus, c’est le fait d’avoir pris l’initiative de prendre l’ascenseur alors même qu’il ne l’a jamais fait jusqu’ici, justement par peur d’être coincé avec un ou plusieurs candidats. Certes, il y a pire que d’être coincé avec Andreja, surtout en sachant que ce dernier ne lui a pas fait mauvaise impression, mais rien n’y fait, il n’arrive pas à se détendre, ne serait-ce qu’un tout petit peu. Andreja va donc devoir le supporter, même s’il ne compte pas se venger sur le serbe. Simplement, il ne sera pas causant. Pas qu’il le soit habituellement, mais il est encore moins motivé à faire des efforts, pour le coup. Enfin, pour le peu qu’il connait son camarade, il est persuadé que ce dernier parviendra à faire passer le temps et à parler pour deux. Il ne tarde d’ailleurs pas à lui annoncer que le mélange porte fermée et silence ne lui convient pas, contrairement à Alistair (enfin, la porte fermée ce n’est pas vraiment ça). Il n’a pas besoin d’en dire plus que le brun sait déjà ce que cela veut dire. S’il comptait s’endormir dans un coin en attendant que le temps passe et qu’ils puissent à nouveau être libres, c’est foutu. Quand il lui propose de trier sa lessive ou de parler de lui, Alistair doit admettre que la première option le tente bien plus que la seconde. Oui, il serait littéralement prêt à mettre ses mains dans le linge sale d’Andreja si cela peut lui éviter d’avoir à parler de lui. Il opte d’ailleurs pour cette solution, dans un premier temps, avant de se raviser. Dans un cas comme dans l’autre, Andreja a de la chance. Ce n’est pas tous les jours qu’Alistair se montrer serviable – à savoir, pour s’occuper de sa lessive – ni qu’il accepte de parler de lui. Sauf qu’il impose une légère contrainte, il tient à ce que son camarade lui pose des questions pour l’aiguiller sur ce qu’il veut savoir de lui. Il n’a aucune intention de faire un monologue qui raconte les moindres détails de son enfance à sa vie d’adulte. Et à en voir le léger rictus qu’il devine chez son camarade, le deal lui convient. Andreja entre définitivement dans ses bonnes grâces quand il lui informe qu’il peut l’arrêter s’il est trop envahissant – il interprète le dernier mot comme étant celui-ci. « D’accord. » Quoi que, il n’a pas vraiment besoin de lui confirmer qu’il compte le faire si les questions d’Andreja dépasse des limites qu’il ne souhaite pas franchir, c’est pas comme si le remettre à sa place serait un comportement étonnant venant d’Alistair. Il ne s’est pas gêné avec d’autres candidats avant le serbe, il ne fera pas une exception pour ce dernier même s’il lui apparait plus sympathique que d’autres. Dans tous les cas, il attend sagement que son camarade lance les hostilités et pose sa première question. Première d’une courte série il espère, il n’a aucune intention de raconter sa vie au premier venu, ni aucune envie de rester coincé ici des heures durant. Il lui offre une belle occasion qu’il n’a jamais offert à personne ici, à savoir lui demander ce qu’il veut. Il ne lui a pas imposé la moindre restriction et à moins qu’il touche à un domaine bien trop intime pour qu’Alistair en ressente l’envie de l’exposer, il est prêt à être parfaitement honnête avec le roux. Il s’attendait à tout, sauf à cette question sur sa façon de le surnommer Ali. Franchement, c’est la seule chose qu’il a trouvé à lui demander ? Il le pensait un peu plus imaginatif et, surtout, curieux. Pas que ça dérange Alistair, au contraire, il préfère largement ce genre de question que n’importe quelle autre sur son passé. « Ça ne m’embête pas quand cela vient de toi. » Ou comment lui faire comprendre qu’il est un privilégié. « Je pensais que c’était clair. » Qu’il reprenait les autres lors du prime et non lui. Pas qu’Andreja lui inspire tellement de sympathique qu’il le considère comme son meilleur ami ici et qu’il peut donc se permettre de l’affubler d’un surnom, simplement, à choisir, il préfère cela que le massacre récurent de son prénom. « J’attends la suite. » Il déclare, en prenant appui sur l’une des parois de l’ascenseur. Pas qu’il doute de la capacité de son camarade a formulé une nouvelle question, il veut juste lui montrer qu’une autre question ne le dérange pas. Dans l’immédiat.

En soi le fait d'être coincé dans cet ascenseur ne dérangeait pas spécialement Andreja, qui n'était ni claustrophobe ni spécialement pressé. Probablement parce que toutes les excuses pour repousser le moment de faire sa lessive étaient bonnes à prendre, même les plus désespérées. Ce dont il n'avait pas envie en revanche c'était du silence pesant qui risquait de s'installer dans la cage d'ascenseur s'il ne trouvait pas une solution de repli ... parce qu'il avait l'air assez doué pour ça Alistair, créer des silences pesants. Le serbe lui avait donc proposé un deal, sans grand espoir de réussir il faut être honnête, mais contre toute attente après avoir rechigné un peu Alistair avait fini par se laisser convaincre. Andreja lui assurait simplement accepter le hola du candidat s'il estimait qu'il se montrait trop indiscret. « D’accord. » Il ne s'attendait pas à autre chose de sa part de toute façon. Pourtant alors qu'il avait ici la possibilité de demander n'importe quoi et de tenter de lever le voile au moins sur une infime partie du mystère Alistair, la première chose qui lui soit venue à l'esprit avait été de lui demander si oui ou non il était agacé par l'emploi par l'emploi qu'il s'était octroyé du surnom Ali. C'est que cela avait eu l'air de le déranger au prime, alors Andreja ne savait plus trop sur quel pied danser « Ça ne m’embête pas quand cela vient de toi. » ... Donc ce n'était pas le fait qu'il l'appelle Ali qui était le souci, c'était qu'il l'ait présenté ainsi à Sacha et Pia. « Je pensais que c’était clair. » Non, pour que ce soit clair il aurait fallu que ce soit dit de manière claire, et non pas mentalement en espérant qu'Andreja sache lire dans les pensées. « Tu besoin de cours pour communiquer presque autant que je besoin de cours en anglais. » avait alors fait remarquer le serbe dun ton gentiment taquin. Mais soit, message reçu, il avait droit à une dérogation spéciale en terme de surnom pour éviter à Alistair d'entendre son prénom massacré à tout bout de champ. Il se doutait bien que c'était pour cela du coup, et non pas parce qu'Alistair le considérait comme son grand copain. « J’attends la suite. » Eh bien, et Andreja qui s'imaginait Alistair couper court à leur petit jeu après une seule et unique question, il faut croire que le candidat était subitement motivé à se montrer plus bavard qu'à l'accoutumée. Pas beaucoup mais un peu, et c'était déjà pas mal quand on voyait d'où il partait. Réfléchissant un instant, essayant de mettre bout à bout le peu d'informations qu'il connaissait à propos du candidat, il s'était finalement décidé « Ça être quoi le dernier travail que tu faire ? » Alistair répétait à qui voulait bien qu'il n'avait "pas d'emploi en particulier" mais ce n'était absolument pas une réponse ça. Andreja voulait une réponse concrète à une question précise, cette fois-ci. « Et quand tu être enfant tu voul- ... oirais (?) faire quoi comme travail ? » Quoi ? Il n'était plus à une question près, si ? Même Cupidon avait semble-t-il envie d'entendre la réponse puisque les portes de l'ascenseur restaient elles désespérément closes.

La question qu’il lui pose a le don de l’étonner. Il pensait avoir le droit à n’importe quoi, une question sur sa famille, sur son aventure ici, sur son passé ou même sur son caractère, mais en aucun cas une question en rapport à son surnom qu’il peine à accepter. Sauf quand il vient d’Andreja, même si ce n’est pas accepter avec le sourire, mais plus de l’optique d’éviter que son prénom soit massacré à chaque fois que le serbe ouvre la bouche. Ceci dit, Alistair joue le jeu et y répond franchement. Il est vrai que pour lui, c’était clair, il ne l’a pas repris spécialement lui lors du prime, mais plutôt son camarade Sacha. Il faut croire que le message n’était pas assez clair, Andreja ne se prive d’ailleurs pas de faire une réflexion sur ce point. « Ça pour une surprise… » Il laisse simplement échapper, plus pour lui-même qu’autre chose. Il sait pertinemment qu’il n’est pas un spécialiste quand il s’agit de communiquer avec les autres, il ne lui apprend pas grand-chose. C’est bien pour s’améliorer sur ce point qu’il est ici. Il lui fait ensuite comprendre qu’il peut poser d’autres questions, puisqu’après tout ils n’ont rien de mieux à faire et qu’il ne voudrait pas couper Andreja dans son élan, lui qui a l’air si heureux de pouvoir en apprendre plus sur lui. Il pose par la suite une question un peu plus censée que la précédente, en lui demandant ce qu’est le dernier travail – dans un anglais approximatif qui fait presque mal aux oreilles – qu’il a exercé. « Déménageur. » Ce qui peut sembler étonnant en vue de son physique bien moins impressionnant que celui d’un Andreja ou d’un Lou, mais ça ne l’a pas empêché d’exercer ce travail avec une rigueur particulière, avant qu’il ne finisse, inévitablement, par être remercié, comme à son habitude. Quant à savoir ce qu’il voulait faire enfant, c’est une question bien trop personnelle. Mais puisqu’il s’est engagé à répondre aux questions d’Andreja et que ça ne se fait pas de lui donner des espoirs avant de les anéantir, il se décide néanmoins à y répondre. « Éducateur spécialisé. » Il baisse légèrement la tête par la suite, conscient que sa réponse peut surprendre. Bien évidemment, il est passé par la phase où les seuls métiers qu’il envisageait étaient astronaute, pompier ou cowboy, mais passé cet âge immature et quand il a commencé à réfléchir à ce qu’il se verrait faire par la suite, il se serait volontiers tourné vers une carrière du genre, pour venir en aide aux personnes en difficulté. Sauf que le hasard a voulu que ce soit finalement lui qui devienne la personne en difficulté et ses espoirs ont été réduits à néant. Il est évident qu’aujourd’hui ce travail ne représente plus le moindre intérêt pour lui puisqu’il n’en a plus l’envie ni les capacités pour l’exercer, mais il ne peut s’empêcher de se demander, parfois, quel aurait été sa vie si les choses avaient été différentes et qu’il se serait lancé dans cette voie-là. « Tu fais quoi toi, d’ailleurs, dans la vie ? » Il avait déjà sous-entendu cette question lors de leur première rencontre dans le labyrinthe, mais ils avaient finalement été trop absorbé par leurs envies respectives de trouver la sortie pour véritablement se livrer l’un et l’autre sur leurs vies. Et pendant que son camarade réfléchit possiblement à une prochaine question à lui poser, rien ne l’empêche d’en poser, lui.