Je suis prise d'une grande flemme lorsque l'envisage de prendre l'ascenseur pour simplement un étage. Oui, la télé-réalité nous transforme complètement, c'est fou. Du coup, je prends la direction de l'ascenseur lorsque j'ai l'impression que ma chance d'échapper à une volée de marches est entrain de disparaître. « Attends-moi » je demande à Mallaury comme s'il était réellement capable de lutter contre ce monstre de technologie. Mes pas pressés s'alignent et je parviens à me glisser entre les portes qui se fermaient avec une certaine lenteur finalement. J'étais vraiment large. J'ai tout juste le temps de me tourner vers le candidat que je sens la connerie du siècle. L'ascenseur met un temps infini à s’élever, un peu trop justement, j'arque un sourcil, perplexe. J'en viens presque à compter les secondes sur mes doigts, j'en suis à quinze, j'estime que nous sommes officiellement bloqués ! C'est la première fois que je subis ça depuis quatre semaines. C’est un peu comme dans les films, en fait. « Han c'est cliché ! » je m'exclame, agacée alors que la cabine s'immobilise pour de bon. Enfin, a t-elle réellement bougé depuis que je suis entrée ? Mes opales se posent sur mon compagnon d'infortune qui n'est autre que Mallaury, ça tombe bien. J'ai l'impression que cela fait un certain temps que nos chemins ne sont pas croisés, bon les circonstances ne nous sont pas réellement favorables, mais c'est déjà mieux que rien. « Panique pas » je demande alors à Mallaury, en esquissant un doux sourire qui lui est adressé, juste pour le devancer, si jamais ce genre de situation venait à le stresser, ce qui ne m'étonnerait pas trop, au final. Mais il ne faudrait pas trop qu'il s'agite. «Cela risque de repartir dans une poignée de minutes » je le rassure avant qu'il n'ait le temps d'ouvrir la bouche. Ce n'est qu'une question de temps, fort heureusement, je ne suis pas claustrophobe. Mon dos se colle contre l'une des parois de l'habitacle et je me laisse glisser jusqu'à ce que mes fesses atteignent le sol. « Tu proposes quoi pour tuer le temps ? » je finis par lui demander de ma plus belle voix, en relevant ma petite blonde pour l'observer.

Je savais que c'était un mauvais plan, j'ai un mauvais karma avec Mallaury depuis deux semaines en fait ! « Non je déteste, elles sont toujours stupides en général » je réponds franchement d'une voix légère en le regardant. Le candidat se fait pressant. « Tu as peur ? » je lui demande d'une voix étonnée en posant mes prunelles sur son visage. Il n'est absolument pas serein. « Tu as peur du monde Mallaury, ou comment ça se passe ? » je ne peux pas m'empêcher de souligner parce que cette vérité me semble évidente, de plus en plus. Il veut que je lui parle. Il est malin mais bon ... Je n'ai pas réellement d'inspiration là ! Je vois bien qu'il est déjà entrain de paniquer, ne me dites pas qu'il est claustrophobe ? J'espère que l'ascenseur va vite redémarrer, pour ma santé mentale, s'il vous plait. « Tu veux que je te raconte quoi ? » je l'interroge alors en tournant mon visage de poupée vers lui, parce que je n'aime pas réellement parler, je préfère l'écouter, c'est bien plus intéressant, c'est bien plus instructif. Mon cerveau s'active pour trouver un truc à dire, pour l'occuper, et là seule personne qui squatte mon esprit en ce moment, c'est mon grand frère, et puisque le candidat me l'a demandé, je vais partager. « Oh tu sais, je t'avais parlé de mon frère » je commence en m'adressant à lui comme s'il s'agissait d'un ami d'enfance. Je ne sais même plus s'il s'en souvient encore, mais je vais faire comme si c'était le cas. « Il va me tuer lorsque je sortirais d'ici » je lui avoue simplement en affichant un grand sourire sur mon visage. Il va me découper en morceau en me demandant pourquoi je suis allée m'exposer ainsi ! « Il a toujours détesté ce genre de programme » je lui explique alors, parce que mon frère s'est déjà propulsé dans le monde des vieux adultes, des chiants. Il a la tête sur les épaules et les candidats de télé réalité lui font pitié, en général. Si on suit un certain raisonnement, c'est ce que je devrais lui inspirer. En tout cas, je sais qu'il n'apprécie pas l'idée de me voir à travers son écran. « Je vais mourir jeune» je fais mine de déplorer, en parfaite dramaqueen que je suis en tendant une main vers lui. « Cela t'attriste un minimum ou pas du tout ? » je lui demande, avec un sourire taquin au bord des lèvres. Le nombre de connerie que Mallaury me fait dire juste pour que je puisse suffisamment lui changer les idées.

Je ne peux confirmer son statut de grand peureux. « Tu sais, si tu penses que le pire va t'arriver, c'est ce qui va se passer » je ne peux m'empêcher de souligner parce c'est important, au fond. « Pas du tout » je lui réponds sans hésiter en haussant les épaules, parce que c'est habituel dans ce jeu, dans un sens, cela force les candidats à l’interaction et c'est en général bon pour les audiences. Je suis sensée le distraire, j'ai l’impression d'être le bouffon du roi, quand même, mais je ne m'en formalise pas, au contraire, je tente de me plier à l'exercice. J'évoque mon grand frère. « Je ne pense pas » je réponds avant de me taire pensive. Si je gagnais ? Non, il n'en serait pas plus doux pour autant. C'est surement pour cela qu'on s'entend bien, il juge directement, et moi, j'arrondis les angles. On fonctionne bien ensemble mais pas l'un contre l'autre. Je suis le soleil de mon frère. « C'est bien, tu as retenu » je lui lâche avec avec un fin sourire parce qu'elle date non, cette conversation ? Le temps passe si vite ici. Mallaury se met alors avait restreindre mon sujet de conversation. Je fronce les sourcils, c'est bon, je plaisantais. C'est surement cela qui l'agace, et je note précieusement cette information dans un coin de ma tête parce que je ne me vois pas lui demander s'il a déjà une expérience en rapport avec la mort pour réagir de cette façon là. Ou alors, un autre jour, je n'ai pas envie de le stresser d'avant, parce que oui, il m'arrive de me soucier de sa santé mentale. A la place, j'esquisse un vague geste de la main, à son égard. « Ne commence pas à être exigeant Mallaury, déjà, je parle » je grogne simplement en roulant des yeux. Il n'est pas en position de négocier. Je pourrais très bien me taire et le laisser face à sa peur et ses angoisses. Je pense à la vie socialement inexistante de mon frère quand une question s'impose à moi: « T'as déjà eu une copine ? » je finis par lui demander de ma voix cristalline avant de me relever, chassant du plat de ma main des poussières imaginaires. Je range une mèche derrière mon oreille alors que mes grands yeux bleus se posent sur lui et qu'un sourire ne s'étire sur mon visage. C'est par simple curiosité, parce que je me suis toujours demandée vu qu'il m'avait avoué un jour qu'il évitait de fréquenter les autres, alors que personne ne s'emballe. Je suis presque persuadée que cette question pourrait le gêner et j'espère qu'il ne vexera pas non, ça serait con vu que nous ne sommes que deux dans la cabine et que l'on ne sait pas encore quand elle va redémarrer.

Je ne peux pas m'empêcher d'hocher la tête pour confirmer la déclaration de Mallaury concernant mon grand frère. « Je lui ai laissé le loisir de s'informer par lui-même » je fais mine de corriger comme si sa formulation me dérangeait un peu. Oui, il sait que je fais cette émission puisqu'il me voit dans son écran. Je suis une soeur ingrate, je sais, mais bon, j'imagine mal Mallaury, dans sa situation, formuler des reproches qui seraient surement mal accueillis. J'hoche positivement la tête à sa question parce que cela me surprend que les gens retiennent des parties de ma vie peu palpitante. Mallaury me restreint dans ma conversation, je ne peux m'empêcher de le souligner verbalement. Il s'excuse une nouvelle fois, c'est assez fréquent, en fait, avec Mallaury, je m'en accommode, le jour où je n'y prêterais plus attention c'est que cela sera assez grave. « Oh ne commence pas » je lui demande d'une voix douce lorsqu'il décide de se taire, et de me laisser parler dans le vide, ce n'est pas très sympathique pour moi. Je tente de trouver un sujet qui puisse autant me contenter que lui. Alors cette idée m'effleure l'esprit, parce que j'ai du mal à imaginer le Mallaury actuel vivre avec une fille. J'attends sa réponse avec une certaine impatience, je note sa surprise et son erreur. Il est déjà sorti avec une fille. Sa remarque suivante me tire un léger sourire pour le coup. « Oui » je réponds simplement, sobrement, sans pour autant me justifier puisque sa question était rhétorique. Je l'écoute avec une certaine attention, mes pupilles acérées scrutant avec minutie sur visage à la recherche d'un signe, d'un indice le concernant. « Ah, donc tu regrettes ? » je lui demande en posant mon regard couleur ciel sur lui, parce que c'est bien ce que je discerne dans ses réponses. « Ça s'est fini avec la décision que tu avais pris, l'éloignement de tes proches ? » je l'interroge une nouvelle fois, parce que j'essaie réellement de comprendre, je tente de capter le maillon manquant concernant son histoire. Mais pour l'instant ce n'est qu'une vague blague qui me frustre plus qu'autre chose. Mais je ne m'y retrouve pas, j'ai simplement envie de secouer Mallaury en lui disant qu'il a surement fait une connerie en s'éloignant de tout. Mais bizarrement, concernant ce point, je soupçonne le candidat d'être têtu, à mon plus grand malheur. Je me contente simplement de froncer les sourcils avant d'expirer un léger soupir. « Parle-moi d'elle » je lui demande de ma plus belle voix, puisque je suis assez curieuse au sujet de la demoiselle.