ANA


Mes prunelles se perdent dans le ciel étoilé, le contemplant. J'apprécie l'impression d'immensité. L'idée de n'être qu'une pièce dans un rouage, une dynamique qui nous dépasse me rassure chaque soir, me réconforte. Mes doigts nerveux arrachent une clope à ses copines dans le paquet et je l'allume assez rapidement, je range mon briquet dans ma poche de jean alors que je tire ma première bouffée. Je dégage une mèche de cheveux lorsqu'un candidat fait une apparition à mes côtés. Je lui offre un simple regard et je découvre qu'il s'agit d'Ana alors je me complais dans le silence le plus total pendant une poignée de seconde, la regardant de mes grands yeux bleus, sans aucune idée dernière la tête. Je suis presque neutre le temps d'une seconde. « Finalement, je suis contente que tu sois restée » je commence simplement avant de tourner mon visage de poupée vers elle. « Même si tu m'emmerdes la plupart du temps » je rappelle tout de même en arquant simplement un sourcil. Parce que c'est vrai. J'avais du mal à le supporter parce qu'elle transpire un truc malsain qui se dégage d'elle. Mais au moins, je ne peux nier qu'elle provoque une réaction chez moi, qu'elle soit positive ou négative, c'est déjà un bon début. Franchement, j'arrive pas encore à capter, tout comme son histoire bien trop compliquée pour mon esprit fuyant et dissipé. J'espère simplement un jour comprendre ce qu'Hadrien a pu voir en elle pour lui accorder un semblant d'attention, c'est qu'il devait un minimum la trouver intéressante. Je veux savoir pourquoi. « Et désolée pour ton partenaire » je lâche, ma voix de fillette raisonnant dans l'espace mais totalement sincère parce qu'elle avait l'air d'y être attachée, c'était son binome. Donc, je comprends, je pourrais presque compatir pour la demoiselle.

Le fait que les autres connaissent maintenant la véritable raison de notre relation tumultueuse avec Jaheim m'agace fortement. J'imagine déjà les médias s'emballer. Les caméras se tournant sûr nos prochains rapports, nos prochaines discussions. Je ne serais plus la candidate Ana totalement déjantée et spécial, non dans le bon sens du terme. Mais Ana , l'ex de Jaheim, candidat à comportement frivole. Je ne sais d'ailleurs pas trop si je dois me réjouir de ces toutes nouvelles tendances. Non parce qu'après réflexion le jeune homme a peut-être envisager l'autre bord après notre relation. Ou même pendant. Il a le droit de faire ce qu'il veut, mais je suis tout de même une femme avec un certain ego. En même temps cela n'a pas eu l'air de le déranger d'emballer un homme devant moi. Je ne suis pas jalouse, non tout de même! C'est de nouveau cette affaire d'ego qui en prend un coup. Ma fierté aussi. Bref des énormités m'envahissent l'esprit et m'empêche de dormir. Je sors donc de mon lit. Enfile une veste en coton et décide de rejoindre un endroit où l'air y est respirable. Pourquoi pas le balcon? Ah déjà pris. Bon par Clémentine. Bien que nous ne soyons pas copine je ne pense pas que ma présence va la gêner, au pire elle me le fera remarquer. J'arrive donc à ses côtés. Nos regards se croisent, mais aucun mot ressort. Situation que j'apprécie bizarrement. Sa remarque m'interpelle. Mais ce qui suit lui ressemble tellement qu'un petit sourire amusée s'esquisse sur mon visage. "C'est vrai que sans moi... l'ambiance n'est pas la même. Qui aurait pu je ne sais pas... -te prendre la tête? Suite à mon départ." Oui je n'ai pas envie d'employer des mots grossiers. Je crois que je ne peux définir notre relation à toutes les deux. Juste qu'elle est... volcanique. A mon avis. "Je le suis aussi." dis-je franchement. "Je ne pensais pas qu'il allait être éliminé. C'est con, mais sûr le coup, et vu le ton de la soirée... je me disais qu'il allait être l'un des premiers à rentrer." Parce que c'était le clown de service. Que les autres habitants avaient l'air de l'adorer. Bien que binôme, nos parcours étaient tout de même très différents. Non-comparable. "Mais bon... même si sa tête d'ours me manque, j'essaye de relativiser. Son départ a été dur, mais après celui de Maddy, d'Auguste et d'Hadrien je pense que je suis paré à recevoir d'autres coups." Vaut mieux remonter la pente plutôt que de rester en bas non? "Et toi d'ailleurs? Hadrien? Le manque? Comment tu vis cette nouvelle aventure?"

Selon Ana, on se prendrait la tête. Je roule des billes en poussant un léger soupir. « On se prend pas la tête, on discute » je la corrige simplement, parce qu'on hausse jamais le ton, on reste toujours courtoise même si parfois j'ai envie de lui dire d'aller se faire foutre parce que je n'aime pas qu'elle me perturbe, qu'elle bouleverse mon règne interne. Mais elle a rien à faire, avec ses questions à la con, son air imperturbable, ses réponses sans fil rouge, c'est Ana quoi. Je l'imagine un peu affectée par le départ d'Eryk. Tous ses proches partent un par un. Je me contente simplement de pincer les lèvres parce que je n'aimerais pas être à sa place, même si j'ai perdu plus gros. Il me reste des esquisses de soutien au sein des candidats. « De toute façon, ça va être de plus en plus difficile » je réponds simplement en haussant les épaules en tentant de relativiser. Elle me demande comment je m'en sors sans Hadrien, le manque et tout le reste. Elle était réellement obligée ? « On a vécu pire que deux semaines » je lâche simplement d'un vague geste de la main. Quatre longues années de séparation, sauf pendant que ces années, je me persuadais de l'oublier. Là, je sais qu'il m'attend quelque part, je ne sais pas encore où, mais je sais simplement qu'on se verra. Et c'est cet espoir qui s'infiltre sous ma peau, qui s'installe pour squatter mon corps qui peut être douloureux. Parce que je n'arrive pas à le chasser, c'est donc pour cela que je ne suis plus si impatiente que cela de sortir. Et s'il n'était pas là ? Alors je n'y pense pas, ou je me donne l'illusion de profiter pleinement de mon aventure. « Alors ça va » je mens simplement en haussant les épaules, esquissant un sourire de façade parce que de toute façon, elle ne me connait pas, alors je suis sûre qu'à ses oreilles, je sonne vraie. C'est le principal. « Et toi ? » je lui retourne en faisant habilement diversion. « Il te manque ? » je lâche avec un léger sourire le temps d'une seconde parce qu'apparemment, elle avait tissé quelque chose de fort avec lui, elle l'avait balancé dans un de ses bilans, encore. C'est limite si elle évoque l'ancien candidat plus que moi, en réalité.