Je n'ai pas fait grand chose de la journée, de toute façon, je ne suis vraiment bonne à rien. Alors je me suis traînée, j'ai fait des allers-retours entre ma chambre, la cuisine et le salon. Je porte toujours mon pyjama, ma nuisette en fait, et la veste qu'il m'a laissée parce que j'ai bien chaud dedans, je m'y sens mieux. Après être resté un moment avec Andreja, j'ai décidé d'aller me coucher parce que je suis vraiment fatiguée du prime d'hier, parce que je n'ai pas beaucoup dormi aussi, et parce que j'ai trop pensé à un tas de conneries qui ont presque réussi à me donner la migraine. Quand je pousse la porte, mon regard est immédiatement attiré vers son lit, leur lit en fait, et je l'y trouve même, elle, Ana. Je ne lui adresse aucune salutation, même pas un sourire. J'ai pas envie de me forcer aujourd'hui. Je me dirige vers mon lit à moi, je me voyais mal en changer, et changer carrément de chambre pour aller dormir avec ma nouvelle partenaire. Pas que ça me gênerait, en fait quand j'y pense ce serait peut-être le mieux, pour ne plus avoir à passer devant leur lit sur lequel je jetais presque toujours un coup d'œil, inconsciemment peut-être, pour le regarder dormir, un tout petit peu, le matin quand je me réveillais avant lui. Mais j'ai pas envie. J'ai envie de rien. Je me sens un peu vide, je crois, oui, vidée de toute envie de faire quoi que ce soit. Mes doigts caressent doucement les draps dans lesquels je dors toujours mais toute seule à présent, puisque mon partenaire a également été éliminé hier soir. Quand je vous dis que le sort s'acharne. C'est pas comme si on était super copains Noah et moi non plus, mais je l'aimais bien, moins qu'Eryk, évidement, mais tout de même assez pour qu'il me manque un peu, lui aussi. La demoiselle, à qui je n'ai pas encore dit un seul mot, finit par briser la glace en me demandant s'il me manque. Ça se bouscule un peu dans ma tête. De qui elle parle ? Surement pas de mon partenaire, mais plutôt du sien, c'est lui que j'ai embrassé, après tout. « Oui. » Je réponds simplement en tournant à peine la tête vers elle, un semblant de sourire collé à mes lèvres tremblantes. En réalité, je ne sais pas. Ce n'est pas comme s'il y avait quoi que ce soit entre nous, mais disons que depuis le début de l'aventure, c'est sans doute l'élimination la plus dure que j'ai eu à vivre, sans doute parce qu'on s'est retrouvé l'un contre l'autre à la fin, parce que sur le coup j'ai cru que c'était moi qui partirais, et en fait pas. Ou peut-être qu'il commençait vraiment à y avoir quelque chose. Qu'est-ce que j'en sais, finalement ? Pas grand chose, hm. La jeune femme déclare alors que nous étions proches. Je hausse les épaules, même pas totalement convaincue. Mais sans doute, oui. Il fait effectivement partie des candidats avec lesquels je me suis le mieux entendu jusqu'ici, mais nous n'étions peut-être pas si proches que ça, à première vue. Ou alors peut-être plus que je ne voulais m'en persuader. C'est vrai qu'être avec lui, c'était simple. Je souriais, je riais plus franchement. Alors je ne sais pas, c'était peut-être rien, peut-être pas une quelconque proximité, ou juste de mon côté. Enfin, j'en sais rien. Et c'est le truc qui m'encombre l'esprit depuis la fin du prime, et j'aimerais m'en défaire, mais je ne risque pas d'y arriver si tout le monde continue de m'en parler. Alors je soupire doucement avant qu'elle ne dise qu'elle se sent coupable. Je pince les lèvres. « Mais faut pas. Les gens ont voté pour toi, pas pour lui, c'est comme ça. » On peut rien y changer à présent. Et puis, après tout, le but c'est quand même d'aller le plus loin possible, et chaque éliminé, quel qu'il soit, représente un concurrent de moins, c'est ce qu'il faut qu'elle se dise, qu'elle doit déjà se dire en fait, et que je devrais me dire aussi, d'ailleurs. Sauf que c'était quand même pas n'importe quel candidat que je ne connaissais que de vue ou de nom, et à partir de là ça devient forcément un peu plus compliqué. J'hésite avant de lui cracher mon venin à la gueule, mais finalement, ça coule presque tout seule de ma bouche. « Bon évidement, si ça n'avait tenu qu'à moi, je l'aurais sauvé et tu serais partie à sa place, mais bon. » Je sais que c'est peut-être un peu méchant pour elle, mais c'est la vérité, et je n'hésite pas à la lui sortir comme ça, toute crue, parce que je vois mal à quoi ça servirait de faire semblant. Oui, je lui en veux un peu d'avoir été sauvée par les téléspectateurs, mais je leur en veux surtout à eux, parce que ce sont eux qui votent, pas la pauvre Ana qui n'a jamais demandé à ce que je lui mette tout ça sur le dos. Enfin, j'imagine que si nous étions restés tous les deux, je ne me serais pas rendue compte à quel point il pourrait me manquer, voilà sans doute un point important de toute cette histoire. Après, de là à le juger positif par rapport à notre relation, je n'en sais rien, mais ce n'est clairement pas négligeable à présent.

Je ne vais pas lui dire que tout était de sa faute, puisque ce n'est pas le cas, mais si j'en avais eu les moyens, j'aurais fait en sorte que les résultats d'hier soir soient bien différents. C'est compréhensible, selon elle, au vu de la relation que j'entretenais avec son partenaire, qui n'a évidement rien à voir avec celle que nous avons, elle et moi. Nous ne sommes pas de grandes copines mais je ne la hais pas autant que certains, hm. Enfin, si, peut-être un peu. Peut-être que je considère quand même que c'est en partie de sa faute si Eryk s'est fait nominé la semaine dernière et qu'il est parti. Mais bon, elle doit un peu se douter de ce que je pense, pas besoin d'en rajouter une couche, si elle se sent déjà coupable. Elle déclare alors qu'elle et moi, nous ne sommes pas très proches, et le fait de partager une chambre n'y aura rien changé. « Non, en effet. Même le fait de partager un lit n'aide pas forcément. » Là, je parle plus pour Noah et moi. Oh je l'aimais bien, c'était un gentil garçon, mais voilà, justement. Nous n'étions finalement pas si proches que ça, lui et moi, mais ce n'était pas non plus vraiment dérangeant. Non, même pas du tout. Je soupire en m'asseyant sur mon lit, passant une main sur mon visage fatigué. Je suis tenté de coupé court à la conversation pour m'allonger et fermer les yeux afin d'essayer de trouver le sommeil, mais la demoiselle reprend la parole pour me poser une question à laquelle je ne m'attendais pas vraiment, et que je me suis déjà posée pourtant. Je tourne vivement la tête vers elle. « Quoi ? Est-ce que j'ai... craqué sur... Non. Enfin... » J'en sais rien, peut-être, peut-être pas. Mais quand j'y pense, c'est vrai que ça pourrait expliquer ma réaction à son élimination. Mais ça pourrait tout aussi bien n'être qu'un trop-plein d'émotions toutes en même temps qui ont fait boom dans ma tête, voilà, rien de plus. Faut pas aller chercher plus loin. Je préfère pas aller chercher plus loin. « Non mais tu l'as dit toi-même, on est pas très proches toutes les deux, et certainement pas assez pour aborder ce genre de sujets. » Non, en vrai, c'est surtout que j'en sais rien et que je préfère pas en parler parce que rien que d'y penser c'est y donner de l'importance et il ne vaut mieux pas. N'empêche que ça serait plus simple s'il était là, au moins j'aurais pas besoin de me poser ce genre de questions idiotes, et on m'emmerderait pas avec ça. Mais bon, bref, c'est comme ça et ça me saoule et je crois qu'il vaut mieux que je me couche et que je dorme un peu parce que je sens que je vais pas tenir sinon.

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