L'heure de vérité était enfin arrivée. Cupidon venait de tous nous convoquer dans le salon pour assister à cette révélation. Pia m'attendait déjà sagement assise sur le fauteuil. Je n'avais pas trop foi en mon idée mais s'agissant d'un buzz gratuit je pouvais au moins confirmer pour savoir si j'étais sur la bonne voie. Je m’assois dans un fauteuil située en face de la jolie rouquine, tous les regards sont rivés sur moi. Ils attendent que je brisent enfin le silence. Alors je prends une grande inspiration et je me lance. « Je pense que Pia pourrait être la fille illégitime de l'union entre d'un prêtre et d'une religieuse ». C'était peut être un peu tiré par les cheveux mais je devais au moins essayer. Parce que cette idée saugrenue ne voulait pas quitter mon esprit. Et puis il fallait le dire, c'était un sacrilège de briser un vœu de chasteté.  

Elle n'a pas besoin de se laisser tomber sur le fauteuil, Pia, parce qu'elle s'y trouve déjà. C'était Aaron qui se tenait à la place de Felice quelques minutes avant, comme si on rejouait le même scénario, un même bout de film et qu'on se contentait de changer un des acteurs et de recommencer. Elle attend, patiemment, le silence lui hurle aux oreilles, ils attendent tous sans trop savoir quoi moteur, action, qu'on les autorise à se relever et à retourner à leurs activités. Elle attend la sentence, elle, ses bras croisés, ses jambes de même, ailleurs et là plus que jamais en même temps. Elle est figée sur les lèvres de la brune, attentive. Elle prend enfin la parole, délivrance ou trahison. « Je pense que Pia pourrait être la fille illégitime de l'union entre d'un prêtre et d'une religieuse » Elle sourit à l'envers, comme un ours mal cousu. Ses yeux se baissent sur les tatouages qui lui mangent les bras, elle suit leurs contours du regard, se laisse aller à dévisager des pieds de chaises et des bouts de meubles plutôt que de regarder le jury qui se trouve en face. Elle ne sait pas pendant combien de temps les mots s'enfuient, suffisamment longtemps pour que le silence vienne prendre un fauteuil pour s'installer à leurs côtés. Elle finit par relever la tête pour venir ficher son regard dans celui de sa camarade. « Bravo. » Elle articule. Les mots la brûlent un peu, ses yeux aussi, ses joues rougissent et c'est Pia entière qui prend feu. « C'est ce qu'on est sensé dire, non ? » Elle parcoure l'assemblée du regard comme pour leur demander leurs avis, mais elle s'en moque bien en réalité. Elle ne veut pas qu'ils parlent. C'est sa réplique, c'est à son tour de causer. « C'est moi, Pia, le pêché originel. Haha. C'est pas drôle, hein ? » Son rire grince comme un vieux mécanisme rouillé pour finir par s'arrêter. « Ma mère, c'était une bonne sœur, et mon père un prêtre. Ils se sont rencontrés et connus en profondeur, j'vais pas vous faire un dessin. Bref. Le pape est contre la protection, ma mère s'était faite engrosser et elle s'est fait jeter de la communauté. » Elle croise et décroise les jambes pour s'empêcher de s'enfuir en courant. « Les autres appellent mon géniteur " mon père ", mais moi j'le connais pas. Je suppose qu'il est toujours dans son monastère à prêcher l'amour de son prochain. » Elle s'étire, lassée. « Papa, si les moines ont la télé, sache que Dieu c'est comme le père noël. Il n'existe pas et il n'a jamais existé. » Elle s'adresse aux caméras tout en se levant de son fauteuil. Elle quitte la salle sans un mot de plus, sa prestation est terminée. Il est seize heure et elle va se coucher.