come as you are
ft. Tilda & Andreja

Il avait bien dormi, bien mieux que n'importe laquelle des nuits qu'il avait passé la semaine précédente et à cela la raison était très simple : Pia était revenue occuper la seconde moitié du matelas, supprimant pour de bon ce sentiment de froid glacial que le serbe avait l'impression d'avoir à côté de lui la nuit. C'était un peu con, de s'attacher à ce point à ce genre de choses, de s'agripper comme ça à des habitudes qui dans quinze petits jours n'en seraient plus. Quinze jours, cela paraissait tellement court comparé au temps qu'ils avaient déjà passé ici, en fin de compte. Mais il avait bien dormi, vraiment, mieux que depuis un certain nombre de semaines ; Comme un bébé, pourrait-on dire. Ou plutôt comme un petit enfant, parce qu'un bébé se réveillait approximativement toutes les deux heures en braillant. Là où son corps avait appris à se programmer automatiquement pour se réveiller toujours à la même heure sans qu'il n'ait besoin de faire biper sans montre, il avait appris à écouter un peu plus son sommeil et ne se levait maintenant que lorsque son organisme estimait avoir suffisamment dormi, ce qui en soit ne lui faisait pas de mal. Tout comme le fait de se montrer un peu moins psycho-rigide quant à sa routine matinale, aussi lorsqu'après s'être réveillé il avait pris une douche destinée à se réveiller il n'avait pas décidé d'aller courir mais était simplement sorti pour prendre l'air et se balader, sur les abords de la falaise. Il n'espérait pas spécialement tomber sur quelqu'un, à vrai dire il n'était pas contre un peu de calme et de solitude, et puis finalement au bout d'une petite heure il avait décidé de rentrer et s'était mis en quête de Tilda. Dans les couloirs, dans les pièces du nid, mais peut-être dormait-elle encore ... Il était déjà tard, pour lui, mais depuis qu'il était ici il avait compris que tard était une notion des plus relatives et propre à chacun. Et puis Tilda avait besoin d'une sacré dose de sommeil, pour une raison évidente. Aussi le serbe n'avait-il été qu'à moitié surpris en s'aventurant dans la chambre orientale et en découvrant une Tilda  moitié cachée sous sa couette. Avançant à pas de loup il s'était glissé sans bruit sur le côté vide du matelas et, un sourire espiègle sur le visage, avait laissé glissé ses doigts au travers des cheveux de la jeune femme pour entreprendre de la réveiller, doucement. Il attendait, patiemment, qu'elle se réveille, s'étire, bâille, ouvre ses yeux et les posent enfin sur lui, et quand finalement ce fut le cas il n'avait pas pu s'empêcher de faire remarquer « Je presque eu peur tu vraiment le prendre, ce avion. » Parce que lorsqu'elle avait parlé d'avion à Sacha à la fin du prime de la veille son sang à lui s'était glacé un instant, parce que naïvement le fait qu'elle puisse décider de quitter le nid même en cas d'élimination ne lui avait même pas semblé être une possibilité, sans doute parce qu'il réfléchissait avec ses propres sensations et que lui savait qu'il ne sortirait pas, quoi qu'il advienne. Et qui aurait-il été pour lui demander de rester au fond ? Personne, sans doute. Alors il s'était simplement senti soulagée lorsque, visiblement las, elle avait prétexté aller se coucher peu après l'annonce des résultats. Il n'avait pas osé insister, son élimination, et le fait que Sacha soit revenu sans Lou, il se disait qu'elle était sans doute contrariée, et il pouvait comprendre.

Il le savait bien lui, que c'était parfaitement égoïste de sa part que d'espérer que Tilda reste cette semaine et la suivante sans penser un seul instant au fait qu'elle avait peut-être envie de s'en aller, elle. De retrouver sa vie, ses proches, et tous ces trucs qui devaient lui manquer à l'extérieur et dont lui ne pouvait pas avoir conscience, parce qu'au fond il ne connaissait de Tilda que ce qu'elle avait bien voulu lui montrer durant ces onze dernières semaines. Lui ne pensait pas à tout cela, il ne pensait qu'au fait que quinze jours c'était court, et que ces quinze derniers jours il préférait les passer à profiter des personnes auxquelles il avait eu, peut-être, la bêtise de s'attacher. Égoïste, donc, et pas vraiment certain que cela lui pose un souci parce qu'il avait bien le droit de l'être, de temps en temps ... Assez pour que, remarquant la silhouette de Tilda sous sa couette, un sourire léger ne s'étire sur son visage tandis qu'il se laissait glisser de l'autre côté du matelas pour entreprendre de la réveiller. Gentiment, parce qu'il était le premier à ne pas apprécier qu'on le réveille brusquement, d'ailleurs Lou en avait déjà fait les frais, et après quelques instants enfin elle avait ouvert les yeux « Pince moi. » Il était resté perplexe. Et regardant un instant autour de lui il avait cru avoir l'illumination en posant les yeux sur la pince à cheveux qui trainait sur la table de nuit, avant de l'attraper et de la tendre à Tilda ... Il ne comprenait pas trop mais soit, on ne pouvait rien tirer de Pia tant qu'elle n'avait pas bu de café, alors peut-être qu'on ne pouvait rien tirer de Tilda tant qu'elle n'avait pas attaché ses cheveux. Bon, à en juger par l'expression de l'italienne il avait du mal comprendre, ou faire une connerie. Une grosse connerie, puisque se redressant et posant à nouveau ses yeux sur lui elle avait pris un air sérieux et commencé « Andreja ... » ... avant de marquer une pause, et de reprendre de manière précipitée « Faut que j'aille aux toilettes. » avant de finalement s'échapper du lit et filer hors de la chambre, pendant que le serbe restait là, assis en tailleur sur le matelas à se demander s'il avait rêvé où si Tilda venait de lui annoncer sa pause pipi avec autant de gravité que si elle avait voulu lui annoncer un drame. A moins que ne se trame autre chose, qu'elle n'ait eu autre chose de vraiment primordial à lui dire et qu'elle ait été interrompue sans pouvoir remettre ça à plus tard ... Peut-être qu'elle allait le prendre, cet avion. Et c'était peut-être mieux dans un sens, qu'elle s'en aille maintenant, il n'aurait pas à assumer son secret face à elle, il ne saurait pas si subitement elle se rangeait du côté de ceux qui ne voulaient pas, ou plus, voir derrière l'étiquette qu'on lui collait sur le front en apprenant la vérité. Il s'était levé serein et voilà qu'avec un seul petit mot et un regard elle venait de lui faire perdre toutes ses certitudes, à tel point que lorsqu'elle était revenue et s'était réinstallée sur le lit le sourire franc d'Andreja s'était transformé en sourire forcé, le sourire de quelqu'un qui voulait faire croire qu'il n'y avait aucun souci quand en réalité il était préoccupé. Il l'avait laissée faire pourtant, lorsqu'elle avait emmêlé ses jambes avec les siennes il avait fait glisser sa main contre le genou de Tilda, mais il avait un mauvais pressentiment quant à ce qu'elle s'apprêtait à lui dire. « Je disais donc, euh ... est-ce que je m’immisce entre toi et Pia ? Parce que j'ai cette impression. J'ai l'impression d'avoir arrêté net la croissance d'une histoire qui aurait pu être très belle. Je ... » Ce n'était pas du tout ce à quoi il s'attendait, en fin de compte. Et il n'y avait rien de très étonnant à cela puisqu'il avait l'air totalement à l'ouest à ce sujet, assez pour n'avoir rien soupçonné la semaine précédente avant que Pia ne lui expose clairement ce qui lui déplaisait. Et il n'était pas taillé pour ça, lui, toute sa vie il n'avait fait que papillonner sans se soucier de rien, ce n'était pas dans ses habitudes de rendre des comptes, de choisir, de poser des limites, de définir des cases. « Je me mettre entre toi et Lou ? Si Sacha pas être là. » Il répondait à sa question par une autre question, mais à ses yeux elle avait totalement valeur de réponse. Ce qu'il voulait lui faire comprendre c'était qu'il ne trouvait pas légitime de lui demander de faire un choix, lui en l'occurrence n'avait pas envie de faire de choix entre Pia et Tilda. « Personne remplacer Pia. Je la connaitre depuis onze semaines et je l'impression ça fait depuis toujours, tu vois ? » C'était d'autant plus paradoxal qu'il ne connaissait pas grand chose de la vie de Pia, tout comme elle ne connaissait pas grand-chose de la sienne non plus. Uniquement ce qui servait à leurs secrets respectifs, et ce n'était pas forcément la partie la plus glorieuse. « Et puis, depuis trois ans je jamais rencontré quelqu'un qui savoir tout mon secret, pas juste le ... titulé ? Le intitulé. Qui pas connaitre juste ça, parce que je lui raconter tout, et qui pas me juger quand même. Y'a que à elle je peux faire confiance ici. » Ça pouvait sembler stupide, à Tilda cela devait lui donner l'impression qu'il exagérait mais pourtant ce n'était pas le cas. Il était arrivé en en ayant un peu rien à foutre, en se disant qu'il n'avait de comptes à rendre à personne et dans un sens c'était toujours les cas ... Mais il ne s'attendait pas à s'attacher assez à certaines personnes pour que leur avis ne le laisse pas de marbre. Le jugement de certains candidats ne lui faisait pas peur, même s'il continuait d'estimer qu'il était facile de juger sans savoir ; Mais le jugement de Tilda ou de Lou, ça le faisait flipper plus qu'il ne voulait bien l'admettre. « Tu attendre quoi de moi, Tilda ? » C'était surtout ça la vraie question, ce qui le laissait perplexe, ce qu'il avait du mal à cerner. Est-ce qu'elle avait le moindre espoir de le revoir dehors, ou bien est-ce qu'elle laisserait derrière elle tout ce qu'elle avait vécu ici sans se retourner et sans se poser de question ? « Parce que je sais pas ... peut-être les choses changer dimanche, tu vois ? Et je peux pas trop expliquer maintenant mais dehors c'est compliqué aussi, je pas faire ce que je veux ... » Il était frustré, de ne pas pouvoir en dire plus. De ne pas pouvoir expliquer vraiment pourquoi il ne pouvait pas faire ce qu'il voulait, comme il voulait, où il voulait. Il voulait simplement qu'elle comprenne qu'elle se faisait peut-être des espoirs pour rien le concernant, parce que dans le nid tout semblait facile et réalisable mais dans les faits rien ne l'était.

Spoiler:

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Il ne comprenait pas trop ce qu'elle voulait dire, et il avait il est vrai un peu de mal à s'y retrouver dans tous ces mots qui voulaient dire la même chose. Évidemment que ça existait dans sa langue aussi, les synonymes, mais il n'avait pas à galérer et remettre en question chaque phrase qu'il entendait. Et pour le coup, il n'avait pas remis en cause et compris de la bonne manière, à en juger par le regard de Tilda tandis qu'elle se saisissait de la pince à cheveux et répondait « Non enfin oui merci. » Oui ou non ? Il n'y comprenait décidément vraiment rien, à tel point qu'il s'était tout de suite senti très stupide lorsque Tilda lui avait finalement expliqué d'un ton amusé « Je te disais de me pincer pour être certaine que je suis pas entrain de rêver. » Il avait esquissé un début de sourire, un truc qui ressemblait plutôt à une grimace qu'à un sourire en fin de compte. Cela lui rappelait un peu le détecteur de mensonge, qui avait indiquer douter lorsque Andreja avait assuré que non, il ne pensait pas que son accent où ses difficultés en anglais fassent son charme. Elles le faisaient surtout se sentir stupide à vrai dire, c'était à peine croyable de galérer autant après un an et demi aux États-Unis et onze semaines dans ce nid ... Il aurait du faire des efforts dès le début. A l'époque il n'en avait simplement pas vu l'intérêt, et maintenant il se disait qu'il avait été bête ... Mais il ne pouvait pas savoir, à l'époque. Restant là entre sa bêtise et le mauvais pressentiment qu'il se trainait quant à ce que Tilda s'apprêtait à lui dire, il avait néanmoins esquissé un sourire pour faire bonne figure au retour de la jeune femme, mais pas perdu une miette de ce qu'elle avait fini par demander. Il ne savait même pas si c'était véritablement comparable mais pour tenter d'expliquer sa relation avec Pia il n'avait pas trouvé meilleur moyen que de comparer avec Lou et Tilda, sans vraiment savoir pourtant si le schéma ne serait pas différent si Sacha n'était pas présent dans l'équation. « Je ... Non bien sûr que non, avec ou sans Sacha d'ailleurs. » Alors elle comprenait bien, si c'était la vérité, qu'elle ne pouvait de la même façon pas lui demander de choisir entre Pia et elle, ou de quantifier la relation qu'il pensait avoir avec l'une et l'autre. Sa vie et celle de Pia n'avaient rien à voir, ils ne se seraient assurément jamais rencontrés dans un contexte autre que celui de l'émission, et pourtant il avait l'impression qu'elle comprenait tout, tout ce qui lui passait par la tête, tout ce qui le préoccupait. C'était compliqué à expliquer, et encore plus compliqué lorsque l'on devait faire avec le vocabulaire limité d'Andreja en anglais. D'autant plus qu'il ne savait pas vraiment ce qu'espérait Tilda, ce qu'elle attendait de lui, sans se douter peut-être qu'il ne pouvait rien promettre, encore moins avant que les secrets soient révélés et qu'il ne puisse parler librement. « Je n'ai pas l'intention de te laisser passer Andreja. Enfin à moins que depuis le début j'ai rien compris et que c'est pas du tout ce que tu veux ? » Ce qu'il voulait ? Mais c'était bien ça son problème à Andreja, il ne savait jamais ce qu'il voulait, ou alors il savait mais avait un cas de conscience entre ce qu'il voulait et ce qu'il était en droit d'espérer. Et elle n'y était pas du tout, cela n'avait rien à voir avec elle, elle ne le réalisait peut-être pas parce qu'elle ne le connaissait pas avant mais il aurait fait marche arrière depuis longtemps s'il n'avait pas été à l'aise avec ce qu'elle semblait vouloir, et qu'il ne l'ait pas encore fait signifiait déjà beaucoup. Ce n'était même pas le fait qu'elle attende un enfant, et pourtant dieu sait que cela sonnait affreusement sérieux aux oreilles de quelqu'un qui ne l'avait encore jamais été, sérieux. « Non je pas me ... vaporer ? Enfin, je sais pas je ... Je pas me plaire à Chicago, sinon je pas apprendre l'anglais un peu avant et un peu mieux. Je pas être bien, là-bas, alors tu penses je rester là-bas si je pas être obligé ? Je pas décider tout seul je faire quoi quand je sors de ici ... » Il n'en avait jamais parlé clairement, de cela. Cela le gênait quelque part, d'avouer ainsi ne pas se plaindre dans ce qu'était sa vie actuellement, parce que cela lui donnait l'impression de faire preuve d'ingratitude et il n'était pas comme ça, Andreja n'était pas un ingrat. « Tu comprendre mieux après ... mais si ça juste être ma décision on se revoir tout de suite dehors. C'est ça, ce que je veux. Mais je pas faire ce que je veux, justement. » Mais c'était bien ça qu'il voulait, lui. C'était ne pas avoir à laisser Pia et Tilda derrière lui en se demandant quand il les reverrait, et si il les reverrait. Si il la reverrait, parce qu'encore maintenant il n'avait aucune garantie que Tilda ne changerait pas d'avis à son sujet après dimanche, et parce que si tel était le cas il n'était pas certain qu'il pourrait lui en vouloir malgré tout. Il serait déçu, assurément, et blessé, sans doute, mais il ne lui en voudrait probablement pas. Elle lui demandait d'avoir confiance pourtant, et quelque part il en avait envie, il avait vraiment envie de croire que ces onze dernières semaines lui suffiraient pour avoir un avis sur lui, mais au fond dix semaines ce n'était pas grand chose, à l'échelle d'une vie, un grain de sable. Mais un grain de sable sur lequel il comptait pour changer la sienne pourtant, de vie. « On voir ça dimanche, d'accord ? » Il avait appuyé sa joue contre la main de Tilda, esquissant un sourire résigné. « Et si tu pas changer d'avis ... on trouver une solution, pour après. » Ça le frustrait, de ne rien pouvoir dire de plus, de ne rien pouvoir proposer de plus concret et d'être suspendu au prime de la semaine suivante, mais pour le moment il n'avait pas le choix. Il n'allait pas prendre le risque de se la jouer Jaheim en en disant trop, à six jours de la fin, ce serait vraiment trop con. « Je pas envie de penser à dimanche, pour l'instant. » avait-il finalement décidé d'un ton plus résolu, ses mains glissant jusqu'à la taille de la jeune femme pour la faire basculer sur le matelas. Ça lui faisait peur, de penser à dimanche, même s'il ne l'avouerait pas clairement, et il n'avait pas envie de passer toute sa semaine à ressasser. Approchant son visage de celui de Tilda il avait déposé ses lèvres contre son nez, doucement, et finalement contre ses lèvres tandis qu'une de ses mains glissaient entre les mèches de cheveux qui avaient échappé à la pince qu'il lui avait tendu par erreur un peu plus tôt.