enough for now
ft. Jessica & Andreja

Ce n'était pas une mauvaise idée, d'avoir réuni ainsi tout le monde sur la plage, et cela avait presque donné au nid une impression de retour en arrière, à un moment de l'émission où tant de candidats n'avaient pas déserté les lieux pour retourner à leur vie, refermant pour de bon une parenthèse qui prendrait bientôt fin pour les dix demi-finalistes. Andreja ne savait pas trop comment cela le faisait se sentir, il ne pouvait pas nier craindre un peu sa sortie, parce qu'à ce moment-là seulement il pourrait voir si sa participation avait eu l'effet recherché, et si tel n'était pas le cas il ne savait pas ce qu'il ferait. Il ne voulait pas y penser. Reste que quand bien même cet après-midi sur la plage était une idée judicieuse, rester ainsi en plein soleil quand on se payait la peau de rouquin d'Andreja, c'était donner le bâton pour se faire battre ... Et maintenant il payait le fait d'avoir snobé la crème solaire, douloureusement. Il était persuadé d'avoir vu de la biafine dans la salle de bain quelques jours plus tôt, ou presque persuadé, mais de toute évidence son ou sa propriétaire avait remis la main dessus, et ce n'était pas dans sa propre trousse de toilette qu'il risquait de trouver de quoi l'aider. Elle ne contenait que du Normison pour l'aider à dormir - bien qu'il ne se risque pas souvent à en prendre - du paracétamol, de l'albuplast et du synthol pour les coups ou les douleurs musculaires. D'un autre côté, il avait rarement l'occasion de prendre des coups de soleil et il avait fait attention jusqu'à présent ... Et puis là non, il s'était soudainement pris pour un warrior en se disant qu'à un duel entre le soleil et lui il trouverait un moyen de gagner. Ou pas. Peut-être devrait-il chercher Tilda, elle était infirmière après tout, elle devait se trimbaler avec l'équivalent d'une armoire à pharmacie dans ses affaires du coup ... ? Pendant un quart de seconde il avait presque espéré que ce soit elle, qui venait de rentrer à son tour dans la salle de bain. Mais en fin de compte il s'agissait de Jessica, et parce qu'Andreja n'était pas difficile du moment que l'on trouvait une solution à son problème, le voilà qui avait maugréé « Jessicaaa ... » comme un enfant sur le point de se plaindre d'une broutille ou de demander un truc pour lequel il savait qu'il n'aurait pas l'autorisation. Le serbe était comme une grande majorité d'hommes, du genre à serrer les dents pour les gros bobos mais à faire tout un fromage d'un petit truc sans importance. Rien de très étonnant là-dedans, le plus marquant de ses séjours à l'hôpital avait du laisser un pire souvenir au personnel médical qui avait du le gérer alors qu'il refusait de se laisser soigner, qu'à lui pourtant bien amoché. Et là, alors qu'il demandait finalement « Tu pas avoir un truc dans tes affaires, pour les coups du soleil ? Parce que, hm ... » tout en se tournant à moitié pour dévoiler ses épaules et le haut de son dos, rouge écrevisse, il avait plutôt l'air d'un gosse réclamant un pansement parce qu'il s'était coupé avec une feuille de papier. Et pourquoi pas un bisou magique tant qu'on y était, après tout. La vérité ? Il l'avait surtout mauvaise que sa seule volonté n'ait pas été suffisante pour que le soleil ne lui donne raison et n'aille brûler la peau de quelqu'un d'autre.

J'ai passé une partie de l'après avec les autres, sur le plage. On s'est tous bien amusé, je trouve, c'était sympa. Ça changeait de d'habitude, tout d'un coup je me suis sentie bien plus entourée et j'ai vraiment apprécié, surtout après avoir passé autant de temps dans le nid en petit comité, même pendant les primes on n'avait jamais l'air très proches les uns des autres, alors que là on se serait cru de retour en arrière, ou début de l'aventure. C'était chouette. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, et après ça, chacun de nous s'en est retourné à ses petites affaires. Moi, je n'ai pas fait grand chose. J'ai lu, j'ai même fini un livre, ce qui peut être considéré comme un exploit compte tenu du nombre de bouquins que j'ai commencés dans ma vie, et plus particulièrement depuis que je suis ici, et que je n'ai pas terminés. Je suis assez fière de moi quand je retourne le poser dans la bibliothèque, sur l'étagère d'où je l'ai pris. Sur le chemin du retour vers ma chambre, où je lisais et finissais mon livre donc, je ne fais pas vraiment attention à qui je croise, peu de monde en fait, mais en tournant la tête en direction de la salle de bains, je trouve la porte ouverte et quelqu'un à l'intérieur. Je m'approche pour reconnaître Andreja qui ne semble pas être au mieux de sa forme. D'ailleurs, il prononce presque mon prénom en gémissant. « Oui ? » Je réponds en m'approchant de lui, l'air un peu inquiet tout de même. Il me montre alors son dos en me demandant si je n'aurais pas de quoi le soulager dans mes affaires. « Ouh là là, oui, il t'a pas raté. » Je remarque grimaçant légèrement, osant à peine effleurer sa peau brûlée du bout de mes doigts. C'est que je voudrais pas lui faire mal, mais c'est quand même assez impressionnant. « Il frappait fort cet après-midi. » Comme tous les après-midis, en fait. Heureusement pour lui, je suis du genre flemmarde à laisser ma trousse de toilette dans la salle de bains, surtout parce qu'il m'est déjà arrivé de l'oublier en fait, et c'est assez embêtant. Du coup, je n'ai pas besoin d'aller courir à droite à gauche, juste de fouiller un peu dans mon bazar. « Tu sais, y a un truc, ça s'appelle la crème solaire, c'est pratique pour se protéger et éviter ce genre de catastrophes. » Je lui explique, même si je me doute qu'il le sait, il devait juste avoir la flemme d'en mettre, ou il voulait faire le type qui peut s'en passer. « C'est bon, je l'ai. » J'annonce fièrement dès que j'ai mis la main sur le petit tube de Biafine que j'avais pris en cas de pépins comme celui-ci. C'est drôle comme les femmes peuvent être douée pour ça, prévoir, anticiper, et prendre des trucs dont elles ne sont mêmes pas sûres d'avoir besoin elles, mais qui pourraient tout de même bien servir. Je dévisse le bouchon du tube qui est encore presque plein, je laisse sortir une bonne dose de crème, vu l'ampleur des dégâts et frictionne mes mains l'une contre l'autre. « Bon, serre les dents. » Je lui conseille avant de commencer à appliquer la crème, parce que je sais par expérience que ça fait pas du bien dès l'application, il faut le temps que la douleur s'en aille, puis ça pique et ça brûle quand même un peu après le passage des mains et la peau qui cuit, oh, le pauvre. Mais à un moment, ce sera le soulagement. Allez, c'est qu'un mauvaise moment à passer.

A cet instant-là l'arrivée de Jessica dans la salle de bain lui était apparue comme l'arrivée du Messie, ou presque. Plutôt presque, mais passons. Il faut dire que ce n'était pas vraiment dans ses habitudes, les coups de soleil, et pourtant il pouvait faire une chaleur à crever en été en Bosnie, ils avaient même la mer ... Pas qu'Andreja n'y soit souvent allé ceci dit, aller se faire griller sur une plage n'était pas vraiment le genre de ses parents, et par extension pas vraiment son genre non plus du coup. Et par conséquent il ne s'était pas assez mesuré à la fourberie du soleil par le passé pour avoir un jour retenu la leçon, celle selon laquelle il ne suffisait pas de le vouloir pour échapper aux coups de soleil. « Ouh là là, oui, il t'a pas raté. » Oui, à en juger par l'impression de s'être couché sur un barbecue on pouvait dire ça. « Il frappait fort cet après-midi. » Mais ce n'était pas de sa faute à lui ça, c'était ... de la faute de Sacha, voilà, après tout c'était lui qui avait eu l'idée d'organiser une petite sauterie en plein soleil et à l'heure la plus chaude de la journée. Mauvaise foi ? Quelle mauvaise foi ? « Tu sais, y a un truc, ça s'appelle la crème solaire, c'est pratique pour se protéger et éviter ce genre de catastrophes. » Gniagniagnia, inutile de verser ainsi du sel sur ses plaies en lui faisait remarquer sa bêtise, il avait assez mal pour l'avoir remarquée tout seul. Tirant d'ailleurs la langue comme un môme, le serbe s'était contenté de marmonner d'un ton boudeur « Oui bah ... je jamais besoin avant. » Et on voyait un peu le résultat, du coup. Du coin de l'oeil il suivait en tout cas la jeune femme tandis qu'elle fouillait dans ce qu'il supposait donc être sa trousse de toilettes, et s'il avait été du genre superstitieux il aurait même croisé les doigts pour qu'elle trouve plus vite. « C'est bon, je l'ai. » Amen. S'asseyant sur le rebord de la baignoire avec docilité il avait fait le dos rond pour le présenter à Jessica afin qu'elle fasse opérer la magie de la crème qu'elle venait de sortir de sa trousse. Il ne savait même pas ce que c'était, il n'avait pas regardé, il lui faisait confiance ... Ça ne pourrait pas faire pire que mieux, de toute façon. Tirant sur la croix autour de son cou pour la faire remonter en haut de sa nuque et ne pas la badigeonner malencontreusement de crème, il avait sursauté légèrement lorsque les doigts de Jessica s'étaient posés contre sa peau et qu'elle avait prévenu « Bon, serre les dents. » Oui bon, ce n'était pas la mer à ... Aaaah, bon d'accord, ça piquait quand même un peu, cette connerie. Ou bien cela faisait du bien ? Il ne savait pas trop, c'était désagréable et en même temps cela soulageait pas mal. Bref, un coup de soleil, quoi. « Non mais, ça être un peu n'importe quoi, quand même, il pas être normal le soleil ici ... Je JAMAIS prendre un coup du soleil avant. Et la "crème soleil" ça être pour les gens fragiles. » Pas du tout dans le déni, le serbe. Mais en même temps ce n'était plus un secret pour personne maintenant, qu'il avait un léger souci avec me fait de reconnaitre ses torts. D'abord crispé il avait tout de même senti ses épaules se détendre à mesure que les doigts de Jessica glissaient sur sa peau, et après une minute ou deux il avait laissé échapper un léger soupir de soulagement. « Merci. » Il avait fini par se relever, réajustant sa croix autour de son cou ; Il allait attendre un peu avant de remettre son tee-shirt ceci dit, ne serait-ce que parce que l'idée même de remettre un bout de tissu sur ses épaules lui donnait envie de grogner, là. « Alors ... » Il avait marqué une pause, se retournant complètement vers la jeune femme et s'appuyant sur le bord d'un des lavabos « Si tu valider ta cagnotte, tu déménager ? » Du moins c'était ce qu'il avait compris, elle avait vaguement dit vouloir quitter Chicago la dernière fois qu'ils avaient discuté, alors peut-être que c'était son but en s'inscrivant ici, l'argent, assez pour pouvoir démarrer ailleurs. Il se rendait compte qu'il ne savait même pas vraiment quelle était la raison de sa participation.

En entendant la voix suppliante d'Andreja, je ne peux que voler à son secours. Le pauvre s'est fait avoir par le soleil cet après-midi et ce n'est vraiment pas beau à voir. Je devine sans mal la douleur qu'il doit ressentir et je m'en vais immédiatement chercher dans ma trousse de toilette en lui faisant remarquer que la crème solaire ça existe, et c'est pas pour les chiens. Je remarque du coin de l'oeil qu'il me tire la langue et je souris d'un air moqueur quand il se met à grommeler qu'il n'en avait jamais eu besoin avant. « Et bien j'espère que ça t'aura servi de leçon, au moins. » Je renchéris l'air réprobateur. Toujours mettre de la crème solaire, toujours, même quand le vent s'est levé et qu'on trouve qu'il fait frais dehors, même quand le ciel est semble-t-il gris, mais tout de même assez clair, le soleil parvient toujours à passer au moins un peu au travers, et parfois juste ce qu'il faut pour faire des dégâts. Bon, en vrai, quand le ciel est couvert de nuages, j'en mets pas moi-même mais peut-être que je devrais, parce qu'après tout : mieux vaut prévenir que guérir. Mais bref. Je parviens enfin à mettre la main sur ce que je cherchais. Il va s'installer sur la baignoire pour que je puisse commencer à étaler la crème sur son dos rougit. Je lui conseille de serrer les dents en posant mes mains sur sa peau. Je sais que même si je suis la plus délicate possible, ça lui fait mal, mais je ne peux pas faire autrement. Il se met à parler, à m'expliquer que c'est le soleil qui a un problème ici parce qu'il n'avait jamais attrapé de coup avant aujourd'hui. « Sans doute l'exception qui confirme la règle. » Je commente d'un air un peu distrait alors que je continue de le badigeonner de crème tout en douceur. Quant au fait que la crème solaire, ce soit pour les faibles, je ne suis pas d'accord, non, vraiment pas. « Hm, donc je suis quelqu'un de fragile. » Je dis d'un air faussement pensif. Puis après un instant, j'ôte mes mains de son dos bouillant. « Voilà, c'est bon. Enfin faudra peut-être en remettre plus tard, tu me diras comment ça va. » S'il a besoin d'une seconde application parce que c'est trop horrible, ou si celle-ci aura suffit. Je pense que vu l'ampleur des dégâts, on remettra ça à pas plus tard que demain, mais enfin on verra. Il me remercie. Je lui adresse un sourire et je me dirige vers le lavabo le plus proche pour me rincer les doigts. Il se tourne alors vers moi et reprend la parole pour me demande si je compte déménager, dans l'hypothèse où  je validerais ma cagnotte. Je prends le temps de réflexion, le temps que mes mains soient prêtes à être séchées mais je me contente de les secouer pour les égoutter un peu avant d'essuyer le peu d'eau qu'il reste sur mes vêtements. « Je sais pas, peut-être. » Je réponds d'abord en haussant les épaules. Puis j'attrape le bouchon de la crème que je revisse sur le tube tout en gardant les yeux rivés dessus. « J'adore Chicago, mais j'ai envie, j'ai besoin, d'aller voir ailleurs. Peut-être pas déménager, mais au moins voyager, un peu. » Ou beaucoup. De toute façon, rien n'est encore joué, il y a tellement de choses que je dois prendre plus ou moins en compte à présent que je ne suis plus vraiment sûre de ce que je compte faire ou pas, de ce à quoi ma vie va ressembler après l'aventure. On se rend pas compte quand on regarde l'émission à la télé, mais ce genre d'expérience, ça peut sacrément vous changer, en tout cas moi j'ai l'impression que ça me donne matière à changer, mais peut-être qu'une fois de retour chez-moi, je reprendrais mon petit bout d'existence dans mon coin là où je l'avais laissé, comme un film ou une série qu'on met sur pause pour aller voir autre chose entre temps. « Et toi, tu comptes faire quoi après tout ça ? » S'il valide sa cagnotte ou pas, je veux dire, après l'aventure en général. Est-ce qu'il va reprendre sa vie comme si de rien n'était ou est-ce que ça va l'avoir fait évoluer ? Si c'est le cas, j'espère qu'il se souviendra que c'est quand même beaucoup grâce à moi, mais il a pas mal de mérite aussi, parce que j'y suis pour rien s'il est allé aussi loin et si la finale lui tend à présent autant, sinon plus, les bras qu'à moi.