Mine de rien, malgré la largeur de la forêt, on a vite fait le tour du propriétaire, quand on regarde. D'un côté, c'est pas plus mal, parce que qui dit plus de densité dit plus de chance de se perdre et même si j'ai un assez bon sens de l'orientation, je ne pense pas que ce soit le cas de tout le monde ici. Enfin, vous allez me dire, je m'en fiche un peu, moi, je ne suis pas contre le fait que des concurrents puissent mourir ici ou là entre deux arbres à la Hunger Games. Enfin bon. Ayant donc déjà fait le tour - plus ou moins évidemment - de ces "abysses", et puisque je suis une femme d'action, j'ai décidé d'escalader cet immense portail qui me fait face depuis approximativement cinq minutes. Depuis que je suis arrivée devant, en fait. Depuis ce moment, j'avais cherché à comment l'escalader seule, avec mes petits bras et mon corps de lâche. J'ai essayé de grimper en mettant mes pieds ici et là, dans les quelques trous que ce portail pouvait laisser apparaitre, mais non, ce fut un échec. Ca ne rime à rien. Pourquoi c'est fermé ? On veut nous cacher des choses... oui, je sais, je suis perspicace. Sauf que je ne suis pas le genre de personne à me laisser abattre face à un échec cuisant et je compte bien découvrir ce qui se cache derrière ce portail. Evidemment, j'ai une petite idée, hm... ça ne m'étonnerait pas qu'il y ait le lieu de nos prochains mois derrière ce portail. Raison de plus. Je me retourne, et je vois un petit mec, pas plus épais que moi, qui passe par là. Je cours vers lui et une fois à sa hauteur je l'attrape par le bras et je le traine avec moi vers le portail. Je ne lui demande même pas son avis, et je réalise au passage que je ne connais même pas son prénom. En gros c'est un mystère complet mais je m'en fiche un peu parce que je compte bien aller au bout de mon idée qui est de monter sur cette grille et aller de l'autre côté. Je sais très bien que je vais me faire punir mais qu'ils osent venir me chercher et me punir... c'est un défi. « Tu veux pas me faire la courte échelle s'il te plait ? » Regardez, j'suis même polie je lui dis s'il te plait. Je suis adorable.

Je me galère à manger ici, c’est un enfer. Du coup dans mon végétarisme le plus pur je pars à la recherche de plantes plus ou moins comestible, de champignons qui vont sûrement me filer la lèpre comme la candidate qu’ils ont pris pour remplir leur ratio d’être à la société. Employez des handicapés qu’ils disent, prenez déjà des valides les gars. Bref je vois qu’ici c’est pareil, no comment. Sur mon chemin pour trouver sain un truc à manger je sympathise avec une souris et une putain d’araignée qui m’a valu un cri que, je l’espère, personne n’a entendu. Je prierai ce soir pour que la sainteté m’accorde sa clémence, en général il me la file et tout se passe bien pour moi donc pourquoi pas là. Il aurait pu me prévenir pour ce qui allait arriver d’ailleurs, se retrouver une semaine en mode Surprise surprise dans des abysses c’était pas vraiment ce que j’avais demandé. Bon résultat des courses j’ai rien trouvé de satisfaisant, je me contenterais d’une tomate croquée à pleine dent. Je me meurs, filez moi un plan de travail pour l’amour de Dieu. Qu’ils se plaignent pas s’ils finissent avec un cadavre sur les bras, déjà que je suis au bord de la décomposition quotidiennement alors si en plus je peux pas me confectionner les petits plats adéquats à mon régime alimentaire je suis foutu. Mort, même. Bref j’ai mangé un repas de merde. Ca mérite bien une balade digestive, tiens. Quelques mètres plus tard tandis que je fumais tranquillement on tente de m’arracher le bras comme un malpropre en lâchant un « Oh ça va là ! » de surprise, hyper aimable comme d’habitude. Forcé à courir, trottiner, ou je ne saurais qualifier de quelle façon je me déplace, j’identifie Nirvana qui se tape une phase. Elle est pas nette. J’aime bien. Je me la ferme juste trente longues secondes le temps d’analyser la situation. Je crois comprendre la chose quand mon regard remonte le grand portail et reviens vers les yeux de biche de la grande brune. J’aime bien l’idée mais celle de lui faire la courte échelle un peu moins. Un sourire se dessine sur mes lèvres. « Et si t’y arrives tu fais quoi ? Tu m’ouvres la porte ?  » J’suis sceptique sur la générosité de la nana même si en soi… « Je t’ai monté la tente. » elle me doit quelque chose. Je la regarde avec des pupilles criant au deal. « Je la termine et je suis tout à toi. » Un sourire discret fend mon visage et je m’exécute, portant le cylindre de tabac déformé entre mes lèvres. « Mais qu’on soit clairs, si quelqu’un doit se faire dégager à coup de pied au cul ce sera pas moi. » Pas fou, hein. J’ai pas envie d’être expulsé avant même d’avoir pu tenter quoi que ce soit. Si je la trouvais conne j'en aurais profité pour faire en sorte qu'elle dégage avant le jeu, mais non même pas.

Il est clair que je suis le genre de personne qui, lorsqu'elle a une idée en tête, elle ne l'a pas ailleurs. Je n'ai personnellement jamais cherché à savoir ce que signifiait cette expression dans les détails parce que je ne suis pas sûre d'avoir envie de savoir, en fait. Enfin ceci étant dit, je ne sais toujours pas comment monter par dessus ce portail pour atteindre l'autre côté. Parce que très honnetement c'est ce que j'ai envie de faire, parce que je suis curieuse, et, j'avoue, je cherche un peu le conflit avec Cupidon parce que j'aime croire que je vais me faire punir mais bon, qu'ils osent, hein... C'est plus fort que moi, il faut que je passe. Je tourne la tête et voit ce petit mec. Ni une, ni deux, je vais vers lui, le tire par le bras et le ramène vers la grille. Je remarque au passage que c'est Léo, mon camarade de chambre - enfin si on peut appeler ça une chambre n'est-ce pas - ainsi j'aime penser qu'on est assez proches aujourd'hui pour qu'il veuille bien me faire la courte échelle. Bon en réalité on est pas proches du tout mais je cherche des arguments ou je veux n'est-ce pas. Passons. Je l'entends qui se plaint pendant que je le ramène au point de rendez-vous mais le fait que je continue d'avancer sans même dire un mot peut peut-être lui faire comprendre que je m'en fous de ces gémissements. Il en fait des manières, lui. Il pourrait au moins me rendre un service sérieusement je suis si adorable. Bref. Une fois arrivée au portail je lui demande s'il veut bien me faire la courte échelle, parce que de toutes évidences, seule, je n'arriverais pas. Très honnêtement je doute qu'il puisse réussir à me porter - non pas que je sois particulièrement lourde, c'est juste lui qui me semble très léger - mais franchement il pourrait faire un effort. Il me demande ce que je fais si j'y parviens. À mes yeux ça veut déjà dire qu'il accepte. J'aime ça. « Je ne vois pas pourquoi je ferais ça. » Bon d'accord il m'aurait aidé et alors ? C'est pour le bien de tous... bon il me dit qu'il a monté la tente. C'est vrai. Ca me fait mal de le dire, mais je lui dois un truc. « Bon, ça marche. Je t'ouvrirais la porte. » Je peux bien faire ça, c'est vrai. Il s'avère que je suis pressée de monter pour enfin découvrir ce qui se cache juste derrière ce portail et qui m'attire depuis quelques jours déjà mais non Monsieur souhaite terminer sa cigarette. « Tu sais que c'est pas bien de fumer ? » Ah ah la blague. En vrai je m'en contrefous qu'il fume ou non. Sérieusement. En plus t'as toujours une personne pour sortir "non mais la cigarette ça rend les dents jaunes et puis tu chopes des maladies et tout et tout ! han la la c'est super grave !" merci connasse on est au courant. Mais bon là très clairement c'était juste pour faire la meuf chiante, et pour faire la conversation aussi. Passons. Sa phrase suivante me fait sourire. « C'est bon on dira que c'est pas nous, on rejettera la faute sur une meuf qui passe par là on s'en fout ! » Alors oui vous allez me dire il n'y a que des caméras et des micros ici alors tout le monde là-haut - la production, quoi - doit déjà être au courant du plan de la machiavélique Nirvana et du Léo qui n'a pas eu son mot à dire. Mais je nierais quand même parce que j'ai envie. Bref, le monsieur termine sa cigarette et il me semble que c'est le moment pour qu'on tente de grimper. Il m'a l'air assez grand et je suis loin d'être petite également alors franchement ça devrait le faire. « Vas-y abaisse-toi un peu s'il te plait, pour que je pose mon pied sur tes mains, je le regarde, promis mes chaussures sont propres en dessous. » j'ai menti. Mais bon il va pas chipoter hein.

Elle est mimi Nirvana, hein. Elle est bien sympa, ouais. En fait j’dirais même qu’elle est la personne avec qui j’ai le plus d’affinité ici. Compte tenu de mon affection pour l’ensemble des candidats possédant déjà un seuil très bas, j’admets exagérer les choses. Cela dit c’est pas complètement faux, le fait de partager la tente avec elle créé un lien, un micro lien. Le lien qui lui impose mon vacarme lorsque j'me lève le matin sans aucune compassion pour son sommeil, celui qui nous inflige des soirées sombres à défaut d’avoir trouvé une lampe, celui aussi qui lui impose la fumée de ma clope dans la tente. Enfin lui imposait. Quand j’ai vu que j’risquais de mourir intoxiqué ou tout simplement carbonisé dans les flammes de la toile j’me suis dit que c’était une mauvaise idée. En second lieu vint Nirvana bien sûr, pourquoi lui imposer à elle aussi une mort certaine alors que la belle n’était venue que pour gagner de l’argent dans un lieu pour culs fragiles ? Bref tout ça pour dire que j’me retrouve devant un portail et une nana capricieuse qui veut que j’l’aide en lui faisant la courte échelle. Moi en échange j’veux bien qu’elle m’ouvre les portes du paradis. Sauf que. Elle ne voit pas pourquoi elle ferait ça. Elle ne voit pas. Ingrate. J’me gêne pas pour lui rappeler LE détail important qui l’a fait dormir sous mon toit, miss a la mémoire courte. J’ conclus avec un sourire en coin satisfait. Bien. J’tire une taffe, désireux de terminer ce moment de sérénité avec moi-même tranquillement –comme il avait commencé quoi- mais c’était sans compter sur la lourdeur de Nir. C’est un nouveau surnom, plus court et plus… nul, j’le concède. « Et toi tu sais que c’est pas bien de réclamer ? En plus d’agresser les gens, j’veux dire. » Concrètement elle m’avait alpagué comme si sa vie en dépendait pour me demander de lui servir d’escabeau. Tiens pour la peine j’prends un malin plaisir à lui recracher ma fumée sur son doux visage. Sa réflexion provoque une remontée chez mes sourcils. Elle est au courant pour les caméras ou pas ?« Ouais c’est sûr qu’on a pas de quoi être identifiés… J’me demande quand même parfois s’ils nous auraient pas intégré une puce pendant qu’on dormait. » J’lui mime le geste dans mon propre cou. J’me demande si elle a entendu quelque chose de bizarre la nuit elle car sérieusement cette théorie j’y crois. Mon mégot trouve refuge sous ma semelle, prenant soin le frotter contre le caoutchouc afin de ne pas brûler toute la forêt. Sans rien dire j’m’avance comme pour estimer la chose et docilement j’me baisse. « Pas la peine de mentir je comptais de toute façon utiliser un de tes tshirt comme torchon. Monte ! » J'en ai sûrement pas l'air mais j'aime bien son idée. Ca m'éclate et on a enfin trouvé quelque chose d'intéressant à faire. Qu'elle se lance, moi aussi j'veux savoir c'qui se trouve derrière.