Je suis beaucoup plus douée derrière un écran que pour interagir avec les gens en face de moi. Sur internet, je peux lire, relire et relire encore tout ce que j'écris, tout ce que je poste. Je peux choisir les photos que je diffuse pour ne prendre que les 'moins pires'. En somme, je contrôle ce que je fais et peux m'assurer de ne pas me ridiculiser avec mes bégaiements, mes larmes et mes rougissements. Et c'est un gros plus. C'est donc pour cela que je me dirige vers la salle de contrôle qui renferme tous les précieux ordinateurs de l'hôtel. « Salut… » J'esquisse un sourire au candidat. Si la conversation s'arrête ici, cela me va très bien. Je m'occupe de mes petites affaires, lui des siennes, et tout le monde est content. « Tu…Tu veux peut être la pièce pour toi toute seule ? » Je lève la tête vers lui. C'est fou, c'est une phrase que j'aurais pu m'entendre prononcer. Oh... euh.. non... Mais je peux partir si tu veux. Après tout, si c'est lui qui propose, je me dis qu'il doit se sentir mal à l'aise. Non ?

Entre ne pas quitter la pièce et constituer une compagnie heureuse et bienvenue, le pas est grand pour moi. Ce n’est même plus un pas, c’est un précipice... Leandro risque d’être déçu pour le coup, s’il pense que c’est avec moi qu’il pourra avoir de longues conversations. Seule dans mon coin, cela me va bien, à moi, très bien même. « En plus tu m'as l'air d'agréable compagnie alors... » Le regard que je lui adresse est un peu triste et désolé alors que je réponds, si bas que je ne suis même pas sûre d’être audible : « Raté... » Je fais quelques pas dans la pièce, posant mes yeux sur les différents écrans devant moi. « T'es venue épier les autres ? » Quoi ? Epier les autres ? Quelle idée... euh... non... C’est la que je les vois, les petites silhouettes ici et là, dans des décors que je reconnais. Mon dieu... Je m’approche et aperçois Hugo ici, Imma là... Et mon cœur bat de plus en plus vite alors que ma respiration s’accélère bien plus que d’ordinaire. La simple idée de pouvoir être observée à toute heure du jour ou de la nuit m’angoisse profondément. Je m’appuie à la table du bout des doigts pour ne pas tomber, prise de vertiges à cause de l’hyperventilation. Je n’ose même pas penser à ce que doit se dire Leandro en ce moment, je suis trop concentrée à essayer de me calmer pour chasser cette crise de panique.

Apparemment je fais fausse route, elle n’est pas d’agréable compagnie. Je l’ai entendue, oui oui. Mais je suis sur qu’elle exagère. « Laisse-moi en juger par moi-même. » On verra bien. De toute façon, au pire elle se montrera silencieuse je pense. Au moins, je doute risquer qu’elle se mette à se montrer désagréable envers moi, se moquer, m’insulter ou que sais je. C’est déjà ça. Je lui demande si elle est venue pour les écrans de vidéosurveillance. A en juger par sa réaction, je ne pense pas. Il semblerait qu’elle découvre pour la première fois cette pièce, et son utilité. Pire…Je crois bien qu’elle est en train de nous faire une crise de panique. Je la reconnais, parce que moi-même il m’est arrivé d’en faire quelques unes. « Ça va aller, tiens assis toi. » Que je dis en la soutenant, et pour qu’elle s’installe par terre, contre le mur. J’ai pas de sac en plastique par contre. Elle peut le faire dans ses mains ceci dit. « Respire lentement… » Que je lui conseille, même si bon elle doit déjà savoir tout ça. « Moi généralement, je compte à l’envers à partir de 100, ça m’aide. » M’enfin chacun est différent. Je fais du mieux que je peux pour l’aider avec mes maigres moyens. Je me demande ce qui a provoqué cette crise de panique. Se savoir épié ? C'est quand même le but du jeu, d'être filmé, alors si elle ne le découvre que maintenant...

Je me désespère, vraiment. A quoi m’attendais-je ? Sérieusement ? Je suis dans une émission de téléréalité, il y a des caméras partout, certaines n’ont même pas été cachées tellement ce voyeurisme est assumé. Mais c’est aussi pour cela que j’ai signé, enfin, que Neil m’a fait signer plutôt. Quand je lui disais que c’était une mauvaise idée... Peut être qu’en voyant ces images il comprendra enfin que j’avais raison.
Le pire dans l’histoire c’est qu’il faut que cette crise arrive devant Leandro, qui, par ailleurs, me semble être un garçon plutôt gentil. Et plus j’essaye de me calmer, plus je pense à ce qu’il doit se dire à mon sujet, et plus l’angoisse s’amplifie. Je m’enferme dans un cercle vicieux incontrôlable. « Ça va aller, tiens assis toi. » Je ne lutte pas et me laisse guider par le candidat qui m’a l’air bien intentionné et me laisse tomber par terre, contre le mur. « Respire lentement… » C’est plus facile à dire qu’à faire, j’espère qu’il en est conscient. Malgré tout, je fais tout pour y arriver, fermant même les yeux pour ne plus voir ces fichus écrans. Puis je me dis que son idée de compter n’est pas si terrible finalement. « Cent. » Inspire. « Quatre-vingt-dix-neuf. » Expire. « Quatre-vingt-dix-huit. » Expire. « Quatre-vingt-dix-sept. » Inspire. Je sens que mon cœur commence à accepter de ralentir. « Je... c-crois que ça... ça marche. »