Le prime est demain et j’pense que j’me dois d’être au top de ma force pour assurer et me récupérer une cagnotte d’enfer. C’est pas l’extase à ce niveau -à même si ça reste au-dessus des dix mille euros. Pour la cagnotte commune par contre c’est une autre histoire puisque Mylah nous fait plonger, on est le seul couple dans le rouge… étonnant dis-donc. Elle soutient que la cohésion ça sert à rien, mon cul ouais j’vais revenir fauché comme les blés à cause d’elle. Tout ce tiraillement mérite bien un petit massage car ça y est j’ai enfin décidé d’user de mon joker salle de contrôle et de profiter de ce que j’ai pu y apprendre. Kira ne m’a pas devancé, elle est beaucoup trop gentille pour ça car moi j’me gêne pas et c’est en voyant Agata trainer dans la chambre ce matin que j’me suis souvenu du service que j’avais à lui quémander. Une bière à la main j’débarque comme une fleur vers elle, elle qui est si tranquillement installée sur la terrasse. J’ai aucune affinité particulière avec elle hormis que ce soit la super pote de ma partenaire, c’qui revient donc à que dalle. « Agata, j’ai appris que tu faisais des supers-massages. » Je balance ça comme si on venait tout juste de m'en informé dans les dix dernières minutes. J’imagine que l’idée va moins l’enchanter que si j’lui proposais une nouvelle fois le corps d’Allen mais j’en ai un peu rien à foutre et j’espère qu’elle sera quand même cool sur ce coup là car moi aussi j’veux ma part du gâteau. « J’suis bloqué, tu peux m’aider ? » Moins de conviction tu meurs.

Pas question de dévoiler d’où vient mon information par question stratégique. Un jour très probablement j’aurais besoin de ressortir un des détails observé en salle de contrôle ce jour-là et il me faut conserver l’effet de surprise et l’ignorance de mes camarades. J’vais pas me griller pour un massage surtout quand j’peux tout mettre sur les plumes de mon perroquet. Ah ouais, parce que maintenant j’ai décidé que c’était le miens en fait. Maha peut me remercier. « Martin me l’a dit. » Je souris comme si Martin était mon élément stratégique le plus élaboré tel un as caché dans ma manche alors qu’il en est strictement rien. Ca elle est pas censée le savoir Agata. Elle souligne la présence de ma bière que je trouve tout à fait normale à une heure pareille. Là si j’étais chez moi ce serait la bière relax avec musiques lancée à pleine balle en attendant un pote pour occuper ma journée. J’comprends pas trop sa requête mais le principal à retenir c’est qu’elle accepte ma requête. « Pourquoi je la jetterais ? » J’vois pas trop ce que ça peut lui foutre, déjà, et le gaspillage j’suis contre. « Elle est encore à moitié pleine. » Promis je lui soufflerais pas mon halène en plein visage, de toute façon c’est théoriquement impossible pour le coup. Faisons un marché. « J’la garde et je dis rien à personne. » Le deal sera mieux comme ça car j'suis toujours là, devant elle ma bière à la main et pas prêt à la lâcher. Du moins certainement pas à le jeter.

Agata décrète qu’on boit pas de bière à onze heures. Ok. Elle vit dans quel monde ? On fait ce qu’on veut à onze heures, c’est le début de la fête. « C’est écrit dans quel manuscrit ? Celui du raffinement ? » J’sais pas j’demande comme ça parce que j’vois pas trop d’où elle sort son principe et quand bien même ça viendrait d’un bouquin du genre j’ai aucune chance d’être un jour tombé dessus. « Mh. » Je réfléchis un instant, mesurant l’avantage que j’ai à lui dire. Y a le massage en jeu donc j’peux bien lui lâcher l’info. « La salle de contrôle. » Et maintenant que je viens le lui dire elle va trouver ça d’une évidence désolante. Du coup c’est évidemment à elle que je demande même si on se connait pas plus que ça. « Ca te gêne ? » que je demande l’air de rien comme si je m’en doutais pas du tout. « C’est pas un problème on peut commencer maintenant. T’as quel âge Agata ? » J’adopte mon air de faux gamin curieux. Tant qu’à faire commençons par la question qui fâche toutes les femmes commençant à ne plus compter leurs anniversaires… ah mais c’était pas son anniversaire y a pas longtemps, en parlant de ça ? Bah si. « Non attend j’ai plus intéressant. Tu fais quoi dans la vie ? » Je la regarde plus sérieusement, toujours debout devant elle ce qui prouve bien mon indifférence quant à ses réponses même si ça peut aussi être une très bonne façon de faire sa connaissance, après tout. C’est vrai que j’lui ai jamais vraiment parlé allez savoir pourquoi. On a des âmes insensibles l’une à l’autre. Oui c’est très philosophique comme raisonnement. « Moi c’est Léo au fait. » Non je me moque pas. Pas du tout. Mais c’est la base de n’importe quelle prise de connaissance.

Je suis catégorisé d’alcoolique pour avoir une bière dans la main à onze heures du matin. D’accord visiblement on est séparé par un fossé culturel. « Carrément. J’espère au moins que ça a un côté charmant. » Ca peut faire son effet j’sais pas moi j’ose l’espérer avec mon sourire de petit con imprimé sur les lèvres. Je finis quand même par lui avouer pour la salle de contrôle puisque j’ai plus rien à y perdre et en plus d’alcoolique j’ai une nouvelle étiquette qui vient de se coller sur mon front, celle de voyeur. Génial, j’ai combien sur une échelle de 1 à 10 dans l’estime de cette fille ? -5 ? « Tu catalogues vite j’y suis resté pas plus d’une heure. » Je lui précise juste pour qu’elle se rende compte qu’elle exagère un peu sur tous les termes. Donc pour résumer on a alcoolique, voyeur et maintenant malpoli… je me demande jusqu’où la liste va mais elle a au moins un adjectif sur trois de bon. Ce me dérange pas le moins du monde de venir lui quémander un massage alors qu’on se connait pas au-delà des conversations de convenance à savoir les bonjours lâchés à la volée. « Ah ok. » Je me contente de ça comme réponse puisque de toute évidence je m’en fou un peu et je me sens pas du tout visé même si je le sais pertinemment que je suis malpoli. C’est ce qui fait mon charme, c’est aussi la raison pour laquelle Mylah me porte une admiration complète. Elle me dit être avocate. « Bah là oui ça m’intéresse maintenant. » Enfin pas vraiment mais ça m’intéresse déjà plus que si elle était, j’sais pas moi, commerciale par exemple. Enfin dans les films ça a l’air plutôt cool après en vrai j’sais pas ce que ça donne. Je m’assois à ses côtés afin qu’elle puisse s’exécuter même à contrecœur. « J’ai aucun des vices dont tu viens de m’affubler et je tente de garder un équilibre, mais je préfère à la limite que tu me parles de toi. Pourquoi avocate ? » J’aime tellement pas parler de moi que j’suis prêt à entretenir des conversations digne d’un coiffeur. Cela dit j’ai un peu menti en me dédouanant de l’adjectif de profiteur mais peu importe. « Si je comprends bien par définition t’es quelqu’un qui sait tourner les choses en ta faveur. » C’est le rôle des avocats en règle générale. C’est les rois des fourbes et j’dois avouer que je la voyais pas dans ce rôle.