+ @Leandro.

Le prime fini, elle a hésité, mais elle n'était pas revenue que pour écouter les secrets des autres et soutenir Shay. Une fois passée en coulisses, elle traîne sa valise dans toute la maison, descendant à tous les étages avec l'ascenseur pour se mettre à la recherche de Leandro. Elle n'a même pas pensé à poser sa valise avant, en fait, elle se la traîne partout dans un vacarme de roulettes en plastique armé. D'ordinaire elle aurait évité, pour éviter la fatigue, mais à vrai dire ce soir elle n'est vraiment pas fatiguée, tout ça l'a réveillée. Elle fait toutes les chambres une par une, manquant de rester coincée derrière les barreaux de peu, la cuisine, le cinéma, pour finalement atteindre le toit. Personne à la piscine, mais elle contourne pour atteindre la terrasse, et bingo ! Le voilà. Elle se contente de lâcher la poignée de sa valise en un soupir rassuré, les bras ballants. « Oh purée merci, t'étais là ! Non parce que je t'ai pas vu au prime alors ça y'est, je me suis dit "voilà c'est trop tard il est parti juste avant et je l'ai raté de peu", je me voyais déjà me taper une sale honte en te cherchant partout jusqu'à ce que quelqu'un, genre Léo ou Lamine me dise que t'es pas là et que j'ai refait ma valise pour rien et qu'on se foute de moi encore... » s'exclame-t-elle sans saluer, alors qu'il n'a même pas vu qu'elle était là, en fait, partant dans ses délires idiots - toutefois véridiques, elle a pensé tout ça, c'est bien pour ça qu'elle le dit, comme d'habitude. Et elle marque une pause avant de croiser les bras sur la poitrine avec un air faussement et exagérément contrarié. « Et d'ailleurs c'est quoi cette histoire là, moi j'étais pas partie pour que ça parte en eau de boudin mais elle a fait la poule mouillée et en plus elle a même pas été sympa ! Je suis venue réclamer un remboursement, » fait-elle en fronçant les sourcils, avant d'avoir un rire et de décroiser les bras pour mettre fin à la blague - un peu nulle, ça aussi, c'est une habitude. « Je plaisante, enfin, euh, je crois que ça se voit... » ajoute-t-elle en retirant son chapeau de paille du prime, avec un rire un peu gêné. Vraiment naze, comme blague, mais n'empêche qu'elle en veut un peu à Adélie de s'être comportée de la sorte, c'était vraiment pas très classe. Et bourré de négativité et de défaitisme, aussi, les trucs que Sailor déteste le plus, surtout quand elle sait qu'Adélie est un peu comme elle, c'est une gosse du service pédiatrique. Elle pose son chapeau sur la valise et lève les paumes de ses mains dans un geste un peu impuissant. « Je suis désolée... que ça se finisse comme ça, et puis, le reste... » fait-elle avec un petit sourire, faute de mieux. L'élimination, les dernières semaines chaotiques, ce qu'a dit Adélie et son manque de tact, et puis son secret, aussi. Pour le coup elle est bien contente d'être là. Après sa phrase, elle croise enfin le regard de Leandro qu'elle avait jusque là évité soigneusement à coup de monologues absurdes, et son coeur fait un sursaut alors qu'elle se sent devenir pivoine. « Me regarde pas comme si t'avais vu un fantôme, ça me perturbe, » fait-elle avec un rire nerveux en cachant ses joues.

Voilà. Le moment que je redoutais est passé. Mon secret n’est plus. Le monde entier connait la vérité. Cela n’a pas été une épreuve facile à passer pour moi, mais c’est fait. J’en suis encore un peu chamboulé. Si bien que sur le prime, je me suis fais très discret, ne souhaitant parler à personne. Si ce n’était pas pour les résultats, je me serais éclipsé ni vu ni connu. Mais je voulais quand même savoir qui allait en finale. Et même si ce n’est clairement pas mon carré idéal, je suis très content pour ma partenaire. Maintenant il ne lui reste plus qu’à aller chercher la victoire, même si ça semble assez compliqué. Pour ma part, je ne pense pas rester pour la semaine. J’espère que Mack ne m’en tiendra pas rigueur. Mais j’ai déjà fais une semaine de rab…et elle était surement de trop. Compte tenu des circonstances, j’aurais mieux fais de partir le soir de mon élimination, et ne revenir qu’aujourd’hui pour mon secret. Parce que bon, si j’avais su que ça se passerait ainsi, j’aurais surement plié bagages plus tôt. J’essaie de chasser Adélie de mes pensées, alors que je monte sur le toit, histoire de prendre l’air, et de m’isoler. Je pense que je partirais demain au petit matin. Il est presque 2h du matin, je suis fatigué, je ne me vois pas me plonger dans la grande inconnue la tout de suite. Non ça attendra quelques heures. J’en suis à ma deuxième clope, lorsque j’entends ce qui ressemble à un bruit de roulettes sur ma gauche. Debout, accoudé à la rambarde, je tourne la tête, pour apercevoir Sailor. Euh, depuis quand elle est là ? C’est bien elle, je n’ai pas une hallucination ? Mais vu son débit de paroles, oui oui, il n’y a aucunes doutes, l’asiatique est de retour. « T’inquiètes je suis toujours là. Je suis pas du genre à partir en catimini. » Je ferais mes adieux à tout le monde. Je compte pas partir par la petite porte, sans que personne ne s’en rende compte, ce n’est pas correct. Surtout que pour certains, c’est peut être la dernière fois que je les vois. Ça me fait bizarre. « Et d'ailleurs c'est quoi cette histoire là, moi j'étais pas partie pour que ça parte en eau de boudin mais elle a fait la poule mouillée et en plus elle a même pas été sympa ! Je suis venue réclamer un remboursement. » Je ne suis pas d’humeur à rire, pas là-dessus. Probablement sur pas grand-chose ce soir en fait. Elle ne tombe pas au meilleur moment. Et puis c’est encore tout frais Adélie. « Elle a fait ce qu’il y a de mieux pour elle. » Que je me contente de répondre en haussant les épaules. Me virer avant qu’elle ne s’attache trop. Le problème, c’est que moi, j’étais déjà trop attaché. « Alors tant mieux si ça marche pour elle… » Si ça lui permet de ne pas souffrir, et bien tant mieux. De toute façon moi je suis tellement habitué que je ne suis plus à ça près. Il y a un proverbe qui dit « malheureux au jeu, heureux en amour », ou bien l’inverse comme on veut. Et bien moi ce n’est ni l’un ni l’autre. Un jour peut être ça tournera, je l’espère. Mais ce n’est clairement pas encore à l’ordre du jour. J’écrase ma clope dans le cendrier posé sur la petite table à côté, avant de me diriger vers Sailor et de la prendre dans mes bras. « Je suis content de te revoir. » que je dis en la serrant. Quelques secondes, avant de finalement la relâcher. « Mais désolé, tu tombes pas au meilleur moment… Je ne suis pas de super compagnie. »

Sailor ne trouve rien à dire sur la tête que fait Leandro quand elle évoque Adélie, à part faire la grimace. Il a pas grand chose à se reprocher lui, il a fait ce qu'il pouvait pour que ça marche, mais c'est plutôt elle qui a laissé faire alors qu'elle n'aurait jamais dû. Alors elle affiche une moue contrariée. « Si tu veux mon avis elle aurait surtout bien besoin d'une bonne piqûre de joie de vivre, hein, mais moi ce que j'en dis... » marmonne-t-elle rapidement. Non, bah oui elle est pas forcément la mieux placée pour parler, chacun son problème, mais ça l'agace quand même de voir des gens broyer du noir et de le broyer tellement que les autres en pâtissent. En plus, son argument du voyage, c'est bien du flan, elle a gagné du fric, elle, contrairement à Leandro, faut croire qu'elle veut se le garder pour des plans qui n'ont rien à voir avec lui. Grand bien lui fasse, mais c'était quand même un mauvais argument. Elle laisse un silence, pour finalement retrouver un sourire, parce que de toutes façons, elle sait faire que ça. Il la salue en la serrant dans ses bras, et elle l'observe pour finalement lui pincer les joues en riant. « Dis donc, t'es trop jeune pour tirer une tête pareille pour ça, est-ce que je fais la tête moi ? » s'exclame-t-elle d'un ton léger. Bon, d'accord, mauvais exemple, sachant qu'elle a inauguré les larmes en partant, mais c'était pas vraiment pour ça, plutôt un ensemble de trucs qui marinaient depuis un paquet d'années, surtout. Et puis prendre l'air, ça lui avait fait du bien. Mais ce n'était qu'un flirt de plus, et il est pas vieux, il a largement le temps, encore le temps de s'en remettre rapidement aussi, d'ailleurs. Et puis elle se rappelle d'un truc, lève une main. « Je t'ai ramené un truc de Disneyland, attends... roh, j'ai trop de trucs dans cette valise, elle est plus grosse que moi, » fait-elle en s'asseyant par terre pour ouvrir l'énorme malle et en sortir des paquets, principalement des cadeaux pour sa famille, et puis celui de Leandro, dans une poche plastique à l'effigie de Mickey. « Attends, regarde pas... » ajoute-t-elle en se redressant. Elle sort aussi un petit miroir de poche de son sac à main, et place alors le serre-tête oreilles de Mickey sur la tête de son camarade. « Et voilà, superbe ! » s'exclame-t-elle en ouvrant le miroir pour lui montrer le résultat. Elle est nulle en cadeaux, mais elle voulait ramener un truc, et elle avait pas de bonne idée, alors voilà. « Bon, ça sert absolument à rien mais si un jour t'as besoin de rigoler un coup, tu les remets sur ta tête et tu regardes dans le miroir, » fait-elle en haussant les épaules, en fourrant toutes ses affaires à nouveau dans la valise, en tas. Et puis elle se relève pour s'appuyer sur la rambarde et grimper à moitié dessus, pour profiter de la vue nocturne. « Je suis sûre que t'avais jamais fumé une cigarette avec des oreilles de Mickey de ta vie, » ajoute Sailor avec un rire. Elle aussi elle a sa paire d'oreilles de Minnie, c'est le genre de truc inévitable à ramener de Disneyland, mais si elle les sort maintenant, elle va passer pour une espèce de stalkeuse flippante. Il y a un silence, elle sait pas trop quoi dire de plus, elle est pas non plus là pour se mêler de ce qui ne la regarde pas, même si elle a déjà un peu commencé. Mais à la tête que fait Leandro, elle se doit de dire quelque chose. « J'ai pas l'air, parce que je sais faire que ça, raconter n'importe quoi ou jouer les syndromes de Peter Pan, mais je sais aussi discuter sérieusement, si jamais, » fait-elle en haussant les épaules. Y'en a beaucoup qui voient jamais vraiment plus loin que son côté grand enfant, quand ils la rencontrent, alors qu'elle est juste une jeune adulte de bientôt dix-neuf ans. Quatre jours après la finale, en plus, mais elle sera sans doute rentrée à Guam, d'ici là.

Adélie, c’était quand même la grande copine de Sailor dans le jeu. Mais je sens qu’aujourd’hui, elle a quelques rancœurs envers la demoiselle. Et j’en suis la principale cause. C’est un peu dommage je trouve d’ailleurs. « Si tu veux mon avis elle aurait surtout bien besoin d'une bonne piqûre de joie de vivre, hein, mais moi ce que j'en dis... » Je ne vais pas faire de commentaires là-dessus, parce que je suis assez mal placé. « Elle se protège…C’est son droit. Et puis dans le fond elle a raison, quel avenir on a ? » Moi ce que je voulais, c’était profiter à fond des derniers moments ensemble, avant qu’on ait à se séparer. Et tans pis si ça faisait encore plus mal après d’avoir à se quitter. C’est alors qu’elle me pince les joues. Hm, je déteste qu’on fasse ça. « Dis donc, t'es trop jeune pour tirer une tête pareille pour ça, est-ce que je fais la tête moi ? » Oui, enfin nos deux situations ne sont pas les mêmes. « Oui…Enfin c’est le tout… » Il n’y a pas qu’Adélie, mais la révélation du secret, l’impact sur l’extérieur, ma sortie proche… Le fait d’avoir à me replonger dans tout ça. Alors que ce sont des souvenirs que je préfèrerais oublier, même si ce n’est pas possible. Ils sont profondément ancrés dans ma mémoire. Parfois, j’envierais presque les amnésiques. Ne plus se souvenir de rien. Toute la souffrance, envolée. « Tu m’aurais connu il y a quelques années, tu ne m’aurais pas aimé… » Parce qu’alors on ne peut pas dire que j’étais monsieur joie de vivre, bien au contraire. Mr Dépressif en personne. Aujourd’hui ça va mieux, même si j’ai parfois des périodes de déprime. Ça me tombe dessus sans prévenir. C’est alors qu’elle m’annonce m’avoir ramené un truc venant de DisneyLand. Quoi donc ? Elle met du temps à le trouver dans sa valise, ça a l’air d’être un vrai foutoir, il y en a des choses là dedans. Comme je ne dois pas regarder, je ferme les yeux. Je la sens me mettre quelque chose sur la tête. Qu’est ce qu’elle a encore préparé ? J’ouvre finalement les yeux lorsqu’elle déclare avoir fini. Elle me tend une petite glace pour que je puisse constater le résultat. J’ai des oreilles de Mickey sur la tête. « Bon, ça sert absolument à rien mais si un jour t'as besoin de rigoler un coup, tu les remets sur ta tête et tu regardes dans le miroir, » Je n’aime pas l’image que je renvoie, je déteste me regarder dans un miroir, alors je doute que ça me fasse rire tant rire que ça dans le futur. Sur elle, ça marcherait surement beaucoup mieux. « Il suffit de penser à toi pour redonner  le sourire. » Elle déclare alors que j’avais surement jamais fumé avec ça sur la tête. « Ah non ça c’est sur, c’est une première. » Que je réplique un sourire sur les lèvres, amusé. « Merci, je le conserverais précieusement. » Et puis y a un petit silence qui s’installe, et finalement elle reprend beaucoup plus sérieusement. Comme quoi elle sait faire autre chose que déconner, même si on ne dirait pas comme ça. J’enlève finalement mes oreilles de mickey, parce que c’est difficile d’être prit au sérieux ainsi. « Je sais. » Je ne la vois pas comme la fille qui ne sait qu’amuser la galerie, et ne rien prendre au sérieux. « Mais je ne vois pas ce qu’il y a à dire de plus… Je dois juste vivre avec ça pour le restant de mes jours… » D’avoir détruit ma famille. « Je ne sais pas comment font mon frère et ma sœur. Ils n’ont pas l’air de m’en vouloir alors que… » Il y aurait largement de quoi.

Bah, elle est pas d'accord avec bien des choses, mais c'est sans doute pas le moment de tout déballer, ni vraiment ses oignons. Et puis c'est pas à Leandro de dire tout ça, parce que c'est pas avec lui qu'elle est en désaccord, même si sa mine désabusée laisse Sailor soucieuse. Elle se contente de lever les mains pour abdiquer. « Moi, je dis plus rien, c'est pas mes affaires, mais je suis quand même pas d'accord avec plein de trucs, » fait-elle pour clore le sujet. Mais causer comme l'a fait Adélie après avoir subi une greffe d'organe majeure et à à peine vingt et un ans, ça la fait grimacer. C'est beaucoup trop jeune pour baisser déjà les bras devant des opportunités ou des voies qui s'ouvrent devant elle. Dans ces cas-là, Sailor ne peut jamais s'empêcher de penser à tous les mômes qui ont pas eu leur chance, à elle ou à Adélie, et qui n'ont pas eu le droit de grandir, et ça l'agace encore plus. En plus, elle n'était ni là pour son élimination, ni pour sa propre demi-finale, avec tout ça, ça conforte Sailor dans l'idée qu'au fond, elle s'en fiche pas mal, sauf peut-être de Clarke. Bien sûr qu'il affiche une mine contrariée pour un tout, elle a eu la même chose il y a deux semaines, la goutte d'eau qui fait déborder le vase, alors Sailor hoche la tête. « Oh, je sais bien, » fait-elle avec un sourire. Et puis elle tape dans ses mains et prend une pose de coach de boxeur. « Bon, allez, je fais entorse à ma philosophie, tu as le droit de pleurer et de te rouler par terre et de hurler et d'insulter qui tu peux pour les... trente prochaines minutes, » s'exclame-t-elle en regardant sa petite montre, « et après, on se reprend ! » Et puis elle rit un peu, pour finir sur le ton de la plaisanterie. C'est une blague, il peut pleurer quand il veut, déjà qu'elle est chiante, elle va pas le gonfler là-dessus non plus, mais plaisanter, elle sait faire que ça. D'ailleurs, sa remarque sur ce qu'il était "avant" la fait rire légèrement. « Et je pense que tu m'aurais détestée avant même de venir me parler aussi ! David aussi, il me détestait, avant, enfin, c'était différent, mais quand même, j'étais l'emmerdeuse qui venait foutre le bazar et faire du bruit quand il voulait regarder un film tranquille... » fait-elle d'un ton enjoué. On a tous nos phases, après tout, avec ce qu'il a traversé, et elle aussi, ils ont bien le droit, même s'il s'agit d'évènements radicalement différents. Elle était hyperactive, plus qu'aujourd'hui, elle n'écoutait rien ni personne, elle faisait n'importe quoi et faisait rager ses parents, sa soeur, bien que jeune, levait les yeux au ciel à chaque fois que sa famille était convoquée à l'hôpital pour une nouvelle bêtise. Et même si c'était différent aussi, David aussi, il l'avait détestée, au début, avant qu'elle ne se retrouve coincée avec lui dans la chambre pour les traitements pour les immuno-déficients. Au final, si elle ne s'était pas accrochée, il serait probablement parti terriblement seul, et elle en garde un souvenir positif. Sailor a ramené une babiole de Disneyland, mais il n'a pas l'air complètement emballé par l'idée, préférant lui renvoyer la balle en disant que c'est plutôt sa tête qui le ferait rire. « Tu parles, une fois rentré chez toi je crois que tu vas surtout apprécier le silence ! » réplique-t-elle en rigolant. A moins que son strabisme ne soit complètement hilarant, en fait. « Et si t'as besoin d'entendre du bruit, t'as qu'à appeler, c'est le même pays, et puis même si c'est la nuit, à cause du décalage et tout, je répondrai, » ajoute-t-elle en se rapprochant de la rambarde pour s'asseoir dessus, malgré la hauteur de l'étage. Même pas peur. Le silence tombe, mais elle sent bien qu'elle se doit de bousculer un peu les choses, ou du moins d'essayer d'alléger un peu l'esprit de Leandro, qui a l'air toujours aussi contrarié, malgré les oreilles de Mickey. Finalement, Leandro prononce quelques mots qui semblent aller dans le bon sens, évoquant des bribes de son secret et de son passé. Elle écoute patiemment. Sa remarque sur sa famille lui arrache un léger sourire bienveillant. « Moi c'est le contraire qui m'aurait étonnée... » fait-elle en balançant légèrement ses jambes dans le vide, assise au bord de la terrasse. Elle réfléchit avant de parler, ça lui arrive pas souvent, mais c'est un sujet sérieux et important. « C'est ta famille, c'est ton frère et ta soeur, et c'est eux qui te connaissent le mieux, non ? Ils savent ce qu'il s'est passé, qui tu est, et parce que c'est ta famille, ils t'ont pardonné... » continue-t-elle au fil de sa pensée en fixant ses orteils pendus dans le vide. « Je ferais des trucs un peu dingue pour ma petite soeur, je crois que ça doit être pareil chez toi... » ajoute-t-elle en se retournant vers son camarade. Elle manque par la même occasion de faire tomber l'un de ses mocassins dans le buisson trois étages plus bas, de justesse rattrapé par son autre pied. « Vous avez l'air d'être une super famille, et la malchance qui vous est tombé dessus, c'est pas juste, » conclut-elle finalement en haussant les épaules. Elle peut pas dire grand chose d'autre, parce qu'elle sait que Leandro est quelqu'un de bien qui n'aurait jamais fait de mal à personne volontairement, c'est un coup du sort, bien dégueulasse, mais un coup du sort. Elle peut pas en dire plus parce qu'elle ne connaît pas les détails, elle ne les connaît pas personnellement, mais si y'a un truc qu'elle sait, c'est bien que Leandro est quelqu'un de bien.

Oui elle a raison, ce ne sont pas ses affaires. D’autant qu’elle ne peut pas être très objective compte tenu de la situation. Elle n’a pas le recul nécessaire. De mon côté je ne vais pas accabler Adélie de reproches, ce n’est pas mon genre. Je suis juste…Je ne sais pas…triste ? Oui c’est peut être le mot. Du fait qu’elle va très probablement sortir de ma vie – si ce n’est déjà fait – et que je ne la reverrais plus. Puisqu’elle n’a pas émit le souhait de me revoir une fois à l’extérieur. C’est quand même ma veine, toujours m’éprendre des mauvaises personnes. Elle déclare alors que j’ai le droit de craquer, mais pour trente minute. Allez c’est le moment. « Hm non ça ira. » Je suis un grand garçon, je sais me contrôler. Je lui dis alors qu’elle ne m’aurait pas aimé il y a quelques années. Parce qu’elle n’aime pas les gens qui tirent la tronche et à cette époque, j’étais exactement ça. Et selon elle, c’est pareille, je l’aurais détestée. Hm je suis pas certain. « Oh pourquoi, tu n’es plus une emmerdeuse aujourd’hui ? » Que je réponds avec humour. « David… C’est la première fois que je t’entends parler de lui. C’est qui ? » Je me doute que c’est un garçon qu’elle a rencontré à l’hopital, vu qu’elle a passé toute son enfance là bas. Et de fait, qui doit être malade lui aussi. Sinon pourquoi trainerait il dans les hôpitaux ? Bon ceci dit je suis peut être complètement à coté de la plaque. Selon elle, une fois chez moi, je vais apprécier le silence. Au contraire, je pense qu’il va m’effrayer. Ça va être beaucoup beaucoup trop silencieux. « D’accord je n’hésiterais pas alors ! Et je la jouerais pas Scream, promis. » Que je rajoute en plaisantant. « Je ne sais même pas le décalage horaire qu’il y a entre le Texas et Guam… » Que je m’interroge alors. Peut être qu’elle le connait. Puis je parle plus sérieusement. Me confiant à elle. Ayant du mal à comprendre comme mon frère et ma sœur n’ont aucunes rancœurs à mon égard. Ou alors ils sont très doués pour le cacher. Pour Sailor, ça ne l’étonne pas. « Je n’ai qu’eux. Le reste de ma famille, pas si super… » De base, on est une petite famille. Mon père n’a jamais connu ses parents. Il est fils unique. Quant à ma mère, elle a bien une sœur, qui a eu des enfants, mais elle a coupé les ponts lorsque le drame est arrivé. Même chose pour mes grands parents maternels. Ils ne voulaient rien avoir affaire avec le tueur de leur fille chérie. Ils l’ont toujours idolâtré, alors qu’elle était loin d’être un exemple… Ils ont toujours eu des œillères dès qu’il était question d’elle, ils n’ont jamais voulu voir la personne qu’elle était devenue. « Mais c’est vrai que j’ai de la chance de les avoir. » Je ne sais pas comment j’aurais fais sans eux, surtout ma sœur. C’est elle qui nous a prit en charge, qui en quelque sorte à prit le rôle de parents. « Même si je ne suis pas sur de les mériter. » Peut être qu’ils ont trouvé la force de me pardonner oui, malheureusement je ne peux pas en dire autant de moi. Un jour peut être, j’y arriverais.

Oui, bon, c'est sûr qu'elle est toujours chiante, elle parle beaucoup, elle remue, bref, c'est bien le genre de nana qu'on peut facilement détester parce qu'elle fatigue tout le monde. Mais faut pas croire, ça a vraiment été pire, dans le temps. La pique lancée par Leandro la fait sourire et elle prend une expression faussement vexée. « Tsss, » souffle-t-elle en donnant un petit coup de poing dans le bras de son camarade en guise de vengeance. Cela dit elle a bien tendu la perche, faut le dire. « Non, mais oui, je le suis toujours, mais c'était pire, parce qu'en plus, je crois que j'étais complètement incontrôlable, et un peu égoïste aussi, du coup, enfin, bref, insupportable, » renchérit-elle histoire de préciser. Elle a mentionné David à voix haute pour la première fois depuis trois mois, apparemment, c'était pas forcément volontaire, ni d'en parler, ni de le passer sous silence. En général, elle évite, parce qu'elle a pas trop envie d'imposer ses histoires un peu tristes, mais ça ne la dérange pas non plus d'en parler. « C'était le rabat-joie de la chambre d'à-côté... » commence-t-elle avec un petit rire. Ca pour être rabat-joie, c'était un vrai casse-pieds, au début. « J'avais... seize ans ? à l'époque, lui il me détestait, comme j'ai dit, et moi, beh j'y prêtais aucune attention si ça n'impliquait pas l'un des pièges que j'avais tendus aux infirmières... et puis un jour, après une chimio bien corsée, on s'est retrouvés dans la même chambre, parce que lui aussi il devait être en chambre stérile, pour son traitement, bref, et moi, je parle toujours tout le temps, alors on a parlé, » raconte-t-elle avec un sourire sur le visage. Parler, bref, au début, c'était surtout pour lui dire de la boucler, mais au fil du temps il s'est habitué, et au final, il pouvait plus se passer de son sens de l'humour... décapant. « C'est des choses qui arrivent quand on vit littéralement au service, on est restés ensemble à se soutenir pendant deux ans... c'était quelqu'un de génial, en fait, » ajoute-t-elle. Surtout quand on a seize ans et qu'on est truffés d'hormones, sans pouvoir aller s'amuser à minauder devant les garçons avec les copines, et vice-versa. N'empêche que c'était quand même chouette. Cela dit, l'issue était décidée depuis le début. Sailor lève les paumes de ses mains vers le ciel en signe d'impuissance. « La mucoviscidose, et voilà, il était sous assistance respiratoire tout ce temps en attendant une greffe de poumons, mais elle est jamais arrivée, » fait-elle. Inévitable, on fait pas de miracles, après tout. Et être sur liste de greffe sur une île comme Guam, c'est quasiment foutu d'avance. « Mais j'ai pas pleuré, parce qu'on sait tous comment ça marche, là-bas, au bout d'un moment, c'est comme ça, tout ce qu'on peut faire, c'est rester et les soutenir jusqu'au bout, » précise-t-elle en souriant. Ils auraient passé deux chouettes années, quand même. « Juste après, les médecins m'ont dit que j'étais en rémission et que je pouvais rentrer chez moi, c'est un peu ironique, on aurait dit une récompense pour bons et loyaux services, un peu plus et j'avais une médaille en chocolat, » ajoute-t-elle avec un rire. Et puis voilà, retour à l'école après des années de cours à la maison et à l'hôpital, on reprend le cours de notre vie comme si de rien n'était. Sailor secoue finalement ses mains pour couper court à l'ambiance un peu plombante qu'elle vient de poser sur la conversation pourtant bien partie. « Enfin, on est pas là pour ça, hein, c'est des histoires du passé, ça, » fait-elle. Etant dans le même pays, techniquement, ça devrait pas coûter trop cher de téléphoner, et puis sinon, y'a bien Internet. Elle essaie de compter sur ses doigts le nombre de fuseaux horaires entre Guam et le Texas, mais il lui manque des informations. « Euh... attends je compte... Los Angeles a dix-sept heures de moins que Guam, mais comme le Texas c'est un peu plus près heu... » commence-t-elle en levant les yeux au ciel pour réfléchir. En plus, le Texas est à cheval sur deux ou trois fuseaux, ça aide pas trop. « Ca dépend de quelle ville mais un truc genre... quinze heures ? Seize heures de moins ? » conclut-elle, peu certaine de sa réponse. Et puis elle hausse les épaules. « Mais je m'en fiche, je décroche quand même, j'irai parler fort dehors pour réveiller personne, » termine-t-elle avec un rire. Et puis elle finit par jouer les équilibristes pour s'asseoir sur la rambarde et balancer les jambes, ça donne un peu le ton du prochain sujet de conversation. C'est triste, tout ce qui lui arrive, mais ses frères et soeurs sont là quand même. Le reste de sa famille leur a tourné le dos, tant pis pour eux, c'est qu'ils n'en valaient sans doute pas le coup non plus. « Mais t'es quand même pas tout seul, et j'imagine que c'est eux les plus importants, non ? » fait-elle en se retournant vers Leandro en se penchant en arrière vers la terrasse. Il a peur de ne pas les mériter, c'est vrai que dans ces situations là, c'est surtout de se pardonner à soi-même, le plus difficile, et ça, c'est pas elle qui pourra y faire grand chose. Peut-être sa famille, à la limite, mais c'est surtout un travail sur soi, et sans doute quelque chose qu'il se traînera pendant longtemps. N'empêche qu'elle veut quand même donner son avis, scrutant ses mocassins, les jambes tendues devant elle. « Moi, je pense que tu es quelqu'un de bien qui a été victime d'un coup du sort cruel. Sinon, tu dirais pas ça, et tu serais pas là, » fait-elle calmement. Un mec mauvais, il regretterait pas, il viendrait pas rétablir la vérité pour son père décédé, il affirmerait pas ne pas mériter le soutien et l'amour de sa famille. C'est pas un mec mauvais, c'est un type bien, qui a des faiblesses, et dont les circonstances ont mené à quelque chose de tragique. C'est sans doute pas le seul non plus. La dernière phrase de Leandro lui arrache une nouvelle question. « Tu crois pas que les gens bien ont droit à une seconde chance ? » fait-elle en se retournant. Ses frères et soeurs lui ont donné sa seconde chance, et ils ont bien raison. Son père aussi l'a fait, visiblement, c'est admirable. Ca vaut aussi sans doute pour tous les gosses malades qui aimeraient guérir. Sailor, elle sait pas si elle est quelqu'un de bien, mais niveau chances de rechange, elle est en train de concurrencer les chats, alors elle s'en plaint pas, au contraire, c'est bien pour ça qu'elle en profite.