Putain, j'ai jamais eu autant de mal à cliquer sur le bouton envoyer. À partir du moment où ce statut sera posté sur le twitter de Nicola, y'aura plus moyen de reculer. Je sais dans quoi je m'apprête à foutre les pieds, enfin, je crois. Des mois et des mois à l'entendre me parler de réservation de salle, de bouquets de fleurs, de sa robe à ajuster... ouais, je pense à tout ça parce que sa réponse, je la connais déjà en fait. Je veux dire, je la connais Nicola, elle rêve que je lui fasse ma demande et je serais même pas étonné qu'elle nous fasse un malaise en voyant la photo. Elle doit être loin de m'imaginer capable de la demander en mariage sur twitter, mais j'suis un mec surprenant, moi, c'est pas nouveau. On est quand même en droit de se demander pourquoi je me décide, tout d'un coup. Je me suis pas levé ce matin en me disant, tiens, si tu lui faisais ta demande qu'on rigole. Non hein, ça fait des jours que je prépare mon coup, vous croyez quoi, j'y ai beaucoup réfléchi avant de me lancer et d'acheter la bague. D'ailleurs, sacré trou dans notre budget ça, j'ai intérêt à mettre le paquet pour faire oublier ce détail, à savoir le coût exorbitant de la bague. En même temps Nicola mérite ce qui se fait de mieux, il était pas question de lui prendre un pauvre truc à cent euros quoi, j'aurais pu assumer dans dix ans. Elle va devenir hystérique, je le sens pas, mais bon je préfère carrément ça au fait qu'elle n'ait pas de réaction. C'est le mariage que je lui propose là, on rigole plus, c'est sérieux. Je veux faire ma vie avec cette fille, j'espère que ça va signifier quelque chose pour elle. On est ensemble depuis un an et demi, dans ces eaux-là, j'ai pas l'impression qu'on va trop vite non. Si je suis sûr de moi, je vois pas pourquoi je devrais attendre un an de plus, à quoi bon. La dernière fois je lui ai fait croire que je partageais pas ses délires mais c'était pour qu'elle ne voit rien venir le moment venu, bien sûr. Là, j'suis certain de la surprendre et d'en faire la nana la plus heureuse du monde le temps d'une soirée, ouais, je conçois pas les choses autrement de toute façon. Alors voilà, j'estime que je suis prêt, je n'ai plus qu'à poster la fameuse photo sur sa page pour rendre ma demande officielle. J'ai choisi de la faire partager à tout le monde parce qu'on fonctionne comme ça avec Nicola, comme elle travaille beaucoup on se parle sur les réseaux sociaux pendant la journée parce que moi je fais un peu office de glandeur, pour le moment, dans notre couple. Un, deux, trois ... c'est posté. Gros coup de pression là mine de rien, je viens juste de sceller mon avenir, je sais pas si vous réalisez le truc. À vrai dire je m'attends pas à une réponse immédiate car pour moi, Nicola est tombée dans les pommes en voyant mon statut. Et en fait, sa réponse j'y ai droit quelques minutes après seulement, bon, sans surprise elle est au bout de sa vie quoi. Enfin ce que je retiens surtout c'est le oui, on touche quelque chose de concret là, et c'est vrai que sur le moment je me retiens de danser partout. J'avais beau pas douter de sa réponse, elle me comble, c'est bon ma soirée est faite avec ça. Et maintenant je suppose que je vais devoir attendre son retour comme tous les soirs, hm, en espérant qu'elle sera pas retenue super tard comme c'est le cas parfois. Du coup quand elle passe la porte à peine une heure plus tard bah je suis sur le cul, j'en conclus qu'elle a quitté le boulot plus tôt pour me retrouver, si ça se trouve la nouvelle a déjà fait le tour de la Maison Blanche d'ailleurs. Des tas de personnes sont au courant là de toute façon après mon message sur twitter, alors quelques unes de plus ça va pas changer grand-chose ni me poser problème. J'peux même pas prétendre au piratage de mon compte à cause de la photo, bah oui on voit ma gueule, rah pour la touche d'humour on repassera donc. Quand elle arrive je peux tout de suite sentir l'émotion qui la gagne, je la ressens dans sa voix, dans sa posture, et face à elle je suis loin de faire le malin je peux vous le dire. Attention, réplique de lover à deux francs imminente. « fou de toi. » et pour faire oublier ce cruel manque d'originalité, je m'approche d'elle pour saisir ses mains, avant de déposer un baiser dans le creux de son cou. Je ressens tout de suite après ça le besoin d'ajouter « toi, la future madame Outoudert. » et je crois que c'est le seul truc qui me chiffonne un peu dans cette histoire, que Nicola soit sur le point de prendre ce nom que j'ai toujours détesté. C'est pas le mien, c'est celui de mes parents d'adoption et je vous jure, ça me tue de pas avoir gardé le vrai. Il était compliqué à écrire comme la plupart des noms de famille kazakh, mais aucun nom ne peut égaler celui-là en mocheté, on est d'accord. « j'ai un truc pour toi. » un truc qui m'a coûté la peau du cul, et je pense qu'elle sait très bien ce que je vais chercher quand je m'absente un petit instant. L'écrin et son précieux contenu, eh oui, je lui ai promis d'officialiser les choses et je vais le faire. Je reviens vers elle, et là le stress monte un peu. J'ai un petit moment d'hésitation par rapport au genou que je vais mettre à terre, mais je m'agenouille relativement vite. Okay maintenant je flippe, je sais même pas ce qu'on est censé dire dans ces cas-là, c'est le seul truc que j'ai pas préparé. Je me racle la gorge. « Nicola, je sais que ça a pas toujours été simple nous deux. j'ai mon caractère, je suis extrêmement possessif et on s'est pris la tête plus d'une fois à cause de ça. mais je te promets de travailler là-dessus et sur ma jalousie, j'ai confiance en toi et il est peut-être temps que je te le prouve, quand même. toi, t'as toujours l'interdiction de te reteindre en blonde donc si c'était prévu pour le mariage tu oublies direct. mais voilà, j'ai vingt-deux ans et si je suis sûr d'une chose, c'est que je veux en passer le triple, au moins, à tes côtés. (...) ça fait combien, soixante-six ans ? ouais bon, on aura de la chance si on est encore vivants mais t'as saisi l'idée quoi. » sur cette déclaration d'une confusion extrême je tends mes bras en hauteur et j'ouvre le fameux écrin pour la laisser voir la bague. Elle en impose, il y trône un énorme diamant mais fallait bien ça pour ma rousse. « c'est toujours oui alors, tu veux devenir ma femme Nicola ? » je reprends mon sérieux, et j'attends plus qu'une confirmation de sa part pour l'embrasser là en fait. Déjà que d'ordinaire je suis pas réputé pour être franchement patient, bah là je vous dis même pas l'état dans lequel je me trouve.