FEAT ADNAN

Je sors tout juste de la douche, ma peau est à peine sèche quand j’entends un son presque familier retentir dans ma chambre. Je comprends qu’il s’agit là d’un appel. Mais pas n’importe lequel, ça vient de Skype, le logiciel de communication que j’utilise assez régulièrement pour avoir des nouvelles de mes proches. A cette heure-ci, je me dis que c’est surement Lou qui m’appelle. J’ai pas eu de ses nouvelles depuis un petit moment. Je finis donc de m’habiller en quatrième vitesse puis je décroche sans vraiment prendre le temps de lire le nom de la personne qui m’appelle. Je découvre l’identité de l’appelant seulement quand son visage s’affiche sur mon écran. Je reconnais aussitôt un de mes anciens camarades de Fake Lover avec qui je suis resté en contact : Adnan. « Holaaa ! » J’ai pris la fâcheuse habitude de commencer mes débuts de phrase par la salutation en espagnol si bien que j’en perds presque ma langue maternelle qui est l’anglais. « Tu vas bien ? » Mes yeux dérivent sur le mini carré en bas à droite où y’a le reflet de ma vidéo pour voir comment Adnan me perçoit puis je décide de sourire alors histoire de donner meilleure impression. Je réajuste au passage l’inclinaison de l’écran qui était un tantinet trop axée sur mon crane presque dégarni puis je passe une main derrière mon crane qui pourrait se traduire par le fait que je suis un peu inconfortable à l’idée d’être vu de près via la webcam alors qu’en réalité c’est exactement pareil qu’en vrai. J’ai jamais été fan de me voir en vidéo en fait, d’ailleurs, j’ai regardé très peu d’épisode en replay de ma saison de Fake Lover. C’est difficile d’être satisfait de l’image qu’on reflète. « Ça fait troooop plaisir de te revoir ! Je crois que ça fait au moins depuis… genre… l’Australie qu’on s’est pas parlé. » On va pas compter les messages Twitter ou les like sur Facebook. Je devais l’appeler sur Skype la dernière fois mais j’avais eu des soucis de connexion puis une autre fois j’avais essayé mais sans succès et puis les choses ont fait qu’on est arrivé à se joindre seulement maintenant. Mieux vaut tard que jamais. En tout cas, comme je le lui dis, c’est toujours plaisant de l’entendre parler en direct et de revoir sa frimousse aussi et ce, même si ce n’est que sur un écran. On fait avec les moyens du bord. C’est  vachement pratique déjà de pouvoir se parler alors qu’on se trouve probablement à des milliers de kilomètres loin de l’autre. Du moins, je crois… « T’es où là ? » Dans quel pays ? Dans quelle ville ? Pour faire quoi ? Je veux des détails. Je lui en donnerai surement aussi sur moi si ça l’intéresse après. Même si à mon avis il connait ma géolocalisation grâce à mes précédents hashtag sur twitter. « Il fait sombre chez toi, moi, regarde, il fait encore jour avec un graaaand soleil. » Je me suis emparé de mon petit PC portable pour incliner l’écran vers ma fenêtre et lui montrer la luminosité extérieur ainsi que le grand ciel bleu. « Je reviens de la plage d’ailleurs. T’as vu comme j’ai bronzé ? » J’exhibe mes bras presque mates en arborant un air crâneur. Si les téléspectateurs me voyaient, ils penseraient encore que je suis métis et le sosie du docteur Avery dans Grey’s Anatomy. Mais non, je suis un pur américain de peau blanche qui passe juste un peu trop de temps au soleil à lézarder. Faut dire que quand on n’a pas de boulot fixe, on profite des bonnes choses au maximum. Et puis, je m’exerce souvent aussi sur la plage. « Tu racontes quoi toi alors ? » J’ai l’impression de faire que de parler un peu et je suis pas là pour faire un monologue. J’ai envie d’en savoir plus sur Adnan et sa petite vie. A commencer par savoir s’il va bien, s’il est heureux et épanoui aussi puis ce qu’il fait de manière plus générale.