Mes talents culinaires avaient toujours été plus ou moins présents. Je n'étais pas une piètre cuisinière, non. J'étais plutôt... un peu trop imaginative, parfois. Il m'arrivait fréquemment de concocter certains mélanges improbables, et j'obtenais très peu souvent le résultat désiré. Ce midi-là, par exemple, j'avais improvisé une recette de vermicelles assaisonnés au citron et aux graines de sésame. Jusque là, pas trop de problèmes. En fait, j'avais cru intéressant d'ajouter des clémentines, un peu de sirop d'érable et une touche légèrement exagérée de sambal oelek, une sauce très pimentée. J'ai observé le plat avec une certaine appréhension, me maudissant de cette trop grande témérité culinaire. J'ai redressé la tête, observant les autres personnes présentes dans la cuisine, espérant que personne n'avait pu remarquer cette étrangeté que j'étais lorsque je m'approchais trop des fourneaux. Justement, il y avait Gallilée, tout près de moi, qui n'avait sans doute rien manqué à la scène. « Si tu étais à ma place, tu y goûterais, toi?» Je lui ai souri gentiment, puis j'ai planté ma fourchette dans le plat de vermicelles. J'avais gardé un bon souvenir de notre rencontre de la semaine précédente, lors de la soirée Black and White. Il m'avait semblé plutôt simple, et assez d'agréable compagnie. Ce n'étaient peut-être que des premières impressions, mais celui qui a dit que les apparences sont parfois trompeuses se trompait, selon moi. Nos premières impressions se révèlent souvent être très justes...

J'ai adressé un grand sourire à Gallilée, amusée par sa remarque. « Le seul problème, c'est qu'il n'y avait pas de recette originale, tu vois...» J'ai amené une bouchée de vermicelles vers mes lèvres, un peu hésitante, puis je me suis lancée. Ce n'était pas être mauvais, sans être à tomber par terre. En fait, j'avais souvent goûté pire. Et mieux, mais chuuut, ce n'est qu'un détail. Gallilée proposa d'y goûter également, et je lui ai souri en sortant une deuxième fourchette du tiroir, puis en la lui tendant. « Prépares-toi à être... époustouflé.» J'ai ri, puis j'ai attendu qu'il mange une part de cette improvisation plus ou moins réussie. Ma mère me l'avait souvent répété: ce n'était pas avec ma cuisine que j'allais séduire le prince charmant. Tant pis. À défaut de l'épater avec mes talents culinaires, je le surprendrais avec... mon sens de l'humour douteux? J'ai penché la tête vers mon interlocuteur, prenant une mine curieuse. « Alors, es-tu mort? » Question idiote, certes, mais je crois que toutes ces heures passées à être enfermée dans un milieu aussi étrange que cet hôtel avaient eu un drôle d'impact sur moi.