« J’ai une idée, à chaque fois que tu marques un point ou que je marque un point, l’autre retire un vêtement ! » Comment en suis-je arrivée à faire une telle proposition à Salvador ? Je n’ai pourtant pas bu d’alcool ces dernières heures ni même tiré sur une cigarette ne contenant pas uniquement de la nicotine. Rien de tout cela, probablement juste un petit peu d’ennui et une envie de faire quelque chose de dingue. Il y a fort à parier que je serais bientôt prise pour une cougar ou une bêtise dans le genre sous prétexte que je suis prête à me dévêtir un petit peu pour jouer. Les humains n’arrivent pas à faire la part des choses, ils sont obligés de juger et de mettre dans des cases tout de suite sans aller plus loin que le bout de leur nez. C’est ainsi que notre société fonctionne, ça a toujours été plus ou moins le cas de toute manière. Pas de quoi être surpris et j’en ai tout à fait conscience. J’opte simplement pour la plus efficace des stratégies, j’ai décidé de ne pas y prêter attention. Si on s’arrêtait à chaque fois qu’un geste ou une idée était potentiellement source de jugements on ne ferait plus rien du tout. Il faut bien faire passer le temps ce soir et je n’ai trouvé que cette idée en improvisant. « Tu veux que l’on joue à quel jeu ? Je te laisse choisir ! » Ouais, parce que je suis plutôt cool comme femme vous avez vu ?

Ce soir, comme beaucoup d’autres soirs, j’erre en quête d’animation. Je recherche là où sont les candidats et j’essaye de voir si ça peut m’occuper le temps d’une soirée. Là, pour le coup, je croise quasiment personne à l’étage. Heureusement, je finis par tomber sur quelqu’un dans les arcades. Plutôt rassurant car je commençais à m'imaginer des choses. J’analyse directement mon interlocutrice dans la pièce. Il s’agit de la mama black avec qui j’ai pas encore eu l’occasion de vraiment discuter. Elle me propose direct quelque chose d’assez insolite. Un strip-game, variante du strip-poker avec un autre jeu je présume. Les règles sont simples et je capte donc vite. « Il y a d’autres manière de me voir moins habillé. A commencer par les douches ou la piscine. » J’ai bien compris où elle veut en venir dans le fond. Elle veut voir ma musculature ou me mater, tout simplement. J’imagine qu’elle aime bien la chair fraiche. Quoi que j’suis pas si frais que ça. J’ai vingt-neuf ans mais j’en fais peut-être trente-cinq. Je sais pas quelle âge elle a mais je l’imagine déjà plus comme une grande sœur qu’autre chose. Enfin une sœur adoptive, du coup. « Très bien. Je choisis. » Après tout, c’est elle qui a dicté les règles. A ses risques et périls. J’avance alors un peu dans la salle puis je m’arrête avec un mince sourire qui en dit long devant le marteau. Le jeu où on doit démontrer toute sa force. « Et puisque je suis galant, je te laisse commencer. » J’appuie sur le bouton "démarrer" et je lui refile le marteau. Elle n’a plus qu’à m’impressionner maintenant même si je me doute avoir plus de forces dans les bras qu’elle et remporter facilement le jeu. « Celui qui perd retire son haut. » Manière pour moi de voir si elle est bien conservée et si elle a pas les nénés qui pendent.

J’ai parfois de drôles d’idées, un mal et un bien à la fois puisque cela m’a permis de proposer quelques tableaux vraiment barrés à mes metteurs en scène et qui ont finalement été salués par la critique. Au quotidien j’aime prendre des risques, ne pas me prendre la tête et ne pas prêter attention au regard des autres, improviser des trucs fous c’est ce que j’aime le plus faire, impossible de voir le temps passer en se comportant de la sorte. Beaucoup de gens condamnent l’insouciance, ce n’est pas mon cas, j’estime qu’il faut l’être un minimum pour ne pas être avalé tout cru par cette société cruelle et violente, j’ai choisi de vivre en ignorant les drames et en me concentrant sur la lumière… Chacun son truc. Je propose en tout cas au premier candidat qui tente de me rejoindre un strip, peu importe le jeu, peu importe les conditions, j’ai besoin d’un petit peu d’action et d’une motivation pour m’investir à fond dans un jeu. Salvador me regarde et me fait remarquer qu’il y a d’autres moyens de le voir à moitié nu, de quoi bien me faire rire. Je le détaille longuement de la tête aux pieds et rajoute, l’air désolée. « Je vois des mecs à moitié à poil toute la journée au travail, désolé de te décevoir mais je ne suis pas particulièrement impatiente et excitée à l’idée de voir tes tablettes ! » Ce qui me fait penser à ce spectacle sur le monde de la nuit auquel j’ai participé il y a une dizaine d’années, nous n’avions pas le temps de nous changer entre deux tableaux, il nous fallait donc tous nous changer les uns avec les autres. C’est à ce moment-là que j’ai appris à ne plus être pudique et à prendre confiance en mon corps. Il me propose le jeu du marteau pour commencer, autant vous dire qu’il n’a pas trop de souci à se faire. « T’es comme ça ? J’espère au moins que tu remporteras, ce serait la honte de perdre contre moi ! » J’empoigne le marteau, le soulève et frappe un grand coup sur la cible. Les points s’accumulent à une vitesse folle jusqu’à atteindre… Okay, on taira le résultat pitoyable ! « La machine bug, je ne vois pas d’autres raisons ! » Attendez, j’ai trouvé, je ne suis simplement pas très forte ! Je lui laisse place, préparée psychologiquement à perdre une première couche de vêtements. « Tu viens d’où ? » Autant en profiter pour faire un brin de causette non ?

A peine ais-je pénétré dans les arcades qu’on me met dans l’ambiance en me proposant un jeu. Mais pas n’importe lequel, un jeu où on risque d’y laisser quelques vêtements. J’identifie la personne qui a des idées si perverses ou saugrenues et je lui fais savoir qu’il y a d’autres moyens plus simples de me voir dénudés. Elle me confie alors qu’elle ne cherche pas à me voir nu car elle en voit beaucoup des mecs à moitié à poil à cause de sa profession. Ça me laisse alors réfléchir. Soit elle est actrice de film pour adultes soit elle est… « Tu es maître nageuse ? » Simple supposition. J’imagine qu’elle exerce un tout autre métier et que je suis à côté de la plaque. Maintenant, c’est celui qui me paraît le plus judicieux et puis, je l’imagine assez bien à gueuler après des enfants pour ne pas qu’ils fassent de bombes dans la piscine. La candidate a de la voix et semble avoir une sacrée force de caractère. Déjà pour me proposer une telle activité alors qu’on se connait pas, il faut du culot. En attendant, je me plie à ses règles et je choisis le jeu avec une certaine malice et quelques arrières pensées derrières. Clairement, je me fais pas de souci pour le remporter et me retrouver ainsi toujours vêtu de la même manière. La candidate, elle, y laissera surement quelques tissus. C’est elle qui a dicté les règles après tout. En homme galant, je la laisse donc commencer à frapper avec le marteau. Mine de rien, son score m’impressionne. Elle a tout de même un peu de force et ce, même si elle prétend le contraire en prétextant un bug de la machine. « C’est déjà pas mal. Apparemment, tu pourrais casser des briques de bétons en deux. » D’après le descriptif de la machine. Je sais pas si c’est fiable ou non. Quoi qu’il en soit, à mon tour de me plier au jeu. J’inspire un grand coup, m’empare du marteau et avec un peu d’élan je frappe de toutes mes forces comme si j’allais couper une buche de bois et d’ailleurs, c’est drôle car c’est ce que la machine indique, j’aurai pu être bucheron. « Allez, je te laisse choisir le second jeu. » On ne va pas faire que ça sinon c’est plié d’avance que je vais gagner. D’ailleurs, j’estime que c’est pas nécessaire de rappeler à la jeune femme les règles. Elle le sait déjà qu’elle doit retirer son haut. « Du même pays que toi, je pense. » Vu son accent, il n’y a pas trop de doute qu’il s’agit d’une américaine et ce, même s’il est un peu différent du mien.

Il y a des millions de choses plus sérieuses qui peuvent être faites pour passer le temps mais non, je suis d’humeur mutine, j’ai envie de m’amuser un petit peu et je trouve ce concept foireux qui, à l’adolescence, m’a souvent fait perdre des tas de vêtements. En temps normal, je m’arrange toujours pour avoir suffisamment de fringues à retirer pour ne pas me retrouver à poil en moins de deux mais aujourd’hui je ferais avec les moyens du bord. Imaginez si j’avais opté pour la robe qui me faisait de l’œil ce matin ? Une défaite et je serais déjà en sous-vêtements. Non, pour une fois je me suis bien habillée, un marcel blanc et une salopette en jean. Rien de très élégant mais de quoi être à l’aise pour gambader dans les couloirs sans me sentir gênée par des vêtements moins pratiques. Les ailes de Salvador poussent rapidement et je me vois obligée de les lui arracher, histoire qu’il revienne à la réalité. « Non, danseuse… Mais j’aurais sacrément la classe en maillot rouge avec ma planche à la main ! » Bon, j’ai tendance à oublier que les maitres-nageurs n’ont pas tous cet uniforme, aucun d’entre eux puisque l’on appellerait plutôt sauveteur les personnes qui surveillent les baigneurs sur la plage. J’aurais quand même le style en rouge ! « Et toi ? Je t’imagine bien en dandy séducteur… » Parce qu’il en a le look, une partie du moins. Je ne pense pas avoir raison, mais la question est posée implicitement et il ne tardera surement pas à m’aiguiller. Je me lance, un destin tragique sur les épaules, et frappe de toute mes forces, mon score est assez ridicule je crois, je n’en sais rien, je n’ai pas l’habitude de jouer à ce genre de jeux, toujours est-il que, comme me le fait remarquer le barbu, je pourrais casser des briques en deux d’après la machine. Je souris et hoche la tête de gauche à droite. « Je vais laisser cela aux asiatiques plutôt, je tiens trop à mes mains ! » Et je lui montre mes mains fièrement, elles sont belles mes mains, pas trop ridées, douces… Presque parfaites pour une femme de mon âge ! « A toi monsieur muscles ! » Il s’élance et, ouais, score de bucheron quoi… Je soupire, j’ai l’air d’une débutante à côté. « Bon… D’accord, j’admets la défaite ! » Je déboutonne les deux sangles de ma salopette que j’abaisse jusqu’à mon nombril pour pouvoir retirer mon marcel. Je m’empresse de rabattre le haut de ma salopette sur moi, histoire de garder encore un peu de suspense sur ce qu’il y a là-dessous. A mon tour de choisir le jeu, ça va saigner. Pendant que je cogite il me confirme mes soupçons, lui aussi est Américain. « Tiens, et si on se servait de la borne pour danser un petit peu ? Je te laisse commencer ? » Il va perdre, chacun son tour.

Greta me confie qu’elle a l’habitude de voir des corps dénudés à cause de sa profession. Je l’imagine déjà au bord de la piscine entrain de surveiller des enfants. Mais que néni ! Je fais fausse route et la candidate m’explique qu’elle est juste danseuse. Du coup, je me dis que c’est tout de suite moins glamour. Elle doit voir des mecs en tutu, avec des moules-bites ou en ballerine, j’en sais rien. Ça fait en tous les cas moins rêver que des mecs bien taillés à la piscine. Enfin de son point de vue moi je m’en fiche après tout. Je l’imaginais juste plus avec un maillot rouge. « Encore plus si tu optais pour une perruque blonde. » Inutile de préciser la personne envers qui je fais référence. Au final, y’a que la couleur de peau qui change. Peut-être la poitrine aussi. Quoi que j’ai pas vu la taille de celle de Greta. Ça ne saurait tarder avec son jeu. « Non, ça s’était plutôt Owen. » Bien qu’il était en couple, il avait plutôt une attitude de mal séducteur et je parle pas de ses tenues tous plus excentriques les unes que les autres. Je me demande ce qui lui passait par la tête quand il enfilait un kilt. En tous les cas, j’ai rien d’un dandy séducteur. La candidate se trompe totalement à mon sujet. Comme quoi, faut se méfier des apparences qui sont souvent trompeuses. « Pourquoi des asiatiques ? Tu fais de la sous-traitance ? » Je suis pas certain de bien comprendre la réplique de la brune au sujet des asiatiques et des briques. A moins qu’elle ne songeait à des sports de combats japonais ? Il faut qu’elle m’explique là sinon je vais la penser raciste. Quoi qu’il en soit, comme prévu, je remporte le premier jeu vu que j’ai logiquement plus de force qu’elle. Si on en suit les règles, elle doit donc retirer son haut. Et c’est ce qu’elle fait. Un très fin sourire se dessine sur mes lèvres et disparaît aussitôt lorsqu’elle remet le haut de sa salopette dessus. « C’est de la triche ça ! La prochaine fois je viens en doudoune. » C’est clairement pas équitable, moi j’ai qu’un jogging et un tee-shirt. J’ai déposé mon pull j’sais plus où donc je risque de me retrouver bien assez vite nu comme un ver surtout qu’on change de jeu à présent et que je suis plus assuré de gagner. D’ailleurs, elle choisit un truc de danse. Oh merde. « Ah non non non, je sais pas danser moi. Toi c’est ton métier. » Et en plus de ça, elle veut que je commence. Pas question. Je fais valdinguer mes chaussons distinctement. « Je déclare forfait pour ce jeu. Mais j’suis pas contre à ce que tu fasses une démo. » Je veux bien la voir danser moi.

Je me verrais clairement bien en train de surveiller des baigneurs, ma peau foncée très bien mise en valeur par la couleur rouge de mon minuscule uniforme de travail. Je ne suis cependant pas prête de devenir maitre-nageur, pas de quoi m’attrister puisque j’aime mon boulot. Je ne me lève pas le matin résignée, je suis passionnée, tellement absorbée par ma vie professionnelle que je n’ai pas l’impression de bosser réellement. J’ai plutôt l’impression de m’amuser toute la journée, même lorsqu’il faut répéter encore et encore le même mouvement pour qu’il puisse être parfait et à la hauteur des espérances de tout le monde. Salvador semble être du même avis, excepté qu’il rajouterait une perruque blonde à la panoplie. « Quand on voit à quoi ressemble Pamela Anderson maintenant… Je préfère être comme je suis ! » Sans botox et sans chirurgie esthétique. J’ai quoi, peut-être six ou sept ans de moins qu’elle et chez moi tout est naturel, je peux être fier de ce que je suis aujourd’hui, peut-être que je n’ai pas une poitrine XXL et zéro pourcent de matière grasse sur les cuisses mais je m’en fiche, ça n’a jamais dérangé le moindre garçon, bien au contraire. Coucher avec un morceau de plastique ça n’intéresse pas tout le monde. « Owen ? C’est qui déjà ? » Je me reprend quasi-instantanément. « AH OUI, celui qui est parti dimanche ? » Je ne l’ai jamais vraiment côtoyé, à croire que l’on peut vraiment s’éviter si on le veut ici. Après ma défaite et la perte d’une couche de vêtements je constate que je suis quand même classée parmi les casseurs de briques, alors oui mais non. « Mais non voyons… Tu n’as jamais vu ces asiatiques qui, avec le côté de la main cassent des trucs en deux ? » Ce sont souvent des asiatiques qui font cela, ils sont fous ces chinois… Mon camarade s’indigne lorsque je retire mon marcel et remet ma salopette, faisant s’illuminer un sourire mutin sur mes lèvres. « Faudra être plus fort et mériter ta victoire pour qu’elle soit complète. » Et puis il peut dire hein, mais il n’enlève que ses chaussons lorsque je le défi à la danse. « Tu pouvais dire de moi avec mon marcel hein ! Et puis… Moi j’dis ça, je ne dis rien mais quand on déclare forfait on devrait retirer un vêtement supplémentaire…» Je ne peux m’empêcher de lui faire remarquer l’air de rien tandis qu’il quémande une démo. « Okay… Ne crois pas que je vais le faire toute seule, cela étant dit ! » Il a déclaré défaite, cela ne veut aucunement dire qu’il est sorti d’affaire pour autant. « On va faire une salsa, tu connais la salsa ? » Je cherche sur le simulateur de danse une chanson parfaite pour la salsa et tombe sur un titre d’Isaac Delgado qui fera l’affaire. Je reviens sur mes pas pour faire face à Salvador, je lui attrape les mains, prête à démarrer. « Prêt ? » Question rhétorique ! Je débute, ondule, précise dans mes pas. Il est un peu coincé, droit comme un piquet mais j’ai connu pire, il ne m’a pas encore marché sur les pieds, c’est déjà bien ! « Allez, mets-y du charme ! » La Salsa doit être caliente, niveau ambiance on frôle le paquet de surgelés Intermarché.