Le prime est terminé et il a été riche en rebondissements, comme toujours. Je suis plutôt satisfaite de la tournure des événements cela dit, l’activité de ce soir m’a fait perdre un petit peu d’argent mais rien de bien inquiétant quand on est immunisé pour les nominations qui arrivent. Je peux donc être sereine, rien ne peut m’arriver et je serais donc là deux semaines supplémentaires au minimum. Déjà pas mal non ? J’aurais pu être éliminée la toute première semaine du jeu et la semaine suivante et là, tout d’un coup, je me retrouve assurée d’être parmi mes camarades jusqu’à la fin de la cinquième semaine. Je suis de très bonne humeur après ce prime, heureuse que le petit Colin ne se soit pas retrouvé à la porte comme c’était prévu lorsque les résultats ont été annoncés et qu’il figurait parmi les deux derniers aux côtés de Sandy. Sara a choisi le bon moment pour renoncer, avec qui me serais-je bourrée la gueule sinon ? J’ai rendez-vous avec le petit brun qui m’accueille comme il en a l’habitude, en me parlant de tisane et de ma vieillesse. Ce à quoi je réponds en le dévisageant, à la recherche de quelque chose que je ne vois manifestement pas. « Et toi ? T’as pas enfilé ta couche ? J’voudrais pas que tu fasses pipi au lit ! » Je suis plus âgée, censée être la voix de la raison et pourtant mon comportement tend vers l’opposé, je l’incite à boire beaucoup juste pour prouver qu’il tient bien l’alcool. Le premier ivre mort aura perdu la partie. « Vodka, commençons en douceur ! » Je prends la bouteille après avoir retiré le bouchon et nous verse de généreux shots, six chacun. « Qu’est-ce que je ferais pour toi ? Tu crois vraiment que je vais perdre ? T’es mignon… » Je glousse en achevant de remplir le dernier de ma lignée de shots. « Si tu gagnes, tu auras le droit de me faire faire un truc au choix, pareil de mon côté… Deal ? » Je lui tends la main, prête à passer un pacte avec le diable. « Cul sec, bien entendu ! » Parés ? GO !

Incroyable mais vrai, je m’apprête bien à perdre vingt ans d’âge mental pour me livrer à un jeu stupide en compagnie d’un petit jeune que tout excuse. Je suis pourtant la doyenne, censée être la voix de la raison, agir comme un sage mais rien n’y fait… Il m’en faut très peu pour me sentir défiée et je fonce tête baissée. L’alcool ne m’a jamais fait peur qui plus est, je ne tiens pas excessivement bien le choc mais je me défends malgré tout, je suis certaine que je vais le surprendre et le prendre à son propre jeu. Imaginez la honte pour lui, le petit mec qui se pensait plus fort que la mamie et qui se retrouve séché avant même que mémé n’ait commencé à se sentir joyeuse. J’apprécie cette idée qui fait naitre sur mes lèvres un sourire satisfait et optimiste, il ne reste plus qu’à mettre ceci en application et, clairement, ce n’est pas gagné. Il est temps de mener bataille, le choc des générations, surtout lorsqu’il me parle de poches pour remplacer les couches… Une joyeuse illustration de la stupidité dont notre société fait preuve. Pourquoi vouloir faire compliqué lorsque des choses simples ont fait leurs preuves par le passé ? « Génial, tu préfères être crado avec ta poche et ta pisse de deux ou trois jours plutôt que d’avoir une couche propre et plus régulièrement changée ? Et puis tu fais caca comment là-dedans hein ? » Les français veulent savoir ! Colin menace ma dignité alors que j’opte très sagement pour ce que je connais, la vodka, et rempli six shots pour chacun d’entre nous. « Tu crois que tu me fais peur petit ? J’en ai maté des plus costauds que toi ! » Il englouti le premier shot sans sourciller et me propose d’abandonner à n’importe quel moment, m’a-t-il bien regardé ? « JAMAIS ! » Qu’il me laisse le temps de prendre mon dé à coudre et de l’engloutir cul sec. La vodka me fait un petit peu grimacer mais c’est tout à fait normal, le temps de s’habituer. Le second shot passe dans la foulée par mes lèvres tout comme le troisième pendant que le jeune adulte continue de me provoquer. « Chéri, même sans alcool si je voulais te faire parler… Crois-moi, tu parlerais ! » Il ne me connait pas, tant mieux pour lui. Je vide le quatrième shot et m’attaque au cinquième, plus doucement, histoire de ne pas trop tenter le diable pour le moment. « Pas trop le tournis ? Tu peux arrêter là si tu veux ! »

Bébé Colin semble légèrement dégoûté par mes propos lorsque je me demande comment sont évacués les plus grosses commissions dans ces fameuses poches super modernes et qui tentent de faire croire que les couches culottes ne sont plus du tout adaptées à la société moderne. N’importe quoi, les couches sont intemporelles jusqu’à preuve du contraire. « Fais pas ta précieuse, parler de caca n’a rien d’immature ! » Peut-être que je ne suis pas très distinguée, mais avec l’âge on apprend à se ficher de certaines choses, le politiquement correct en tête de liste. Je parle sans réfléchir, comme les mots me viennent et je n’ai pas honte de pouvoir parfois heurter la sensibilité ou choquer les plus saints d’entre nous. « Non, à moins d’avoir des problèmes intestinaux… Et encore ! » Je commence à réfléchir à haute voix, je doute qu’il veuille savoir tout cela though. « L’habit ne fait peut-être pas le moine, mais d’un point de vue physique il y a certaines choses qui fonctionnent malgré tout ! » Un petit physique encaissera moins facilement l’alcool d’un bon monsieur bien en chair. Il a cependant raison sur une chose, nos discussions sont magnifiques, ironie. « Une barrière est tombée, plus de gêne entre nous. On parle de quoi ensuite ? Tu veux que je te donne quelques tuyaux pour faire grimper une femme aux rideaux gamin ? » Je prends un petit air de senior, comme si son apprentissage n’était pas terminé. J’ignore comment il s’en sort au lit mais il reste jeune, les jeunes ont constamment des choses à apprendre, surtout ceux qui ont été bercés par la vulgarité du porno et qui pensent que pour faire plaisir à une femme ils doivent y aller comme des chiens. Les hostilités sont lancées, je me rue sur le premier shot, puis le second, le troisième… Je suis lancée, ça y est, prête à en engloutir le nombre nécessaire pour m’offrir la victoire que je convoite, inutile d’user de l’alcool pour faire parler, Colin pourrait très bien tomber dans mes petits pièges sans même s’en rendre compte. « Pourquoi la violence ? Je sais être raffinée lorsque je veux. » C’est peut-être la seule stratégie que j’ai. On me prend toujours pour une idiote parce que je parle beaucoup, je délire pas mal et on ne s’attend pas à ce que je puisse faire preuve de réflexion, raté ! Je suis plus qu’une simple ménagère un peu bêbête. Je marquerais bien une petite pause, pour éviter un coma éthylique, mais Colin ne semble pas de cet avis, il remplit nos cinq shots. « D’accord, tu veux jouer à cela ? » Sans les mains, je me baisse, entoure les shots de mes lèvres et lève la tête pour en engloutir le contenu, un, deux, trois, puis quatre et finalement cinq. Même pas mal… Juste peut-être un peu le tournis ! « A ton tour gamin ! » J’ignore qui va perdre la partie mais je dois reconnaitre qu’il ne s’en sort pas trop mal pour le moment.