Lloyd est un habitué, s'ils avaient des cartes de membre la sienne serait déjà plutôt bien usée à force d'aller dans la salle de sport une à deux fois par jour. Ce n'est pas tant qu'il en a besoin, mais il éprouve une sensation de normalité grisante ici. Comme si cette pièce était une autre, comme si c'était la salle de sport à laquelle ils vont parfois avec Arthur quand ils ne font pas de sport dans la chambre d'invité, transformée par manque d'occupant en une pièce à exercice. Colin est là, ce qui est de mémoire de Lloyd la première fois qu'ils se croisent ici, à jouer avec une balle de tennis contre le miroir. Même quand il vient faire du sport, il finit par se retrouver occupé à faire autre chose se dit Lloyd. Un comportement tout à fait digne de Colin en somme. La question est abrupte et Lloyd préfère plaisanter, histoire de ne pas commencer la conversation sur un sujet trop... morbide. « Perdre ta cagnotte ne t'a pas suffit, tu veux t'attirer sept ans de malheur en plus ? » demande-t-il avec un sourire entendu. Il grimpe sur le tapis de course non loin de là et se met à trottiner, à une cadence qui ne l'empêchera ni de penser, ni de parler. « Comment tu vas pour commencer. Genre vraiment. » se décide-t-il à questionner plus sérieusement. Les techniques de Colin pour s'échapper de sa question ne marcheront pas. Lloyd ne doute à aucun moment du fait que le jeune homme soit têtu, mais lui est un pitbull, qui ne lâche sa proie qu'une fois qu'elle git à terre. Une conversation franche ne ferait pas de mal à Colin, c'est du moins ce que pense Snö. « Ils ont envoyé ta mère en prison ? Après qu'ils t'aient retrouvé je veux dire. » demande-t-il enfin. Parce que ça lui semble logique, presque évident. Parce que c'est ce qu'il aurait fait à coup sûr si quelqu'un avait kidnappé sa fille. Et parce que ça expliquerait encore plus facilement pourquoi Colin est en colère contre ceux qu'ils qualifient d'étrangers.

Colin n'est pas le genre de garçon avec qui discuter est un moment de relaxation. Il vous tient éveillé en permanence, a toujours un mot vif et ponctué d'un sourire narquois. Rien que Lloyd n'ait vu dans sa vie, il en a croisé des plus coriaces, mais ça finit par l'interpeler.« Heureusement que t'as plus ta cagnotte alors, ça aurait été 40 000€ perdus... » marmonne-t-il alors mi-amusé, mi-agacé par le cynisme de son camarade. Il en fait des tonnes parfois et si ça divertit son monde un moment, ça finit par empêcher les gens de le prendre au sérieux. Effet probablement voulu, mais qui laisse Lloyd légèrement dubitatif. Il essayait, en demandant à Colin comment il va, d'avoir une vraie conversation, le genre qu'on a avec un ami, une personne à qui on peut dire les choses sans qu'elles ne se braquent et la façon dont il évite le problème pour parler du refus de Salomée de coucher avec lui n'arrache même pas un sourire à Lloyd. « Le monde entier rêverait d'avoir tes problèmes. » l'informe-t-il franchement. Des petits Indiens à qui l'argent de sa cagnotte servira finalement aux voisins de ses parents. Peut-être que c'est la jeunesse qui aveugle Colin et lui donne l'impression que tout est une montagne ou peut-être que c'est simplement sa façon de ne pas regarder les choses en face. Quand Lloyd ne lui laisse pas le choix, Colin ironise avant de laisser échapper ce que Lloyd interprète comme un regret. Premier signe qu'il est ouvert à parler des choses. La curiosité de Snö est aussi humaine et bienveillante qu'elle n'est juridique. « Et tes « parents » ils t'empêchent de lui rendre visite ? Ils ont réussi à te faire diagnostiquer avec un syndrome de Stockholm ? » demande-t-il parce qu'il a vu certains cas, pas de ceux qu'il a traité en première main, se résoudre par des diagnostics arrangeant les familles des plaintifs. Des diagnostics parfois faits à la va-vite, parfois réalisés sans même voir la personne qu'ils concernaient, basés sur les dires des plaignants dans l'espoir de convaincre un jury. Ce n'est que lorsque Colin lui demande de l'aider à contourner le cadre juridique pour se faire les poches que Lloyd se déride. « T'as l'impression que si je connaissais la façon d'être riche comme Crésus, je gagnerais ma vie aussi mal ? Non, plus franchement, je ne vais pas t'aider à contourner la loi, primo parce que ça va contre mes principes et deuzio parce que ça me vaudrait d'être complice et que j'ai autre chose à faire que de croupir en taule. » Et puis franchement, il pense que ça ferait un peu les pieds à Colin de travailler, parce que sa vie compliquée semble l'avoir doté de l'idée qu'il peut tout avoir et rien payer. « Trouve toi une couguar pleine de tunes et fais-toi entretenir. » suggère-t-il sans être convaincu que ça marcherait, c'est la seule piste légale qu'il trouve et qui ne forcerait pas Colin a fournir grand effort sinon celui d'être plaisant avec le porte-feuille ambulant, peut-être que même ça c'est au dessus de ses forces cela dit. « C'est difficile d'avoir une conversation sérieuse avec toi... » avoue Lloyd en lui lançant un regard légèrement réprobateur. Faut dire ce qui est.

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