COTTON EYE JOE
@greta

Khadija se pointe devant Greta, totalement habillée en cow-girl. Mains sur ses hanches, chapeau de côté, elle semble prête à mettre en œuvre ce qu’elles ont toutes deux évoqué la veille pendant une discussion pause-clope dans les jardins. — Okay. Je suis prête à rencontrer enfin Buzzy. Parce qu’il paraît que ce domaine renferme une bombe sexuelle et personne ne le lui a dit. En tant que dévergondée notoire de l’émission, elle se doit se jouer la cow-girl du cow-boy, sous le regard amusé de Greta qui, elle, a déjà fait la connaissance du responsable du stand de tir à la carabine. Les deux filles se dirigent vers la fête foraine, Khadi se laissant guider par Greta jusqu’au stand, où Buzzy les accueille avec un accent redneck assez ridicule. Il mâche son chewing-gum la bouche ouverte, en plus… Une moue peu conquise sur le minois, Khadija se penche sur Greta pendant que Buzzy met en place les cibles. — Je ne nie pas qu’il a un truc, mais… c’est un beauf, non ? Elle se redresse l’air de rien quand le forain se retourne, tout sourire, et dépose devant elles deux carabines. Khadija grimace en observant l’arme. — Oh, super. Elle espérait plutôt taper la discute avec Buzzy et en apprendre plus sur lui, comme elle l’a fait avec Joe, le clown triste, mais là, il va falloir jouer pour meubler parce que Buzzy a l’air d’avoir le QI d’une huitre en décongélation. Elle attrape la carabine et la lève jusqu’à son épaule, ne sachant pas vraiment comment on la tient. Buzzy propose de lui montrer et passe derrière elle, la faisant sursauter. — Non, c’est bon, je fais comme Greta, Greta sait s’en servir, hein ? Regard entendu à Greta, qui montre le mouvement. Buzzy retourne dans son stand, l’air déçu. — Okay, heu, j’y vais… Peu sûre d’elle, Khadija presse la détente et le coup part.

Priceless, la vision que m’offre Khadija est tout simplement extraordinaire et j’ai tout le mal du monde à garder un semblant de sérieux. Rectification, je n’ai pas de mal puisque j’ai déjà perdu la bataille avant même de l’avoir commencée. Je pensais qu’elle plaisantait lorsqu’elle annonçait hier préparer sa plus belle tenue de cowgirl pour aller rendre visite à Buzzy Buzz mais pas du tout, elle était en réalité très sérieuse. « Je ne m’attendais tellement pas à cela, félicitations, tu es la cowgirl la plus canon de toute l’histoire de Fake Lover ! » J’ignore si d’autres candidates ont déjà tenté le costume mais l’important c’est de se concentrer sur le compliment, elle aurait fait sensation à l’époque si les femmes avaient été davantage considérées. « Je te suis ! » Je me contente de confirmer en lui emboitant le pas pour traverser la fête foraine et ainsi rejoindre le stand de tir du fameux personne odieux et sans charme. La déception de Khadija ne peut qu’être grillé à dix mille kilomètres, qu’attendait-elle ? « Je t’avais prévenu, il n’y a pas plus ordinaire et inintéressant que lui ! » Sans méchanceté aucune, il n’y a que la vérité qui blesse au pire des cas et je n’y suis clairement pour rien. Dommage qu’il ne soit pas suffisamment intelligent pour s’en rendre compte par lui-même puisqu’il tente une percée près de Khadija qui le remballe en beauté en se reposant sur moi, à la recherche d’une bouée de sauvetage que j’hésite à attraper, parce que j’aime la mettre dans le caca. « Non ! » Elle est à deux doigts de me frapper, Buzzy Buzz se voit déjà dans un cadre pornographique bas de gamme, collé-serré pour l’aider à manier une arme qui, en cas de réussite ne sera pas le fusil présentement tendu devant elle ! « J’déconne, je vais te montrer ! » Voir l’espoir s’enfuir des yeux de Buzzy Buzz, il n’y a rien de plus agréable au monde, je lui avais promis une revanche lorsque j’étais ici avec Enola, l’heure est venue. J’attrape le fusil, le recharge, lui montre brièvement comment viser et tirer, il ne lui reste plus qu’à briller. « Si tu parviens à atteindre la cible dès le premier tir je fais du rentre-dedans à Buzzy okay ? Tout le monde y arrive sauf moi ! » Je n’ai pas réussi une seule fois à atteindre la cible.

Greta lui envoie un vent magistral pour la laisser, dans un sourire sardonique, entre les bras, certes parfaitement musclés, de l’affreux semblant de cow-boy. Elle grince des dents et tente un sourire convaincu en adressant à Greta un roulement d’œil dans ses orbites digne de Gary Cooper. D’une main experte, Greta charge le fusil et se tient prête. Impressionnée, Khadija jette un coup d’œil à Buzzy, visiblement positivement intrigué par le maniement de Greta. — Il est conquis, il adore les femmes qui savent manier la gâchette, souffle-t-elle à Greta entre ses dents, le jeu de mots étant plus qu’équivoque en cet instant. Elle rit et passe l’index dans la gâchette, lève le fusil et vise les cibles étalées devant elle par Buzzy. Sa tête se tourne vers Greta et elle murmure en prenant soin de n’être pas entendue par le forain : — Si j’arrive à trouer son chapeau à la con, tu passes toute une soirée avec lui dans sa loge. La loge étant ce cabanon juste derrière le stand, dans lequel le cow-boy doit sans doute faire sa petite vie quand il ne tient pas son stand. Le pari est audacieux, mais risqué pour Khadija aussi, faut pas croire. Elle recule, faisant semblant de chercher à bien viser, prenant en réalité un champ plus large. On y est… — Oh ! Elle fait mine de trébucher en arrière sur ses bottines à talons (ben voyons), vise le haut de la tête de Buzzy, et appuie sur la gâchette. Le coup part et le chapeau du cow-boy s’envole, tandis que Khadija tombe dans les bras de Greta, faussement perdue et terrifiée. Buzzy leur tourne le dos pour aller récupérer son chapeau, et elle jette un coup d’œil à Greta, sourire colgate à l’appui. — Il doit rester une bouteille de champagne au frigo…

Je laisse un moment Khadija en galère, amusée par sa réaction et son roulement d’œil légendaire. Parce que je ne suis pas une garce, enfin pas entièrement quoi, je coupe Buzzy Buzz avant qu’il ne commence trop à croire au Père Noël et attrape le fusil pour le charger dans les règles de l’art. De quoi surprendre mes deux camarades et me surprendre moi-même, j’ai fait de gros progrès ces dernières semaines, des progrès que je ne cautionne même pas, moi la militant anti-armes. Vive la crédibilité après cela. « Lino et Salvador m’ont tout appris, je n’avais jamais manié une arme avant cela ! » Je suis prête pour une scène d’action musclée à la The Walking Dead ou Expendables, je pourrais parfaitement décrocher un rôle dans ce dernier puisque certains me jugent « périmée » de par mon âge. « Mais tu as raison… Comment lui en vouloir, j’suis une experte lorsqu’on me met quelque chose d’imposant entre les mains ! » Je poursuis, en réponse aux insinuations douteuses et peu élégantes de la jeune femme, un clin d’œil complice au coin de l’œil. Passer toute une soirée dans la loge de Buzzy, pas certaine d’avoir envie d’une telle chose. J’hésite, me pince les lèvres et laisse un sourire trahir ma réponse. « D’accord ! » Je vais encore le regretter, comme toujours. PAN, je ferme les yeux, les rouvre aussi sec pour constater que j’ai une fois de plus perdu mon pari. « La vie est une pute, je perds à chaque fois que je pari quoique ce soit ! »