La semaine débute à peine et Colin se montre déjà d’une humeur exécrable. La perte de son secret, et par conséquent de sa cagnotte, y est pour beaucoup. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le benjamin n’est pas mauvais joueur. Évidemment, perdre son secret avant la fin du jeu et tout l’argent qu’il a amassé durant des semaines est loin de le ravir. Mais c’est le jeu. Il le sait, il a enregistré les risques le jour où il a signé son contrat avec la production. Ce qui l’agace plus que tout, c’est que ce soit Lawrence qui soit parvenu à percer son mystère. Lawrence. Un type qu’il côtoie certes régulièrement, avec qui il a aussi eu l’occasion d’échanger plus ou moins sérieusement, mais qui, au final, ne le connait pas. Pas comme Salomée ou Scarlett, et si l’une d’entre elle avait réussi à découvrir son secret, il se serait montré bien moins agacé. Le fait que Lawrence trouve son secret lui pose un autre problème. Le Prince Disney n’a absolument pas besoin d’argent. Il respire le fric, il en est bourré et il n’a même pas besoin de le dire explicitement pour que cela se sache. La somme que lui a légué Colin lors du prime ne représente que de l’argent de poche pour ce type, alors qu’il s’agissait d’argent pouvant aider le benjamin à changer de vie. Alors oui, il l’a légèrement mauvaise. Et le fait que Lloyd l’ait averti que cet argent allait être reversé à une association ne l’aide pas à se calmer, au contraire, Lawrence est assez friqué pour ne pas attendre de participer à une émission comme celle-ci pour faire des dons. L’autre problème de Colin en ce début de semaine, c’est le fait qu’il soit arrivé en tête – à égalité avec trois autres candidats – du sondage désignant les bonnes surprises de l’aventure. Il ne veut pas être une bonne surprise. Il veut être une déception, il pensait que c’était suffisamment clair. Il s’est certes montré moins virulent ces dernières semaines, la faute à un environnement qu’il considère comme sain et qui ne l’oblige pas à être constamment désagréable – mais il ne pensait pas qu’on pouvait avoir une telle image de lui. Bien trop positive, et trop éloignée de ce que la réalité doit être. Il sait que ses parents regardent l’émission, et ils doivent se réjouir de l’évolution de leur garçon. Sauf qu’il n’y a pas d’évolution qui doit avoir lieu. Il doit leur prouver, une bonne fois pour toute, que ça ne sert à rien de s’accrocher à lui. Et il compte bien leur montrer, en faisant regretter sa place au sondage. Pour l’instant, il n’a personne dans son viseur à agresser gratuitement depuis que Cody est parti. Il ne pensait pas regretter l’élimination du candidat, mais il ne faut jamais dire jamais. Pour l’instant, Colin se contente de s’énerver face à sa penderie, d’où ont disparu quelques vêtements à lui. « Putain mais ça me saoule. » Qu’il râle à voix haute alors qu’il commence à détruire le rangement des autres, ne prêtant aucune attention au fait qu’il malmène les tissus et qu’il marche sur certains vêtements avec ses chaussures. Il pourrait très bien déchirer des chemises en les arrachant violemment de leur cintre qu’il ne le remarquerait même pas. Il ne s’interrompt que lorsqu’il aperçoit une silhouette qui le fixe depuis la porte. « Quoi ? » Il demande à Naveen en écarquillant les yeux, prêt à lui demander s’il veut une photo. Partagé entre l’envie de se trouver une victime et sa tolérance quant à la présence de Naveen – puisque dans le cas de Colin on ne peut pas réellement parlé d’affection – il finit par se calmer, sans pour autant se montrer particulièrement chaleureux. « J’cherche une veste en cuir, tu l’as pas vue par hasard ? » La veste que Scarlett a jugée trop grande, mais qu’il ne s’est pas décidé à faire raccourcir pour autant.

Le prime n'était plus qu'un souvenir, et pourtant l'indien peinait encore à réaliser qu'il en était revenu les bras chargés de plusieurs awards, lui qui n'avait jamais rien gagné de sa vie – en dehors des salaires de misère qu'on avait bien voulu lui verser – et qui aurait pensé assister à la cérémonie sans pour autant y remporter quoi que ce soit. Certaines de ses récompenses étaient pourtant prévisibles, et il admettait sans mal qu'elles lui correspondaient plutôt bien. Il était indéniablement sensible, tout comme il était fleur bleue. C'était une part importante de sa personnalité, et les lectures qu'il avait enchaîné étant plus jeune n'y étaient assurément pas pour rien. Chanceux, sans doute l'était-il aussi. Peut être que d'une façon relative, en dehors de l'aventure, parce qu'il y a encore quelques mois on ne pouvait pas dire qu'il croule précisément sous la chance, et aujourd'hui il aurait tendance à dire que la félicité l'avait pour de bon rayé de son programme. Mais ici, ses tirs réussis à la roulette russe lui avaient valu de remporter beaucoup d'argent, si bien qu'aujourd'hui sa cagnotte s'élevait à une somme étourdissante, bien différente de celles qu'il avait pu gagner au cours de sa vie. Mais être considéré comme un candidat sympathique et attachant, c'était bien ce qui l'honorait le plus, car même si le classement de popularité lui laissait penser depuis le départ qu'il était apprécié de l'ensemble de ses camarades, c'était encore autre chose que de recevoir ce genre de distinctions. Quant à son dernier award, il est vrai qu'il fut le plus inattendu de tous, parce qu'il se persuadait depuis le début qu'il n'avait absolument pas le profil d'un candidat de télé-réalité, qu'il n'était pas suffisamment joueur, trop impliqué émotionnellement, et tout aussi scrupuleux, si bien que remporter l'aventure lui avait toujours semblé être une perspective invraisemblable, et inaccessible. L'indien repensait ainsi depuis plusieurs minutes à ces prix qu'il s'était vu remettre, tandis qu'il prenait la direction du dressing avec l'intention d'enfiler de quoi improviser une promenade en extérieur, ce qui devenait décidément une habitude, alors même que la nuit n'était pas encore tombée. Seulement, lorsqu'il passa le pas de la porte, c'est sur un Colin des plus agités que son regard se posa, lui qui renversait les étagères de plusieurs de ses camarades et étouffait des jurons qui lui valurent de craindre de tomber au mauvais moment. Pour autant, il fut incapable de faire demi-tour, peut être parce qu'il aurait mauvaise conscience de le laisser dans cet état, sachant ce qu'il avait appris sur lui hier soir et combien certaines choses avaient pu l'aider à le comprendre. Son camarade nota de toute façon sa présence, ainsi l'indien osa faire un pas vers lui, toutefois hésitant. « Rien, je … j'étais simplement entrain de me dire que tu devrais peut être faire attention à ne pas abîmer certaines affaires. » Il osa formuler, après quelques instants, sans trop se faire d'illusions quant aux chances pour que Colin s'offusque de sa remarque, parce qu'il commençait à bien le connaître et qu'ici il lui semblait particulièrement remonté. « Ce n'est pas la peine de donner lieu à un nouveau conflit. » Sa voix tempéra alors, tandis qu'un léger sourire gagna ses lèvres et qu'il s'avança encore un peu plus. Passer du temps en compagnie de Colin ne s'était jamais avéré déplaisant, et ça n'était pas maintenant qu'il en savait un peu plus sur son compte qu'il pourrait décemment décider de le fuir. « Je n'ai rien vu, mais je peux t'aider à la chercher si tu veux. » Sur ces mots, il commença alors à regarder tout autour d'eux, grimaçant légèrement lorsqu'il crut apercevoir certaines de ses affaires éparpillées sur le sol, mais préférant faire abstraction de ce détail pour se reconcentrer sur Colin. « Tu as regardé ailleurs ? Tu l'as peut être laissée dans ta chambre ? » Ou peut être qu'il savait que c'était précisément ici que sa veste était supposée être, et dans ces cas-là l'indien arrêterait de poser des questions idiotes et se concentrerait davantage sur ses recherches. Dans l'immédiat, toutefois, il ne pouvait nier qu'il se faisait du souci pour son camarade. « Colin, est-ce que tu veux … parler, évacuer tout ce que tu as sur le cœur ? » Il reprit alors, d'un ton qui peut être laisserait penser qu'il cherchait à jouer les grands frères avec lui, mais qui visait surtout à le mettre à l'aise, pour qu'il se confie s'il en ressentait le besoin. « Je vois bien que tu es contrarié, et j'ai ma petite idée sur ce qui met tes nerfs à rude épreuve. » Il lui suffisait de repenser à la révélation de son secret, survenue la veille, pour revoir la scène et la mine contrariée de Colin, lorsque Lawrence avait dérobé sa cagnotte. Il l'avait entendu faire quelques commentaires à ce sujet, et bien qu'il soit d'avis que Lawrence n'était pas à blâmer et qu'il ait pris à cœur le fait qu'il se sente coupable, il était en mesure de comprendre l'agacement de Colin, étant bien placé lui-même pour savoir que quarante-mille euros, ça pouvait représenter peu de choses pour certains, et une véritable fortune pour d'autres.

Il s’agite, fouille le dressing à la recherche de son bien, jurant à voix haute et s’énervant à mesure que les minutes défilent. Tout l’agace depuis le début de la semaine. Ça va se tasser, il a conscience qu’il s’agit que d’une passade le temps de digérer la perte de sa cagnotte, celle de son secret ainsi que le résultat des sondages dévoilés à l’issue du prime. C’est une accumulation et ses parents ne sont pas dans le coin pour qu’il se défoule sur eux, Zélie non plus et sans parler de Cody qui était son bouc-émissaire favori. Alors à défaut, les vêtements de ses camarades font les frais de son agacement. Et bientôt Naveen, quand ce dernier l’observe depuis l’encadrement de la porte. Après l’avoir accueilli d’une façon ô combien chaleureuse, il ne tarde pas à lui demander s’il a vu sa fameuse veste, qui a le mérite d’être suffisamment chaude pour qu’il puisse éviter de tomber malade à chaque pause clope. Naveen n’arrange pas son cas quand il lui fait une réflexion sur les affaires qu’il éparpille un peu partout à mesure qu’il fouille la pièce. « C’est la faute du fantôme du dressing si on te demande. » Après tout, ça se tient. Ce n’est désormais plus un secret que certaines affaires disparaissent et réapparaissent parfois dans un sale état, il en a déjà fait les frais, et il n’aura qu’à soumettre l’idée à ses camarades si certains se posent des questions. Ils n’auront aucune raison de douter de sa parole. « On doit pas avoir la même définition du terme conflit. » Il y a déjà eu des conflits par ici ? Il n’est pas certain. Allen parle de petites tensions lors de sa rubrique, mais qui ne ressemblent pas vraiment à un conflit du point de vue de l’américain. « Ouais, j’veux bien. Cool. » C’est ce qui se rapproche le plus d’un merci de sa part. Il n’est pas étonné que Naveen prenne part aux recherches, il n’en attendait pas moins de sa part. « Non, j’sais où je la range et j’sais que c’est pas dans ma chambre. » Il soupire alors qu’il continue à fouiller les placards sans aucune délicatesse. Aussi surprenant que cela puisse paraître, quand il est question de ses affaires il sait faire preuve d’organisation. Il est rare que ses fringues traînent dans la chambre guimauve, au contraire même, il n’hésite pas à faire des allers-retours entre les deux pièces pour éviter d’accumuler les affaires près de son lit. Se stoppant ensuite à la réflexion de Naveen, l’américain fronce les sourcils. « Sérieusement ? » Il questionne son camarade avec un léger sourire. Lui, parler, évacuer ce qu’il a sur le cœur ? Naveen est gentil, mais il s’est trompé de personne. « Non. » Qu’il répond finalement en haussant les épaules, s’il est nécessaire de se montrer explicite. L’indien reprend en évoquant sa petite idée quant à ce qui peut le contrarier. Marquant une pause, Colin tente de se raisonner. Il est énervé, évidemment, mais Naveen n’y est pour rien, au final. C’est ce qu’il essaie de se répéter alors qu’en réalité il aimerait crier sur quelqu’un juste pour le plaisir de se défouler. Le problème, c’est que l’indien prend bien trop les choses à cœur et Colin finira pas avoir mauvaise conscience de s’en être ainsi pris à son camarade. « Ma cagnotte ? » Il demande, histoire qu’ils se mettent d’accord, alors qu’il est plus calme mais pas pour autant chaleureux, et qu’il a cessé de s’agiter dans la pièce pour faire face à Naveen. « Enfin. Mon ancienne cagnotte. » N’oublions pas ce détail. « Mon secret franchement j’m’en fous, ouais ça m’aurait plu de le garder jusqu’au bout, mais j’savais qu’il faudrait que j’en parle un jour ou l’autre, donc bon. » C’est dommage qu’il n’ait pas réussi à le garder jusqu’au bout, mais c’était inévitable, il savait à quoi s’attendre. C’est le jeu. Perdre sa cagnotte aussi, à condition qu’elle tombe entre de bonnes mains. « Mais ma cagnotte j’y tenais et maintenant elle est dans les poches du type qui mange du caviar au petit déj’ et qui va sûrement s’offrir un nouveau bar pour son jet privé. » Que Lawrence lui ait précisé la semaine dernière que sa famille a travaillé pour avoir une telle fortune ne change rien. Lawrence est né avec une cuillère en or dans la bouche, sa famille a pu fournir une multitude d’efforts pour monter un empire, le barbu n’a jamais eu un rapport « normal » avec l’argent, contrairement à la plupart des candidats. « Enfin, ouais, j’sais qu’il a prévu de donner à une association, mais il peut aussi se servir dans sa fortune personnelle. » Dont il ne préfère pas connaître le montant au risque de faire une syncope. Il sait qu’il n’est pas assuré de valider sa cagnotte tant qu’il n’atteint pas un certain stade de l’aventure, mais s’il atteint ce fameux stade, ça ne changera finalement rien pour lui. « Et puis j’sais pas, ça me gave que ce soit lui qui trouve mon secret. » Il ne s’en cache pas, il voulait que ce soit Salomée qui le trouve, pas Lawrence, le type avec qui il n’a pas particulièrement d’affinité. « Toi qu’est l’homme le plus riche du nid, sois gentil et fais-moi un versement. Ou file-moi un indice sur ton secret, ça m’va aussi. » Qui ne tente rien n’a rien. Ayant retrouvé un minimum de calme, il finit même par croiser les bras tandis qu’un mince sourire se dessine sur ses lèvres.

Si l'indien n'était jamais tellement mal à l'aise en présence de Colin, qui jusqu'ici avait pu lui faire quelques frayeurs mais jamais lui faire passer l'envie de profiter de sa compagnie, il hésita il est vrai à rebrousser chemin au moment où il le trouva au milieu du dressing, entrain du mettre un beau désordre dans les affaires de leurs camarades, et visiblement d'assez mauvaise humeur. Parce qu'il se doutait que dans un moment comme celui-ci, quiconque croisait sa route ferait les frais de son mécontentement, et puisqu'il estimait compter parmi ceux avec qui le jeune homme s'était toujours assez bien entendu, il aimerait autant ne pas devenir subitement son bouc émissaire. Mais Colin finit par noter sa présence, ainsi il fut trop tard pour reculer. L'indien s'avança alors de quelques pas, osant avouer à son camarade qu'il jugerait préférable de ne pas risquer d'abîmer des affaires qui n'étaient pas les siennes, et se heurtant bientôt à un commentaire qui lui valut d'afficher un fin sourire. « Il me faudrait une bonne raison pour être tenté de leur mentir. » Il fit remarquer, avec la bienveillance qu'il destinait toujours à Colin, et sans avoir il est vrai l'intention d'inventer une histoire aussi rocambolesque simplement pour le couvrir. Il le ferait, c'est certain, mais autrement. « A vrai dire, je n'aime pas trop ça. Je pense qu'on peut se contenter d'ignorer les gens avec qui on ne s'entend pas. Et que si tout le monde en était capable, le Monde ne serait pas ce qu'il est. » Il reprit ensuite, dans un léger haussement d'épaules, quand son camarade laissa entendre qu'ils puissent ne pas avoir la même définition du terme « conflit », ce qui sans doute était vrai dans la mesure où l'indien n'avait jamais tellement expérimenté ce genre de situations. Apprenant en tout cas qu'il avait perdu sa veste, il se proposa de l'aider à la retrouver, autant parce que ça ne le dérangeait pas que parce qu'il avait cru remarquer que Colin n'appréciait pas qu'on reste planté à le regarder s'agiter. Ainsi fouilla-t-il lui aussi tout autour d'eux, apprenant au passage que c'était bien ici que la veste était supposée se trouver. Bien. « Est-ce qu'elle a un signe distinctif, cette veste ? » Qu'il sache à peu près à quoi elle ressemblait, car ce qu'il voyait dans l'immédiat c'était des montagnes de vêtements éparpillés sur le sol et qui se ressemblaient tous plus ou moins. Se risquant en tout cas à l'inviter à livrer ce qu'il avait sur le cœur, c'est un Naveen pas tellement surpris qui comprit rapidement que Colin n'avait pas la moindre intention de s'épancher sur ses ressentis. Peut être parce qu'il ne se sentait pas en confiance, peut être parce qu'il n'aimait tout simplement pas ça. Loin d'avoir envie d'insister, l'indien se contenta alors d'un sourire un peu triste, avant de hocher la tête. « Oui. » C'était bien à sa cagnotte, ou plutôt à sa perte – comme Colin le fit si justement remarquer – qu'il pensait l'instant d'avant, comme à la raison de son agacement. Son camarade évoqua la découverte de son secret et son regard se fit plus attendri. « Je suis sûr que ça t'a fait quelque chose, d'en parler. Que ça t'a soulagé, peut être. » Il ne prétendait pas le savoir mieux que lui, mais Colin avait été évoqué des choses très personnelles, qui sans doute ne le laissaient pas aussi indifférent qu'il cherchait à le faire croire. « Tu sais, je pense que ça nous a tous aidé à te comprendre un peu mieux. Et tu sais qu'en ce qui me concerne, c'est ce que je voulais depuis le départ. » Le comprendre, le cerner, parvenir à creuser jusqu'à apercevoir un autre Colin que celui qu'il affichait aux yeux du monde. Le fait d'avoir appris pour sa famille, pour la détresse qui devait être la sienne de se retrouver parmi des gens auprès de qui il ne se sentait pas à sa place, parce qu'il avait vécu une enfance atypique, ça l'aidait à le comprendre, oui. Colin évoqua indirectement Lawrence et ses sourcils se froncèrent doucement. « Tu n’exagères pas un petit peu ? » Il demanda, d'un ton presque amusé, avant d'ajouter. « Tu le vois comme un cliché, et c'est dommage. Parce que si tu te concentrais sur d'autres détails, je pense qu'il pourrait te surprendre. » Peut être n'était-il pas très objectif quand il l'incitait à laisser une chance à Lawrence de lui prouver qu'il n'était pas ce que beaucoup se contentaient peut être de voir en lui, mais il ne s'était jamais arrêté à tout ce qui semblait faire de lui un homme invincible, et il ne le regrettait pas aujourd'hui. Bien au contraire. « C'est vrai, c'est ce qu'il a prévu de faire. » Il reprit ensuite, avec une certaine tendresse dans la voix en repensant à cette proposition que lui avait fait Lawrence, celle de choisir l'association à laquelle irait sa cagnotte. « Mais il n'utilisera pas ton argent, j'en suis certain. » Parce qu'il devait penser qu'il ne lui revenait pas de droit, contrairement à ce que Colin pensait sans doute. Il n'imaginait pas Lawrence s'approprier cet argent, il avait bien vu qu'il était hautement mal à l'aise à l'idée d'en avoir pris possession. Et puis, finalement, l'indien interrompit ses recherches pour se rapprocher de Colin, quand celui-ci reprit la parole. « Colin » qu'il souffla, en alignant quelques derniers pas en sa direction. « Est-ce qu'à sa place – si tu avais les moyens de découvrir son secret – tu t'arrêterais au fait qu'il aimerait sans doute que ce soit quelqu'un d'autre que toi qui le trouve, et qu'en tentant ta chance tu risquerais de le priver de sa cagnotte ? » Il n'y avait pas de piège, c'était une simple interrogation qui avait pour but de lui faire comprendre qu'il n'y avait assurément rien de personnel dans la démarche de Lawrence, qu'il s'était contenté de jouer, comme Colin l'aurait sûrement fait à sa place. « Oublie son milieu, et réponds-moi sincèrement. » La richesse de l'ancien marine était visiblement un détail qui posait problème au jeune homme, ou tout du moins auquel il s'arrêtait, ainsi fallait-il qu'il en fasse abstraction le temps de se mettre à sa place. Lâchant ensuite un léger rire, il reprit. « Pour le versement, j'ai peur de ne pas pouvoir t'aider. Pour l'indice, par contre, je peux peut être faire quelque chose pour toi. Cependant, j'ai une condition. » Il leva sa main droite et dressa son index comme pour donner un coté solennel à la requête qu'il était sur le point de lui faire. « Promets-moi que tu n'en voudras pas à Lawrence au-delà de cette semaine.  » Au-delà des quelques jours où il était légitime qu'il soit un peu contrarié, sachant qu'il voudrait sûrement s'en expliquer avec lui, ce qui était tout à fait normal. « Je comprends ton ressenti, mais tant que tu lui tiendras rigueur de son buzz, je sais qu'il se sentira coupable et qu'il ne s'attribuera aucun mérite, alors qu'à mes yeux il en a. » Et ça lui tenait à cœur, que Lawrence comprenne lui aussi qu'il n'avait rien à se reprocher. Il se laissait influencer par l'opinion de Colin, et en oubliait qu'il avait découvert un secret, ce qui était loin d'être négligeable. « Pour un indice, tu dois bien pouvoir faire ça, non ? » Colin n'était pas connu pour faire preuve de bonne volonté à la demande, mais c'était lui qui avait soumis l'idée de recevoir un indice sur le secret de l'indien, et le fait est qu'il ne voyait aucun inconvénient à le lui donner. Simplement, il aimerait être certain que Colin serait prêt à faire quelques efforts, de son coté.

Il devrait faire attention aux affaires des autres, c’est vrai, mais ce n’est clairement pas sa priorité dans l’immédiat, même si Naveen se permet de le rappeler à l’ordre. Il n’est pas particulièrement délicat en temps normal, aucune raison pour que Colin le soit lorsqu’il est énervé. Si on lui pose des questions, Naveen n’aura qu’à accuser le fantôme du dressing, une légende dont la véracité reste à déterminer, mais qui s’est propagée comme une traînée de poudre. « Ah ouais ? Et j’peux connaître ton prix ? » Il questionne Naveen sans pour autant s’arrêter de fouiller. Il lui faudrait une bonne raison, mais quelle raison exactement ? Qu’il l’éclaire et le benjamin verra s’il peut faire quelque chose. L’indien estime qu’il n’y a pas lieu de donner un nouveau conflit et Colin se veut sceptique. Mais Colin ne voit pas pourquoi un conflit aurait lieu, à la rigueur quelques haussements de voix, mais rien de plus. « C’est beau ce que tu dis. » Il lance, les lèvres pincées. Bon, d’accord, il a l’air de se moquer de son camarade, mais dans le fond, il est vrai que si plus de personnes pensaient comme lui le monde s’en sortirait mieux, c’est un fait. « Tu ne penses pas que c’est pire d’être ignoré ? » Il demande, sérieux. Lui, il préfère qu’on lui accorde une importance qu’il ne mérite peut-être pas, qui est purement négative, plutôt qu’on se contente de l’ignorer et de prétendre qu’il n’existe tout simplement pas, ou alors uniquement quand il est question de se saluer, par exemple. Appréciant le coup de main donné par Naveen même si ça ne le surprend pas, il réfléchit à un signe distinctif. « Ouais, un col fourré, un truc du genre. » Il lui semble. À vrai dire, il ne prête pas suffisamment attention à ses affaires pour être certain de ce qu’il dit.  Lorsque l’indien l’invite à parler de ce qu’il ressent, l’américain n’est pas étonné que son camarade lance une telle invitation, bien au contraire, mais ce n’est pas pour autant qu’il compte l’accepter. Colin estime qu’il s’est déjà suffisamment épanché sur son secret lors du prime de dimanche, il n’a aucune envie de revenir dessus. Si on lui pose des questions, oui, il veut bien faire l’effort d’y répondre, mais de lui-même il ne compte plus en parler. Ceci dit, s’il ne veut pas évoquer son ressenti quant à sa révélation ou sur son histoire, il veut bien discuter de ce qui le contrarie, puisqu’il n’est pas difficile de deviner la raison de son agacement. Naveen lui confirme qu’ils sont sur la même longueur d’ondes, il est bien question de la perte de sa cagnotte. Estimant finalement que son secret lui importait peu – du moins pas autant que sa cagnotte – Naveen ne tarde pas à rebondir sur le sujet. « Non, pas que j’sache. » Il dit simplement en haussant les épaules. « Oui, j’sais. C’est l’but d’une révélation selon moi, mais c’est pas pour autant que vous me connaissez. » Il juge utile de préciser. Même si Naveen n’a pas dit le contraire, il estime important de préciser que, parce qu’ils connaissent maintenant la raison derrière son comportement, ça ne veut pas pour autant dire qu’ils peuvent le cerner. Il a révélé ce qu’il avait envie de révéler, mais de nombreux détails ont été volontairement occultés par le jeune homme. Son secret n’en est pas réellement à l’extérieur, quand la vérité a éclaté, il est passé de thérapeute en thérapeute dans le but de l’aider à se faire à cette idée – sans succès toutefois, sinon il ne serait pas ici – alors il a déjà eu l’occasion d’en parler, il ne vit pas sa révélation comme un soulagement, d’autant plus qu’il s’était préparé à ce que cela arrive tôt ou tard. Ce qui serait réellement un soulagement, c’est de quitter sa famille biologique sans se retourner, ce que ses camarades ont dû comprendre, sans pour autant savoir pourquoi c’était si important et surtout vital à ses yeux. Il a conscience d’être dur avec sa famille, pour autant ils ne sont pas uniquement des victimes. Déménager, c’est ce que sa cagnotte lui aurait permis de faire, raison pour laquelle il en tient particulièrement rigueur à Lawrence pour lui l’avoir dérobée. Le pire, dans tout ça, c’est que cet argent ne lui sera absolument pas utile. Contrairement à lui, il n’est pas question d’une nécessité. « J’sais que tu l’apprécies, mais désolé, j’ai aucune envie qu’il me surprenne. C’est pas un mauvais gars, mais c’est pas et ce sera jamais mon pote. » Il a appris à connaître le Prince Disney dernièrement, et même si son avis sur ce dernier a changé, il ne le porte pas pour autant dans son cœur. Et encore moins depuis dimanche, donc. Ainsi, ça n’a rien d’étonnant qu’il lui en tienne rigueur puisqu’ils n’ont pas particulièrement d’affinités. « J’le vois peut-être comme un cliché, mais ça reste quand même le type qui se balade avec un montre qui vaut autant qu’un an de salaire pour certains et qui a toujours eu des employés de maison à sa solde. » Le cliché n’est donc pas totalement sorti de nulle part. Il avait déjà émis des commentaires sur la richesse de son camarade, mais ils ont pris une nouvelle tournure depuis dimanche. Certains sont privilégiés, d’autres non, il devrait se faire à l’idée, mais dans certaines situations c’est délicat. « Il peut l’utiliser, c’est le sien maintenant. » Ce n’est pas parce qu’il se veut plutôt mauvais joueur qu’il n’est pas en mesure de reconnaître que cet argent appartient désormais à Lawrence. Admettant également qu’il aurait préféré que quelqu’un d’autre trouve son secret, il tente de s’immobiliser quand Naveen s’approche de lui, probablement pour lui faire la morale étant donné la façon dont il énonce son prénom. Il écoute son camarade, non sans pousser un léger soupire lorsqu’il est question d’oublier son milieu. « Ouais, justement j’y arrive pas. » C’est ça, le problème. Cela faciliterait grandement les choses s’il arrivait à faire abstraction de ce détail. « Bah maintenant qu’il est pété de thune la réponse est simple, non. » Parce que c’est l’appât du gain qui prime, ce qui n’est pas le cas chez Lawrence. « J’peux pas te répondre, parce que j’arrive pas à me mettre à sa place. » Il n’y arrive pas, ou est-ce peut-être simplement de la mauvaise volonté de la part du benjamin. « Surtout que j’ai aucune idée sur son secret, ni sur ceux des autres, alors bon j’arrive pas à imaginer. » Il avait bien une idée sur Sara qu’il était d’ailleurs prêt à buzzer, mais sans compter sur l’envie de madame de quitter l’aventure (ce qui l’avait arrangé, c’est vrai). Peut-être qu’il fera son mea culpa quand il aura reçu les indices des enchères et qu’il aura une illumination, mais pour l’instant il lui est difficile d’envisager cette situation. Ou du moins, difficile le temps de cette conversation puisqu’en réalité, la réponse est assez évidente. Surtout qu’il n’a jamais caché que sa cagnotte et le jeu primaient sur le reste. « Naveen, si tu permets, t’es chiant. » Il ne peut pas vraiment le permettre, en fait, puisque Colin s’est donné l’autorisation. Il agrémente le tout d’un mince sourire, afin de lui faire comprendre qu’il n’a pas à se sentir personnellement visé. Du moins, ce n’est pas aussi négatif qu’il serait tenté de le croire. Oui, Naveen est chiant en l’obligeant à réfléchir de manière raisonnée alors qu’il préfère faire preuve de mauvaise foi. Et de remettre Lawrence sur le tapis même quand l’américain tente de changer de sujet. Alors que le deal était parfaitement réglo, un indice contre rien, juste par bonne volonté, c’était bien. Affichant toutefois un bref sourire alors que Naveen lève la main comme s’il était au tribunal, il pousse un léger sourire par la suite. « J’crois qu’on va abandonner l’idée. » Puisque ça implique de ne pas en vouloir à Lawrence trop longtemps. « J’vais pas lui en vouloir à vie mais j’fais pas de promesses. » Il est peu probable qu’il se mette à ignorer son camarade jusqu’à la fin du jeu, mais il n’a pas envie d’être tenu de suivre une promesse. « C’est pas parce que j’l’ai pas félicité qu’il a aucun mérite. J’comprends pas cette idée de s’arrêter de vivre dès que quelqu’un vous en veut. » Il en veut à Lawrence, c’est un fait, mais rien n’empêche ce dernier de s’en foutre et d’être fier de lui. Il a trouvé un secret, ce n’est pas rien, même si Colin n’a pas jugé utile de le féliciter. « Même toi, t’as pas réussi à le raisonner ? » Il demande avec un léger sourire. Naveen et Lawrence, c’est pourtant une affaire qui roule, maintenant, non ? « Y’a du relâchement Naveen. » Il secoue la tête de désapprobation. « Bon, j’renonce à ton indice si on arrête de parler de Lawrence, en fait. Si tu t’en sens capable. » Il vient d’en parler, c’est vrai, mais plus dans l’optique de se moquer légèrement de la relation qui fait jaser pas mal de monde plutôt que d’enfin se sentir mal pour le traitement qu’il inflige au Prince Disney. Il sait que Naveen est très – trop – attaché au candidat, raison pour laquelle il lui demande, sur le ton de l’humour, s’il est capable de le mettre de côté. « Y’a un autre point sur lequel j’dois avoir une petite morale ? » Pas qu’il prenne mal les précédentes paroles de Naveen, pas trop du moins, sinon il aurait déjà quitté la pièce, alors autant que le candidat se permette une autre réflexion s’il le souhaite. Il pourra toujours continuer de se défouler sur les vêtements de ses camarades, dans le pire des cas.

Sans doute Colin avait-il eu un brin de chance lorsque l'indien était entré dans le dressing, alors que certains de leurs camarades n'auraient peut être pas apprécié de le voir déranger leurs étagères, et répandre leurs vêtement sur le sol. Lui, il apercevait de là où il se trouvait certaines de ses affaires, mais il tendait à penser que ça n'était pas de faire remarquer à Colin qu'il y tenait un minimum qui le dissuaderait de continuer à mettre un certain désordre. Ainsi se contenta-t-il de laisser entendre qu'il vaudrait peut être mieux qu'il n'abîme pas certains vêtements à force de les manipuler, et tandis que Colin soumit l'idée d'inventer que le fantôme du dressing s'était rendu responsable de ce crime, l'indien, lui, parla d'une bonne raison qui l’amènerait à mentir. « C'est à toi de me le donner, après tout c'est toi qui espère que j'invoquerais une histoire de fantôme dans le but de te dédouaner. » Il souffla avec bienveillance, et une certaine détermination, car il s'estimait déjà compréhensif de ne pas lui avoir fait directement de reproche, sachant qu'en plus il comptait bel et bien le défendre si quelqu'un apprenait le déroulé de cette histoire. Il ne doutait de toute façon pas tellement du fait que dans le fond, Colin se fichait un peu que leurs camarades puissent savoir qu'il était l'auteur de ce désordre. Esquissant un sourire plus amusé à sa prochaine réflexion, empreinte d'une ironique qu'il identifia sans trop de mal, il reprit bientôt. « Non, je pense que l'ignorance mutuelle est bien plus saine que l'affrontement. » Les conflits naissaient souvent de divergences d'opinions, tout comme les guerres naissaient d'oppositions variées, alors qu'il ne demanderait pas beaucoup d'efforts à chacun de faire simplement abstraction de ceux qui pourraient avoir des idées différentes des siennes, et de suivre le court de sa vie sans plus s'en soucier. Lui proposant en tout cas son aide pour remettre la main sur la veste qu'il avait perdu, il apprit qu'elle avait bel et bien un signe distinctif. « Un col fourré, d'accord, c'est retenu. » Aidé de cette indication, il poursuivit ainsi ses recherches, regardant tout autour d'eux avant de laisser entendre à Colin qu'il pouvait, s'il le souhaitait, livrer ce qu'il avait sur le cœur. La révélation de son secret l'avait amené à parler de choses personnelles, et quel que soit ce que Colin avait montré de lui jusqu'ici, l'indien se doutait que cette révélation avait réveillé certaines choses, qu'elle ne l'avait pas nécessairement laissé dans l'indifférence qu'il présentait toujours. Il tendait d'ailleurs à  penser que tout ça lui avait permis de le comprendre un peu mieux, parce que son vécu lui permettait de cerner plus facilement le jeune homme qu'il était aujourd'hui, que les événements qui avaient marqué son existence l'avaient enrichi et que c'était précisément ce genre de constats que l'indien espérait faire, dès le départ, à son sujet. Colin ne semblait pas partager son point de vue, et ça ne l'étonnait pas, tout comme le fait qu'il laisse entendre que personne ne le connaissait pour autant. « Personne ici ne le prétend. Et je ne suis même pas certain d'être en droit d'en discuter avec toi, mais … si tu avais besoin de parler, un jour, ça ne me poserait aucun problème que tu te tournes vers moi. » Il se permit de lui assurer, tandis que son regard se fit un peu plus doux, comme pour qu'il soit certain de sa sincérité. « Ça me ferait même plaisir. » Parce que Colin n'était peut être pas le candidat dont il était le plus proche, néanmoins il lui portait une affection véritable, qui trouvait ses origines dans les moments où son mauvais caractère et sa mauvaise foi l'avaient amusé, où il s'était moqué de lui, et où leurs différences manifestes n'avaient pas été un obstacle aussi important qu'il se l'imaginait peut être au départ. La perte de sa cagnotte, en tout cas, provoquait chez Colin une contrariété compréhensible. Pour autant, il serait dommage qu'il s'évertue à en tenir rigueur à Lawrence, sous prétexte qu'il n'avait pas besoin de cet argent et qu'il n'était sans doute pas le candidat qu'il affectionnait le plus. S'il lui en laissait l'occasion, l'américain pourrait sans doute le surprendre. « Je me doute que tu ne veux pas t'en faire un ami, mais je te demande de lui laisser une chance de faire mentir la première impression que tu as pu te faire de lui. Je t'assure que tu ne pourras être qu'agréablement surpris. » Quelle que soit la dite impression, elle était sans doute assez éloignée de la personne qu'était Lawrence, dans le fond, et il n'était pas trop tard pour qu'ils apprennent à sympathiser. Le problème étant surtout qu'à ce jour, Colin semblait voir leur camarade comme un cliché, ce qui pourtant ne le définissait pas. Et cette histoire de montre, il est vrai qu'elle le désolait un petit peu. « Tu sais, j'ai passé vingt-neuf ans de ma vie dans une maison à peine plus grande que la chambre où je dors depuis que je suis ici. On était une dizaine, à vivre d'un seul salaire, à récupérer les vêtements des plus vieux parce qu'on ne pouvait pas en acheter de nouveaux, à tomber malades sans pouvoir être soignés. » Ses recherches momentanément interrompues, il esquissa un sourire un peu mélancolique, repensant à cette période qui pour beaucoup ressemblerait certainement à un calvaire mais à qui il devait finalement beaucoup. « Je ne me plains pas, parce que vivre dans ces conditions m'a fait apprécier chaque moment passé auprès de mes sœurs lorsqu'elles étaient en bonne santé, de ma mère lorsqu'elle ne pleurait pas, et plus généralement toutes les belles choses qu'on a pu vivre ensemble, dans cet endroit peut être insalubre, mais qui pour nous n'était rien d'autre qu'un foyer rempli d'amour. » Non, ça n'avait pas toujours été évident de partager la même chambre que plusieurs de ses frères et sœurs, tout comme ça n'avait pas toujours été évident d'assumer certaines responsabilités lorsqu'il lui avait fallu jouer un certain rôle auprès des siens. Mais il n'avait pas été malheureux, pas tout le temps du moins. « Je connais la valeur de l'argent, moi aussi. La montre dont tu parles ne sera jamais dans mes moyens non plus, mais ça n'a aucune importance. Ce que vaut cette montre, le fait que Lawrence en ait peut être beaucoup d'autres comme ça, le prix de sa maison … Son milieu en règle générale n'importe pas. » Sans doute ne se seraient-ils jamais rencontrés sans cette émission, parce qu'ils ne vivaient vraisemblablement pas la même existence, mais quelle importance dans le fond que l'un ait des moyens que l'autre n'avait pas. Naveen était indéniablement plus proche de Colin que de Lawrence à ce niveau-là, mais ça ne comptait pas. « Lawrence est fortuné, mais sa fortune ne doit pas le définir. Ce serait injuste de le réduire à ça, tu ne penses pas ? » Peut être que pour Colin, il était décidément difficile d'oublier que l'homme qui avait découvert son secret n'avait aucun besoin de la cagnotte qu'il avait récupéré, mais la richesse de l'américain était une chose qu'on ne pouvait décemment pas utiliser contre lui. Ici, ils étaient tous sur un pied d'égalité. Ils jouaient et avaient les mêmes droits de s'essayer à la découverte des secrets, c'était du moins son avis. Son camarade, de toute évidence, ne parvenait pas à se mettre à la place de leur camarade, ce qui n'était pas grave en soi mais aurait pu lui permettre de retrouver une certaine tranquillité d'esprit. « Des idées, tu as encore le temps d'en avoir. Mais en attendant, je crois qu'il vaut toujours mieux éviter de juger quelqu'un pour une situation dans laquelle on ne s'est pas retrouvé. » C'était une idée qu'il appliquait quand ça lui paraissait nécessaire, lui. Il était rare qu'il soit tenté de porter un jugement, mais lorsqu'une attitude lui paraissait peu compréhensible, il tâchait généralement de se demander ce qu'il aurait fait, lui, s'il s'était retrouvé dans une situation semblable. S'il aurait mieux agi, s'il aurait pensé différemment. La façon dont Colin reprit la parole valut à l'indien d'afficher une mine amusée, et assez attendrie. « Tout ce que j'ai entendu, moi, c'est « Naveen ». » Il souffla, non sans sous-entendre qu'il n'avait pas forcément l'habitude de l'entendre l'appeler par son prénom. « Maintenant, je peux bien te le dire, le surnom que tu m'avais trouvé manquait un peu d'originalité. » Disons qu'il aurait peut être pu l'aider à trouver autre chose, d'un peu plus inattendu peut être. Cette histoire de surnom, il la prenait avec humour depuis le départ parce qu'elle ne l'avait jamais dérangé, mais dans le fond, il n'était sincèrement pas mécontent que Colin emploie à présent son prénom plutôt qu'un qualificatif un peu réducteur. L'indice dont espérait profiter son camarade l'incita en tout cas à lui demander de lui faire une promesse. Une promesse qui sans doute était dans ses cordes, bien que Colin la refuse, ce que l'indien accueillit par un hochement de tête bienveillant. « Si tu préfères, je n'y vois aucun inconvénient. » Il avait dit ça comme ça, sans chercher à le contraindre à faire une chose dont il pourrait ne pas avoir envie, ou à ce que Colin pense devoir lui rendre des comptes. Et puis, si ça lui évitait dans le fond de rependre délibérément un indice sur son secret, peut être n'était-ce pas plus mal, bien qu'il ne découragerait personne à tenter de le découvrir, au contraire. « Parce qu'il se remet beaucoup en question, et qu'inconsciemment tu as réveillé une certaine culpabilité en lui. » Il reprit en tout cas, les lèvres légèrement pincées, après un haussement d'épaules un peu résigné. Lawrence prenait cette histoire à cœur, et il se sentait un peu impuissant de le voir se faire des reproches sans tellement parvenir à l'aider. Ainsi, quand Colin ironisa sur le fait que même lui n'était pas parvenu à le raisonner, il eut du mal à ne pas laisser transparaître une certaine tristesse dans le sourire qu'il esquissa. « J'ai tenté de le rassurer, mais je pense qu'il doit faire la paix avec un certain nombre de choses, et que je ne peux pas le faire pour lui. » Il n'y avait pas que cette histoire de cagnotte, ce que se rapprochait Lawrence faisait écho à des éléments dont il n'avait pas forcément connaissance, car toute une partie de sa vie demeurait inconnue aux yeux de l'indien, qui du coup n'avait pas forcément les outils pour l'apaiser. « Ça devrait être supportable. » Il reprit, cette fois un peu plus amusé. Ne plus évoquer Lawrence, ça pouvait sembler compliqué quand on savait qu'il pourrait l'évoquer des heures durant sans se lasser, mais ici ça ne devrait pas s'avérer impossible, surtout sachant que ça n'était pas le sujet sur lequel il valait mieux s'étendre auprès de Colin, cette semaine. C'est par ailleurs au moment où un court silence prit possession des lieux que l'indien crut apercevoir une veste semblable à celle que lui avait décrite son camarade, partiellement recouverte d'autres vêtements. Le col était fourré, elle paraissait un peu large pour un jeune homme tel que Colin mais il était peu probable qu'il y en ait deux pareilles, sachant le temps qu'il avait déjà mis à trouver celle-ci. Son camarade reprit à ce moment-là la parole, et l'indien ramassa la veste avant de la cacher derrière son dos, tandis qu'il se rapprocha à nouveau. « Ça dépend » Les lèvres de l'indien esquissèrent cette fois une petite moue énigmatique, tandis qu'il regarda tout autour d'eux. « Tu as prévu de tout remettre en ordre ? Parce que dans le cas contraire, j'aurais tendance à t'y encourager. » C'était peut être lui faire la morale, oui, mais en vérité il pensait surtout à leurs camarades, et au fait qu'il peinerait mine de rien à leur expliquer ce qui était arrivé à leurs affaires, sans mêler Colin à tout ça. « Mais rassure-toi, j'ai l'intention de te donner un coup de main pour ça aussi. » Et c'est à ce moment-là qu'il lui tendit finalement la veste qu'il avait ramassée à l'instant et qui, il l'espérait, était bien celle qu'il recherchait. « Je crois que c'est la tienne. » Et si c'était bel et bien le cas, Colin devrait a priori être dans d'assez bonnes dispositions pour qu'ils s'affairent à tout ranger. Car s'il désertait les lieux maintenant qu'il avait eu ce qu'il voulait, l'indien se sentirait certainement un peu utilisé. Serait-il rancunier pour autant ? C'était peu probable.