Depuis son abandon de l'aventure, il éprouve des remords, notamment concernant une certaine française qui continue à hanter son esprit, le cœur battant à la chamade. Derrière son écran de télévision, il n'a raté aucune rediffusion ou presque des avancées de ces petits préférés, mais cette personne tient une place particulière. En voyant le visage de la belle apparaître à l'écran tous les jours, il a ressenti un manque, un vide. Quelque chose d'incomplet et pour cause, leurs chemins se sont séparés au moment même où l'italien a quitté le nid, la mine contrite et la gorge serrée, ses bagages en main. Il ne s'est pas passé un jour sans qu'il ne regrette cette décision. Il tente de se rassurer en se disant que c'était mieux ainsi, que sa famille avait besoin de lui et que sa santé se détériorait un peu plus chaque jour. Au fil des jours, ses regrets se sont peu à peu amoindris, mais ses sentiments sont restés intacts. Quand la production l'a appelé, il a saisi l'opportunité de prendre le premier avion. En arrivant dans les coulisses, il s'est contenté de suivre le prime, guettant la silhouette de cette femme dont il s'est épris. Ne la voyant pas sur le plateau, il en a conclu qu'elle s'est peut-être isolée dans sa chambre, loin de la cohue. A la fin du prime, il s'est éclipsé, voulant jouer au fantôme pour l'instant, pour faire une surprise à chacun. Ses bagages l'attendent près de son placard attitré, le même qu'il lui a été attribué en début d'aventure. Cette fois, il n'a apporté grand chose, le strict minimum. Pendant qu'il déballe ses affaires, il se sent observé. Une intuition lui dit que cette personne est celle qu'il attendait, dont le regard vert olive le trouble toujours autant. « Tu compte me dévisager comme ça longtemps ? », qu'il lui lance, en rangeant son pantalon plié en jean au fond de l'armoire. Il se retourne, un léger sourire en coin, la vague à l'âme. Son coeur se serre lorsqu'il prononce ces mots : « Parce que je meurs d'envie de te prendre dans mes bras. Là, à l'instant. » Une façon d'une autre pour se saluer et de montrer qu'ils sont heureux de se revoir, mais il a l'impression que ce ne serait pas aussi simple. Il se rapproche, les mains dans les poches, ne la quittant pas du regard. « A part si tu préfère me gifler, bien sûre. Je ne t'empêcherai pas, je l'aurai bien mérité. » Il rit légèrement. C'est vrai qu'il le mérite bien après s'être conduit comme le pire des lâches. Il ne se voit pas comme tel, mais elle a du se sentir trahie, abandonnée. Il n'a pas souhaité tout cela. Il aurait voulu rester. Pour elle. Il n'a pas eu le choix. Il vient poser son front contre le sien : « Khadija. », murmure-t-il d'une voix suave. Ils restent dans cette position, front contre front, en silence, savourant ses retrouvailles à leur manière, la lumière de la pièce les éclairant faiblement. Les mots peinent à sortir, car le trouble est en train d'envahir tout son être. « Je suis désolé d'être parti comme ça, à la sauvette. » Sans lui dire au revoir. Ce soir-là, si il avait vu son visage, il n'aurait pas été capable de partir. C'est une certitude qu'il souhaite partager avec elle, pour dissiper tout malentendu de l'esprit de la naïade.

« Il est revenu ». Une simple phrase que Naveen lui a glissée, le regard à la fois bienveillant et légèrement inquiet de la réaction de son amie. Il sait, mieux que tout autre, que le départ de Lino a laissé un vide à une Khadija qui commençait à peine à se laisser apprivoiser. Elle hésite. Naveen comprend que cette décision n’appartient qu’à elle et la laisse en décider, ce dont elle lui est intérieurement reconnaissante, mais elle n’est pas surprise ; cet homme sait lire en elle mieux qu’un frère. Elle pourrait fuir, lui tourner le dos, feindre de ne pas le reconnaître jusqu’à la toute fin, le dernier prime pour elle, « oh, Lino, tu es revenu ? Je ne t’avais pas vu ! » mais ce serait amplement hypocrite. Alors, le cœur tout gonflé, elle décide de faire face. Il est dans le dressing, ses bagages encore en main, là où la place qui lui avait été attribuée le premier soir l’attend. Khadija est encore dans sa robe de prime, un prime auquel elle a assisté paresseusement dans le salon depuis l’iPad prêté par l’émission. Robe bustier qu’elle trouve, à présent qu’elle est devant Lino, beaucoup trop aguicheuse pour la situation. Elle croise les bras sous sa poitrine, une cuisse par-dessus de l’autre, et l’observe faire comme chez lui, comme si rien ne s’était passé, comme s’il n’était, au fond, jamais parti. Il finit par l’apercevoir, se tourne vers elle, un léger sourire en coin qui dédramatise sans doute la situation. Elle n’a jamais espéré, de toute façon. Elle ne s’est fait aucun film, et elle avait raison de rester prudente. Lino est-il le genre d’homme à partir sans laisser de trace du jour au lendemain ? Visiblement. Oh, c’est touchant : il voudrait la prendre dans ses bras. C’est pas seulement « quand il veut », en fait. C’est pas seulement lui qui décide de quand ils se voient, quand ils se perdent, et quand ils se retrouvent. Ses yeux verts l’observent sans une réponse, sans un mouvement, elle ressemble à un chat : on sait bien qu’il ne comprend pas ce qu’on lui dit, mais on dirait qu’il saisit bien plus que ce qu’on montre… Déroutant. Lino comprend, glisse ses mains dans ses poches et lui propose une gifle. Elle hausse un sourcil. — Gifle ou baiser, quelle différence ? Sa voix n’est qu’un murmure, pourtant parfaitement audible. Amour, haine, on sait tous ce que c’est : de l’intérêt profond. Le désintérêt, c’est l’ignorer. Elle en est incapable, puisqu’elle est là, devant lui, à peine a-t-il mit un pied dedans. Lino s’approche alors d’elle, contre toute attente, beaucoup plus près à présent, son front se presse contre le sien et leurs deux yeux se fondent les uns dans les autres. Le cœur de Khadija bat la chamade, elle ne s’attendait pas à ce contact, pas à ce pression. Elle a envie de partir en courant. Il prononce son prénom en prenant soin de le dire comme elle l’aime, comme elle le lui a demandé une fois, avec ce petit accent du sud qui la fait sourire. Elle baisse les yeux, se mord la lèvre, et pourtant… elle ne recule pas, profitant de cette proximité, de leur contact, de son parfum. Un musc irisé mêlé à l’odeur naturelle de sa peau. — Tu avais une fille à retrouver en urgence ? Cette phrase lui échappe sans qu’elle l’aie contrôlée, elle ne comprend pas comment un truc pareil a pu sortir de sa bouche… Une question qui devait, inconsciemment, être tapie au fond d’elle depuis longtemps.

Le souffle coupé, il la découvre dans sa belle robe du soir, soulignant ses courbes, ses cheveux sablés et ondulés encadrant son visage. Un visage qu'il a tant de fois contemplé. Et lui, n'arborant qu'un pull épais et un jean sombre, la tenue décontractée par excellence et accessoirement de voyage, ses lunettes cachant ses yeux fatigués, semble effacé à côté. Dépourvu de toute artifice, il apparaît devant elle avec un naturel qu'on ne soupçonnerait de lui, tellement qu'il se joue des apparences, se donnant bonne figure. Face à elle, il est plus vulnérable que jamais. Le regard acéré, elle l'observe avec défiance. Chose compréhensible. Elle en lui veut de l'avoir abandonné, soufflant le chaud et le froid. Elle a du penser qu'il s'est joué d'elle. Sa rancœur est légitime et il ne la remet pas en cause. Il assume pleinement son acte. Il y a des choses qu'elle ignore à propos de lui. Ce mystère empêche la française de lui faire confiance. Il le sait, ça aussi.  En connaissant le caractère de belle, elle n'en démordra pas. Elle est bien trop têtue pour cela. Il s'est attendu à cette réaction de sa part et saisit qu'il faut plus de simples excuses pour se faire pardonner. Courageusement, il tente une approche avec humeur, en suggérant un câlin pour briser la glace, pour mettre toute cette histoire derrière eux. Il constate que cela ne serait pas aussi simple. Elle n'est pas dupe, Khadija. Selon elle, un gifle ou un baiser, c'est du pareil au même. A sa remarque, il arqua un sourcil interrogateur avant de rire légèrement. Les mains fourrées dans les poches, il ne bronche pas, se contente de répliquer, sourire en coin : « A choisir. J'aurai préféré un baiser, c'est certain. » Il se damnerait pour un baiser de la naïade. A court d'idées, son cerveau turbine à faible allure tandis que son palpitant remue à un rythme effréné, submergé par le flot d'émotions. Il se frotte la nuque, hésitant. Il cesse de réfléchir un instant et décide de suivre son instinct pour une fois. D'un pas assuré et furtif, il se rapproche et accole son front contre celui de la belle en silence. En prononçant le prénom de la brune, il a délibérément accentuer ces voyelles mélodieuses qu'elle aime tant. Pour apprivoiser cette femme, il faut plus que cela. Il se fige un instant lorsqu'elle le soupçonne d'être parti pour une fille. Toujours le front collé contre le sien, il soupire : « Tu es vraiment têtue. » Ce qui sonne comme un compliment de sa part. Un trait de sa personnalité qu'il trouve attachant et imprévisible. Il n'a pas envie de se justifier tout de suite, savourant ce moment d'intimité. Il profite de cette proximité pour s'abreuver de son essence, cette odeur orientale, de rose et de grenade juteuse. Leurs corps aimantés l'un à l'autre. Sa soi-disant réputation de cavaleur a perduré entre ses murs. Son départ précipité l'incrimine, rendant son acte des plus suspects. Il souhaite chasser cette idée saugrenue des pensées de la demoiselle, une bonne fois pour toute. Il ne voit qu'une solution à cela. Son front glissant contre le sien, le trouble l'assaillant lorsque son nez effleure le sien, ses lèvres frôlant les siens avec convoitise. Sa main vient se poser sur sa hanche pour l'amener  plus près de lui. « Je suis revenu pour toi. », murmure-t-il contre sa joue. Elle en connaît les raisons de son retour, plus que quiconque. C'est un homme de parole, il le lui a promis. Cette fois, il ne partira pas. Tant qu'il n'aura pas une réponse à sa question. « Quelle preuve de plus te faut-il pour te convaincre de mes intentions ? » », qu'il lui demande, sa main remontant le long du dos de la française. Quant à sa bouche, elle continue sa course, effleurant le mâchoire de son interlocutrice. Sans s'en rendre compte, il est en train de la faire reculer, son corps exerçant une légère pression sur le sien. Quand le dos de la jeune femme heurte la porte d'une des armoires, tout son être frémit au contact de ce corps qui lui est encore inconnu.