Depuis quelques jours, elle ne cesse de s'aventurer dans le parc d'attraction se laissant porter au gré de ses envies de stands en stands sans jamais éprouver la moindre lassitude. Lors des semaines précédentes, la salvadorienne avait déjà fait quelques incursions dans le monde fantastique des enfants normaux mais elle n'en avait jamais vraiment profiter depuis son  arrivée dans le nid. Il y avait quelque choses d'effrayant dans cet immense espace où les cris d'effroi se mélangeaient aux éclats de rire, elle avait eu du mal à se faire à cette cacophonie assourdissante qui avait plus tendance à la faire fuir qu'à l'intriguer réellement. Pourtant elle devrait éprouver une certaine fascination à découvrir un endroit qu'elle n'a jamais fréquenté au cours de sa vie mais sans cesse lorsqu'elle parcourt les allées du parc elle prend conscience qu'elle a eu une enfance atypique à mille lieux de celle des autres candidats qui peuplaient le nid. La brune imaginait sans mal certains de ses camarades arpenter les allées d'un parc d'attraction pendant que ses petits pieds à elle foulaient sans cesse la terre battue qui servait tout bonnement de revêtement de sol dans sa maison. Lors de son premier tour du propriétaire, elle ne s'était pas sentie à son aise ni même à sa place dans cet endroit, elle faisait tâche dans ce décor. S'il y avait bien une leçon qu'elle devait tirer de cette aventure c'est qu'elle ne devait plus laisser les démons de son passé l'empêcher d'avancer. Adam, son deuil, son enfance, ses parents, les autres. Peut être que les autres trouveraient ça ridicule et même totalement disproportionné mais arpenter les allées du parc sans avoir l'impression d'être une forme de vie alien représentait déjà une avancée certaine dans sa quête personnelle. C'est avec un air un peu rêveur qu'elle avait échoué près du carrousel où elle avait pu retrouver un Lawrence fasciné par les montures en bois qui composaient le manège. La salvadorienne s'était hasardée à le rejoindre certaine que le manège n'allait pas tarder à se mettre en marche maintenant qu'elle avait posé un pied sur le manège. Désignant deux montures en bois, il lui laissait le choix entre un cheval vêtu d'un chapeau de cow-boy où une monture digne des princesses des mille et une nuits. « Je me sens l'âme d'une Shéhérazade aujourd'hui » répond-t-elle en caressant de bout des doigts la crinière de sa monture avant de se hisser sur la structure en amazone comme les ladys. « Buzzy Buzz et moi, on est en très mauvais termes. Je ne veux plus voir un seul chapeau de cow-boy de toute ma vie ». Elle précise dans un sourire comme pour mieux justifier son choix. Lawrence, lui, opte pour la monture de Zorro, un choix qu'elle approuve d'un hochement de tête. « Prêt à défendre les intérêts de la veuve et l'orphelin ? » Elle plaisante sans se rendre vraiment compte qu'elle vient de prononcer un mot qu'elle a tant de mal à dire en temps normal. Pour incarner Zorro, il fallait avoir les épaules assez larges pour embrasser les valeurs de ce cavalier émérite. Ils sont bientôt interrompus par les bruits du vieux manège qui a décidé de se mettre en route comme prévu. La main d'Enola vient attraper la barre de bois, de peur de prendre l'équilibre dès le premier tour. La chute ne sera pas vertigineuse mais suffisamment pour qu'elle se fasse mal. « Je vais te faire une confession qui risque sûrement de te faire hurler » poursuit-elle alors que le carrousel entame son premier tour. « Je ne suis jamais montée sur un cheval de toute ma vie  ». Elle confesse joignant son regard plein de malice à celui du barbu qui allait devoir vivre avec cet avoeu sur la conscience jusqu'à la fin de sa vie.