@ENOLA & LAWRENCE
19:04 ~ 13/02, saturday
À croire que l'humour de la production avait lui aussi ses limites. Preuve en était que depuis le début de la semaine, aucun vêtement ou objet n'avait disparu du dressing, un fait suffisamment rare pour que plusieurs candidats s'en fassent la réflexion. Une aubaine également, à un moment où chacun commençait doucement mais sûrement à rassembler ses affaires et à préparer sa valise. Soigneux et organisé - deux traits pour lesquels il pouvait à coup sûr remercier sa carrière militaire - Lawrence s'y était pris en début de semaine pour avoir le temps de laver, sécher et repasser ses affaires, avant qu'elles ne terminent soigneusement pliées dans sa valise, savamment organisée. Assis à même le sol, sa valise ouverte devant lui mais néanmoins pratiquement terminée, il s'était laissé distraire par l'air espiègle du lapin en peluche vert, dont il devait le fait d'en être enfin propriétaire à Achille, triturant ses oreilles de manière un peu machinale en songeant au moment où il pourrait la poser sur le lit de Rosie. Il était un peu las parfois, de voir que ses efforts pour tenter de faire amende honorable auprès de sa mère ne fonctionnaient pas, et s'il parvenait avec le recul à comprendre les raisons qui l'avaient poussé à l'en priver en premier lieu, il ne comprenait pas en revanche qu'elle continue de s'obstiner désormais. Par vengeance, peut-être, pour lui faire payer de n'avoir pas été à la hauteur à l'époque où il devait encore se partager entre sa vie "officielle" - avec son ex-femme - et la vie qu'il avait tant bien que mal tenté de construire autour de Rosie et de sa mère, malgré un rythme de vie tout sauf sain et des conditions tout sauf idéales. Il jalousait un peu Lloyd parfois, en songeant au fait que lui retrouverait sa fille dès qu'il sortirait d'ici ; Il n'était pas sur le fil, incertain à propos de son avenir de père ou de sa possibilité à voir sa progéniture grandir à sa guise. Et en même temps il savait que c'était insensé parce que Lloyd n'avait rien à voir là-dedans, c'était quelqu'un de bien, et Lawrence n'avait pas le droit de projeter son amertume ou sa frustration vers lui. Sorti de ses pensées par le grincement de la porte, il avait relevé les yeux pour découvrir Enola sur le palier, lui adressant un sourire calme tandis que la peluche elle allait retrouver sa place dans la valise, par dessus la pile de chemises et à côté d'Olaf, cédé par Khadija la semaine précédente. « Cette fois-ci je crois qu'on peut dire que c'est la dernière ligne droite. » Parce que c'était leur dernière soirée dans le nid, ce soir. Mais au fond c'était la dernière ligne droite pour elle plus que pour lui, elle était toujours candidate, toujours dans la course, lui avait déjà plus ou moins un pied dehors, et si côté face on pouvait le considérer comme étant ici en soutien, côté pile lui savait que c'était son incertitude quant à ce qui l'attendait dehors que le persuadait de rester caché ici. « Je suis désolé, d'avoir pris sa défense. » Perdant son léger sourire au profit d'un air plus soucieux, il avait baissé les yeux quelques instants avant de reprendre, d'une voix plus basse « Je pensais bêtement que tu lui tenais simplement rigueur de ses absences répétées. Je pensais pas que ... » que ce n'était pas le nœud du problème, et qu'il y avait pire que ça. Mais il avait vu les choses avec ses yeux, avec les yeux du type qui avait passé une décennie marié à une femme qui lui reprochait ses absences répétées mais tout en ayant malgré tout accepté ce mariage en connaissance de cause. Il l'avait suivie un instant des yeux, avant de se décider enfin à fermer sa valise et à se remettre debout. « Mais je le pensais. Indépendante, courageuse ... c'est les adjectifs que j'avais donné à ton sujet à Sega. Et je les pense toujours. » Il leur trouvait même encore plus de sens, maintenant, il aurait choisi les mêmes si Sega leur avait posé la question cette semaine. Repoussant sa valise dans son coin de dressing, puisqu'il ne comptait pas la laisser en plein milieu du passage jusqu'au lendemain, il s'était appuyé contre le mur et avait croisé les bras tout en reposant sur Enola un regard plus doux, plus léger « Tu es prête pour demain ? » Demain soir, pendant le prime, toute la lumière serait braquée sur elle ainsi que sur les trois autres finalistes. Il ne connaissait pas suffisamment bien les tenants et aboutissants de l'émission pour savoir à quoi ressemblait un prime de finale, mais il se doutait que les quatre candidats auraient fort à faire.