On vient de m’enlever Léon. On peut donc aisément savoir que je ne suis pas d’une très bonne humeur à la fin de ce prime. On me laisse tout de même la possibilité de lui dire au revoir, mais ça ne dure malheureusement pas assez longtemps. Et en plus, je me sens idiote. Je ne sais pas quoi lui dire, je ne veux pas être banale dans mes propos et je ne veux pas non plus devenir trop sentimentale. Alors je me tais, je le laisse m’encourager pour la suite de l’aventure et je le laisse partir, sans rien dire. Je me sens idiote, parce que généralement, j’ai toujours quelques choses à dire. Le plateau se vide et je suis la dernière à le quitter, comme si rester ici pourrait changer quoi que ce soit. En arrivent dans les coulisses, qui sépare le plateau du reste du palais, je tombe nez à nez avec ma nouvelle partenaire. Rien que sa présence m’irrite et l’entendre baragouiner dans une langue étrangère ne m’aide pas à la supporter. « On ne t’as jamais dit que c’était malpolie de parler dans une autre langue en présence de quelqu’un qui ne comprend pas. » Ça ne doit pas être une insulte, puisqu’elle ne savait pas que j’étais là après tout, mais j’accuse encore le coup de notre nouveau partenariat. Je finis par hausser les épaules. « Ça t’obligeras enfin à m’écouter pendant les meetings pour qu’on ne soit pas nominé toutes les deux. » Après tout, c’était sa faute et celles des deux autres si je me suis retrouvée sur le banc des nominés. Je suis partie avec trois voix en plus contre mon binôme avec Leon, car Sid a été protégé et ce n’était pas lui la cible de l’autre équipe. C’est l’unique point positif que je trouve à ce nouveau binôme, c’est qu’elle ne pourra pas être contre moi aux prochains meetings.

Bien sûr, comme je m’y attendais, Achana ne sait pas faire preuve de classe. Elle m’explique qu’elle emmerde la politesse et je la trouve franchement ridicule. Toutes les deux, on est déçu par l’issue de ce prime qui nous a obligé à faire équipe, mais de là à faire une crise de nerf. Elle est lamentable. Il ne manquerait plus qu’elle se roule par terre. Elle essaye aussi de me contredire pour les meetings et encore une fois, elle s’emporte comme une gamine hystérique. « T’auras pourtant pas le choix. » Qu’elle le veuille ou non, nos destins sont maintenant liés, donc si elle ne veut pas se retrouver sur le banc des nominés, elle ferait mieux d’arrêter de s’agiter pour rien. Sauf qu’elle ne se contrôle et déclare que je ne vaux rien. Et mes propos encore moins. Je ricane alors, me posant contre la commissure de la porte. « Parce que tu crois valoir plus que moi ? Qu’est ce qui fait croire que mademoiselle Achana serait bien meilleure que quiconque ici ? T’es parfaitement ridicule. » Contrairement à elle, je reste parfaitement calme et je fais bien attention à chaque mot que j’utilise. Il en faut bien plus pour me sortir de mes gongs. « Non, mais regarde toi ! Tu te comportes comme une vraie gamine qui tape du pied parce qu'elle n'a pas eu ce qu'elle voulait. J’avais aucune envie de faire équipe avec toi non plus, mais ça nous ait tombé dessus et faudra faire avec. » Si j’avais eu le choix, jamais je n’aurais fait celui-ci et elle le sait parfaitement. « Si tu te mets dans tous tes états pour un simple changement de binôme, je peux te dire ma grande, que ta vie ne sera jamais un long fleuve tranquille. Grandis un peu. » Je n’étais pas forcément venue avec l’idée de l’attaquer, même si elle m’insupporte et que je le fais savoir en toute franchise, je ne me laisserais jamais marcher sur les pieds par une fille comme elle. « Et puis ce n’est pas toi qui es suivi par je ne sais pas combien de personne ? Parce que si c’est ça que t’apprends à ceux qui te suivent, se comporter de manière hystérique quand il nous arrive quelques qui ne nous plaît pas dans la vie, je peux t’assurer que tu ne vas pas faire long feu. » Je pourrais continuer ma route et sortir des coulisses, mais non je veux observer à quel point elle peut péter une durite.

Achana ne semble pas comprendre qu’on est dans un jeu. Et si j’aurais préféré moi aussi avancer dans ce jeu complètement seule, on doit pourtant faire équipe. Ce qui veut dire qu’elle comme moi, nous allons être obligé de faire des concessions pour protéger notre binôme, même si ça ne lui plaît pas. Sauf que bien sûr, elle ne saisit pas cette information et commence à me faire des discours sur le fait que personne ne lui dictera ses choix et le reste qui me fait lever les yeux au ciel. « Dans ce cas-là, va-t’en ! Ne reste pas dans ce jeu si c’est pour être aussi agaçante et égocentrique. » Parce que c’est exactement ce qu’elle est, là, tout de suite. Voilà ensuite qu’elle me descend en disant que je vois moins qu’elle et que je vaux moins que le dernier des bouseux. Si ses paroles auraient pu blesser n’importe qui ici, ça n’est pas mon cas. Faut dire que son avis n’est pas quelques choses qui me porte à cœur une seule seconde, donc ce qu’elle peut bien penser de moi ne me fait ni chaud ni froid. Et elle finit par me demander ce que je sais de sa vie. Ma patience commence à avoir ses limites et si je n’ai pas l’habitude de monter la voix, je sens la colère venir petit à petit frapper mon esprit. « T’es un cliché à toi tout seul Achana. T’as dû être persécuter par deux-trois idiotes pendant ta scolarité et voilà que maintenant, le monde entier devrait te plaindre. Désolé si je ne m’apitoie pas sur ton pauvre sort. » Faire autant de bruit pour du harcèlement, ce n’est pas vraiment avec moi qu’elle aura de la compassion. « Pendant que t’étais bien au chaud à l'école en train de te faire tirer les cheveux par tes petits camarades, j’étais certainement en train de faire la manche à un feu rouge, frigorifiée, à me faire traiter d’assistée ou de déchet par des gens comme toi qui ne connaissent pas la vraie misère. » L’entendre chouiner parce qu’elle a rencontré des pestes dans mon genre étant plus jeune, ça m’énerve plus qu’autre chose. J’essaye de retrouver petit à petit mon calme. « Je ne suis pas en train de comparer nos expériences de vies, je suis juste en train de te faire comprendre que dans la vie, c’est marche ou crève. Si tu passes ton temps à chialer sur ton passé, t’avanceras jamais. » Et ce n’est pas en me jugeant sur ce que je renvoie, qu’elle pourra comprendre tout ça. « Et je m’accepte tel que je suis, je n’ai jamais renié d’où je viens. J’ai juste décidé d’avancer et de ne pas m’attacher à tout ce qui a pu me faire du mal dans le passé. »