Quinn, après un rapide repérage des lieux, s'était dégoté un bon petit livre - Le meurtre de Roger Ackroyd, d'Agatha Christie. Il l'avait déjà lu des milliers de fois, mais il l'adorait et relire le même livre plusieurs le dérangeait aussi peu que de réécouter la même chanson en boucle. C'était le sujet de dispute le plus fréquent avec sa mère, elle ne supportait pas que son fils repasse sa chanson préférée d'un album encore et encore dans la voiture, au lieu de laisser passer le CD en entier. Bref, Ninny était installé dans le salon et se délectait de la façon dont le meurtrier trompait Hercule Poirot. Maintenant qu'il relisait l'histoire en connaissant le meurtrier, ça lui paraissait incroyablement évident. Il voyait à peine les autres passer dans la pièce, et n'y prêtait pas attention, jusqu'à ce qu'une candidate lui lance : « Il est 11h11, fais un souhait, vite ! » Quinn était tellement habitué à ce genre de superstition idiote qu'il ferma les yeux automatiquement, sans même regarder qui lui parlait. Il savait exactement quel vœux faire, et la tâche fut vite exécutée. « Mission accomplie mon général ! » s'exclama-t-il sans même y penser, tandis qu'il rouvrait les paupières. Il regarda autour de lui, cherchant son interlocutrice - une blonde se tenait là, mais une brune était près de la porte, et était entrée il y a quelques secondes apparemment. « Qui me parle ? »

La blonde éclata de rire, ce qui confirma les doutes de Quinn sur sa culpabilité dans l'histoire du vœux. Elle lui adressa un sourire et enchaîna avec des paroles. « C'est le fantôme du salon qui s'adresse à toi. Tu as peur, avoue ! (...) Briséis. Ou général Briséis, si tu tiens à m'appeler ainsi. » Et sa main se tendit de façon exagérée. « Je crois que je préfère encore le fantôme de Janis Joplin. Il fait pas très peur mais il est vachement sexy... » Avec un sourire, il tapa énergiquement la main que ladite Briséis lui tendit - failli se pencher pour lui faire baise-main théâtral mais se ravisa - et lui checka le poing. « Soldat Quinn au rapport, général Delabrise ! »



(copine de couleur de paroles !)

« Soldat Queen ? Eh bien... Enchantée, votre Majesté. » Quinn avait l'impression que comme lui, Briséis avait du faire partie de ce petit clan de pauvres gosses marginaux et persécutés au jardin d'enfants à cause de leur prénom étrange. Les railleries étaient toujours passées au-dessus du jeune homme, indifférent. Fidèle à lui-même, il se contentait de répondre avec humour, sans montrer une seule seconde que ces moqueries pouvaient l'affecter - ce qui n'était le cas, de toute façon. C'était quand même mieux de s'appeler Quinn que Louser, après tout. « Et ouais, Quinn, Avec un "i". Bizarre, hein ? Mais soyons solidaires dans l'adversité, mon commandant. »