► Le 31 janvier, 10h21, en compagnie de Baptiste.
Le jour se lève. Les esprits se réveillent. Et Síomha pousse un énième soupir. A croire que cela était plus devenu une habitude qu'autre chose. Pardonnez-lui, la présence des autres candidats était suffisamment lourde et pénible à supporter, si elle ne pouvait plus soupirer pour le faire comprendre, elle ferait mieux de prendre ses jambes à son cou et de partir. Mais dommage. Elle n'était pas une lâcheuse et n'allait très certainement pas quitter ce luxe incroyable parce qu'il y avait des casses-couilles dans sa vie. Elle était bien plus résistante que cela, tout de même. Et puis, il était possible qu'elle parte durant le prime prochain à cause de sa nomination. Bof. Elle s'en fichait. Si elle partait, sa vie ne s'arrêterait pas pour autant alors, ça ne l'inquiétait pas. Toujours est-il qu'elle venait de se réveiller et que, lentement, elle se rendit à la salle de bain. Qui allait sans doute être bondée à une heure pareille. Génial, elle qui adorait avoir autant de monde dans une même pièce... Ironie, bien sûr. Sans prendre le temps de voir qui était là, qui ne l'était pas, elle se plaça devant le lavabo et attrapa sa brosse à dents. Elle aurait pu s'occuper de sa dentition, cependant, alors qu'elle allait attraper son dentifrice, quelqu'un s'en empara. Elle arqua un sourcil et vrilla ses prunelles vers le fautif. La main tendue, le regard vide, elle attendait plus qu'il lui redonne son bien. Ce qu'il ferait mieux de faire au plus vite. Síomha n'était pas réputée pour sa générosité ou son sens du partage.

Le réveil était difficile, en ce moment je passais de sales nuits. Pas parce que j'étais insomniaque, plutôt parce que je me couchais tard, pas forcément fatigué et que je tournais tout le reste de la nuit. Comme tous les matins depuis le début de l'aventure j'étais réveillé par les autres candidats, il faut dire que la discrétion n'était pas la qualité première des participants de cette émission. Ouvrant péniblement un œil, puis finalement le deuxième je soupirais d'une manière très peu discrète, exaspéré par la bonne humeur de certains candidats à cette heure-là. Me levant, en boxer je me décidais, après une bonne vingtaine de minutes à partir à la salle de bain pour me laver les dents et prendre une bonne douche chaude. Commençant par cette dernière j'avais la chance de profiter de l'eau encore chaude, je m'habillais rapidement. Enfilant un simple boxer Calvin Klein accompagné d'un jean et d'un t-shirt à Col V. A présent, je rejoignais les lavabos, prenant le premier dentifrice que je trouvais je me rendais compte, au moment de me brosser les dents que ce n'était pas le mien. Grimaçant, fronçant les sourcils je tournais la tête. A en voir la tête de la petite blonde qui se trouvait à côté de moi je me doutais qu'il lui appartenait. « Désolé, j'ai pris le mauvais dentifrice. » Lui dis-je en lui tendant le tube.

Il serait sans doute bon de rappeler que Síomha n'est jamais ce qu'on pouvait appeler « de bonne humeur ». Loin de là. Ne vous attendez pas à un sourire (à moins qu'il ne soit sarcastique) ou encore moins à un rire. L'humour était bien loin de l'atteindre. Et elle n'avait aucune raison de rigoler de toute façon. Si bien qu'il ne fallait pas s'attendre à des miracles. Pire encore en cette matinée. Elle ne faisait ni partie des gens qui sont d'une humeur exécrable le matin, ni de ceux qui pètent la forme. Disons qu'elle se trouvait quelque part au milieu et que c'était déjà beaucoup. Ainsi, sa patience ayant des limites bien plus courtes qu'à son habitude, si le jeune homme commençait à se servir de ses affaires, il risquait de vite découvrir à quel point elle pouvait être pénible, sarcastique et même à l'occasion provocatrice. En attendant, pendant qu'il se servait sans aucune gêne de son dentifrice et qu'il osa grimacer, elle soupira. Déjà qu'il utilisait ses choses, en plus de ça, il laissait clairement comprendre que ce n'était pas à son goût. Elle savait parfaitement que ce n'était pas d'une qualité incroyable, mais c'était déjà bien mieux que rien. Elle leva les yeux au ciel avant d'attraper son bien d'une main et de l'utiliser à bon escient avant de commencer à se brosser les dents. Oh et bien sûr, n'étant pas bavarde de nature, vous pensez bien que ce n'était pas le matin qu'elle l'était plus.

Peut-être qu'elle allait m'arracher le visage avec ses ongles, d'un instant à l'autre elle le ferait surement mais je ne pouvais m'empêcher de lui faire une petite réflexion sur son comportement. C'était comme ça, mon caractère était constitué de manière à faire en sorte que je mette toujours les pieds dans le plat, même quand je voulais l'éviter. J'étais franc, et voir la gueule qu'elle tirait juste parce qu'on lui avait piqué son tube de dentifrice me désespérait. Me rinçant bien la bouche pour ne plus avoir de résidus de ce même dentifrice je me retournais vers elle. Un petit sourire ne voulant pas qu'elle se braque pour la réflexion que j'allais lui faire, ce n'était pas mon but même si elle pourrait percevoir le truc comme une attaque personnelle. J'étais sec dans ma manière de parler, je ne pouvais rien faire pour changer ça hélas. « Tu le prendras pas mal mais... Tu comptes quand même pas faire un scandale parce que je me suis trompé de dentifrice non ? »

Elle n'aimait pas qu'on s'empare de ses choses sans son avis et qu'on les utilise contre son gré. Elle n'appréciait pas de partager, c'est tout. Son tube de dentifrice faisait parti du lot. Oui, c'était un truc bon marché et à moitié vide. Et justement, c'était bien pour cela qu'elle gardait ses affaires pour elle. Cela, plus le fait que c'était le matin, l'avait conduite à soupirer bruyamment. Quoique, ça n'avait rien d'étonnant, elle soupirait tout le temps, à la moindre occasion. Ainsi donc, quand il lui adressa de nouveau la parole, elle resta immobile un instant devant son apparente stupidité. C'est fou, même quand elle ne disait absolument rien, on lui imaginait des réactions qui ne lui ressembleraient pas le moins du monde. Incroyable. Elle leva les yeux au ciel, continuant de se brosser les dents. Ce n'est qu'une fois terminé et sa bouche rincée qu'elle tourna le regard vers lui. « Si j'avais voulu faire un scandale, j'aurais sans doute fait plus que soupirer... Jusqu'à preuve du contraire, rien de plus n'est arrivé. » Sa voix n'exprimait aucune émotion, tout comme son visage. Elle était totalement neutre dans ses paroles, bien qu'elles prenaient un certain tournant sarcastique. Son but ici n'était pas de faire un quelconque scandale, loin de là. Si on pouvait l'oublier, à vrai dire, ça serait plutôt pas mal. Elle n'était qu'une touriste dans ce château. Une visiteuse. Rien de plus.

Je me doutais bien qu’elle n’allait pas se laisser faire, ne pas réagir après une réflexion du genre était quelque chose d’inexistant dans ce château, aucun d’entre nous ne savait fermer sa bouche, dans un sens c’était bien. Au moins, les faux-cul ne pourraient pas prendre trop de place, mais c’était parfois désagréable de ne pas pouvoir parler sans qu’il y en ait un qui l’ouvre beaucoup plus qu’il ne le devrait. Si Siomha avait eu des fusils à la place des yeux, je serais surement déjà mort, le corps troué par mille balles voir plus. « Si j'avais voulu faire un scandale, j'aurais sans doute fait plus que soupirer... Jusqu'à preuve du contraire, rien de plus n'est arrivé. » Je soupirais, j’étais prêt et je trouvais presque inutile de poursuivre cette conversation puisqu’elle me prenait un peu de haut et je n’appréciais pas ça. « Pas encore… Mais vu comment tu me parles ça ne saurait tarder ! »

A vrai dire, ce moment devait constituer une grosse blague. Oui, ça devait être ça. Parce que son comportement, à la belle Síomha, était on ne peut plus acceptable. Elle n'avait rien dit face à son erreur, n'avait pas animé un débat inutile et n'avait très certainement pas commencer une dispute. Parce que ça aurait été très clairement pathétique. Et que même si elle n'était pas très partageuse, ce n''était pas au point de faire tout un scandale pour si peu. Elle ne faisait jamais de scandale, à vrai dire. Cela venait sans aucun doute du fait qu'elle se foutait d'absolument tout dans la vie et que peu de choses réussissaient à la contrarier assez pour l'énerver. Tout comme la mettre en colère relevait du défi. Tout ça pour dire qu'avec son habituelle expression impassible sur le visage, elle l'écoutait l'ouvrir de nouveau. Comment est-ce qu'elle le regardait? Son regard pouvait être assassin parfois, mais tout de même. Elle était totalement pacifique, comme nana. Du moins, ici, maintenant, elle l'était. Soupir. A croire que le jeune homme cherchait à se faire taper dessus. « Ne te sens pas privilégié, je parle toujours comme ça. » Sa voix n'était pas plus élevée que d'habitude, pas plus agitée, ce qui laissait très clairement comprendre qu'elle restait indifférente à son camarade comme c'était le cas avec tous les autres.

Bon peut-être que je me prenais la tête pour rien, elle ne semblait pas si méchante après tout. Au contraire, je dirais presque qu’elle était normale, je lui étais complètement indifférent et ce n’était pas plus mal, terminant de me préparer je décidais de faire quelque chose de plus… Appréciable, pourquoi ne pas essayer d’apprendre à la connaitre ? Bon, je parierais ma chemise qu’elle ne serait pas très optimiste, au contraire, elle m’enverrait surement balader, mais au moins j’aurais la satisfaction d’avoir tenté. « Ne te sens pas privilégié, je parle toujours comme ça. » Autant essayer de tourner cette situation à la dérision, déposant ma brosse à dent dans l’une des trousses que j’avais prévu pour tout ce qui touchait au domaine de l’hygiène je jetais un petit coup d’œil sur elle. « Oh ça va… T’as le droit de sourire de temps en temps, c’est pas ça qui t’apporteras plus de rides… Je te taquinais. » Je tournais la tête pour ranger cette fameuse trousse tout en m’attendant au pire venant d’elle.

Soupir. Décidément, dans c'te château, elle n'était pas prête d'être tranquille. Avant que tout le monde capte qu'il était inutile de lui parler, mieux d'essayer de la provoquer, il faudrait sans doute un peu de temps. A croire qu'il y avait un concours organisé dans son dos. Les règles étaient simples: le premier à se prendre une gifle de la part de Síomha gagnait. Oui, voilà, ça devait être pour cela qu'elle se faisait constamment emmerder. Elle allait finir par croire qu'elle avait une quelconque importance dans ce château. Fait chier. Si seulement elle pouvait passer inaperçue, mais non, bien sûr. Et même en étant invisible, il y avait de grandes chances pour qu'un autre connard invisible continue à la faire chier. C'était même certain. Enfin, bref. Son camarade déclara alors qu'il plaisantait et que sourire ne la tuerait pas. Ouais, c'est vrai. Et elle souriait parfois. C'était un sourire purement sarcastique, bien sûr, mais cela n'empêchait que ça restait un sourire. Eh oui. D'ailleurs, elle aurait pu en esquisser un là, mais elle n'en avait pas la moindre envie. « Tu m'en diras tant... » fit-elle d'un air que trop peu intéressé en enlevant ses fringues avant d'aller sous la douche. Oui, à l'origine, son but était de prendre sa douche, pas de tenir compagnie à qui que ce soit.

Bon, c’était une évidence, je ne pouvais rien faire pour elle. J’avais essayé d’être plus sympathique et ça ne marchait pas non plus. « Tu m'en diras tant... » Je soupirais d’une manière bruyante, de toute manière j’avais terminé de me préparer et la journée allait être courte. On ne pouvait pas parler avec tout le monde et apprendre à connaitre tout le monde, il fallait laisser certaines personnes de côté. C’est ce que j’allais faire avec Siomha, au moins jusqu’à lundi que je trouve quelque chose d’intéressant à lui dire qui, peut-être parviendra à la faire sourire et encore… J’étais surement optimiste, si je la voyais sourire un jour je l’inscrirais dans le livre des records. Enfilant ma montre, je vérifiais que l’heure était bonne, puis, j’adressais un dernier coup d’œil à la jeune fille qui se déshabillait pour prendre sa douche. Je n’étais pas un fan du voyeurisme, je quittais donc la pièce tranquillement, prêt pour de nouvelles aventures.

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