Jacko le blond.

Que le réveil avait été difficile, ce matin. Se réveiller sans avoir à ses côtés sa partenaire, partie la veille, ça a de quoi vous perturber et vous foutre le moral dans les chaussettes. En même temps je m'étais couché en rogne, alors il y avait peu de chances que mon humeur ait été vue à la hausse pendant la nuit. Céleste était partie, je ne l'acceptais pas. Elle était ma confidente, ma petite sœur, une valeur sure de ce nid. J'allais sans doute avoir pas mal de difficulté à admettre qu'elle ne reviendrait plus. J'allais donc devoir me battre pour aller le plus loin possible dans cette aventure pour elle. Mon aventure serait également la sienne.
Matin chagrin donc, matin morose, matin gris... Bref, je sentais que la journée qui commençait n'allait pas être bien brillante. J'étais assis sur un tabouret dans cette cuisine depuis, allez, une heure et quarante-deux minutes, approximativement. Je n'étais pas du genre lève tôt, mais une fois réveillé aux alentours de huit heures et quart, impossible de me rendormir quoi. Alors plutôt que de trainer au lit une bonne partie de la journée, j'avais décidé de lever mon cul. Qu'est ce que je foutais depuis quasiment deux heures dans cette cuisine ? Rien, absolument rien. Je réfléchissais en fait. A quoi ? A tout. A rien. La tasse de café que je m'étais servie il y a déjà un bon bout de temps avait refroidie. Je n'y avais quasiment pas touché. Complètement perdu dans mes pensées et limite stone, il fallut que la porte vienne s'ouvrir puis se claquer pour que je sois enfin réveillé. « Gné ? » Mais qui pouvait bien claquer les portes comme ça ici ? Ah, j'avais une petite idée mais j'espérais vraiment me tromper. Merde, mon intuition se confirma finalement lorsque je fis l'insoutenable effort de tourner la tête. Jacko, encore lui. Nous étions destinés à nous rencontrer dans cette cuisine. J'avais gardé un très amer souvenir de notre dernière discussion ici, mes yeux également. Du café brûlant jeté à la gueule, je peux affirmer que ça vous laisse douiller pour un bon moment. Ce matin je n'étais pas d'humeur à m'engueuler une nouvelle fois avec lui. S'il était venu chercher quelque chose, il se servait et il me foutait la paix. Je ne voulais plus avoir à faire à lui. Poli tout de même, je pris le temps de saluer mon très cher camarade. Enfin saluer... aborder plutôt. « Deux heures de paix subitement rompues par l'arrivée de Mr Malabar. J'te préviens j'suis pas d'humeur. » Moi, grognon ? A peine... Jacko n'était plus le bienvenu ici, en tout cas pas lorsque je me trouvais dans cette cuisine. « Oh tu viens sans doute me jeter une nouvelle tasse de café brûlant à la tronche ? » J'espérais que non, je me remettais à peine de la précédente. Ce con avait bien failli faire de moi un aveugle, et un défiguré. Je tenais à ma vue, quand à ma tronche il y avait déjà assez de dégâts pour ne pas en rajouter, non ? En bref, Jacko allait se tenir à carreaux aujourd'hui à moins qu'il ne souhaite être pendu au lustre de la cuisine avec mes bretelles...

Se lever tôt. C'était tout un concept aux yeux de Jackson. Un concept qui ne lui était pas tellement familier, à vrai dire. Malgré tout, il lui arrivait parfois de ne pas trainer au lit plus que de raison. Cela était relativement rare, mais cela lui arrivait quelques fois malgré tout. Ainsi, ce matin, Jackson s'était levé relativement tôt. Bon, pas aux aurores, mais disons que c'était plutôt raisonnable comme heure de lever. Après s'être vêtu et s'être employé à ressembler le moins possible à un zombie, Jackson prit la direction de la cuisine. Il n'avait ni faim, ni soif pourtant. A vrai dire, il était bien rare que Jackson petit-déjeune. Parce que la plupart du temps, il se levait à l'heure du repas de midi. Quant aux jours où il émergeait de bon matin, il n'était pas nécessairement plus disposé à boire du café et manger des croissants. Ainsi donc, que venait-il foutre dans la cuisine, hein ? Et bien, très honnêtement, il n'en était pas sûr lui même. Sans doute était-il venu ici par dépis, parce qu'il avait renoncé, par élimination, aux diverses autres pièces que comptait ce château. Et sans doute aussi que Jackson espérait secrétement que personne ne s'y trouverait aux alentours de dix heures du matin. Hélas, en ouvrant la porte, le grand blond aperçut rapidement Ruben. Zut et re-zut, c'était clairement pas un bon plan. Mais puisqu'il était là désormais, autant rester et s'employer à faire de la vie de son camarade un enfer. Bon, peut être pas tout de suite parce que, mine de rien, il n'était pas encore parfaitement réveillé le Jackson. Mais ça viendrait, ça viendrait ... « Moi aussi je suis en-chan-té de te voir, Ruben » répondit-il à son camarade, tout à fait ironique. La petite référence à la tasse de café de l'autre fois fit étirer un sourire sur les lèvres de l'anglais. Visiblement, ça l'avait marqué le Ruben. Surprenant. « Quel monstre serais-je si j'osais m'attaquer à nouveau à ton si beau visage ?! » reprit-il, dans un sourire, et à nouveau très ironique. Jackson s'adossa au mur le plus proche puis dévisagea à nouveau son camarade. « Bon, pourquoi tu fais cette tête ? » demanda-t-il finalement. C'est pas que la réponse l'intéressait vraiment, mais puisqu'il était d'humeur bavarde, autant se faire plaisir. On ne lui reprochera quand même pas d'être un tant soit peu sociable de temps en temps, quand même. Ce serait bien la meilleure.

Jackson avait le chic pour déranger. Quand je voulais être sérieusement tranquille, il débarquait toujours au mauvais moment. C'était son petit plaisir de la journée, venir faire chier son monde dès dix heures du matin. Il n'avait probablement rien à faire dans cette cuisine, peut-être avait-il senti que je m'y trouvais et qu'il s'était dis qu'après tout, pourquoi ne pas venir faire chier Ruben une fois encore ? Lorsque je le vis entrer, je ne me fis pas prier pour lui signifier ô combien il était encombrant et ô combien je n'étais pas heureux de la voir. « Moi aussi je suis en-chan-té de te voir, Ruben » Jackson excellait dans l'art de se montrer ironique. Mais je n'étais pas mauvais moi non plus dans ce domaine. « Réciproquement. » Je l'avais encore en travers de la gorge, la tasse de café que le blond avait cru bon de me jeter à la figure l'autre jour. Cela m'avait tout de même sérieusement endomagé la vue pendant au moins un jour, et j'avais encore quelques traces de brûlures sur le visage. Je lui avais alors demandé s'il comptait retenter l'expérience. « Quel monstre serais-je si j'osais m'attaquer à nouveau à ton si beau visage ?! » Il en devenait ridicule à trop user de l'ironie et de l'éxagération dans ses paroles. C'était le style Jackson ça, ironiser à la moindre occasion. « Je comprends donc que ce n'est pas dans tes plans pour la journée. Tu m'en vois ravi. » J'avais assez douillé l'autre jour, alors savoir que cette fois-ci je n'écoperais pas de nouvelles brûlures, cela me soulageait tout de même un peu. Jacko avait bien vu que je n'étais pas dans mon assiette. Il se montra alors curieux. Tiens, c'était pas moi le gros curieux du nid à la base ? « Bon, pourquoi tu fais cette tête ? » J'eus bien envie de lui répondre "en quoi ça te regarde petit con", mais je n'étais même pas d'humeur à me montrer vulgaire. S'il voulait tant le savoir, alors j'allais le lui dire. « C'est la merde. Je sais plus où donner de la tête dans c'te barraque. Je sais plus à qui me fier. » Il y avait cette fameuse histoire avec Moore, celle dont je ne me remettais toujours pas. J'avais été blessé par la non-réciprocité de ses sentiments. Mais je ne pouvais l'obliger à m'aimer. Jacko avait sans doute entendu parler de mon chagrin d'amour, lui qui aimait tant passer de si délicieux moments avec Moore... J'avais quand même de quoi faire la gueule, là, non ? Et je ne parlais même pas du départ de Céleste.

Est-ce que Jackson dérangeait Ruben ? Probablement. Est-ce qu'il en était désolé ? Absolument pas. Car d'une, il était encore libre d'aller où il voulait aller, et de deux, si il pouvait en prime agacer quelqu'un, c'était tout bénef'. Ainsi donc, loin de lui l'idée qu'il vaudrait peut être mieux laisser le grand singe tranquille. Ah ça non. Maintenant qu'il était là, il y restait. Point. Ainsi donc, nos deux protagonistes étaient absolument enchantés de se voir. Pas étonnant, compte tenu de la grande amitié qui les liait. Ils ne pouvaient clairement plus se passer l'un de l'autre, et cela crevait les yeux. Quoi qu'il en soit, il n'était effectivement pas dans les plans de Jackson de jeter à nouveau une tasse de café brulante au visage de son camarade. Il avait déjà donné, alors c'était bien inutile à ses yeux. Si vraiment il comptait s'en prendre une nouvelle fois à ce bon vieux Ruben, il veillerait tout de même à faire preuve d'un peu d'originalité. Bah oui. En attendant, Jackson avait bien remarqué que le grand brun n'avait pas l'air dans son assiette. C'est en tout cas ce qu'il en avait conclu en observant la tête déconfite de son camarade. Soit il avait très mal dormi. Soit il était contrarié. Soit il avait très mal dormi et il était contrarié. En tout cas, sa tête indiquait très clairement que ça n'allait pas fort. Et Jackson, en bon ami qu'il était, prit alors de ses nouvelles. C'était donc la merde, rien que ça. Le pauvre Ruben ne savait plus où donner de la tête, ni à qui se fier. Mais quelle horreur. Attendez, Jackson était censé le plaindre, là ? Peut être. « C'est ça le résultat quand on s'attache trop facilement ... » Qu'il soit dans cet état à cause du départ de sa partenaire ou d'un énième chagrin d'amour avec Moore - la rime de malade - la morale était la même à ses yeux : à trop s'attacher, on souffre trop.

Un jour sans, vous savez, c'est quand vous n'êtes clairement pas dans votre assiette et que vous n'avez qu'une envie, aller vous recoucher jusqu'à ce que l'on soit demain. Ah mais aujourd'hui, j'avais vraiment envie de me barrer d'ici quoi. Je me sentais terriblement seul depuis le départ hier de Céleste. Je ne m'attendais tellement pas à ce qu'elle sorte. Je lui avais même promis qu'elle resterait. Bref, je me sentais bien con. L'arrivée de Jackson dans la cuisine n'avait dérangée au départ, mais finalement je me rendais compte au fil des minutes passées à parler avec lui qu'au moins le grand blond m'évitait de virer totalement solitaire. Je savais ce que ça faisait d'être seul, vraiment seul, sans avoir personne à qui parler. Alors oui bien sur je savais à qui parler ici, je savais que je pouvais à tout moment me confier à Baptiste par exemple. Mais ce matin, je n'avais eu envie de parler à personne. Jacko avait cherché à savoir pourquoi je faisais une tête d'enterrement. Il avait raté le prime de la veille ? Je ne me fis pas prier pour clairement exposer ma vision de choses, à savoir qu'actuellement c'était le foutoir dans ma tête. « C'est ça le résultat quand on s'attache trop facilement ... » Je savais pas trop comment prendre cette remarque tout droit sortie de la bouche du grand blond. C'était quoi, un reproche ? une parole réconfortante ? une phrase voulant dire "je te comprends frère, va falloir être fort" ? Je n'en savais trop rien, mais c'était à mes yeux inconcevable que Jacko puisse virer compréhensif d'un coup. Ce n'était pas une remarque anodine selon moi. « Oh je t'en pries, arrête avec ta morale. J'ai pas besoin de toi pour savoir que trop s'attacher ici ne mène à rien de bon. » Je tournai alors la tête vers lui, après avoir eu une petite illumination le concernant. Il avait beau dire le Jackson, avec ses remarques, il n'était pas mieux que moi. « Mais bon tu me comprends mieux que personne, non ? Je suis sur que si Gabi venait à sortir dimanche, tu serais anéanti pas vrai ? » On en revenait au sujet le plus sensible que je pouvais aborder en la présence de Jacko. Gabrielle... Ce sujet très délicat avait mené au lancé de tasse à café dans la gueule, la semaine dernière. Mais je ne pensais pas m'exposer à de gros risques aujourd'hui, car il m'avait bien dit ne pas avoir l'intention de remettre ça. De plus, Jackson semblait un peu plus "humain" ce matin. Sans doute avait-il oublié de mettre son masque de grand méchant, en se levant.

A cet instant précis, Jackson se demandait pourquoi il était resté dans cette maudite cuisine. Autant ça aurait pu être assez drôle de s'en prendre à nouveau à Ruben, autant discuter sérieusement avec ce dernier le serait bien moins. En même temps, il était bien rare que Jackson discute sincèrement avec son camarade. La plupart du temps, ils se contentaient de s'envoyer quelques piques, de s'insulter et - optionnellement - de se jeter des boissons à la gueule. Mais ici, une véritablement discussion semblait poindre à l'horizon. De quoi déstabiliser légèrement Jackson, vous vous en doutez. Que faire ? Que dire ? Il n'en savait rien. Mais alors qu'il songea à quitter la pièce dans un sprint épatant, il lui revint à l'esprit que c'était lui, et pas Ruben, qui avait initié la présente conversation. Il lui avait demandé ce qui n'allait pas, pourquoi il tirait une tête pareille. Grave erreur. Car maintenant, il était coincé. Coincé parce qu'il allait devoir parler avec son camarade, sans pouvoir s'échapper d'ici. Bien sûr, si il le voulait vraiment - et c'était bien le cas - il aurait pu se tirer rapidos. Mais il ne le ferait pas. Parce que Jackson avait beau être un enfoiré de première - et fier de l'être, souvenez-vous - il se devait à présent d'assumer. Il avait pris des nouvelles de Ruben, alors il se devait d'entendre la suite et même de lui faire véritablement la conversation. Il le devait, oui. Alors il le ferait. Ainsi, Jackson insinua qu'à trop s'attacher aux gens, ou trop rapidement en tout cas, on finissait par en souffrir, comme Ruben à cet instant précis. Pure vérité, les amis. Jackson souffrait très rarement, tout simplement parce qu'il s'attachait tout aussi rarement. Peut être était-il légèrement inhumain par moments, mais si cela pouvait lui éviter de revivre certaines choses, ça lui allait très bien. « Tant mieux pour toi si tu le sais. Parce qu'on dirait pas, franchement. » Depuis le début du jeu, Ruben avait du faire ami-ami avec les trois quarts des candidats, et était même tombé "amoureux" de l'une d'entre eux. Alors si vraiment il était conscient que s'attacher aux gens d'ici ne menait à rien, il le cachait bien. Mais voilà que, comme à son habitude, Ruben mit le sujet "Gabrielle" sur la table. C'en était lassant, à force. « Je ne te comprends pas, non. Comme je ne comprends pas pourquoi tu t'obstines à me parler d'elle. » Quoi ? Comment ça Jackson ne répondait pas à la question ? Mais quelle question ? Y avait-il seulement une question ? Bien sûr que non. Si cela avait été le cas, vous pensez bien qu'il y aurait répondu. Voyons, c'était tellement son genre. « Et, à l'avenir, évite de me comparer à toi » reprit-il, le regard plongé dans celui de son camarade. Non pas que c'était dérangeait, hein. Bon d'accord, c'était dérangeait. Ouais.

S'attacher à certaines personnes dans une telle aventure pouvait être très dévastateur. J'en avais fait l'expérience par deux fois. J'avais perdu ma partenaire Céleste, dont j'étais très proche, et j'avais grand mal à m'en remettre. Il y avait également Moore dont j'étais tombé amoureux et dont les sentiments de la jeune femme n'étaient pas réciproques aux miens. Ça aussi ça faisait mal. Alors je pensais tout de même parler en connaissance de cause, en m'adressant sur le ton qui était le mien à mon camarade Jacko, mais le jeune homme semblait penser qu'en fin de compte, j'agissais sans réfléchir aux conséquences. C'est ce que j'en avais compris, hein, il ne l'avait pas signifié explicitement mais à force je parvenais tout de même à déchiffrer la subtilité de ses paroles. Je savais quand même dans quoi je m'aventurais dans cette histoire, je n'avais aucunement besoin des conseils d'un blond prétentieux incapable d'ouvrir les yeux sur les sentiments qu'il avait pour une certaine rousse et qu'il se refusait encore et toujours à avouer. « On dirait pas ? C'est à dire ? Je suis trop con pour me rendre compte qu'en tombant amoureux ici je risque de souffrir, c'est ça ? Non mais vas-y dis-le carrément. Tourne pas autour du pot. » Jackson était vraiment agaçant en trouvant toujours quelque chose à dire sur tout. Il ne pouvait s'empêcher de tout critiquer, constamment. Je n'avais pas cherché à tomber amoureux ici, mais je n'en étais pas pour autant aveugle. Je veux dire, j'ai jamais eu beaucoup d'espoir quant aux sentiments que Moore pouvait avoir pour moi. À son âge, elle avait la vie devant elle et s'enticher d'un vieux trentenaire ne faisait pas partie de ses plans. J'avais ensuite remis sur la table le sujet Gabrielle. Je m'obstinais un peu, certes, mais je n'allais pas insister bien longtemps cela dit. Dès que je cherchais à faire parler Jackson, il se fermait comme une huitre et faisait mine de ne pas comprendre mes questions, ou détournait carrément le sujet vers un autre. Allez mener une conversation dite "normale" avec un spécimen dans son genre vous. « Okay, t'as semble-t-il pas compris que ma phrase était encore une question. » Soit, s'il fallait que je la repose, alors allons-y. « Si Gabrielle part dimanche, tu seras dégouté, non ? triste ? anéanti ? chagriné ? écœuré ? » Je pouvais lui en sortir des tas comme ça. Je savais qu'il ne resterait pas de marbre en cas de départ de Gabrielle qui, entre nous, avait environ une chance sur mille d'advenir. Oh monsieur ne désirait pas être comparé à moi. Allons bon. « Joues pas à ce jeu-là avec moi Jacko. J'ai pas pour intention de devenir ton ennemi juré ici, mais franchement tu m'y pousses. » Il en avait marre que je le fasse chier avec cette histoire ? Et bien déjà qu'il commence par répondre aux questions qu'on lui posait, hein, ce serait déjà un bon début et cela m'éviterait de me répéter ou de revenir à la charge. Je commençais à me dire que Jackson était un vrai timide, en fait. Même moi qui lorsqu'il s'agissait de parler sentiments me renfermais un peu sur moi-même, je prenais encore la peine de répondre quand on s'adressait à moi. Changer de sujet comme le faisait le grand blond était signe d'un profond malaise. Il ne savait plus où se mettre, alors il faisait tout pour dévier la conversation en reportant par exemple toute la faute sur moi. Une séance de psy s'imposait, non ? Ma foi je voulais bien jouer le psy, une fois encore. Mais sans volonté de la part du patient, c'est un peu comme parler à un mur, et l'impossibilité de communiquer est plus que jamais présente.

Peut être n'était-ce pas l'avis de tout le monde ici, mais aux yeux de Jackson, il était évident que de s'attacher trop facilement et trop rapidement aux autres candidats relevait du pur suicide psychologique. Les gens devaient d'ailleurs être profondément marteaux pour se risquer à se lier d'amitié avec des gens qui disparaitraient de leur vie aussi rapidement qu'ils y étaient entrés. Alors oui, d'après Jackson, il était véritablement insensé de s'enticher de tout un tas de monde entre ces murs, parfaitement. Ruben, par exemple, tirait une tête qui témoignait à merveille du dépit qui était le sien en ce moment. Le départ de Céleste, ses histoires sentimentales version guimauve avec Moore ... Tout cela lui avait semble-t-il fichu un sacré coup au moral. Au point qu'il en était presque plus laid que d'habitude, si c'était possible. Quoi qu'il en soit, et bien que Jackson n'avait pas pour vocation secrète d'aider les âmes en peine à aller mieux, il se sentit obligé d'intervenir, se mêlant plus ou moins aux histoires de son camarade, sans grande envie pourtant, soyez en certains. Ruben venait à l'instant de prétendre qu'il savait parfaitement que trop s'attacher en ces lieux ne donnait rien de bon. Et il aura suffit d'une remarque de la part de Jackson pour que le singe démarre au quart de tour. Whaou, tout doux. « Je crois que tu t'en rends bien compte mais que ça ne t'empêche pas de foncer dans le mur, en fait. Tu écoutes trop ton cœur, et pas assez ta raison, qui doit - je l'espère - t'inciter à aller moins vite, à ne pas te jeter à corps perdu dans une histoire aussi improbable que destructrice. » Il lui avait demandé de ne pas tourner autour du pot, alors voilà ce qu'il récoltait. De plus, Jackson était bien connu pour dire tout haut ce qu'il pouvait penser, et toujours avec une infinie sincérité. Okay, peut être que ces paroles ne plairaient pas totalement à Ruben. Mais qu'importe, il n'y a que la vérité qui blesse. Mais voilà que Ruben recommençait à évoquer Gabrielle. Il voulait se la jouer entremetteur, ou quoi ? En tout cas, Jackson ne lui ferait pas le plaisir de se laisser aller à quelques confessions croustillantes. Il pourrait très bien, ceci dit. Mais étant Jackson, il se devait de faire un peu de résistance. Tellement lui. « Et toi, si je me décidais à te foutre mon poing dans la gueule, tu crois que tu serais défiguré ? amoché ? vitriolé ? esquinté ? » Ça n'était qu'un exemple comme un autre, entendons-nous bien là dessus. Que Ruben n'oublie pas une chose, Jackson pouvait être très agaçant quand il s'en donnait les moyens. Comme ici. « Tu t'y pousses tout seul, j'ai l'impression » reprit-il. Après tout, qui avait volontairement remis un sujet "tabou" sur la table ? Qu'il ne vienne pas se plaindre, après ça, si Jackson n'était pas des plus amicaux à son égard. Il récoltait ce qu'il semait, et puis c'est tout.

Une... une... une quoi ? Une histoire improbable ? C'était donc ce que représentait ma relation avec Moore aux yeux de Jacko le blond ? Sympathique. Tellement réconfortant. Pour qui se prenait-il au juste, pour affirmer ce genre de choses. Cette histoire n'avait rien de véritablement improbable. Une histoire improbable aurait par exemple été une histoire avec Céleste. Nous avions quinze ans d'écart, là je vous l'accorde cela aurait été plus improbable qu'autre chose. Mais Moore avait l'âge de Jackson, vingt cinq ans et des poussières. Alors je ne voyais pas en quoi cette histoire avait quelque chose d'improbable. Non vraiment, fallait éclairer ma lanterne. « Excuse-moi, mais qui es-tu pour prétendre que notre histoire est improbable ? » Destructrice, ça je vous l'accorde, c'était comme ça que Moore et moi la voyons. Mais improbable, non je suis désolé, je n'étais pas prêt à accepter que ce terme puisse désigner ce que j'espérais construire avec Moore, une histoire aussi sérieuse que sincère. Le fait de la penser improbable, à cause du blond et ses remarques désobligeantes, me faisait perdre encore un peu plus espoir. Quel con alors, je n'avais pas le moral et il ne faisait que m'appuyer la tête sous l'eau. D'un coup j'étais bien content de le faire chier avec le sujet délicat qu'était le sujet Gabrielle. Je pouvais encore une fois aller me brosser pour obtenir une réponse à ma question. On en venait carrément aux menaces. « Je serais probablement bien amoché, certes, mais toi tu serais exclu. Je suis ravi de voir que tu es prêt à prendre ce genre de risques pour moi. » Ainsi donc Jacko était prêt à mettre en péril son aventure pour moi ? Que c'était beau, digne de toute l'amitié qu'il me portait. Sérieusement, il espérait vraiment pouvoir me faire du mal ? Si il avait jeté la fameuse tasse de café l'autre jour, c'était justement parce qu'il n'avait pas voulu s'en prendre directement à moi et qu'il était bien plus facile de laisser le café brûlant agir à la place de ses poings. « Tu sais où tu peux te les mettre, tes menaces ? » Au cul. Ni plus ni moins. Jackson sous-entendait que je me poussais moi-même à le détester. Le comble de la plaisanterie. Il prétendait donc ne rien faire pour me pousser à bout ? Il se déchargeait de toute culpabilité, comme à son habitude. « J'ai pas pour habitude de m'accrocher avec quelqu'un comme ça, sans raison. Faut m'y pousser, quoi. » Exception faite à Oona, victime de mon impulsivité la première semaine. Mais sinon je ne m'énervais pas contre autrui sans raison apparente. Je n'étais pas un monstre non plus. Un cœur battait, quelque part dans ce corps.

Rappelez-lui pourquoi il était présentement en train de discuter avec Ruben ? Ah oui, parce qu'il avait fait l'erreur de prendre de ses nouvelles, en s'inquiétant plus ou moins pour lui, après avoir constaté qu'il tirait une bien sale tête. Mais maintenant, il était comme qui dirait forcé de poursuivre cette discussion, et ça le faisait très légèrement chier à vrai dire. Mais qu'importe, puisqu'assumer il lui fallait, assumer il ferait. Ruben et Jackson semblaient d'accord sur un point : trop s'attacher dans un jeu comme celui-ci ne pouvait causer que des problèmes. Il suffisait de voir dans quel état ce pauvre Ruben se trouvait aujourd'hui. Que l'origine de son mal soit le départ de Céleste, sa relation chaotique avec Moore ou même les deux, il n'en était pas moins véridique qu'à trop se lier à des personnes comme celles qu'on pouvait trouver ici, on finissait inévitablement par en souffrir. Alors que leur discussion avançait, Jackson eut le malheur de qualifier la relation de Ruben et Moore d' « improbable. » Sacrebleu, comment avait-il oser ? Qu'on lui coupe la tête, et que ça saute ! « Je suis quelqu'un qui veut t'aider ... Non, c'est pas vrai ... Je me permet juste de dire tout haut ce que j'en pense, mais après, libre à toi d'y prêter attention, ou non. A mes yeux, oui, votre histoire est improbable. Ou disons qu'il vaudrait mieux qu'elle le soit. Ça pourrait t'éviter bien des emmerdes. » A l'entendre, on jurerait que Jackson tentait de mettre en garde son adoré camarade, alors qu'en fait, il s'en fichait pas mal que celui-ci se jette à corps perdu dans une idylle abracadabrante. C'était sa vie, il en faisait ce qu'il voulait. Pour autant, Jackson se permettait d'émettre un avis sur la question. Pourquoi ? Et bien, parce qu'il en avait envie. Tout simplement. Ruben avait par ailleurs décidé d'évoquer à nouveau Gabrielle. N'avait-il toujours pas compris qu'il n'obtiendrait rien de Jackson, même à force d'acharnement ? Visiblement pas. « Tu veux un scoop ? Je suis nominé. Alors exclu, je ne tarderai probablement pas à l'être, de toute manière ... » Est-ce que Jackson se voyait sortir dimanche ? Très clairement. Ainsi, si il décidait véritablement de s'en prendre au visage de son camarade, il ne ferait - à ses yeux - que précipiter sa sortie. « Non, je ne sais pas. Tu peux me l'indiquer ? » Où voulait-il qu'il se les mette, ses menaces ? Vraiment, Jackson n'était pas certain de comprendre. Ou alors, il faisait très bien l'idiot. Ouais, c'était plutôt ça. « Si tu le dis » reprit Jackson, en haussant légèrement les épaules. Que Ruben ait ou non l'habitude de s'accrocher avec les autres, il s'en foutait pour ainsi dire. Tout ce qu'il avait remarqué, c'était que ce dernier était plus agaçant que la normale, que ça ne devait pas aider à le supporter. En tout cas, ça n'aidait pas Jackson. Ainsi, en quelques sortes, Ruben était véritablement responsable de la tournure de leur relation. Si on pouvait appeler ça une relation, bien sûr.