→ L'appel de l'ange
le 09/07 à 04h48
avec Jamie.

J’étouffe. J’étouffe… J’ai peur. Une bombe a explosé cette nuit, un incendie a tout ravagé. Tout est partiellement détruit. Mes prunelles faiblissent. Je cligne plusieurs fois des yeux pour ajuster ma vision mais rien. Elle s’y refuse. L’asphalte est jonché de débris, de gravats, et de corps. Lacérés, asphyxiés, carbonisés. Un écran lacrymal se forme et vient brouiller ma vision déjà défaillante. Je tousse à m’en arracher la gorge. Je suis allongée sur le sol incandescent, impuissante, paralysée. Les cendres que j’inhale me détruisent les poumons de l’intérieur. J’ai mal, je crois. Mes alvéoles pulmonaires rendent l’âme progressivement, chacune leur tour. J’ai peur. Je me sens oppressée. Je respire difficilement. J’ai l’impression de m’être pris un coup de poings entre les deux yeux, j’ai le souffle coupé. Je me tourne, retourne. Je me débats contre une force invisible. Elle m’étreint. Etau de fer. J’essaie de m’échapper. Echapper à cette force supérieure, puissante. La réalité de la scène me transcende si bien qu’une larme brulante vient souiller ma joue. Une larme amère dont j’oublie le sens. Une douleur m’irradie tout entière. Une légère plainte s’échappe d’entre mes lèvres. Et, soudainement, j’ouvre les yeux… après m’être cogné le front contre la table de chevet. J’halète. Je me redresse, assise, sur le lit. J’ai chaud, trop chaud. Je mets du temps à réaliser. Je me défais de l’étreinte de fer, des bras de mon bienveillant partenaire, avant de balancer mes jambes hors du lit. J’ai un regard en arrière vers lui, il dort encore. Ca me rassure. Je ne veux pas lui ruiner son sommeil. Puis, j’aligne rapidement les pas jusqu’à la salle de bain. Je ne sais pas trop quelle heure il est, et, à vrai dire, je m’en fous pas mal. J’actionne le robinet d’eau afin de remplir la baignoire. Je fais face au miroir et j’ai l’impression que mon reflet n’apparait pas. Seulement vêtue d’un t-shirt qui me sert de pyjama je me glisse dans l’eau tiède. Entièrement, complètement. Jusqu’à la tête. Je ferme les yeux. Et là, seulement là, je m’autorise à crier. Cri qui se perd dans la masse d’eau qui me recouvre.

HJ. je m'y prends à l'avance au cas où (a)

J’hurle de toutes mes forces, à m’en épuiser. Parce que je sais que personne n’entendra, que l’eau couvrira le tout sans alerter personne. Parce qu’au fond, je ne veux pas que l’on vienne et me questionne. Je ne veux pas qu’on me trouve à m’époumoner dans un bain parce que je ne veux pas me justifier. Expliquer ce geste. Je me mets à vouloir beaucoup de chose, moi qui me contente de peu d’ordinaire... Hurler m’épuise rapidement, me vide complètement les poumons d’air. J’émerge. Un court instant histoire de reprendre une inspiration et retourner sous l’eau le quart de seconde d’après. Je ferme les yeux, je retiens ma respiration. Par, à coup, j’expulse quelques volutes de bulles témoignant du dioxyde de carbone qui s’échappe de mes poumons. Je dose pour ne pas avoir à émerger de nouveau. Plusieurs minutes filent, longues, je m’en fous. Je n’ai rien d’autre à faire. J’ouvre les yeux, zieute la surface striée de l’eau. Je n’entends pas la porte s’ouvrir. Certaine de ne croiser personne à une heure si tardive. Quand bien même, celle-ci ne viendra pas prendre un bain n’est-ce pas ? La scène serait critique. La seule excuse qui me vient : tester mon apnée ? Passons. J’atteins bientôt mes limites. Mes réserves d’air diminuent considérablement. J’en ai mal à la tête. Je pense à amorcer la remontée avant de perdre connaissance ou quoique ce soit d’autre. Je plisse les lèvres, conserve mes paupières closes. Puis, ce qu’il se passe après passe à une telle vitesse que je ne saisis pas tout. On saute dans mon bain, mais surtout, on m’extrait de l’eau en me tirant par le dos. Je me laisse faire et échoue contre un corps volumineux et musclé. Je prends l’inspiration d’un naufragé que l’on réanime. J’ouvre les yeux presque apeurée, repère Jamie, avant de me laisser aller contre lui. Soulagée. Je reprends difficilement ma respiration. Je replie mes bras contre moi, reposant son torse alors qu’il tente de m’apaiser. Je suis obligée de lui dire que j’ai cauchemardé ? A tel point que je suis allée trouver refuge dans cette baignoire ? Il dépose ses lèvres contre mon front, j’en profite pour relever le visage vers lui. Il m’assure qu’il est là. J’acquiesce d’un hochement de tête. Je le sais d’autant plus que nos destins sont en partie liés. « Désolé » je fais dans un murmure, essoufflée, au vu de ses traits durcit. J’ai comme l’impression de lui avoir fait une frayeur. Je le dévisage silencieuse, les paumes de main posées contre sa peau. « C’est dur… » je murmure, les yeux plantés dans les siens. Les départs, le jeu, la routine, les cauchemars. Ce cauchemar.