who you are - le 26 à 20H.

Je gueule le prénom de ma directrice de campagne dans toute la baraque en espérant la trouver. Enfin qu’elle réponde après avoir entendu mon doux soprano scander son prénom. C’est que j’ai une idée du feu de dieu à lui soumettre. J’ai besoin de son avis. J’arpente les couloirs en sautillant, un air niais au visage pour parfaire avec mon rôle, les cheveux relevés sur mon crâne et attachés en une couette battant l’air régulièrement. Je varie l’intensité de mes appels. Je modifie sensiblement ma voix. Tout cela dans le but de rompre la monotonie, des fois qu’elle s’habitue et que, par flemmardise, elle ne daigne répondre. Je passe devant la cuisine. Je crois que j’agace un des candidats qui me hurlent n’en plus pouvoir de m’entendre vociférer et brailler de la sorte. Pour seule réponse j’ai un sourire mutin. Et, comme tout travail mérite récompense, il m’indique qu’il a vu AJ dans le salon. Parfait ! Je pivote et prend la direction du salon. Je l’appelle à nouveau. On dit que les « mères » entendent, mais surtout, reconnaissent les pleurs et hurlements de leur gosse, on va bien voir. La pièce est vide. J’accuse l’autre d’avoir voulu m’éloigner pour éviter de l’emmerder plus. Je fronce les sourcils et m’avance dans la pièce déserte. Enflure. Je commence à marmonner sur la confiance que l’on doit accorder à certain, bougonne, avant que, soudainement, un Loxias ne se matérialise. Ca me surprend, j’ai un léger mouvement de recul. Et, c’est seulement là que je le détail, un sourcil arqué, perplexe. Hm, pourquoi il a l’air débraillé ? Pourquoi il affiche la mine de quelqu’un pris en faute ? Je m’apprête à le lui demander lorsqu’il m’indique qu’AJ est passée par là. Là étant les portes fenêtres. Sauvé par le gong comme dirait l’autre. Aussi, j’hausse légèrement les épaules, réaffichant un sourire avant de prendre la direction indiquée, certaine de pouvoir lui faire confiance à lui. Je m’attèle à faire le tour du château, enfin, une partie, c’est immense. J’appelle toujours la rousse et, avec l’écho, je couvre bien plus de terrain sans, pour autant, avoir besoin de m’y rendre. Je tourne, tourne, marche, marche… et rien. Toujours rien. Bon sang mais elle ne s’est pas volatilisée quand même. Je soupire agacée avant de revenir sur mes pas, jusqu’à la porte-fenêtre que j’ai passé à l’aller. Je tombe sur encore Loxias et… bah tiens, ma directrice de campagne ! Trouvée ! La seconde d’après la scène s’affiche sous mes yeux, clairement. Je réalise quoi. Puis, là, c’est l’embarras, le malaise, qui s’installe dans mon esprit, mes gestes aussi. « Oh, je, bah, enfin… vais passer par là » je balbutie en agitant mes mains devant moi avant de finir par pointer la première sortie qui s’offre à moi, quelque peu confuse. Et là, c’est le moment où j’émets l’idée de déguerpir.

« Dis pardon, alors... Et tu en profiteras pour avouer que t’as un caractère à la con. Charmant, mais à la con quand même. » m'annonce t-il en me menaçant de son doigt. J'affiche un air buté avant de lui répondre. « Jamais, jamais, jamais, et ... jamais. » Je scande en boudant. Puis j'entends mon prénom, je reconnais Nora, pour une fois qu'elle est là quand on en a besoin. Je blague. Je m'apprête à ouvir la bouche lorsque que Loxias me devance, je suis dégoutée, autant vous le dire. Il s'élève légèrement, je tente quand même de m'en sortir, mais non, cela ne marche pas. Sans grande surprise en fait. Il lui annonce une mauvaise direction avant de revenir sur mon cas une fois que la brunette a quitté la pièce. « Bon, on en était où, AJ-Bou ? » Sadique va. « Tu disais que tu comptais me libérer parce que tu me trouvais charmante, je crois. » Je lui annonce, le tout accompagné de battement de cils innocents. Puis Nora revient. Elle a fait vite, tiens. « Oh, je, bah, enfin… vais passer par là » Pardon ? Je reconnais la voix de Nora, merci seigneur, et je pivote ma tête vers elle, la seule partie de mon corps qui peut bouger en fait. Je lis un certain malaise sur son visage, une certaine gène, mais je ne comprends pas pourquoi. « Qu'est-ce qu'elle a ? » Je demande à Loxias, comme s'il pouvait être plus au courant que moi. Je ne comprends pas la réaction de Nora. C'est quoi le problème ? J'arque les sourcils, un brin perplexe je dois dire. Je ne lui laisse pas le temps de répondre que j'enchaine, je saisis ma chance. « Nora, tu comptes me regarder me faire 'torturer' sous tes yeux ... » Je commence en employant volontairement un terme fort, pour qu'elle réagisse la petite. « ... ou l'idée de venir à mon secours pourait éventuellement te caresser l'esprit. » Je lui propose. « Aller, viens aider ta mère, bon sang. S'il te plait. » Je m'impatiente, parce que si Loxias continue, je vais hurler de rire, et je déteste cela. Aller go, Nora, aide-moi là. Je guette la réaction de mon tortionnaire. Normalement à deux contre un, ça devrait le faire.

« Tu disais que tu comptais me libérer parce que tu me trouvais charmante, je crois. » Oui, c’est ça, essaye de m’embrouiller, petite fourbe, comme si j’étais assez teubé pour me dire “ha ben puisqu’elle le dit, relâchons-la et allons gambader pieds nus dans la prairie.” Je fronce les sourcils, secoue la tête, puis lui offre un sourire carnassier. « Ha oui ? C’est étrange, je n’en ai pas du tout gardé le même souvenir, vois-tu ? » je commence, de ma voix douce qui laisse présager le pire, mon regard rivé sur mon index, mon index en oscillation lente au-dessus de ses côtes. « J’avais plutôt gardé en mémoire l’image de moi torturant toi, et toi implorant le pardon de moi, tu vois ? » Oui, j’simplifie, c’est plus fun. Et brusquement, mon index émet une brève pression... Puis une autre... Puis encore une autre... Et s’immobilise. « Tu sais, ça ne me plait pas plus qu’à toi... Simplifie-nous la vie, et dis-moi ce que je veux entendre tout simplement... » Oui, sois mignonne, Ginger. Elle entrouvre les lèvres, et je m’attends à son acte de reddition, sauf que ce n’est pas sa voix qui s’échappe, mais celle de Nora. Hein ? Quoi ? Je me tords le cou, et la surprend entrain d’agiter les bras. « Oh, je, bah, enfin… vais passer par là » L’embarras et la gêne se lisent sur ses traits tandis qu’elle reste immobile tout en désignant la sortie. « Qu'est-ce qu'elle a ? » me demande AJ. Sauf que je n’ai aucune réponse à fournir. Je ne sais pas ce qu’elle a. Peut être qu’elle a vu quelque chose dehors qui aurait pu... Ou alors... Oui, Loxias, c’est bien, met en marche ton cerveau, mon grand ! Et au moment où je réalise l’image extérieure que peut donner ma torture d’AJ, c’est cette dernière qui prend la parole. « Nora, tu comptes me regarder me faire 'torturer' sous tes yeux ... » commence-t-elle pour se faire plaindre, la fourbe ! « ... ou l'idée de venir à mon secours pourrait éventuellement te caresser l'esprit. » Ouh là, ça sent mauvais pour moi, là ! « Quel secours ?! » je m’insurge ! « C’est moi qu’elle devrait secourir ! C’est moi qui me fais injustement passer à tabac... » oui, moi aussi je sais employer des termes forts. « ... Et tout ce que je demande c’est un petit “pardon” ! C’est si difficile à dire : Pardon ? » Visiblement oui, puisqu’elle enchaine sans même prêter la moindre attention à mon si poignant plaidoyer. « Aller, viens aider ta mère, bon sang. S'il te plait. » poursuit-elle, en jetant des regards en coin. « Non, ne l’écoute pas Nora ! Je fais ça pour son bien ! Elle ne veut pas accepter de voir la vérité en face, et me frappe lorsque je tente de lui ouvrir les yeux ! Je suis la victime, Nora ! C’est moi la victime ! » J’suis convaincant ou pas ? Pour parfaire mon image d’innocence incarnée, mon index frappe discrètement les côtes de la rousse qui laisser échapper un éclat de rire. « Ah ! Tu vois ? Elle est possédée par le démon ! Sorcière ! Sorcière ! » J’en fais peut être un peu trop, là, non ? J’sais pas, j’ai comme un doute.

Dès lors je pivote sur les talons afin de regagner, rapidement, la sortie. J’entame le premier pas, suit le second jusqu’à ce que la voix d’AJ s’élève et m’interpelle. Elle me parle de la regarder se faire torturer. Hm, eh bien, pas vraiment, je comptais justement partir. Je me tourne de trois-quarts vers elle et affiche un sourire bright façon colgate. « Non, justement je m’en allais » je réponds tout sourire en pointant la sortie. Elle me parle de caresse d’esprit puis surtout de sauvetage. Ah non mais moi, ce ne sont pas mes affaires que ce soit clair. Je suis sûre qu’elle la mérite, en plus, sa torture la rouquine. Et rien que pour le matin puis la journée qu’elle m’a faite subir la dernière fois, je cautionne à 100%. Je regarde AJ coincée sous le brun et je me dis que c’est une mission suicide son histoire. Même pour ma mère. Je pense qu’elle a fait son temps. On se doit de protéger la jeunesse… RIP. Je plaisante. Mais il n’en reste pas moins que c’est une mission suicide son histoire. D’ailleurs, c’est à ce moment-là que Loxias s’insurge. J’écoute attentive avant d’échapper un rire. Et, forcément, je ne sais plus quoi penser. J’ai le cul entre deux chaises comme dirait l’autre. AJ, Loxias, Loxias, AJ. J’arque un sourcil, jauge la situation d’un air faussement expert. D'ailleurs, les sorcières c'est pas censé crever sur le bûcher ? Ok, on s'en fout. Démêler le vrai du faux semble être une tâche hors de portée présentement. Hm, et si je les laissais se démerder sans prendre part hein ? « Je suis la Suisse » j’annonce ensuite. Médiatrice. Neutre. Attendez, je crois qu’il y’a moyen que la Suisse prenne partie… «… pourquoi il te faut un pardon ? » je demande perplexe. Oui, c’est peut-être là, le nœud du problème. Selon la teneur de sa, leur réponse, je m’allierai soit au « tortionnaire » de l’heure soit à la rousse à l’orgueil démesuré.

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