Attendez quoi, venais-je vraiment de trouver un bistrot avec de la bière pression et tout ? Oh mon dieu, j’étais à deux doigts de tomber à genoux sur le sol, les mains jointes et de dire merci à une quelconque divinité là haut qui avait eu la bonté de me faire entrer ici, dans ce bistrot. J’aime la bière, depuis mon cours passage par la Belgique j’aime la bière limite plus qu’un bête cocktail. Avant, aux USA, j’aimais pas ça. Je comprenais pas qu’on puisse aimer ce truc qui avait clairement un goût de pisse de chat – non je n’ai jamais gouté la pisse de chat mais bon, faut imaginer, hein -. Mais en Belgique et plus précisément à Bruxelles j’avais trouvé un petit bar très sympa avec, genre, la bible de la bière. Sans déconner, du coup vous imaginez bien que j’en avais fais le tour – ou presque -. Aujourd’hui donc je me mit face aux fûts et réfléchis un instant avant de prendre de la Duvel, juste au moment où je remplissais mon verre monsieur beau gosse entre dans le bistrot. Mon regard dévie du sien au reste de sa personne et je pose mon verre sur le comptoir. « Tu veux un verre ? » Je demande en reposant mon regard sur lui. Lui, il représente mon challenge du jeu. Ca m’aurait fait chier que quelqu’un s’immisce entre mon ex et moi mais là je m’en fou, j’ai envie de m’immiscer, donc je vais le faire.

Franchement je ne pensais pas trouver un tel lieu en venant dans cette émission, encore moins en débarquant dans ce village provençal. Ici ils sont plutôt fan de pastis et autres cocktails du genre non ? Les quelques fois où je suis venu en France, surtout dans le sud, on me proposait une… Deux bières maximum. Mais j’avais oublié que l’émission était faite par des Irlandais, amateurs de bière eux aussi. « Et comment, là tu me prends par les sentiments ! » fit le candidat en s’approchant de moi de manière un peu… Précipitée. Bon je peux le comprendre, l’appel de la bière est franchement puissant quand même, surtout ici où rien ne laissait présager la présence de ce breuvage. J’attrape un verre et j’attends qu’il me dise laquelle il veut, j’imagine que c’est évident, mais non parce qu’il reprend la parole. « T'es mignon hein à me regarder comme ça, j'dis pas hein mais ma bière t'attends quoi, la chute des feuilles ? » Je lâche un petit rire. « Ca ou alors que tu me dises laquelle tu veux. » Dis-je en désignant les fûts en face de nous. Et qu’il se dépêche la mousse de ma bière est en train de retomber et j’aime quand y’a de la mousse. Finalement un petit détail me revient en mémoire… « J’suis Jared. » Précisais-je. « Et toi, à part en couple, tu es ? » J’ai presque envie de lui demander si il est conscient que son couple tiendra jamais dans cette émission ou pas, mais je me retiens.

« Une Kriek. C'est une bière de tapette, je suis une tapette. » Ah bah si il le dit, remarque tapette ou pas il restait pas mal mignon ce candidat. J’attrape un verre et je me présente. Après ça, alors que je suis en train de lui servir sa bière je lui demande qui il est. En soulignant le fait que j’ai bien capté qu’il était en couple. « Sven. Belge. Dix-neuf ans. J'vis dans ma bagnole. Je hais mes parents. J'me tape des boulots de merde. Et en couple ouais, à l'occasion. » Ah bah tu m’étonnes qu’il aime la bière, bon ok ça fait un peu stéréotype tous les belges n’aiment pas la bière. Il vit dans sa bagnole… Bah au moins il en a une il peut bouger avec, moi j’en ai pas ou plutôt : j’en ai plus. Je ne dis rien, je me contente de lui filer son verre et de boire un peu du mien, un coude posé sur le comptoir. « Infidèle aussi. » Ajoute-t-il avec un sourire en coin, j’ai comme un regain d’intérêt à cette petite phrase et lève le regard sur le sien. Je plisse doucement les lèvres pour dissimuler ce petit sourire satisfait qui veut se dessiner sur mon visage. « Non j'déconne, pas de bol pour toi. » « Ou pour toi. » Répondis-je, du tac au tac. Autant dire qu’il ne sait pas ce qu’il rate, pauvre petit. « Et toi vas-y, à part ton prénom puis-je m'estimer heureux d'avoir un peu plus d'informations ou j'peux aller me branler? » Je meurs d’envie de lui dire que si il veut se branler il peut utiliser ma main mais franchement je pense que j’y ai déjà été pas mal fort notamment avec ma partenaire niveau allusion peu subtile du coup, je me tais quant à cette réplique-là. « J’ai 22 ans… J’suis américain, partis de mon pays depuis des années je voyage beaucoup en Europe, notamment en Belgique et je suis fraichement séparé. » Voilà c’est à peu près tout ce qu’il y a à dire sur ma petite personne.

Les présentations sont faites, il s’amuse même a plaisanter sur sa potentielle infidélité qui ne restera donc manifestement qu’une blague. Dommage. Mais bon le jeu ne fait que commencer, peut être qu’il changera dévis ou peut être que son mec craquera avant lui et qu’il le quittera ? Ouais là je me fais quelques films mais j’ai l’imagination plutôt débordante, en fait. On en vient à ma vie, je la raconte très brièvement et en vient tout de même au point capitale de mon existence pour le moment : mon récent célibat. Je passe mes dents sur mes lèvres dans un geste légèrement nerveux. Repenser à mon ex est à la fois incroyablement facile et terriblement douloureux lorsque je réalise que je l’ai perdu pour toujours et que je ne l’aurais plus jamais. C’est ça, la partie la plus difficile à avaler : plus jamais. Je ne l’aurai plus jamais, c’est finit, que je l’aime encore ou pas dans un an, deux ans, c’est mort et enterrer. Honnêtement c’est un peu effrayant… « Toi ou elle? » Je fronce légèrement les sourcils. Je comprends qu’il ait pensé à une femme, on est tous par défaut hétérosexuel jusqu'à ce qu’on dise que, non, on aime l’autre sexe. Ou qu’on aime AUSSI l’autre sexe, dans mon cas. « Lui. » Je lâche. Et je ne dis rien d’autre, il peut continuer avec ses questions mais tant qu’on ne me demande pas, je ne dirai rien. En fait j’adore parler de lui, parce que j’y pense, parce que ça me donne encore l’impression qu’il m’appartient… Donc oui, j’adore parler de lui sur le moment même ça ne me blesse pas, c’est toujours après que c’est difficile, quand je me retrouve seul dans ma réalité de merde.