Jésus Christ, je n'aurais peut-être pas dû tant m'avancer et me contenter de fermer ma gueule. Dame Fantine n'a pas l'air de me prendre au sérieux, je fabulerais presque pour revenir sur ma parole, mais j'ai pour principe de ne jamais, ô grand jamais mentir. "...Sérieusement." Elle ne semble pas tenir à m'infliger ma sentence sur le moment: elle n'en sera que pire, je le sens, quelque chose d'improbable ou infaisable qui me ridiculisera devant des millions de téléspectateurs. Paix à ma fierté, 1991-2012. Qui sait cela dit, peut-être me demandera-t-elle quelque chose de bien sympathique, comme lui amener le petit déjeuner au lit; à vrai dire, je ne dirais pas non. Maintenant, je n'ai plus qu'à prier. "T'essaieras d'être clémente, j't'en prie, tu sais que beaucoup d'monde m'attend à la maison." La part de mélo de cette conversation me fait sourire. Je commence purement et simplement à fatiguer, le visage enfoui dans mon oreiller, allongé sur le ventre, prêt à mourir d'asphyxie. Je pivote à peine ma tête, pointe et appuie une seconde mon index sur le bout du nez de la belle, comme ma soeur a l'habitude de le faire à chaque personne qui feint la vérité sciemment. "Ne mens pas jeune femme, j'le vois à ton visage qu't'es épuisée. J'te connais comme si j't'avais faite", lui dis-je d'une voix monocorde. Certes, j'exagère à peine. "Je s'rais déjà en train de comater bouche ouverte si t'étais pas arrivé... Mais j'm'en plains pas, votre compagnie m'est fort agréable, très chère." Madame mériterait presque un baise-main mais je ne tente pas le diable, ma 'tactilité' m'ayant déjà desservi. Elle gigote, se tourne, se retourne; je ricane devant son manège; pour au final me faire face, proche malgré le king size. Futur pugilat? Je ne me laisserai pas faire. "T'inquiète pas pour moi, je suis robuste," dis-je en bombant le torse de manière assez ridicule. Mes excuses, aux grands mots les grands moyens. Finalement allongé sur le flanc, je sonde son regard, lui souris du coin des lèvres. "Tu veux que j'te raconte une histoire pour qu'tu t'endormes?" Mon répertoire en la matière est assez fourni, autant l'utiliser à bon escient.

Louis préfère toute de suite calme mes idées en m'annonçant qu'il veut quelque chose de réalisable, qui ne le mettrait pas en danger. « Quelle confiance. » Je siffle alors. « Je t'ai même pas encore demandé de sauter du toit de l'une des maisons. » Je raille alors. Pour l'instant je suis plus portée sur le esclave éternel, une idée comme cela. Comme faire les petit-déjeuner + dejeuner + diner à vie ou alors être mon distributeur de clope ambulant, ou alors me tenir le sèche-cheveux quand j'en ai besoin, parce que j'attrappe presque des crampes à avoir le bras en l'air. Bref ce ne sont pas les idées qui manquent chez moi. J'attends encore un peu avant de lui faire partager ma sentence. Tout cela juste à cause de sa taille et de ma générosité à le garder aussi. C'est à cause de lui aussi, il n'avait pas qu'à proposer. Louis s'allonge sur le ventre, moi, sur le dos. Il tapote son doigt sur mon nez que je fronce légèrement façon ma sorcière bien aimée à son contact. Je continue à nier en tournant la tête de droite à gauche, totalement catégorique. « C'est pas vrai. » Je ne relève pas le comme si je t'avais faite, parce que si c'était vrai le pauvre quoi. Et je ne préfère pas lui rappeler qu'on se connait depuis seulement 48 heures, moins même ! « Je t'ai redonné de la force, j'en étais sûre. » Je scande avant de me rendre compte que la fatigue me fait dire un peu n'importe quoi, que je suis ridicule et que je ferais mieux de me taire pour une fois. Je l'entends ricaner face à ma pseudo détresse, je lève les yeux au ciel. Mes paupières, traitesses, se ferment une seconde, je les rouvres à la proposition de Louis qui me fait éclater de rire. « Pourquoi pas, essaie toujours.» Je lui demande en curieuse de savoir ce qu'il va bien pour me débiter cette fois.

« Ma confiance en toi est aveugle, » lui dis-je d’un sérieux déconcertant. Presque aveugle, mais cela dit, il est vrai que je considère Fantine comme très largement digne de confiance. Certes, nous ne nous connaissons que depuis quatre-huit heures à peine, mais il y a de ces personnes avec lequel il ne suffit que d’un échange, que d’un geste : par chance, ma partenaire en fait partie. Elle est bien plus introvertie que je ne le suis, ne partage pas ma manière de voir les choses, mais qu’importe, l’entente se fait à merveille, et c’est ce qui, à mes yeux, est le plus important. [color=cadetblue « Tu sacrifierais ma vie ? J’pensais qu’t’avais plus de considération pour moi, tu m’déçois tellement… »[/color] Je fais mine d’être vexé au possible, me retourne, faisant totalement dos à la demoiselle ; mon jeu d’acteur est à ce point ridicule que je tiens quelques secondes à peine, retrouvant ma position initiale, voir même plus proche encore, face à elle, riant dans ma barbe inexistante. En canon avec la belle, je baille une énième fois, me frotte les yeux : la fin est proche, pourtant, je lutte ardemment. « Tu m’as fait l’effet de quarante-deux cafés et douze RedBull à la suite, si tu veux tout savoir. J’risque de rester éveillé jusqu’à la fin d’la semaine par ta faute. » J’essaye d’avoir une certaine contenance, mais les yeux de cocker et autres moues n’y font rien : adieu crédibilité. Enjoué, flatté et émoustillé à l’idée qu’elle accepte de m’écouter lui conter une histoire, je repousse vivement les draps, m’assieds en tailleur et, après une minute de réflexion, décide de lui narrer le récit de la fameuse sortie en mer pendant laquelle j’eus sauvé la vie de mon paternel. Il n’y a là aucune prétention, juste une sorte de nostalgie : à chaque sieste, à chaque coucher, c’est cette histoire-ci que mes neveux me quémandent, encore et encore. Je mime mes dires, les illustre par de grands gestes des bras, comme si je m’adressais à une gamine de cinq ans et demi : doucement, j’arrête tout mouvement, toute parole, attendri par les paumières closes et l’air serein de Fantine. Je m’allonge alors sur le ventre, sonde son visage, souriant béatement. « Tu dors ma belle..? » Remarque stupide si elle s’est réellement assoupie… J’assume.