Je ne résiste pas très longtemps à l'appel de la musique. Je me suis juré à moi même de ne pas craquer pour le piano mal accordé de l'Auberge que j'ai visité la veille. Je me suis juré de planqué mon violon dans le dressing bien loin des yeux de ces connards. Ce que j'ai fais jusqu'à ce midi. Je choisis le midi pour effectué mon méfait. Parce que ces cons ils vont manger et que je serais donc tranquille. J'hésite à emporté mon violon sous le bras mais je me contente de l'observer avide de faire vibrer ses cordes. Ce sera pour une autre fois. Je passe un pull à grosse mailles sur ma tenue qui n'était constitué que d'un soutien gorge et d'un short court moulant. Je me précipite d'un pas rapide vers cette Auberge, vers ce piano que je désire plus que tout chatouiller de mes doigts fins. Je suis pianiste, et une très bonne pianiste. Je suis accro à ces touches blanches comme d'autres sont accro à la poudre blanche. Je dois quitter le centre du village pour me rendre dans le quartier d'Aragon. Je foule le sol à vitesse alarmante, loin des regards. Je dois atteindre cette Auberge maintenant. Je ne peux me passer de ces touches blanches encore plus longtemps. Je m'enfonce dans le village, piétine les pavées et enfin je peux apercevoir cette enseigne rouge aux lettres presque effacé, enfin je peux voir le lierre qui grignote les murs, enfin je peux pousser vivement les deux pans de la porte en bois et me retrouver dans cette solitude, dans ce cocon de musique. Je remarque immédiatement les instruments, la veille je n'avais qu'effleuré du regard le piano de peur de tomber sur autre chose qui ne ferais qu'entretenir mon addiction. Aujourd'hui je prend le temps et le souffle coupé je tombe sur un vieux violon, pas aussi bon que le miens mais tellement attractif pour mes mains. Je résiste un quart de seconde en faisant sonner les touches blanches du piano puis je jette sur l'instrument de mon désir. Un violon. Je peux jouer sur celui-ci ce n'est pas le miens, je n'aurais pas le même sensibilité, je ne m'abandonnerait pas autant qu'avec le mien, qu'avec celui que je timbale depuis des années, celui que je chéris et adore. Je cale la mentonnière là où il est d'usage de la caler, je me saisit de l'archet avec un professionnalisme incomparable. Je suis pianiste mais mon instrument c'est le violon, c'est bien pour ça que je ne pouvais pas devenir violoniste, je me serais perdue, je me serais oublié. Je tolère quelques heures quotidienne d’oublis dans le lieu où je réside. Ma main sur le manche, je m'agrippe et laisse mon cœur s'emballer assez longtemps pour que dès la première note je m'embarque ailleurs. Bach sera ma muse. Je fais vibrer les cordes, je ferme les yeux et m'abandonne. Mais jamais entièrement, pas devant leur yeux, je reste vigilante et je sais bien que le moindre bruit, la moindre intrusion mettra fin à mon échappée. Qui malheureusement aura été bien trop courte. Mais je n'y pense pas pour le moment, mon front se plisse, les mouvements son précis, délicats, professionnels et sans faille.

J'entre dans l'auberge, j'arrange l'une de mes mèches folles en la calant derrière mon oreille, puis je retire mes chaussures, instrument de torture de morderne. Je ne les supporte plus en ce moment, je dévoile mes pieds meurtris et couverts de pansements. Je suis pieds nus, ayant décidé que je ne portais mes chaussures que lorsque je sortais d'une pièce. Nouvelle résolution, pour le bien être de mes talons et le mien tout simplement dont dépend principalement mon humeur. Je cherche un canapé à squatter, pour me poser, juste une petite minute, rien que cela. Je remarque que le parquet ne craque même pas sous mon poids plume, sous mon poids de fille à la limite de l'anorexie comme dirait mon copain. Je me déplace sans bruit, et j'allume une cigarette. J'entends un violon. Apparamment on a des musiciens cette saison, ça changera des chômeurs ou des glandeurs, sérieusement. Je me stoppe dans mon mouvement, à l'écoute et je veux savoir d'où vient cette mélodie. C'est ballerines à la main et clope dans l'autre que je suis cette musique. Je vois de dos une brune que je n'identifie pas encore. Je me laisse glisser contre un mur, et je pose mes chaussures dans un coin. Je replie mes jambes contre ma poitrine et j'écoute tout simplement. Je suis tellement concentrée sur ses notes que je ne remarque même pas que ma cigarette se consumme toute seule, laissant la cendre s'écraser en douceur sur le parquet. Je tire une brève fois, et je laisse une volume de fumée s'échapper de ma bouche avant de fermer les yeux quelques secondes avant de les réouvrir. Je me contente de braquer mon regard perçant et dont la couleur est confuse sur le dos de mon inconnue. J'attends. Je sais pas trop ce que j'attends au fond. Qu'elle termine, peut-être ? Je me serais peut-être tirée comme une voleuse d'ici là. J'estime encore avoir le temps de me décider. Une minute peut-être, peut-être moins. Je n'ai aucune notion du temps pour l'instant.

Je laisse l'archet caresser le cordes avec douceur de temps à autre et avec plus de violence selon la note et selon l'effet et l’émotion recherché. Je me perds dans les enchaînement de note, je perd dans le moindre son qu’émet l'instrument, mon expression est intense comme lorsque l'on se penche devant le visage d'un rêveur. Mes paupières s'animent même closent, mes fossettes semble trembler légèrement, mes sourcils se froncent et se défronce selon le rythme qu'impose la partition connu par cœur. Et mes yeux s'ouvrent d'un seul coup sans pour autant arrêté la mélodie. Je sens une présence derrière mon dos, cette présence est intense. Et comme prévu la musique se termine en queue de poisson, en fausses notes parce que je suis déconcentré parce que je ne veux pas montrer l'étendu de mon talent à un intrus, à un inconnu. Alors je me retourne le visage impassible avant de détailler la forme pâle, la forme presque chétive qui me dévisageais. Je repose le violon dans son étui que je prend le temps de fermer avec délicatesse avant de m’asseoir sur le banc dos au piano, face à l'intruse. Je la toise du regard, je la dévisage, je la jauge. Elle ne s'est pas senti de trop dans ce moment que je ne réserve qu'à moi ? Elle n'a pas l'impression de m'avoir dérangé d'avoir brisé cette bulle ? Elle devrait se sentir honteuse. Elle a gardé le silence je le garderais à mon tour la toisant de tout mon être, le visage calme et impassible. De temps à autre je l'anime d'un sourire angélique, de temps à autre je regarde le canapé sur lequel elle est assise l'aire rêveur. Et au final je finis par perdre le peu d’intérêt que j'avais pour sa personne et laisse mon regard se perdre dans les méandres de mes pensées. Occultant totalement la présence de l'inconnue, je ne veux pas vraiment en connaître plus sur elle, pour le moment. Je remémore les notes, les variations ça à un goût de trop peu et pour ça je lui en veux.

Je n'ai jamais voulu pénétrer dans sa bulle, je me contente d'être spectatrice silencieux qu'on peut facilement oublier. J'en parviens même à oublier la mélodie qu'elle joue. Une question franchit mes lèvres, rapidement. « Pourquoi est-ce que tu te lacères les pieds constamment ? » Je lui demande d'une voix blanche et claire. Non pas que je cherche à ce qu'on se raconte notre petite vie à toute les deux autour d'un thé, ça j'en ai clairement rien à faire. C'est juste ce détail qui m'intrigue. Je ne fais aucun almagame avec ma douleur à moi, car je la subis, tout simplement. Je subis. Je l'avais vu quelques fois, martyriser volontairement ses pieds, pour se faire mal. Elle, elle semble en jouer, s'en amuser, la provoquer. Je ne comprends pas. Je me demande si elle n'a trouvé que cette méthode pour ressentir quelquechose. C'est pas possible, elle doit bien ressentir quelques chose lorsqu'elle joue non ? Peut-être pas. Je ne parle pas de ressentir seulement pour avoir mal. Pas forcément de la douleur, juste pour se sentir vivre. Si c'est cela, j'en reste confuse, moi, c'est à trop ressentir que j'ai mal, à trop me sentir vivante que je souffre. L'inverse en somme. Je ne sais pas. Au dessus d'elle semble flotter un énorme point d'interrogation, noir. D'un côté je n'ai pas envie de savoir, de l'autre la curiosité prend le pas sur cela. Alors je le lui demande, quitte à me faire rabrouer, je m'en moque, je ne suis pas à cela près. Je me demande si elle perdra son charme une fois qu'elle m'aura répondu, comme une mélodie qu'on dissèque, qu'on apprend note après note. Finalement je me surprends à penser que c'est peut-être mieux de ne pas avoir de solution au problème, de ne pas trouver l'inconnue de l'équation. C'est une minute plus tard que j'ai l'impression de revenir à moi, j'ai l'impression d'être allée trop loin, de m'être perdue dans mes propres divagations, de lui avoir crée un charme qui ne lui appartient pas, de lui avoir prêté des traits qui ne le lui reviennent pas. Je repose une nouvelle fois mes yeux clairs sur elle.

Lorsque je suis prise par surprise, je ne sais comme faire. Parce que je n'ai aucun point de repère je ne fais que perdre pieds après un moment intense. Alors je ne dis rien et ne montre surtout pas le faite que je sois prise au dépourvu, personne ne me voit d'une telle façon. Alors j'encre mon regard dans le sien et je le dévisage souriant de temps à autre. Je ne sais pas ce qu'elle veut, quelle était son but en se mettant entre moi et ma musique. Je lui laisse le temps de formuler ses pensées, ses requêtes. Parce que c'est certainement le hasard qui l'a amené jusqu'ici mais j'imagine très bien qu'elle à quelque chose derrière la tête maintenant. « Pourquoi est-ce que tu te lacères les pieds constamment ? » Et voilà. Je laisse entrevoir ma surprise un quart de seconde. Mes doigts s'anime sur le banc, mon sourire s’amoindrit et mon regard se perd dans une certaine réflexion. En général personne n'ose me poser la question, parce qu'ils ne veulent pas vraiment savoir en réalité. Bon il est clair que je ne vais pas formuler une réponse honnête. Ou peut être que si ce sera à elle d'en juger sachant que je ment comme je respire. Je pose mes yeux sur elles, éteints. « Je n'ai pas la notion de que l'on peut faire ou pas faire, de ce qui est sain de faire et de ce qui vous fait passer pour une folle à enfermer. » Je commence avec une certaine pudeur parfaitement bien jouée. « Je suis impulsive, je me suis dis et si je marchais dessus pour voir ? Et quand la plu part s'arrêterait à cette pensée stupide et irait protéger ses pieds dans une bonne paire de chaussures et bien moi j'avance d'un pas délicat le cœur léger. Peut être parce que la douleur ne m’effraie pas, pas cette forme de douleur du moins. » Je termine dans un demi sourire m'amusant à passer mes doigts dans les trous de mon pull. Maintenant à elle de juger si je lui répond assez bien, si je lui cache des choses, si je mens ou si je me fous complètement de sa tête. Et silence parce que je ne suis pas curieuse à son propos, je suis juste curieuse de voir sa réaction, rien de plus.

Je l'écoute avec une certaine attention et je ne sais pas pourquoi, je n'arrive pas à accrocher à sa première phrase. Elle me semble tout droit sortie d'un bouquin ou je ne sais quoi. « Le coeur léger ? » Je rélève, je répète, septique en essayant d'y croire, mais je n'y arrive pas. J'essaie pourtant ! La brune ne semble pas être le genre de fille à marcher le coeur léger, vraiment. Je fronce les sourcils, en essayant de comprendre sa première réplique. Je me demande si elle ne se fout pas de moi, vraiment. Une part de moi essaye de me dire que j'ai tord et que j'ai l'habitude de voir le mal partout. Que je suis bien trop méfiante. J'essaie donc de la croire et j'écoute ce qu'elle dit, la suite. Je crois qu'au fond, sa réponse ne me satisfait pas vraiment, ça doit être ça. Je me rends compte que c'est la première fois que j'entends sa voix, ou que je fais attention à sa voix. Tout est différent. Je n'ai pas de matière pour comparer son ton ou la façon dont elle s'adresse à moi. Je me demande si elle n'est pas en train de me tester ou je ne sais quoi. D'attendre de voir ce que je vais répondre. J'arque un sourcil et je laisse un petit moment de silence. « Quelle douleur t'effraie alors ? » Je lui demande en ramenant mes jambes contre ma poitrine et de les entourer avec mon bras. Je tire une nouvelle et dernière fois sur la clope, j'arrive à la fin, j'écrase avec douceur le mégot contre mon paquet vide, fini, et je le range dedans, prochaine étape, poubelle. Je me relève en m'aidant du mur, je suis prête à partir. Je shoote dans mes ballerines qui attérissent presque devant la porte, je chasse l'une de mes mèches qui m'empêche de la contempler. Seule sa réponse me retient encore quelques secondes dans cette pièce. Je me demande juste ce qu'elle va me sortir cette fois.

Elle me questionne et moi j'ai l'impression qu'elle me teste juste pour voir si l'idée qu'elle s'est faite de moi est juste ou bien si ce n'était que son imaginaire qui voulait me voir ainsi. Je n'ai pas la prétention de connaître la façon dont elle me voit, mais j'imagine bien qu'elle a du ressentir un certain intérêt pour ma petite personne, pour me questionner ainsi pour me regarde de cette manière et pour cette intrusion tellement culotté dont elle a fait preuve en entrant ici. « Le coeur léger ? » Elle dit alors que je n'ai pas finit de lui expliquer. Oui le cœur léger elle ne connaît pas ça ? Non elle ne doit pas connaître. « Le cœur léger, quand plus rien n'a d'importance. Ça ne dure pas longtemps mais quand c'est là – je pose une main sur mon cœur pour appuyer mes propos – c'est comme … être bénit part les anges. » Je lui réponds, elle ne va peut être pas comprendre. Le cœur léger, la sensation que cela provoque en moi c'est comme si un ange restait près de moi, c'est comme s'il touchait mon cœur pour lui insuffler assez de force pour qu'il continue à battre, c'est ça le cœur léger. Je la sens perplexe, et elle a totalement raison de l'être. Je ne dis que mensonge, ou peut être pas ? Là est toute la difficulté avec moi, savoir différencier le vrai du faux et cette tâche est tout simplement impossible surtout pour une fille comme elle qui ne me connaît pas. « Quelle douleur t'effraie alors ? » Est-ce que je vais lui répondre ? Oui bien entendu, après encore une fois rien n'est dit au hasard alors peut être que je la manipule sans qu'elle ne s'en rende compte lui fournissant des réponses un peu au hasard pour continuer d'attiser sa curiosité ou au contraire me rendre inintéressante ? Elle se lève et se dirige vers la porte je la regarde bouger et je lui réponds avec vivacité. « La perte. » Pas la perte d'un être cher non, je n'ai pas ce genre de personne auprès de moi. La perte de tout repères, la perte de tout ce que vous aviez pour acquis depuis des années, la perte de votre monde, la perte de votre identité. Mais là encore je ne vais pas tout lui donner sur un plateau d'argent je lui laisse faire sa propre interprétation des choses, qu'elle soit fausse ou non ce n'est pas important. « Au revoir. » je lui dis parce qu'elle va partir maintenant, maintenant qu'elle a eu sa réponse et à vrai dire je n'attends que ça depuis le début de cette entretient, au revoir.