Je me trainais d'un pas lourd dans les rues, me contentant d'errer. Cela faisait bientôt quatre semaines que j'étais enfermée et j'avais l'impression de connaître tous les moindres recoins du village par coeur. Alors oui, je me contente de me ballader sans rien voir, sans rien regarder. Je me contente de marcher parce qu'il parait que cela vide l'esprit, c'est comme le sport, et vu qu'ici on n'a pas vraiment l'occasion d'en faire, autant se consacrer à autre chose. Marcher. Les mains dans les poches de jean, j'ai l'impression de donner une mauvaise image de moi, perdue et nonchalante, voilà ce que je reflète, ce que je renvoye involontairement. Mais je ne peux pas le nier, je suis déboussolée en ce moment, j'imagine que c'est un peu le principe du jeu. De mon jeu. De s'adapter avec les personnes qui partagent nos vies pendant quelques mois. Je continue mon chemin avant qu'une rousse n'apparaisse dans mon champs de vision, c'est Dagga, accroupie au dessus d'un petit corps d'oiseau. J'accélère le pas, arrive à sa hauteur avant de me laisser tomber sur les genoux. Machinalement, je mets mes doigts en face de la tête de la petite créature, c'est avec un soulagement que je sens son souffle chaud contre ma peau. J'en suis rassurée. Je jette un regard en biais à Dagga, avant de me reconcentrer sur l'oiseau. « Il est juste ... déboussolé. » Je lui annonce, non pas que je sois vétérinaire, mais je le sens. Ma propre remarque m'arrache un sourire, il est comme moi, sauf que moi j'évite de me prendre les vitres ou les portes. « Il faut juste lui laisser du temps. » Je complète en fixant mon interlocutrice.

Penchée sur l’oiseau blessée, je ne vois pas immédiatement que Fantine me rejoint ; son pas est léger, et je suis distraite, et ce n’est que lorsqu’elle arrive à mon niveau que je perçois sa silhouette dans la périphérie de ma vision. Je lève les yeux vers elle, en quête de secours, en quête de réponse à la question que tout mon être pose sans que ma bouche n’ait à la formuler : il faut faire quoi ? Elle me dit que le moineau est juste déboussolé. Je regarde l’oiseau. On est deux alors. « Je voulais voir si son cœur bat encore, mais il a l’air si fragile, j’avais peur de lui faire mal en le touchant. » je confie à voix basse. Fantine a l’air de mieux maîtriser la situation que moi ; je l’observe, la dévisage un instant. « Combien de temps, tu penses ? Je me vois mal le laisser là… » Et en même temps, que pourrais-je faire pour lui ?