Nicole

LUNDI 29 OCTOBRE - 10H23
ÉCOLE MUNICIPALE DE GARÇONS - CHAMBRE

Fait incroyable et ô combien rarissime, j'avais trouvé le sommeil cette nuit. Pourtant, je m'attendais à ne pas fermer l’œil à cause de mon interdiction de parler - qui me préoccupait quand même un peu beaucoup je dois dire - mais au final non, j'avais véritablement dormi comme un bébé, et ça ne m'était pas arrivé depuis... pfou, des jours, voir des semaines ! Et oui il y a bien longtemps que je n'avais pas aussi bien dormi. En ouvrant les yeux ce matin, je constatais tout d'abord via ma montre qu'il était aux alentours de dix heures du matin, et que donc j'avais dormi d'une traite de mon coucher, aux environs de deux heures, à maintenant. Pour une fois, je ne me levais pas totalement crevé, même, j'étais en pleine forme. Aussi, en me retournant dans le lit je remarquai la présence de Nicole. Ma partenaire s'était bel et bien couchée à mes côtés hier soir mais, sait-on jamais, elle aurait très bien pu quitter furtivement notre lit dans la nuit et rejoindre celui de Teresa. Mais non, elle était encore et toujours à mes côtés, ce qui me réjouissait par ailleurs. Je la vis quelque peu bouger, alors je supposais qu'elle allait se réveiller d'un instant à l'autre, bien que je n'en étais pas certain. J'eus par ailleurs envie de la tirer doucement du sommeil en chuchotant son nom, néanmoins je ne le pouvais pas - héhé privé de parole Malik, c'est bête hein ! Je me souvins alors que la veille, Nicole avait dilapidé nos deux cagnottes afin de me garder comme partenaire. Si certains candidats auraient peut-être difficilement accepté de perdre d'un coup leur cagnotte et de se retrouver sans un sou, ce n'était pas mon cas. Nicole savait que l'argent ne représentait pas grand chose à mes yeux, parce que j'en avais toujours manqué. L'argent était aussi la seule arme dont disposaient certaines personnes, et je préférais avoir beaucoup d'autres choses et être parfaitement pauvre, que de n'avoir rien à part une grosse liasse de billets et un compte aux Îles Caïmans. Nous avions donc zéro sou en poche. Et alors, ça n'était pas la fin du monde ! Nous aurions assurément l'occasion de renflouer nos cagnottes prochainement, je ne m'en faisais pas pour ça. Aussi, c'était touchant de me rendre compte que Nicole tenait à me garder comme partenaire - à croire que je ne l’exaspérais pas autant que je l'aurais pensé. Puisque parler m'était interdit, et comme Nicole me tournait le dos, j'entrepris de m'en rapprocher, me mouvant dans le lit jusqu'à me trouver juste derrière elle, avant de passer un bras par dessus son corps - l'enlaçant en quelque sorte. Si ça se trouve, et sans que je le sache, elle avait les yeux ouverts depuis plusieurs minutes ! Oui mais voilà, comme je ne percevais que son dos, je n'avais aucun moyen de le savoir. Bon, si elle n'était pas réveillée, il y avait fort à parier que ce soudain contact allait la tirer du sommeil. Pourvu qu'elle ne me repousse pas. Je ne pourrais même pas hurler si elle venait à se défendre violemment ou à me faire tomber du lit.

Je détestais rester des heures à me pavaner dans un lit. Premièrement je ça me semblait d’un intérêt proche du zéro et deuxièmement c’était bon pour les feignasses, seulement ce matin ce n’était plus le même résonnement qui tournait dans ma tête. Non, je préférais rester au lit. Préférant la vision des autres lits à celle du visage de Malik, le sommeil m’emporta finalement de nouveau dans deux doux rêves où les billets coulent à flot. Ne plus avoir un sous en poche pour moi était comparable à la perte d’un enfant pour d’autres. Ahah qu’elles reviennent me dire encore une fois que je ne peux comprendre leur douleur celles-là ! Bref ma somnolence ne dura pas bien longtemps puisqu’un semblant d’étreinte vint me ramener à la dure réalité de gueux qu’était la mienne. Si je m’attendais à ça. Pendant un instant j’en eu presque oublié que mon partenaire s’appelait Malik et était à la fois égyptien et abstinent. C’était donc comme ça qu’on disait bonjour en muet ? Ca me plait. Mes yeux me frottaient, ce après quoi je me retournais légèrement ; assez pour avoir une superbe vue sur le visage de mon fake lover boy, l’une de mes mains venant se glisser dans la sienne au passage. « Bien dormi ? » L’avantage des yes/no questions c’est qu’il pouvait facilement répondre avec un signe de tête. J’aurais pu engager la « conversation » autrement que par une phrase dont la réponse m’importait comme de l’an quarante mais j’étais encore bien trop furax contre lui et sa décision débile de se sacrifier pour sa belle… ce qui ne m’empêchait pas d’être envahie par l’envie de l’embrasser fougueusement. Envie provoquée par la proximité de nos visages. Comme ce jeu est cruel avec moi. Il fallait d’ailleurs que je m’assure de ne pas avoir pris la mauvaise décision. Personnellement, bien que cette absence d’argent dans notre cagnotte me donnait envie de pleurer à chaque fois que j’y pensais, j’étais persuadée d’avoir choisi la bonne proposition de Cupidon mais en ce qui concernait Malik finalement il n’était peut-être pas si indifférent que ça à l’argent et je il y avait des chances que je me sois complètement gourée. Après tout vu mon comportement envers lui il préférait sûrement se débarrasser de moi. Ce que je comprenais tout à fait étant donné que j’avais hésité à faire de même hier soir. Je me retournai complètement afin d’être face à lui, ne pouvant empêcher mes doigts d’aller gambader sur ses épaules. « Je te promets de faire mon maximum pour retrouver notre cagnotte… » Prononçais-je désolée.

Une rude semaine débutait pour moi ce matin. Durant sept jours, j'allais devoir m’astreindre de prononcer le moindre mot, de dire quoi que ce soit. Oh je savais d'ors et déjà que cela me demanderait un effort surhumain, car j'avais le blabla facile voyez-vous. Mais je ne regrettais pas pour autant cette décision prise la veille. Je n'aurais pas pu retirer la parole à Asmaa, non, je n'aurais pas pu lui faire une telle chose. Et dans la mesure où l'instant d'après elle s'était sacrifiée pour moi et soumise à la nomination à ma place, je considérais avoir fait le bon choix. Maintenant, j'allais devoir tenir, et ça c'était autre chose... Mais si Rumer y était parvenue une fois, alors je devais moi aussi en être capable, en toute logique. Je pense même que n'importe qui est capable de se taire toute une semaine si la volonté y est. Et j'étais justement prêt à faire preuve de bonne volonté, oui, parce que lorsque je me décidais à entreprendre quelque chose, j'allais jusqu'au bout, je ne m'arrêtais pas en cours de route sous prétexte que ce soit trop éprouvant, trop difficile... Mince, fallait que j'assume maintenant quoi. Allez Malik, un peu d'optimisme, pour une fois pardi ! Et puis j'osais espérer pouvoir compter, dans cette épreuve, sur le soutien de mes camarades. Notamment ma partenaire, Nicole, qui avait refusé hier de se séparer de moi. Un geste très touchant, me poussant à voir bien plus loin que la dilapidation de nos cagnottes. Celle-ci n'importait vraiment pas grandement à mes yeux, même si pour Nicole le choix avait certainement été éperdument difficile à faire. Moi, je ne lui en voulais pas. Pas après que j'eus découvert qu'au final, je valais bien plus à ses yeux qu'une grosse liasse de billets, même fictive. Nicole avait dormi à mes côtés cette nuit, ce qui expliquait peut-être le fait que j'eus pour une fois dormi paisiblement et sans être tiré du sommeil plusieurs fois dans la nuit. J'avais repris du poil de la bête, en quelque sorte. Je ne pouvais de toute façon pas débuter cette semaine de mutisme dans un état de fatigue extrême. Je vins étreindre ma partenaire, nécessitant plus que jamais sa présence à mes côtés. Celle-ci se retourna partiellement - ah j'avais raison, elle était bien réveillée. « Bien dormi ? » Je secouai la tête à la verticale pour lui faire comprendre que oui, c'était le cas. J'avais dormi comme un bébé, chose qui ne s'était pas produite depuis un moment. Alors forcément, me réveiller reposé, et au côté de Nicole, c'était une journée qui commençait au mieux. Nicole se retourna entièrement et me fit donc face, laissant ses doigts se frayer un chemin jusqu'à mes épaules, pour au final poursuivre. « Je te promets de faire mon maximum pour retrouver notre cagnotte… » Elle n'avait vraiment pas à s'en faire pour ça. Je sentais qu'elle s'en voulait presque, et pourtant ça n'était jamais que quelques milliers d'euros. De plus, ces derniers avaient été transférés dans la cagnotte de Dani, ce qui était une bonne chose tout de même, puisque mon poto s'était enrichi grâce à ça. Mais nous aurions l'occasion de renflouer nos cagnottes à un moment ou à un autre, forcément. J'esquissai un sourire avant de réduire de façon quasi définitive la distance entre nos deux corps, et nos visages. Je frottai même mon nez contre le nez, poussé par je ne sais trop quel élan. Cela ne me ressemblait pas, et allait aussi très certainement surprendre Nicole, seulement je ressentais ce brûlant désir d'être au plus près d'elle.

Je sais très bien que je suis bonasse dès le matin et que, donc, je peux me permettre certaines choses que les thons se refusent. Comme effectuer un rapprochement physique avec mon partenaire sans aucune quiétude par exemple. Bon ok il s’agit de Malik donc dans tous les cas il n’y a pas à s’inquiéter pour quoi que ce soit, mais je crois que c’était à tort pour cette fois-ci. L’absence de sa voix l’obligeait à utiliser son corps pour me parler et forcément… ça n’était pas pour me déplaire. J’avais d’ailleurs la furieuse envie de lui chanter Touch Me d'Ivy la magnifique afin de l’encourager dans sa démarche mais pas sûr qu’il le prenne bien… donc je m’abstenais. Ca me blasait lorsque nos conversations finissaient par partir en cou… BIP ; so je me contentais de me le fredonner pour moi-même dans ma tête. Oh touch me t-t-t-touch me nooow you've got to touch me now ! Graou. Euh oh mais si je m’attendais à ça ! J’aurais des pouvoirs hypnotiques ? Il venait pratiquement se coller contre moi, son nez venant chatouiller le mien. S’il continuait ainsi sincèrement je ne tiendrais pas très longtemps avec mon sourire enfantin cachant une pensée un peu plus adulte. J’étais d’ailleurs très étonnée, qu’il me parle avec des signes, son corps et tout ça ; ok. Mais qu’il en vienne à tant de proximité… disons que je découvrais un Malik qui me plaisait fortement. Qu’on se le dise, je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire par son froti-frota nasal… souhaitait-il me faire comprendre que ce n’était pas grave pour nos cagnottes et qu’il m’aimait bien quand même ? Oui, allez, on va dire que c’est ça ; mon égo adore ça. Mon sourire ne tenait plus. Tout autant que ma main remontait vers sa nuque, mon visage franchissait les derniers minimètres séparant nos lèvres afin d’y donner un baiser plus prononcé que le précédent, plus passionné et surtout bien moins chaste. Mon partenaire se trouvait ne plus être l’homme sauvage qui s’était présenté aux castings de Fake lover, et pour cause il avait même procédé à un échange avec Wade, le mec du supermarché, lors du prime. A mes yeux il restait un individu avec une mauvaise histoire passée mais qui n’en était plus autant traumatisé, voilà pourquoi je m’autorisais à céder à la tentation. Rompant ce contact buccal, j’éloignais mon visage du sien ; mon regard se plongeant à l’intérieur de ses prunelles foncées. Que dire maintenant ? Je suis obligée de parler puisque ce n’est pas lui qui le fera et comme il s’agit de Malik… je me dois d’enchainer sur quelque chose à défaut de prolonger ce moment de tendresse. « C'était beaucoup trop fort, je n'ai pas pu résister. » En réalité j’ai peur de sa réaction. Je ne sais pas pourquoi, ce n’est pourtant pas mon genre mais avec ce mâle-ci tout est différent. Mes yeux le fuient tout à coup, ayant peur de voir dans les siens de la déception ou, pire, de l’incompréhension. Ayant pratiquement manqué de m'excuser en bout de phrase, j'étais rassurée de ne pas avoir perdu toute ma tête; Dieu soit loué je ne touche pas encore le fin fond du fond.

On dit qu'être privé de l'un de ses sens permet de développer les autres. Et bien, je pense que cette semaine le sens que j'allais le plus développer serait le toucher, indéniablement. Car à défaut de pouvoir parler, il me fallait trouver un autre moyen pour communiquer avec mes camarades, et ma foi la gestuelle, le contact physique me semblait être le moyen le plus approprié. Enfin, je devais aussi veiller à ne pas aller... trop loin. C'était dangereux pour un type comme moi, de se retrouver soudainement privé de la parole. Notamment lorsque je me retrouvais avec Nicole, comme ce matin dans notre lit. J'avais envie de lui faire comprendre certaines choses, mais sans les lui dire ça n'était pas évident. Aussi, j'entreprenais bientôt un rapprochement physique qui ne me ressemblait pas... Hm, étrange étrange. Je doutais que mon mutisme puisse me pousser à ne plus être vraiment moi-même, quand même, ce serait fou. Alors la vérité devait résider ailleurs... mais... j'étais pour le moment incapable d'admettre celle-ci. Mon nez vint se frotter contre celui de Nicole. Nos corps étaient, quant à eux, quasiment collés l'un à l'autre. Était-ce seulement une bonne idée de tant me rapprocher d'elle ? Oui mais voilà, je n'avais tout bonnement pas pu faire autrement, comme si j'avais été attiré vers elle tel un aimant ! Je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait. Je ne savais pas pourquoi je ressentais ce soudain besoin d'être aussi proche d'elle, de la sentir contre moi. Oui je... ressentais certaines choses sur le moment, des choses que je n'avais encore jamais ressenties ici, ni avec Nicole, ni avec personne d'autre. Mais j'avais par contre déjà eu ces sensations, il y a de ça des années... Je ne pensais pas être amené à les avoir à nouveau, et cela s'avérait tout à fait déstabilisant. Je n'étais d'un coup plus sûr de rien. L'une des mains de Nicole vint se perdre jusqu'à ma nuque, tandis que gardant les yeux grands ouverts et mon regard plongé dans le sien, je pus voir ses lèvres se rapprocher considérablement des miennes, ébahi, pour finalement entrer en contact avec celles-ci. J'eus alors droit à un baiser enflammé qui fut, c'est vrai, fort agréable. Nicole se retira et nous nous regardâmes intensément pendant plusieurs secondes sans dire un mot - enfin, de mon côté c'était assez logique. C'est alors qu'elle se décida à briser ce silence. « C'était beaucoup trop fort, je n'ai pas pu résister. » Mais c'est qu'elle se justifiait ! Je pensais qu'elle ne se préoccuperait pas un instant de comment est ce que je pourrais le prendre, même, qu'elle se contenterait de longuement me fixer pour guetter une éventuelle réaction de ma part, mais rien de plus. Je ne cessais décidément pas d'être surpris ce matin. Je la dévisageai quelques instants. Rectification : je la dévorai des yeux quelques instants. Puis une sorte d'énergie inqualifiable parcourut tout mon corps. J'en eus la chair de poule. Et, comme poussé par une pulsion subite, je roulai littéralement sur elle, lui grimpant dessus, me retrouvant donc à califourchon sur Nicole. Je tremblais, je n'étais sans doute pas dans mon état normal mais, surtout, je ne contrôlais rien. J'étais aussi essoufflé, comme un bœuf. Je finis par laisser tomber une partie de mon corps sur celui de ma pulpeuse partenaire, veillant tout de même à ne pas l'écraser. Mon front se colla contre le sien, nos souffles se mêlèrent. Et l'instant d'après nos lèvres fusionnèrent. Je me laissais maintenant aller, ne pensant plus à rien, si ce n'est à ce baiser ardent que je lui offrais. Je ne sais pas combien de temps j'avais refoulé tout ça, toujours est-il que cela avait fini par être évacué, expulsé. Au final, celle qui me plaisait ici n'était peut-être celle à laquelle on pensait d'emblée... Je repris soudainement "conscience", me redressant, me raidissant même. Oh mon dieu, est ce que je venais de... sur... avec... Je restai au dessus d'elle sans oser la regarder dans les yeux. J'étais si gêné... Pourvu qu'elle me donne une claque suffisamment puissante pour que je puisse dégringoler de ce lit !

Depuis notre entrée dans le jeu j’avais appris à être empathique envers Malik. Il était évident que sans ça notre relation était vouée à l’échec, des dialogues de sourds en passant par les petits reproches bien cachés disons que nous avions matière à ce que ça ne colle pas entre nous. Des efforts, encore et toujours. Nos premières semaines de couple fictif s’étaient basées sur ça ; tandis que lui s’efforçait à être entreprenant, j’apprenais à devenir aimable de mon côté. Qu’on se le dise, je ne lui ai pas facilité la tâche. Parait-il qu’à part pour ma cousine qui me connait par cœur je suis quelqu’un d’imprévisible. Ca je voulais bien le croire, être l’électron-libre de notre faux-couple pourquoi pas… mais là je n’en étais plus très sûre. Alors que je lui expliquai les raisons de mon acte afin de m’éviter le supplice des yeux de merlan frit incompréhensif ou bien qu’il ne souhaite plus m’approcher en arborant une croix « arrière femme », j’avais finalement en face de moi un homme dont le regard dévoilait toutes les intentions. Il possédait dans ses yeux quelque chose de différent de ceux qui l’avaient précédé. Du respect, peut-être… ceux qui m'en avaient offert jusqu’à maintenant pouvaient se compter sur les doigts d’une seule main. Malik s’agita et je le retrouvai au-dessus de moi, la rapidité de son souffle s’intensifiant. Ce dernier venant se mélanger au mien, mon cœur commença alors lui aussi à s’emballer. Cet instant charnel n’était pas comme les autres, non… il était beau. Bien plus beau que ceux que j’eus l’occasion de vivre auparavant. Mes prunelles fixaient ses lèvres si désirables jusqu’à ce qu’elles ne viennent rencontrer une seconde fois les miennes afin de partager un moment intense. Mes mains se perdaient entre le bas de ses reins et ses omoplates jusqu’à ce que la magie ne se termine. La sensualité de Malik disparut comme elle était venue. Sans prévenir. Son mutisme m’emmerdait soudain grandement. Faite qu’il parle. Peut-être m’étais-je avancée trop vite dans les pronostics… après tout ce n’était pas son genre de s’emballer ainsi ; bien que cela se doive d’arriver un jour. Son regard gourmand me fuyait maintenant, daignant affronter le mien. Qu’avait-il pu lui passer par la tête ? Son enclin à plonger ses pupilles dans les miennes m’amena à une seule conclusion. La plus plausible. Je le dégoutais. Mon secret le répugnait, c’était évident. Nombreux étaient ceux venus me faire la morale mais j’avais toujours nié jusqu’à maintenant. Irrémédiablement cela pouvait réellement avoir un impact sur ma vie. Un vrai. Un douloureux ? Non, pas question de l’avouer. L’une de mes mains venait caresser son visage, le but étant de rencontrer de nouveau son regard afin qu’il me parle ; que son visage me fasse passer une émotion. Rien qu’une seule. J’étais dans l’incompréhension totale là, un énorme point d’interrogation venant remplacer ma tête alors que la peur d’avoir la bonne hypothèse ne cessait de m’envahir. Lui dire quelque chose, oui… mais quoi ? Je n’avais rien à lui dire, tous mes mots se seraient révélés débiles en cet instant. La solution parfaite était de le remettre en confiance mais si j’avais raison alors ça ne servirait complètement à rien. Néanmoins mes doigts descendirent le long de son torse afin d’aller se glisser avec plus d’aisance sous son t-shirt. Mes mains remontant son dos, je me redressais de quelques degrés afin de l’étreindre non sans émotion. Je me trouvais pathétique, limite niaise; vraiment. Le menton au-dessus de son épaule, j’en profitais pour lui glisser quelques mots à l’oreille. « Si tu penses que cette fois-ci est commune aux autres, tu te trompes.» Mes paupières s'alourdirent, venant se clore tandis que j'espérais en mon fort intérieur qu'il comprendrait ce que j'insinuais par là; dire les choses à demi-mots n'étant pas ma spécialité.

J'en venais à totalement oublier la présence d'autres candidats dans la chambre - les plus lève-tard -, ainsi que celle des caméras. Cette scène allait être diffusée dans tout le pays, peut-être même ma mère allait-elle assister à ce considérable rapprochement entre Nicole et moi, mais vraiment, je ne pensais pas à tout cela sur l'instant. D'ordinaire j'y aurais pensé, cela m'aurait même énormément préoccupé, mais justement, je ne me comportais pas comme à mon habitude. Avec Nicole, au départ, c'était vraiment loin d'être gagné. On avait eu beaucoup de mal à nous comprendre, beaucoup de mal à communiquer aussi. Et le plus fou était maintenant de constater que nous ne nous étions jamais aussi bien entendu que depuis que je me retrouvais muet. Je ne sais pas si le fait de perdre la parole avait déclenché quelque chose, ou si mon affection pour Nicole avait laissé place à bien plus de façon progressive... néanmoins je ne me reconnaissais pas. Jamais auparavant je n'aurais entreprit de lui grimper dessus, et encore moins de l'embrasser avec fougue. Et pourtant, je venais de le faire. Alors qu'on m'explique, qu'est ce qui était en train d'arriver au Malik se tenant le plus éloigné possible des femmes, par peur de souffrir à nouveau ? Il n'était plus vraiment là, visiblement. C'était un Malik bien plus entreprenant, et poussé par des pulsions injustifiables qui le remplaçait. Je sentis ses mains glisser le long de mon dos, ce qui me fit subitement frissonner. Ces mains qui, l'instant d'après, glissèrent sous mon t-shirt, me faisant toujours plus frémir. Je ne parvenais pas à décrocher mon regard du sien, comme hypnotisé. J'avais aussi chaud, très chaud. Je crois, en fait, que quelque chose était en train de se réveiller en moi. Il y avait un terme bien spécifique pour désigner ceci, néanmoins je ne l'aimais pas. Nicole vint par la suite me susurrer quelques mots à l'oreille, tandis que je plaquai bientôt mes mains dans son dos, la serrant contre moi. « Si tu penses que cette fois-ci est commune aux autres, tu te trompes. » Je vis de suite une allusion à son secret. Elle savait que je comprendrais la référence, elle tentait aussi très certainement de me rassurer. Et elle y parvenait, en quelque sorte. Je lutais maintenant contre la terrible et brûlante envie de me laisser aller pour de bon. Je n'avais aucun compte à rendre à personne. Et Nicole s'était bien assez efforcée, au cours des précédentes semaines, de me faire comprendre qu'il me fallait passer à autre chose, que sept ans s'étaient écoulés depuis cette rupture qui me hantait toujours. Elle avait raison, je m'en rendais compte maintenant, dans ce lit, avec elle. Lahoussine ne méritait peut-être même pas qu'après sept ans je me torture encore avec ça. Tourner la page, en écrire une nouvelle. Vivre dans le présent et ne plus s'attarder sur le passé. J'avais de nouveaux projets désormais. Toujours au dessus d'elle, je me reculai un instant le temps de me saisir du drap, celui qui ne recouvrait qu'une partie du matelas, puisque de mon côté je dormais sans. Je tirais celui-ci jusqu'à ce qu'il nous voile complètement. Là-dessous, je déposai bientôt un baiser dans son cou, comme si j'étais sur le point de la dévorer avec gourmandise. Plongeant à nouveau mon regard dans le sien, je me saisis de sa main que je vins poser sur mon cœur. Ma façon à moi de lui demander de ne pas me faire souffrir, elle qui connaissait mon mal-être - un mal-être que j'allais tenter de vaincre, d'exterminer, en nécessitant par contre son aide. Parce que je n'y arriverais pas tout seul, c'est certain. Suite à quoi je regagnais ses lèvres avec envie, me débarrassant par la même occasion et avec frénésie de mon t-shirt. J'avais maintenant envie de laisser mes mains s'aventurer sur elle, de parcourir son corps, mais j'étais encore trop hésitant, je n'osais pas. Je restais donc sans savoir quoi faire, comment poursuivre la chose. Je devais aussi être un peu rouillé... Sept ans d'abstinence, ça laisse des traces.

Malik se redressant afin d’attraper le drap, je crus pendant un instant que mes mots eurent l’effet inverse que celui escompté ; je l’imaginais déjà s’enrouler dans le drap pour se cacher, couvert par la honte. Il n’en était rien. En un instant nous nous retrouvions voilés, il n’y avait plus que lui et moi. Sous ce fin voile d’intimité ses lèvres virent s’aventurer dans mon cou, ce qui avait le don de provoquer par mécanisme un sourire révélateur d’un plaisir non dissimulé. Mes paupières se relevèrent entièrement lorsque je sentis ce contact s’interrompre, mes yeux venant directement se plonger dans les siens. Ma main fut portée contre sa poitrine, à l’endroit du cœur je suppose. Je n’ai jamais su de quel côté il était mais je l’imaginais difficilement vouloir me faire comprendre quelque chose sur l’un de ses poumons. Je savais très clairement ce que ce geste signifiait et je savais tout aussi bien qu’après ça je n’avais pas intérêt à agir en grosse garce sinon c’en était fini du rapport entre Malik et les femmes. Mon regard glissa vers le bas, notifiant ma main portée par la sienne. « Je sais. » murmurais-je en me réfugiant encore une fois dans ses prunelles. J’aurais aimé lui dire de ne pas s’inquiéter mais j’étais persuadée que ç’aurait l’effet inverse ; ces deux mots étaient bien plus prudents et surtout sincères. Il n’avait pas eu besoin de me répéter son histoire deux fois pour que je la mémorise correctement, son malaise étant tellement touchant et troublant à la fois. Ce malaise sur lequel il allait reprendre le dessus, l’affrontant enfin après ces sept années. Ses lèvres vinrent provoquer les miennes une nouvelle fois, son t-shirt n’étant maintenant plus un obstacle quant au toucher de sa peau. Je pouvais maintenant laisser aller mes mains sur son corps, bien que l’un d’elle vint dézipper la fermeture éclair de mon gilet au passage. Mon pyjama avait pour habitude d’être composé d’un fin pantalon et d’un soutien-gorge Victoria’s Secret –d’où ma grande utilité de draps, couettes et compagnie, contrairement à Malik- mais par gentillesse, respect, et tout ce qui va avec, envers mon partenaire je m’étais sacrifiée à mettre un sale gilet unglam. Eh bien ce matin je m’en débarrassais avec plaisir. Après avoir été entreprenant un temps, Malik fut comme stoppé dans son élan ; ce qui n’était aucunement contagieux. L’embrassant au bas de son cou, je remontais mon visage au plus près du sien pour lui souffler quelques mots que personne n’aurait pu entendre à part lui alors que mes doigts descendaient le long de son torse jusqu’à rencontrer son pantalon. « Dégrafe-le. » Clairement il ne savait pas quoi faire, il était perdu. Sans me montrer autoritaire pour autant je lui indiquais simplement une action plausible et qui serait fortement utile ; un simple conseil, en somme. Mes mains se glissaient sous le tissu de son bas tandis que mes prunelles se faisaient plus intenses, plus attendries. J’étais prête à me donner à lui en cette douce matinée. Je vins chercher ses lèvres pour un baiser langoureux, m’exécutant de façon à pouvoir le débarrasser de son dernier vêtement ; mes jambes s’emmêlant ensuite avec les siennes. Je redoutais sa réaction, là, de suite même, même si je tentais de ne pas me laisser dépasser par mes pulsions ; d’être la compréhensive possible. C’était difficile mais je crois lui devoir au moins ça.

Je ne sais pas pourquoi j'avais eu le réflexe de nous recouvrir de ce drap. Hm, sans doute pour que nos camarades encore présents dans la chambre et sur le point de se réveiller ne puissent aucunement assister à ce qui allait, désormais, se dérouler. Ce n'était pas forcément à mes yeux la suite logique des choses. Certes des baisers avaient été échangés, un rapprochement certain avait eu lieu mais cela ne devait pas déboucher pour autant sur quelque chose de plus... pff, y avait-il seulement un terme pour désigner cela ? Ce qui était certain, maintenant, c'est le fait que Nicole ne me laissait pas indifférent. Je crois d'ailleurs que ça avait toujours été le cas, mais je ne m'en rendais compte que sur l'instant. C'est comme si je renaissais. Comme si je redécouvrais le désir charnel, après de longues, très longues années, à m'être trouvé plongé dans une privation telle que je ne savais aujourd'hui tout simplement plus comment m'y prendre. J'espérais d'ailleurs pouvoir compter sur Nicole. Car c'était avec elle que je souhaitais franchir cette étape, laisser derrière moi sept ans d'abstinence, oui c'était avec elle que je voulais goûter à nouveau au plaisir. Pourquoi elle, et non une autre ? Je n'aurais su le dire, mais elle me captivait tant... Le fait qu'elle sache bien plus de choses à mon sujet que les autres candidats - étant ma partenaire - n'était peut-être pas sans rapport avec tout ça. Je me saisis de sa main et la déposai sur ma poitrine, là où, quelque part, battait mon petit cœur fragile. Un cœur qui avait été brisé un jour, et que je tenais maintenant à protéger du mieux que je le pouvais. Je n'avais pas besoin d'user de mots sur l'instant, Nicole était parfaitement capable de saisir ce que mon regard essayait de lui dire. « Je sais. » fit-elle, dans un murmure, tandis que j'esquissai un mince sourire, dirons-nous, de soulagement. J'en étais venu à un stade où je ne pouvais plus concevoir de souffrir comment j'avais déjà souffert par le passé. Il n'était plus question de me retrouver dans un état lamentable, de devoir me ramasser à la petite cuillère comme il y a sept ans. Et si je décidais d'aller de l'avant aujourd'hui, c'était pour tourner la page et oublier cette histoire qui m'avait fait perdre de longues années. J'entrepris de me débarrasser de mon t-shirt, sous lequel un peu plus tôt les mains de Nicole s'étaient aventurées. Des mains qui vinrent parcourir ce torse maintenant découvert, mais aussi retirer ce gilet avec lequel Nicole dormait - un petit gilet tout simple que j'aimais beaucoup par ailleurs. Je l'observai s'en défaire, posant sur elle un regard attendri. C'est à partir de là que je me retrouvais parfaitement désarçonné, sans savoir quoi faire. Ses lèvres vinrent se poser dans mon cou, pour y déposer quelques baisers que je savourai avec délectation, avant de ne venir se loger au creux de mon oreille, pour laisser s'échapper deux mots, là encore, mais bien différents de ceux débités tout à l'heure. « Dégrafe-le. » J'étais encore terriblement hésitant, et m'interdisais presque d'aller plus loin. Je n'avais déjà pas une très grande expérience en la matière, mais ma 'dernière fois' remontait à il y a bien longtemps... Aussi, j'avais perdu l'habitude. On a beau dire que ces choses-là, c'est comme la bicyclette, que ça ne s'oublie pas, machin... en attendant moi, j'étais paumé. Les mains de Nicole s'agitèrent au niveau de mon bas de pyjama. Je ne cachais plus mon angoisse, parfaitement lisible à travers mes yeux affolés. Ses lèvres se fondirent sur les miennes, nos langues se rencontrèrent et se mêlèrent,... et l'instant d'après je me trouvais débarrassé de mon bas. Mes mains s'affairèrent au niveau de son soutien-gorge, que je finis par dégrafer comme demandé, découvrant alors une généreuse poitrine sur laquelle mes yeux s'attardèrent quelques instants, avant de ne venir embrasser celle-ci, avec douceur. Cette poitrine que j'entrepris aussi d’effleurer, puis de caresser... Je peux vous dire que je n'en avais pas vu de près depuis belle lurette, et que j'avais la sensation d'en découvrir une pour la toute première fois. Mais il me fallait aussi agir plus bas. Nicole se trouvait toujours vêtue d'un fin pantalon en velours, que je retirai avec lenteur, dévoilant ses longues et fines jambes le long desquelles mes doigts glissèrent. Mes yeux se posant un instant sur son ultime sous-vêtement, je détournai aussitôt le regard - je mourrais d'envie de l'en défaire, là aussi, mais j'en venais maintenant à me demander si j'étais réellement prêt à aller jusque là. À partir de là, aucun retour en arrière ne serait possible. J'en prenais conscience, et cela me faisait peur. Je ne voulais tellement pas gâcher ce moment qui, pour l'heure, s'avérait fort agréable.

En m’inscrivant aux castings pour Fake Lover je pensais déjà connaître l’issue de mon aventure. Nous entrerions avec Térésa, retournant tout le nid comme il se fallait nous irions en finale et remporterions le chèque ; tel était le deal. Je pensais qu’on se plairait à se foutre de la gueule de tous les candidats, que ce serait l’endroit idéal pour embobiner notre monde comme il se fallait dans le but de faire de l’argent. Ce qu’on sait faire le mieux, en somme. Sauf que j’étais loin d’imaginer que je me retrouverais seule dès la seconde semaine de jeu. Très loin. La solitude m’a amenée à revoir ma façon d’être dans l’objectif d’être plus abordable et aimable envers les autres, afin d’aller toujours un peu plus loin dans l’aventure. A supposer que je me suis prise à mon propre piège, je crois m’être bel et bien attachée à certaines personnes. Preuve en est, je m’efforçais d’être empathique envers mon partenaire alors que jamais je n’aurais eu l’idée de faire cet effort pour quiconque auparavant. Le cas Malik s’avérait bien plus compliqué qu’un simple attachement, il représentait pour moi un gros point d’interrogation. Dans tous les cas il était clair qu’en dehors de ce jeu jamais nous ne nous serions adressés la parole, si un jour nous aurions eu le hasard de nous croiser. Nous étions clairement trop différents, pas sur la même longueur d’onde ; à parier que Cupidon souhaitait s’amuser en nous liant ensemble. Pourtant j’avais comme l’impression que malgré nos caractères forts différents et incompatibles nous avions réussi à trouver un compromis plutôt plaisant… quoi que complètement instable et très récent. A chaque semaine notre relation évoluait un peu plus, jouant aux montagnes russes par la même occasion. Bref, je ne savais plus du tout où j’en étais. Premièrement je n’ai jamais eu d’autres amis que ma cousine, d’ailleurs pour moi ce mot n’existe pas ; il y a Térésa et les gens futiles. Deuxièmement… je n’ai jamais autant pris en compte l’avis d’un homme et ça me perturbe, il y avait cette sorte de barrière qui m’empêchait d’avouer qu’il possédait une influence sur moi et je ne pouvais en parler à personne. J’étais troublée par ce qui m’arrivait, tout simplement parce que c’était une première. Tout comme Malik devait être troublé en ce moment même. Du moins c’est ce que je pensais car il s’en sortait plutôt bien ; sa timidité et sa gêne envers certains gestes le rendant vraiment craquant. Ses doigts glissèrent dans mon dos et je me retrouvais démunie de mon précieux et profitais pleinement de la tendresse de Malik. La douceur qu’il mettait dans chacun de ses gestes me donnait envie de le serrer dans mes bras, de l’embrasser, de lui sourire ; de toutes ces choses agréables auxquelles je me laissais aller. Il m’attendrissait. Je notifiais son regard fuyant au moment même où je pensais qu’il allait franchir l’étape ultime ; celle où nous serions tous les deux nus comme des vers. Miam. Je devais sûrement m’être transformée en niaise pour trouver ça encore une fois mignon. Je me fais pitié des fois. Au fur et à mesure j’avais pu remarquer qu’il suffisait de le pousser un peu pour que ses instincts de mâle ne se réveillent, ainsi l’une de mes mains vint se poser sur la sienne afin de la guider. De l’aider ; même si, on est d’accord, ce n’était pas bien compliqué. J’aurais aussi pu lui proposer de l’arracher avec les dents mais je ne crois pas que ce soit le genre de la maison. Mes yeux vinrent se plonger dans les siens, comme pour annoncer le début de ce moment qui allait probablement se révéler intense et marquant. Tout en veillant à ne pas le brusquer je commençais donc à m’agiter, multipliant les différents contacts entre nos corps et la démarche classique s’en suit ; le but étant de rester soft. Allez, en voiture Simone. Hm, anti-sex n’est-ce pas ?

Spoiler: