Nicole

LUNDI 05 NOVEMBRE - 02H03
QUARTIER AUBANEL - HABITATIONS ABANDONNÉES

Le prime s'était achevé sur une note on ne peut plus positive : le sauvetage d'Asmaa, mais également ceux d'Arès, William, Sïana et Dagga. Bon, au final Nicole et moi demeurions toujours aussi pauvres, enfin, elle avait quand même renfloué sa cagnotte en fin de prime ceci dit, de pas grand chose mais c'était toujours mieux que rien. Mais me concernant je n'allais pas cacher qu'une telle situation était quand même handicapante dans un jeu comme celui-ci. J'avais des pistes, et l'envie de m'essayer moi aussi au buzz, néanmoins sans un sou en poche cela serait compliqué. Je n'avais, c'est vrai, pas réellement bataillé pour renflouer ma cagnotte ce soir mais d'un autre côté, les quizz, ça n'était vraiment pas mon truc. Et puis j'avais fini par partiellement me désintéresser de celui initié lors du prime, préocupé c'est vrai par ma brève discussion avec Nicole. Celle-ci avait souligné le fait que je n'étais pas bien bavard pour un type ayant tout juste retrouvé la parole, et pour le coup elle n'avait pas tort... Suite à quoi j'avais décrété que le mieux pour mettre une bonne fois pour toute les choses au clair était encore de s'expliquer, tous les deux. Une fois le prime terminé, je me saisis sans gêne aucune de la main de Nicole et la conduisis à l'extérieur. Je tins celle-ci sur tout le chemin, jusqu'à ce que nous arrivions devant les habitations abandonnées. Je n'avais, néanmoins, pas la moindre envie de pénétrer dans l'une de celles-ci. Juste, j'avais tenu à ce que nous nous retrouvions à un endroit calme afin de pouvoir converser tranquillement. « 500€, c'est le début de la richesse ça, haha... » fis-je en un rire gêné tout en ralentissant le pas, faisant là bien évidemment écho à la bonne réponse qu'elle avait donnée en fin de quizz. Oui bah j'essayais de détendre l'atmosphère comme je le pouvais, mais disons que ce n'était pas un art dans lequel j'excellais. Me plaçant face à elle, je posai d'abord le regard au sol avant de le remonter progressivement jusqu'à venir le planter dans le sien. Bon, là, j'étais pétrifié. Comme au lycée, au moment de l'oral d'histoire. J'étais même à deux doigts de perdre tous mes moyens, comme la semaine passée dans la chambre, mais qu'allait-elle penser de moi si une fois encore je laissais transparaitre ma maladresse ? Je fis un pas en avant, hésitant. Et, enfin, le son de ma voix se fit entendre. « Dis-le moi honnêtement... » commençais-je d'une voix tremblante. « ... tu... tu penses qu'on a fait une erreur lundi dernier dans... enfin, sous... heuuuu... » Bref, elle m'avait compris quoi. Je redoutais sérieusement que Nicole puisse regretter notre passage à l'acte, tandis que de mon côté je ne regrettais rien. Eh non, comment en venir à regretter un moment si... parfait ? Elle m'avait redonné goût à bon nombre de choses, notamment au plaisir de la chair. Je lui étais d'ailleurs éperdument reconnaissant de m'avoir guidé comme elle l'avait fait... bien qu'ensuite nous ne nous étions pas adressé la parole de toute la semaine, ou quasiment, exception faite à la soirée Halloween. Sinon, nous avions passé nos journées à nous éviter ou à nous fuir du regard. Enfin, surtout moi. N'allez pas croire que je n'assumais rien, hein, seulement ça n'était pas évident pour moi de parler de toutes ces choses. Mais je voulais tellement savoir où nous en étions désormais Nicole et moi. Ce qui s'était passé, n'était quand même pas advenu pour rien, si ? C'était dû au hasard ? Je ne pense pas. Maintenant sa réponse aurait aussi très certainement une incidence sur nos rapports à l'avenir.

Le prime venait de s’achever, sur une bonne note je dois dire. Une cagnotte personnelle s’élevant à 500 euros primée par le retour de Dagga au sein de la maison. Bref, que demande le peuple ? Si ces deux évènements n’étaient pas survenus je serais sortie, pour sûr, de mauvais poil de ce prime. D’où je suis un cliché ambulant ?! D’où ?!! Soit. Au moins les présentateurs n’eurent pas pris la peine de notifier notre batifolage sous les draps du lit conjugale, ce qui rattrapait un peu le coup. Je fus carrément rassurée lorsqu’Esther ne nous mentionna pas dans sa rubrique et que Connor ne m’envoya pas une question assassine à ce sujet parce que je voyais déjà Malik rougir, suer et s’évanouir. Pas le bon plan, en somme. Il était évident que toute cette histoire le mettait mal à l’aise, à vrai dire je pensais qu’il était prêt à sauter le cap, à mettre un terme à ces sept années pour enfin se relancer sur le marché mais apparemment cette volonté de sa part fut très éphémère. Ainsi donc il voulait qu’on en discute, il n’en fallu pas plus pour éveiller ma curiosité. Son manque de parole durant toute la semaine passée s’était vraiment révélé comme un fardeau, surtout compte tenu de l’évolution des choses mais qu’il souhaite entretenir une conversation à ce propos directement après l’annulation de son handicap… ça me faisait sérieusement flipper, ça a dû sérieusement le mariner. Bien qu’il m’entraina par la main à l’extérieur, j’y allais à reculons. Vraiment, je n’étais pas pressée de l’entendre dire qu’il avait fait une bêtise, et qu’on se le dise je me voyais déjà m’énerver après lui. Lorsqu’on fait quelque chose, on l’assume ; point. « 500€, c'est le début de la richesse ça, haha... » Le début ? Il a oublié qu’on était encore pleins aux as la semaine dernière ou quoi ? « Le retour à la richesse tu veux dire. » Je lui répondis calmement, dans un trop vraiment plat. Trop plat. Il se stoppa et nous nous retrouvions seuls, isolés de l’agitation post-prime. Il me fit face et je pus deviner son malaise assez aisément. Il regardait le sol et je ne dis mot. Il lui fallait sûrement du temps pour exprimer sa pensée, je le respectais donc en attendant qu’il feigne remonter son regard vers moi. J’attendais. « Dis-le moi honnêtement... tu... tu penses qu'on a fait une erreur lundi dernier dans... enfin, sous... heuuuu... » Je ne réagissais pas. Malgré les quelques mots que je lui eus glissé lors de cet instant il n’avait toujours pas confiance en moi et pensait même que je regrettais nos actes. C’était pourtant lui le plus susceptible dans l’histoire, il était bien plus prédisposé que moi à ne pas savoir retenir ses pulsions après tant de temps, de mon côté j’étais parfaitement capable de me maîtriser. Soit, je me décidais enfin à déchirer ce silence pesant.« Non. Mes yeux témoignaient de ma sincérité mais il me fallait continuer avec des mots. Non je ne le pense pas. Sinon je ne l’aurais pas fait. » Même lorsqu’on me grimpait dessus il y avait toujours un moment où je savais être responsable de mes actes, si je n’avais pas voulu de ça je l’aurais viré. Tout bêtement. « Mais toi, qu’est-ce que tu en penses ? » Je crois que là son avis importait bien plus que le miens. J’étais partie sur le principe qu’il avait quelque chose d’important à me dire, pas sur celui qu’il me poserait une simple question pour s’assurer que je n’ai pas pris toute cette histoire à mal. Il y avait donc autre chose là-dessous. J’hochais légèrement la tête. « J’ai pas l’impression que le réel problème soit mon opinion personnel, il y a vraiment un truc qui cloche. Tu m’as pratiquement esquivée tout le restant de la semaine, c’était super gênant. Tu as honte c'est ça ? » J'aurais du lui dire qu'il n'y avait aucune raison de se sentir ridiculisé mais si continuais je ne pourrais m'empêcher de lui témoigner ma déception sauf que ce terme est bien trop explicite alors autant que je me garde de le faire partager.

Isolés près des habitations abandonnées devant lesquelles j'avais menée ma partenaire après un prime des plus agités, Nicole et moi allions maintenant pouvoir converser. Comme préambule, j'évoquai son gain d'argent en fin de prime, à la toute dernière question du quizz. 500€, ça n'était peut-être pas grand chose, mais bon je pense que Nicole allait s'en contenter. Elle préférait très certainement ça au fait d'avoir une cagnotte totalement vide. Et puis, en quelque sorte, une telle somme d'argent n'était autre que le début d'une richesse à venir. Ouais, ou pas. « Le retour à la richesse tu veux dire. » Hm, oui, exact... il y a encore quelques temps, nous avions une cagnotte commune bien garnie. Mais le dilemme de Nicole nous avait fait tout perdre, instantanément. Impossible pour moi de le lui en vouloir néanmoins, car elle avait préféré voir tout notre argent transféré dans la cagnotte de Dani plutôt que d'être séparé de moi. Je m'étais toujours senti de trop, comme l'élément perturbateur de notre couple... en faisant ça Nicole m'avait en quelque sorte fait comprendre qu'au final, elle l'aimait bien, son ambulant partenaire. Un partenaire dont la maladresse n'était hélas plus à prouver... Après m'être montré très peu bavard lors du prime et avoir essuyé une réflexion de Nicole à ce propos, j'estimais maintenant qu'il nous fallait parler, tous les deux. Pas de la météo, ni de cornichons ou encore du dernier album de Shakira. Non non je voulais bien entendu revenir sur ce qu'il s'était passé il y a une semaine, dans la chambre, et plus particulièrement dans notre lit, sous ce fameux drap dont je nous avais recouvert... Je me souciais beaucoup de ce qu'il adviendrait de nos rapports à l'avenir. J'espérais que tout ceci ne nous conduirait pas à progressivement nous éloigner l'un de l'autre. Mais si un problème persistait, il venait assurément de moi. Après tout c'est moi qui, à l'heure d'aujourd'hui, donnait l'impression de ne rien assumer. C'est moi qui venait de lui demander, aussi, si à son sens nous avions commis une erreur. Je ne croyais pas au hasard. Si cela s'était produit, c'est qu'il y avait une raison à cela. Seulement Nicole allait bientôt penser que je n'assumais rien. Elle, en tout cas, assumait pleinement et semblait ne rien regretter. « Non. fit-elle dans un premier temps, avant de poursuivre. Non je ne le pense pas. Sinon je ne l’aurais pas fait. » Ouais, je me doutais bien que Nicole n'était pas du genre à entreprendre une chose en s'y trouvant forcée, ou sans en avoir la volonté ou l'envie. Donc si techniquement elle ne m'avait pas repoussé au moment de ma première approche, et m'avait guidée ce jour-là, c'est que quelque part à ses yeux c'était à faire, ou en tout cas à laisser faire. « Mais toi, qu’est-ce que tu en penses ? » Forcément, oui, forcément qu'elle allait me retourner la question, ou tout du moins chercher à savoir ce que moi de mon côté je pensais de cette situation. Aussi, je ne pouvais plus me défiler là... J'avais initié la discussion, j'avais tenu à ce que nous revenions là-dessus... alors impossible de lui imposer un silence supplémentaire, ou d'esquiver sa question. Elle voulait savoir, et c'était bien normal. Je préférais néanmoins la laisser poursuivre, et lui répondre après. Tout viendrait en une fois et ce serait certainement préférable. « J’ai pas l’impression que le réel problème soit mon opinion personnel, il y a vraiment un truc qui cloche. Tu m’as pratiquement esquivée tout le restant de la semaine, c’était super gênant. Tu as honte c'est ça ? » Non, bien sûr que non je n'avais pas honte !! Honte de quoi, d'avoir ressenti du plaisir après sept ans d'interdiction, d'abstinence ? Honte d'avoir laissé s'exprimer mes pulsions de mâle, subitement mises en éveil ? Honte d'avoir également laissé mes mains s'aventurer sur son corps, d'avoir touché une femme pour la première fois en l'espace de sept longues années ? Je n'avais honte de rien. Non, le sentiment que je ressentis à cet instant était tout autre. Ce n'était pas de la honte. « Je n'ai pas honte Nicole. J'ai peur. » Peur de quoi me direz-vous ? Et bien, d'être amené à souffrir à nouveau, mais aussi peur de trop m'attacher à Nicole. Je ne savais plus comment est-ce que je la voyais maintenant. Ou plutôt ce que je ressentais pour elle. Ah dans le genre paumé, je me plaçais là, vraiment. « Et je suis aussi terriblement perdu. Je ne comprends pas pourquoi le besoin de mettre un terme à tout ça et de sauter le pas s'est fait brusquement ressentir. Je ne comprends pas pourquoi avec toi, et non une autre. Et je ne comprends pas pourquoi j'ai actuellement un mal de bide atroce alors que je devrais me réjouir, je pense, du fait d'être enfin parvenu à mettre de côté mes vieux démons. » Il y avait donc tout un tas de choses que je ne parvenais pas à comprendre. Et je ne comptais par ailleurs pas sur Nicole pour m'apporter les réponses à ces questions. Comment pourrait-elle y répondre si moi-même j'en étais incapable ? Elle n'était pas moi, elle n'était pas non plus dans mon cœur. Ces réponses, il me faudrait les trouver par moi-même. Mais cela prendrait peut-être du temps... or je voulais être fixé au plus vite. Je ne voulais pas d’ambiguïté ou d'incertitude entre nous. Et je tendais à penser que Nicole ne voulait pas de ça non plus.

Le mot était lâché. Son attitude fuyante m’avait tellement surprise durant toute cette semaine que j’en fus amenée à me demander s’il n’avait pas honte de ce qui s’était passé. Si quand bien même j’aurais entrepris l’action de moi-même, ok, mais là non vraiment je ne voyais pas d’excuse possible à un tel comportement. J’attendais sa réponse, les bras croisés. « Je n'ai pas honte Nicole. J'ai peur. » Oui c’est vrai, pourquoi je ne l’avais pas vu venir celle-là ? Malik était un traumatisé, pour ne pas dire un trouillard, il fallait toujours y aller à demi-pas. Ça m’agaçait, c’en était lassant que tout se complique avec lui. A chaque action son explication, les discours inutiles n’étant vraiment pas mon fort ça commençait sérieusement à me peser. Par contre lui c’était une de ses spécialités. Je le laissais donc continuer dans sa tirade, jugeant qu’il était plus judicieux de me taire. En cette situation délicate je sentais que le moindre faux pas pourrait être fatal. Mais fatal à quoi ? Sûrement à quelque chose d’inavouable. « Et je suis aussi terriblement perdu. Cette phrase résonnait dans ma tête bien que je m’efforçais tant bien que mal de rester attentive à ce qu’il me confiait. Là je ne pouvais pas lui en vouloir puisque nous étions dans le même cas. Je suis une pro lorsqu’il s’agit de garder les pieds sur terre mais lorsqu’il entre en jeu… c’est différent. Sa capacité à douter et à faire autant de pas en arrière qu’il en fait en avant possédait le don de me troubler. Sans que je ne m’énerve j’apprenais à douter, à me demander ce qu’il pouvait ressentir. Deviendrais-je empathique ? Je suis moi aussi perdue, peut-être est-ce parce qu’on me force à sortir de cette confortable bulle dans laquelle j’étais installée depuis des années. Comment puis-je rétorquer quelque chose à Malik si moi-même je ne sais pas où j’en suis ? Evidemment qu’il attendait des paroles rassurantes ou du moins quelque chose qui lui ferait voir les choses positivement, mais certainement pas que je lui sorte un « je ne peux pas t’aider » je-m’en-foutiste. J’étais donc coincée, je ne savais pas quoi dire, et pas question de lui confier que je me sentais dans la même situation. A l’exception faite que je me posais des questions d’ordre sentimental que lui, ses interrogations étant plus basées sur l’acte physique. « T’es bousculé parce que t’es allé contre ta philosophie de vie, c’est rien ça va passer. Si ça peut te réconforter dis-toi que tu peux te remettre à compter les années dès maintenant. » Est-ce assez « réconfortant » ? Mon ton saupoudré de fermeté n’allait sûrement pas l’aider à cerner la vraie ambition de ces paroles. Allez, j’ajoute un sourire. Très maigre cependant et assez mal assuré. Mal assuré parce que moi aussi j’avais envie de me confier à lui, là de suite, mais je luttais contre ça. Depuis quand j’irais révéler mes états-d’âme à quelqu’un d’autre que ma dulsine ? –cf. mot né d’un mix and match entre dulcinée et cousine. De plus il y avait ce petit point de lumière rouge qui s’allumait régulièrement au-dessus de la tête de Malik afin de ne pas oublier qu’on était épiés comme des prisonniers et qui n’arrêtait pas d’attirer mon regard. Une façon comme une autre d’échapper à la situation mais il était là, devant moi et je ne pouvais le nier. « Vraiment Malik il fallait bien que tu brises ça un jour, ose seulement me dire que tu as déjà envisagé de rester seul toute ta vie. Cet enfermement permet de prendre du recul sur sa propre vie ... Tu te punissais seul, je t'ai libéré de ça et j'en suis ravie... sincèrement. » Alors pourquoi un nœud s'était formé dans ma gorge? Pas question de jouer le remix d'Elliot la pleurnicheuse, je devais continuer de veiller à ne pas perdre la face.

La honte, merci, je connaissais. C'était un sentiment que j'avais beaucoup (trop) ressenti au terme de mes vingt-quatre premières années d'existence sur cette planète. Se sentir humilié, déshonoré... s'en vouloir atrocement, regretter, avoir des remords... Oui, tout cela m'était familier. Et je peux vous dire que ça n'avait rien à voir avec l'état dans lequel je me trouvais, actuellement, face à Nicole. Je n'avais aucune honte à avoir, ou estimais en tout cas n'avoir aucunement à avoir honte de quoi que ce soit. D'ailleurs, il valait mieux qu'il en soit ainsi, car si j'avais affirmé à Nicole que je regrettais ce qu'il s'était passé dans la chambre l'autre jour et en avoir honte, j'étais persuadé qu'elle ne l'aurait vraiment pas bien pris. Et elle n'aurait pas eu tort, par ailleurs. Mais était-ce forcément mieux de lui confier ma peur, sur l'instant ? N'allait-elle pas me prendre pour un froussard, un type reculant devant le moindre obstacle ou en tout cas prêt à prendre la fuite après s'être légèrement dévergondé comme je l'avais fait l'autre jour ?... Cette peur, en fait, c'était la peur de moi-même, dans un premier temps. Je tendais à penser que je ne me connaissais pas si que cela, pas aussi bien que je l'aurais pensé en tout cas. Pour preuve, je m'étais toujours dit qu'il me faudrait une éternité avant de me remettre du sale coup de Lahoussine, que peut-être même je ne m'en remettrais tout bonnement jamais. Et voilà qu'il y a sept jours, je m'étais surpris à grimper sur Nicole, avant qu'un échange des plus... charnels et sensuels ne s'en suive. Cela ne me ressemblait pas, et me faisait alors comprendre que j'étais réellement imprévisible. Alors oui ça me faisait peur, parce que je ne savais pas de quelle façon je pourrais réagir à l'avenir face à Nicole. Parviendrais-je à contrôler mes pulsions ? Et cette peur, était aussi caractérisée par le fait que mes sentiments avaient pour habitude de me jouer de bien vilains tours. Je craignais de ne trop m'attacher à Nicole, et d'être amené à en souffrir par la suite. Mais il n'y avait pas que ça, non, je n'avais pas seulement peur. J'étais aussi totalement perdu et je ne manquais pas de le signifier à Nicole, là encore. Ce qui la poussa bien vite à réagir et à, très certainement, tenter de me réconforter comme elle le pouvait. « T’es bousculé parce que t’es allé contre ta philosophie de vie, c’est rien ça va passer. Si ça peut te réconforter dis-toi que tu peux te remettre à compter les années dès maintenant. » Je ne sais pas si c'était censé être drôle, mais moi, ça ne me faisait que très moyennement rire. Voir pas du tout. Non, j'affichai juste un sourire crispé, trahissant mon état d'esprit actuel. Mes prunelles bleues s'attardèrent sur son minois de porcelaine. C'est dingue, ma Nicole, on aurait dit une poupée. Lahoussine avait des traits semblables aux siens, mais la ressemblance s'arrêtait là. Roh, voilà que je les comparais... ça ne s'arrangeait pas là. Et encore, heureusement que tout ceci restait dans ma tête, hein. Nicole reprit alors. « Vraiment Malik il fallait bien que tu brises ça un jour, ose seulement me dire que tu as déjà envisagé de rester seul toute ta vie. Cet enfermement permet de prendre du recul sur sa propre vie ... Tu te punissais seul, je t'ai libéré de ça et j'en suis ravie... sincèrement. » Si elle en était ravie, alors déjà j'en étais rassuré. Cela signifiait qu'elle l'avait fait avec volonté, et peut-être même avec plaisir... donc ça n'avait pas été une tâche contraignante qu'elle s'était efforcée d'effectuer un peu malgré elle. « Comme tu dis, je prévoyais pas de rester seul éternellement... » Tôt ou tard j'aurais été séparé de ma mère, et mon frère aurait fait sa vie de son côté. Et la compagnie d'autrui, je la nécessitais au quotidien. Seul, j'étais susceptible de me laisser lentement mourir, puisque la solitude était ma pire ennemie. Non, on pouvait pas se saquer elle et moi. Alors non techniquement, je n'aurais pas pu finir mes jours seuls. Vous vous rendez compte ! Pour peu que j'eus fini centenaire, je n'aurais pas touché la moindre femme de mes dix-sept ans à mes cent ans ! Oh mais, tant que j'y pensais... « D'ailleurs, c'est bête, mais d'un coup j'y pense... peut-être bien que j'ai brisé un miroir il y a sept ans... » Vous... saisissiez la référence ou ?... Bah un miroir de brisé équivaut à sept ans de malheur, tout le monde sait ça ! Je n'étais pas superstitieux, hein, j'étais HYPER SUPERSTITIEUX. Mes croyances et convictions dépassaient parfois l'entendement, vous n'aviez pas idée... Donc après avoir passé sept ans, et pas un de plus, à me morfondre et à rester éloigné de la gente féminine, j'étais effectivement en droit de me questionner sur le sujet, non ? Si c'était pas sept années de malheur, ça franchement... « C'est stupide, oublie. » repris-je, tout en inclinant légèrement la tête. Ce n'était même pas une tentative d'humour, hein, juste un truc qui m'était venu à l'esprit tout d'un coup. On avait pourtant pas parlé de miroir tous les deux... Cherchez pas à comprendre, il m'arrivait parfois de sortir des trucs hors sujet en pleine discussion. J'avalai ma salive puis m'éclaircis la voix. Mon regard se voulu subitement fuyant, je crois qu'elle commençait à le connaitre celui-là d'ailleurs... « Nicole, tu... tu... » Oui, mais encore ? Ça allait sortir, hein, accordez-moi un instant ou deux. « ... tu es déjà tombée... » Par la fenêtre ? Sur un gros lourd au supermarché ? Dans un trou bien profond ?... « ... amoureuse ? » Eeet... BAM. BIM. BOUM. C'est ainsi que je signai mon arrêt de mort. Vous avez un stylo ? Qui marche, tant qu'à faire ? Et une feuille ? Sérieusement, qu'est ce qu'il m'avait pris de lui poser une question pareille... allo, c'était Nicole quoi ! Remarquez, sa réponse allait peut-être me surprendre. Hm, j'aurais pu semblé dubitatif, si je ne m'étais pas d'un coup transformé en une tomate d'un mètre soixante-dix, toute tremblotante. J'étais passé au rouge, dans tous les sens du terme.

Je déteste lorsque les choses se bousculent dans ma tête. Actuellement j’étais aussi perdue qu’un zèbre en Amazonie et ça avait le don de m’énerver. Pourquoi n’arrivais-je pas à simplifier les choses comme à mon habitude ? Tout ce méli-mélo de pensées tournait en rond. En un mot : insupportable. Bien que je déteste ça je serais restée des heures à me contenter d’un dialogue interne, entre moi et mes pensées, sauf que je sentais que c’était à mon tour de parler ; de la réconforter, plutôt. Rassurer les gens est bien loin d’être ma spécialité car soit je ne semblais pas crédible soit une petite phrase sarcastique pointait le bout de son nez. Je crois que là j’avais réussi à combiner les deux ; rien de grave cela dit puisque je sais très bien que ce n’est pas Malik qui viendra me le reprocher. « Comme tu dis, je prévoyais pas de rester seul éternellement... » Qui pourrait songer à une chose pareille de toute façon ? Moi je prévoyais le restant de mes jours aux côté de Térésa, dans le même lit, à boire une tisane pendant que des petites jeunettes s’activeraient pour nous servir notre lait d’ânesse. Un sourire chaud et satisfait vint s’adresser à Malik, j’étais contente qu’il revienne un peu à la raison ; son blues allait peut-être s’évaporer comme par magie. Ce serait tout simplement… cool. « D'ailleurs, c'est bête, mais d'un coup j'y pense... peut-être bien que j'ai brisé un miroir il y a sept ans... « Quoi ? » Je lui répondis du tac au tac, mes sourcils s’étant redressés par la même occasion. Je ne comprenais pas ce que ça venait faire là. Ok je saisissais la référence, oui, mais... il n’était pas sérieux là, si ? Comment pouvait-il penser que la tournure de sa vie se basait uniquement sur un miroir ? C’était complètement con et encore plus lâche. Il y allait fort en remettant la faute sur un objet. « C'est stupide, oublie. » Ok, j’allais le faire in extremis et sans même dire ne serait-ce qu’un seul mot. De toute façon ce n’était même pas la peine que je m’attarde à ça puisque Malik enchaina avec… avec des bégaiements. « Nicole, tu... tu... » Je … ? Mon regard le soutenait dans sa démarche, mes prunelles lui criant de cracher le morceau, et il faut croire que ça marchait plutôt pas mal. « ... tu es déjà tombée... » Mais encore ? Tombée où ? Ne me dites pas qu’il pensait que la terre allait s’effondrer là tout de suite, ou quelque chose du genre. « ... amoureuse ? » Ah bah en fait c’était un peu comme tel. Mon visage se referma tout de suite après le mot fatal. Il y a quelques semaines j’aurais répondu non, comme je l’avais signalé lors de mon casting pourtant… à l’heure actuelle j’hésitais. Je savais très bien qui j’étais, ce que je valais, seulement il y avait ce sentiment, ce ressenti, qui tentait de germer en moi depuis quelques temps et que je m’efforçais de repousser. Cette émotion était en total désaccord avec moi-même, je ne pouvais l’accepter ; il m’était impossible de me remettre en cause à ce point. Je devais faire peur, que sais-je, en tout cas Malik venait de rougir à une vitesse impressionnante. Je le scrutais tellement que je pus discerner ses tremblements, pour sûr ils n’étaient pas dus au froid. Je connais la sensibilité de Malik, hein. « Je n’ose pas trop me poser cette question en ce moment. » Qu’il comprenne ce qu’il veut, je ne sais même plus quoi en penser ; j’étais tiraillée entre l’envie qu’il décrypte le message et entre le refus de m’avouer que je venais de lui révéler ça indirectement. Mes pieds exécutèrent le pas décisif qui nous séparait afin que mes bras puissent venir s’encercler autour de Malik. Une douce étreinte destinée à ce qu’il cesse de trembler de… peur, je suppose. Il me semble qu’en une semaine c’était la première fois que nous redevenions aussi proches ; au fond le retrouver me faisait du bien. « Explique-moi comment ça fait quand on aime quelqu’un. » Je lui glissais ces quelques mots à demi voix avant de me retirer, ne le lâchant pas des yeux ; prête à entendre cette confirmation tant redoutée. Si elle venait de lui elle serait bien plus facile à affronter. Je l’accepterai, même. Je n’attendais pas de lui une explication en détails, au final je cherchais simplement à me convaincre moi-même que je venais de me faire à l’idée de m’être attachée un peu trop à Malik. Pour tout dire j’espérais que cette question ne l’emmènerait pas dans des explications qui remonteraient à ses souvenirs lointains.

Je croyais en beaucoup de choses, mais ce qui me qualifiait notamment, c'était le fait d'être totalement superstitieux. Oh les superstitions, on en connaissait tous les principales, non ? Jeter du sel par-dessus son épaule après l'avoir renversé... ne jamais passer sous une échelle... ne jamais disposer le pain à l'envers sur la table... ne jamais mettre une pair de chaussures neuves sur une table, également... ne jamais croiser deux couteaux ou un couteau et une fourchette... et, bien sûr, veiller à ne surtout pas briser un miroir car cela équivaudrait à sept années de malheur. J'étais un peu imbattable sur le sujet voyez-vous. Quant aux sept ans de malheur, j'avais fini par y faire référence ce soir, face à Nicole, sans raison apparente en fait. Avec le recul je ne sais pas pourquoi j'avais parlé de ça. On parlait de mon passé, du fait que je ne comptais pas finir mes jours seul et mangé par mon futur scottish fold Dani... et d'un coup, j'avais lâché ça, l'air de rien... la fameuse référence au miroir brisé et aux sept ans de malheur, donc. Alors oui c'était stupide, oui ça tombait comme un cheveu sur la soupe, et oui Nicole allait s'empresser de réagir car forcément, ça l'avait interpellée et c'était bien normal. « Quoi ? » Non mais c'est vrai, il fallait faire preuve d'un peu de lucidité et laisser cette stupidité de côté deux minutes (la mienne, hein, vous l'aurez saisi) : c'est moi qui, en quelque sorte, avais choisi de passer sept années cauchemardesques. C'est moi qui avait choisi de me couper du monde, de m'éloigner des femmes, de dire adieu à toute vie sociale et à toute sortie en dehors du boulot. Alors si j'avais véritablement passé 'sept ans de malheur', c'était de ma faute, et non de celle d'un miroir qui n'avait d'ailleurs, très certainement, jamais été brisé. J'aurais été incapable de briser un miroir, même le jour où je m'étais fait plaqué comme une vieille godasse par Lahoussine. Bref, l'idiotie débitée, je demandai simplement à Nicole de passer outre et de l'oublier. Suite à quoi j'enchainai sur une question que je regrettai aussitôt d'avoir posée à Nicole juste après l'avoir énoncée. Il s'agissait de savoir si ma partenaire était déjà tombée amoureuse, en fait. Bon déjà, je pense qu'on pouvait m'applaudir. J'avais dû mettre une minute pour sortir l'intégralité de la question, et effectivement ça n'était pas une question facile à poser. Encore moins à Nicole. Et que dire de cette impression que j'avais de brûler de l'intérieur, comme de l'extérieur ? J'étais en feu là, complètement ! Qu'on rapporte un extincteur, ça allait virer en combustion spontanée cette affaire. Le regard de Nicole, posé sur moi, se voulait en plus de cela insistant comme jamais... alors comment pouvais-je cesser de trembler, je vous le demande ! J'attendais encore la réponse à ma question, et je finis par l'obtenir, peu après. « Je n’ose pas trop me poser cette question en ce moment. » Ah... Ah ? AH ! Alors Nicole s'était rapprochée d'un autre candidat ? Hm, j'en étais presque jaloux là, en fait. Pas presque, j'en étais jaloux tout court. Alala, ça aurait pu être moi hein, après notre escapade sous la couette, seulement haha, regardez-la, regardez-moi... déjà que j'imaginais difficilement Nicole s'amouracher de quelqu'un, alors dites-vous bien que dans mon esprit ce quelqu'un ne pourrait jamais, mais alors jamais être un type dans mon genre. Mais non, à ses côtés j'avais l'air d'un plouc, et rien de plus. C'est alors que Nicole fit un pas vers moi et me serra contre elle. Surpris, je resserrais tout de même cette étreinte qui me faisait du bien, disons-le franchement. J'aimais être auprès d'elle, et j'étais particulièrement fan de son parfum, maintenant qu'on en parle. Bon on en parle pas mais je vous le dis quoi, son parfum était complètement addictif. Comme elle quoi. Elle aussi était addictive. Et dire qu'en début d'aventure je ne donnais pas cher de notre binôme... aujourd'hui je ne pouvais pas passer une journée sans la chercher du regard. Je n'avais pas besoin de lui parler, l'observer, même de loin, suffisait parfois. Mais rien ne valait le fait de pouvoir la toucher. Ça, ça n'avait pas de prix. « Explique-moi comment ça fait quand on aime quelqu’un. » Un frisson se mit à parcourir tout mon corps. Ses yeux me fixant toujours faisaient se hisser les poils sur mes bras. Okay, d'accord, très bien... Je n'étais pas certain de vouloir parler de ça mais d'un autre côté, il le fallait. Il s'agirait peut-être là de réaliser certaines choses, aussi. Des choses que jusqu'à présent je me refusais peut-être à admettre. Avalant ma salive, je tentais de maintenir mon regard sur elle, bien que celui-ci semblait encore et toujours décidé à fuir, sur le côté. Ce que je pouvais faire, maintenant, c'était tout simplement lui faire part des sentiments que j'avais ressenti avec Lahoussine, peu avant que notre histoire ne débute. Celle-ci avait pris fin il y a de nombreuses années, et même s'il serait peut-être douloureux de revenir là-dessus, cela pourrait, avec un peu de chance, me permettre d'oublier Lahoussine au profit d'une autre demoiselle à l'avenir. C'était m'autoriser à aimer à nouveau. « Selon ma propre expérience, je peux te dire que certains signes ne trompent pas. Hm, déjà, on a le ventre qui se noue quand on se retrouve face à la personne aimée, c'est inévitable je pense. Sans parler du cœur qui bat la chamade, hm, un classique. On a beau essayer de penser à autre chose, l'être aimé occupe toutes nos pensées, on ne pense qu'à lui. On en devient maladroit, enfin, moi j'ai connu ça. Je le suis d'ordinaire mais là je veux parler de la maladresse bien plus poussée, de la bonne grosse maladresse quoi. On ressent également le constant besoin d'être auprès de cette personne, de la voir... on a besoin de sentir sa présence, celle-ci nous rassure et nous apaise. Quand on aime quelqu'un, au début, on a aussi du mal à parler de cette personne aux autres... ouais... ah et, c'est important et révélateur aussi, on est vachement jaloux. La jalousie est une preuve d'amour, après tout... » Tout ceci, je l'avais ressenti au début de ma relation avec Lahoussine, il y a plus de sept ans aujourd'hui. C'était loin, si loin... ou peut-être pas si loin que ça, au final. La relation était loin, certes, mais les sentiments, l'étaient-ils réellement ? J'y repensais subitement : le cœur qui bat comme s'il allait se décrocher de la poitrine, le ventre noué, les pensées constamment occupées par une seule et même personne, la maladresse,... j'en passe et des meilleurs... mais... « Oh seigneur ! » m'exclamais-je dans un sursaut, avant de me défaire totalement d'elle et de reculer de quelques pas. Notre étreinte n'était désormais plus, et je m'étais donc exilé à deux mètres d'elle, environ. Je finis par lui tourner le dos, et là on pouvait clairement le dire par contre, j'étais honteux. Si vous saviez, non mais si vous saviez... La prise de conscience avait finalement eu lieu de mon côté. Il avait suffi que je parle de tout ce que quelqu'un d'amoureux pouvait ressentir pour justement me rendre compte que je ressentais tout cela depuis une bonne semaine, maintenant. Mais comment étais-je parvenu à passer à côté ? Pourquoi ne l'avais-je pas saisi plus tôt, bon sang ? Je ne me l'expliquais pas. Je n'osais même plus lui faire face. Elle allait peut-être m'en vouloir de m'être aussi soudainement détaché d'elle, sans lui donner aucune raison à cela. Mon cœur s'affolait, et je frôlais désormais l'ulcère.

Je n’ai jamais été amoureuse. Du moins je ne pense pas. Dans ma vie quotidienne lorsque je me rapprochais d’un homme ça ne se limitait qu’au charnel, les sentiments n’étant pas de mise. Térésa me suffisait, nous nous accordions assez d’importance pour ne pas ressentir le besoin d’être aimée à côté. Certes plaire était ma vocation, je ne pouvais m’abstenir de charmer des individus à fort potentiel –c'est-à-dire carrément canons ou friqués-par simple satisfaction personnelle, mais jamais je ne me surpris à m’amouracher de quelqu’un. Jamais mes pensées ne se furent autant troublées sur un sujet masculin. Malik était, sur ce plan, tout mon contraire. Lui possédait une histoire sérieuse à son actif et à côté de ça la séduction ne l’intéressait pas du tout. Nous nous complétions, en quelque sorte. J’étais consciente de la nature du sentiment qui naissait en moi, bien que je m’efforçais de le refouler je ne me montrais pas pour autant débile ; mais je voulais savoir, je voulais qu’il m’explique. Des phrases courtes auraient suffi cependant il s’embarqua dans une longue explication qui me fit sincèrement flipper. Ça me perdait d’avantage. Mon cœur ne s’affolait en rien en sa présence. Malik était romantique et sensible, j’imagine qu’il devait s’emballer assez rapidement. Moi je sais encore rester maître de ma respiration en sa présence. Enfin, voilà quoi ; bref. Globalement bien que je prenais ses paroles au sérieux je me rendis compte qu’un Malik amoureux était égal à un petit boulet ambulant, et c’était trop chou. Quant à moi… ses explications ne m’avaient pas vraiment apporté d’aide mais au final je crois que je n’en avais pas vraiment besoin. Ma gorge qui s’était nouée au début de cet entretien et mon comportement encore plus lunatique qu’à l’ordinaire m’étaient suffisants pour m’éclairer, et après ce long discours de la part de mon partenaire je me sentais plus apte à les accepter. Sans pour autant l’avouer à qui que ce soit, s’entend. En soit c’était ridicule, je ne suis pas quelqu’un de timide et je dirais même que je suis clairement sans-gêne alors pourquoi ne pas livrer l’information au principal concerné ? Quand on aime quelqu'un, au début, on a aussi du mal à parler de cette personne aux autres. C’est ce qu’il avait dit mot pour mot ; donc c’était normal. Je me sens bête. Terriblement bête. « Oh seigneur ! » Vraiment Malik est mignon, mais pas quand il utilise ce genre d’expression d’après-guerre. Et encore moins lorsqu’il bondit en arrière comme si subitement je le répugnais. Il me le faisait souvent ce coup là d’ailleurs. Esto no me gustaba. Il s’éloignait, toujours un peu plus loin pour que finalement je ne puisse avoir qu’une vision de son dos. Là j’étais… perdue. A quoi ça rimait tout ça ? Quelle mouche pouvait bien l’avoir piqué ? C’en était limite vexant, et puis s’il s’adressait au seigneur il aurait carrément pu me dire dès le début qu’il était croyant. Enfin je ne sais pas moi, ça m’énerve, voilà ! « Malik si tu pouvais m’expliquer ce qu’il se passe ça m’arrangerais ! » Ouais, carrément même. J’haussais le ton de ma voix afin qu’il puisse m’entendre d’où il était ; pas question de me déplacer, il manquerait plus que ça. Je préférais de loin rester les bras croisés sous ma poitrine à creuser mes rides en fronçant les sourcils. Subitement une idée éclair passa entre mes neurones, comme si tout s’était éclairé d’un coup. Il avait compris, c’est sûr ; le dernier point de ses explications venait de lui faire tilter que j’étais… bip.« Ok c’est bon si tu veux savoir, ouais, ce que je t’ai dit l’autre jour à la ferme c’était de la jalousie. Voilà c’est bon, t’es content? Pas besoin de faire ta drama queen pour ça, je sais contrôler mes sentiments, je ne jouerais pas le boulet.» Notre petite expérience à la ferme datait d’il y a quelques semaines maintenant mais il était certain qu’il s’en souviendrait étant donné que ça avait entrainé mon départ du lit commun. Mes paroles possédaient une pointe d’agacement et étaient limite agressives pourtant je considérais ça comme des aveux. « J'aurais même pas du te le dire en fait.» A quoi ça servait de toute façon? A ce qu'il flippe à l'idée que je veuille satisfaire mes propres sentiments au détriment des siens en lui sautant dessus une fois la nuit tombée par exemple? Qu'il oublie donc.

Tomber amoureux, je connaissais. Ce que l'on ressentait lorsqu'on se rendait compte qu'on commençait à sérieusement s'attacher à une personne, jusqu'à ce que cette grande affection ne se transforme en sentiments amoureux... Oui j'avais déjà donné, il y a sept ans de ça, mais tout s'était hélas on ne peut plus mal terminé. J'en gardais quand même le souvenir de ma toute première, et pour le moment unique relation amoureuse. Nicole quant à elle semblait ne jamais avoir vécu ça. Aussi, pourquoi sinon m'aurait-elle demandé de lui décrire comment cela faisait d'aimer quelqu'un ? Il ne m'en fallu d'ailleurs pas plus pour lui lister toutes ces choses qui se passaient en nous au moment de tomber amoureux : le ventre noué, le cœur battant la chamade, la jalousie aussi... J'avais fait l'expérience de tout cela alors je parlais en connaissance de cause. Seulement je me rendis bien vite compte que je vivais à nouveau tout cela. En sa présence. C'était difficile à admettre, vraiment difficile, aussi je ne tardais pas à me défaire brusquement d'elle, et à m'écarter. J'étais sous le choc de ce que je venais de réaliser en fait. Nicole, ma partenaire, était au final bien plus importante à mes yeux que je ne l'aurais cru... vraiment plus importante... Et justement, je crois que le fait que je me sois brutalement défait d'elle la surprit quelque peu. Elle ne devait pas comprendre ce qu'il advenait actuellement, et cela pouvait se saisir, vu la façon et la vitesse dont je m'étais exilé cinq mètres plus loin. « Malik si tu pouvais m’expliquer ce qu’il se passe ça m’arrangerais ! » Sa voix se fit plus haute, comme si elle tenait à se faire entendre sans pour autant bouger d'un centimètre. Ce haussement de voix me poussa à me retourner, puis à revenir vers elle. Je restai tout de même encore un peu en retrait, mais bien moins qu'il y a une ou deux minutes. Voyez-vous je ne désirais pas que Nicole abîme sa voix en hurlant parce que je me serais éloigné. Alors je préférais encore rester à ses côtés, ou tout du moins assez prêt pour qu'elle puisse s'adresser à moi sans crier pour autant. Pour ce qui était de lui expliquer ce qu'il se passait actuellement, et bien, j'en étais incapable. Parce que j'étais aussi perdu qu'elle, et parce que je me posais moi aussi tout un tas de questions. Je ne savais pas non plus ce qu'il se passait exactement, ce qu'il nous arrivait. C'est alors que Nicole reprit la parole, pour faire une sorte d'aveu. « Ok c’est bon si tu veux savoir, ouais, ce que je t’ai dit l’autre jour à la ferme c’était de la jalousie. Voilà c’est bon, t’es content? Pas besoin de faire ta drama queen pour ça, je sais contrôler mes sentiments, je ne jouerais pas le boulet. » J'étais réellement à deux doigts de m'excuser pour avoir fait ma "drama queen", et je prenais cela comme un reproche bien que toute mon attention fut surtout portée sur ce qui avait été débité juste avant, le fait qu'elle avait été jalouse, et qu'elle le reconnaissait cette nuit, devant ces maisons abandonnées. « T'as réellement été jalouse de... » ... Asmaa. Oui, j'arrivais encore difficilement à le concevoir parce que je ne pensais pas Nicole capable de jalouser quiconque, en fait. Mais elle l'admettait elle-même. Ainsi donc son petit numéro, la référence à la perruque frisée, au fond de teint foncé... tout ceci n'était en fait que de la jalousie pure et simple. Ce fameux moment où j'avais tenté d'obtenir des explications à ce sujet et où Cupidon nous avait coupé pour nous balancer sa fameuse musique... Je m'en souvenais encore bien que cela n'était tout de même pas ultra récent. « J'aurais même pas du te le dire en fait. » Au contraire, ça n'était surement pas plus mal que j'en sache quelque chose. Au moins je savais que ces références qu'elle avait faites concernant la prunelle de mes yeux n'étaient pas dues à de la simple méchanceté ou moquerie, mais bel et bien à un sentiment incontrôlable, la jalousie... « Et tu... hum... t'es encore jalouse d'elle à l'heure actuelle ? Je veux dire, comment tu conçois mes rapports avec Asmaa ? » repris-je, un peu désarçonné par tout ce que nous vivions sur l'instant. Maintenant que c'était avoué, j'allais avoir du mal à mettre ça de côté tout à fait honnêtement. Parce que savoir que Nicole avait véritablement été jalouse d'Asmaa n'était pas une information anodine que j'allais oublier aussitôt apprise. Non non cela importait à mes yeux de savoir une telle chose... mais cela prouvait-il pour autant que Nicole était beaucoup plus attachée à moi que je ne l'aurais cru ? Oui, sans nul doute. Mais de là à dire qu'elle était sincèrement... enfin qu'elle m'... non rien à faire, je n'arrivais pas à l'assimiler. À moins qu'elle ne finisse par me le dire d'elle-même, je crois que je n'arriverais jamais à me faire à une telle idée. Et concernant mes sentiments, à moi, hm... « Tant mieux pour toi si tu parviens à contrôler tes sentiments Nicole... vraiment... seulement je ne suis pas certain de parvenir à contrôler les miens, de mon côté. » Parce que mes sentiments prenaient souvent le dessus, et lorsqu'ils étaient aussi forts je ne vous en parle même pas... Ce que Nicole devait comprendre ? Et bien oui, c'était aussi et à ma façon une sorte d'aveux. Bah, maintenant elle savait que j'avais moi aussi des sentiments... mais savait-elle lesquels, exactement ? M'étais-je montré assez explicite ?...

« T'as réellement été jalouse de... -Oui, oui. » Je le coupe avec empressement afin qu’on passe le plus vite possible au sujet suivant… si autre sujet il y avait. Je n’éprouvais pas le besoin qu’on y passe trois quart d’heure, je me sentais déjà assez rabaissée de l’avoir avoué. Je ne pus m’empêcher de penser à voix haute d’ailleurs ; il est clair que j’aurais mieux fait de garder ça pour moi. De toute façon ici depuis le départ de Térésa, soit depuis le début du jeu, je ne trouvais confiance en personne alors pourquoi lui faire part de ce détail qui changeait considérablement l’avenir de notre relation ? Dans son éloignement je crus comprendre qu’il saisissait mes ressentis mais apparemment j’étais à côté de la plaque, vu sa réaction. « Et tu... hum... t'es encore jalouse d'elle à l'heure actuelle ? Je veux dire, comment tu conçois mes rapports avec Asmaa ? » Oh non mais il me saoulait à insister. Celle qui aimait emmerder l’autre ici c’était moi, pas lui, et s’il espérait que j’allais lui répondre par la positive il se fourrait le doigt dans l’œil. Il était proche d’Asmaa, c’est le genre de chose indéniable, mais Malik aime tout le monde. On pourrait lui cracher au visage qu’il trouverait le moyen de reporter la faute sur lui-même plutôt que sur l’autre alors dans ces conditions… comment puis-je concevoir sa relation avec la gamine carburant aux stupéfiants de la saison ? Je vous le demande. Pour être honnête je ne pouvais pas me la sentir. Pas du tout. Dans la vie je n’ai pas forcément besoin de raison particulière pour détester quelqu’un, il suffit que la personne ait une mauvaise tête, un feeling qui ne passe pas, ou bien qu’elle soit sur mon chemin. Là, considérablement, la petite métisse cucul était sur mon chemin. Je ne suis pas aveugle, dès le début j’ai pu comprendre que ces deux perdus étaient faits pour s’entendre ; et ils s’étaient bien trouvés. Sauf que voilà, moi je ne tirais pas les gens vers le bas et je comptais bien faire en sorte que mon partenaire reprenne goût à la vie ; parce qu’il le méritait. Parce qu’il était… spécial. Et parce que je m’étais attachée à lui. « Non, du tout. Je fus incapable de cerner mon taux de crédibilité sur ce coup là, mais tant pis. Il me fallait répondre à la seconde question, tout aussi pénible. Je les conçois à ma façon. » Ma réponse fut évasive mais explicite, bref parfaite. Je venais de faire un effort surhumain en lui avouant le sentiment qui germait en moi, il ne fallait pas s’attendre à beaucoup plus. « Tant mieux pour toi si tu parviens à contrôler tes sentiments Nicole... vraiment... seulement je ne suis pas certain de parvenir à contrôler les miens, de mon côté. » Bim ? Bam ? Aïe ? Non en réalité je ne dis mot. J’étais beaucoup trop abasourdie. Pour une fois qu’il disait les choses sans se soucier de ce que pouvait penser son interlocuteur, il fallait que ce soit moi qui me prenne la claque… évidemment. « Eh bien tant pis pour moi. Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Ça m’importe de toute façon.» Ma voix dérailla salement sur ma dernière phrase mais je m'efforçais de ne pas perdre la face bien que l’agitation de mes mains me trahissait certainement. Je me sentais honteuse. Jamais je n’ai ressenti de pareilles choses en moi, c’était déjà assez perturbant comme ça. Pourtant je m’étais résolue de les lui avouer, c’était comme lui confier une faiblesse; me mettre en position d’impuissance. Voilà comme il venait de m’humilier sans le savoir. Je restais là, plantée dans le sol. Habituellement j’aurais tourné les talons mais là… non. Je ne pouvais pas. Dire que le temps venait de s'arrêter serait fortement caricatural, et pourtant...