dagga + branca

Pour sûr, je ne pensais pas revenir sur cette altercation avec Dagga. D'une part, car ça ne servait à rien et d'autre part, car je n'avais pas envie que la situation s'empire. Je souhaitais même le contraire, Dagga étant l'une des candidates avec qui j'étais la plus proche ici et qui, je le croyais, n'était pas du genre à juger pour si peu. Pourtant, le prime aura bien évidemment changé la donne. Je l'avoue, je ne m'y attendais pas mais dire la vérité ne m'a jamais fait peur quoique chacun puisse en penser et d'ailleurs, certains devraient s'informer avant de se lancer dans des jugements hâtifs. Après tout, je n'ai jamais rien fait à Elliot à part lui dire honnêtement que non, je ne l'appréciais pas et m'être défendue lorsqu'elle m'avait liée. Peut-on me reprocher tout cela ? Non. Et c'est ça qui commence à m'agacer doucement. Si je l'avais attaquée la première, j'assumerais mais que l'on m'accuse à tord ne me plaît pas tellement. Pour autant, j'ai compris la leçon et vu qu'ici, la franchise n'est pas acceptée par tous, j'ai décidé de pousser l'ignorance jusqu'à son stade ultime et donc ne même plus aborder ce sujet avec quiconque (et ce même si je ne le faisais pas tellement auparavant). Ça leur fera des vacances, ça me fera des vacances et cette histoire de m'emmerdera plus. Alors dès la fin du prime, j'avais fait ce pacte avec moi-même et je ne m'en portais pas plus mal en réalité. La semaine était passée rapidement et même si il commençait à se faire tard, j'étais décidée à rester encore aux thermes, mon pantalon relevé, les pieds dans l'eau chaude et mon gilet épais sur le dos. Une cigarette, comme à mon habitude et j'étais presque au paradis. Au calme tout du moins. Mais pas pour longtemps car j'entendais déjà des pas s'approcher de moi et au vu du son, j'optais pour une femme, petite. Sentant alors la présence plus proche, je me retourne et découvre Dagga. J'hésite avant de prendre la parole, histoire de lui laisser le temps de déguerpir si elle en a envie. Mais voyant qu'elle ne semblait pas vouloir fuir, je pris les devants. « Salut. » Restons classique...

Spoiler:

La vie ici m'épuise doucement. Les journées passent lentement, semblent s'étirer en longueur, je tourne en rond dans le village, avec cette impression persistante de ne plus avoir grand-chose à faire ici, de ne plus avoir grand-chose à découvrir et à comprendre. Non pas que je sois devenue omnisciente entre temps, bien au contraire. Seulement je cerne les limites du monde qui est à ma portée bien mieux qu'avant, et je n'estime pas nécessaire de m'échiner à analyser des situations qui me dépassent de loin et que je ne serais jamais en mesure d'assimiler correctement. Je suis partie avec une déficience de départ, un handicap, et quoi que je fasse je ne serai jamais à la hauteur, à leur hauteur. Alors soyons fous. Arrêtons de nous prendre la tête. Vivons au jour le jour sans nous poser de question. J'en ai marre d'avoir toujours cette sensation de commettre un impair, de faire les choses pas comme il faut, de me tromper et pas me montrer explicite. Communiquer, c'est pas mon truc. Bon bah tant pis. Au moins, j'aurais essayé – je n'ai pas de regret. Le seul regret que j'ai, à l'heure actuel, c'est que personne n'ait trouvé mon secret. Je me suis rendue compte que, contrairement à la plupart des candidats, je ne suis pas venue ici pour défendre un secret, mais pour m'en débarrasser. Pour faire entendre ma version des faits, ma version de ma propre histoire, avant de tout oublier en paix. Et je réalise que, finalement, je n'en aurais peut-être pas l'occasion. M'enfin. C'est la vie, pas vrai ? L'âme légère – j'avais ôté de mes épaules un certain nombre de poids au cours de mon vide grenier émotionnel – je me dirige à pas de velours vers les thermes. Oui il était tard. Oui il faisait un froid de canard (je remettrais bien la pertinence de cette expression en question, soit dit en passant). Et alors ? C'est justement ça qui est bon. Dès que je passe les arches en pierre, je commence à me dévêtir ; le froid ambiant me mordait les épaules, mais je prenais ça comme une gentille taquinerie de la part d'un vieil ami. J'aperçois alors la silhouette de Branca. Je me fige, l'espace de trois secondes, ma main droite en suspens au niveau d'un des boutons de ma chemise. Puis reprend finalement mon chemin. « Salut. » Je lui lance en retour, un sourire discret aux lèvres. Je craignais malgré tout de la brusquer ou de la déranger, en dépit de mes résolutions d'arrêter de tenir compte de tous ces individus dont je peinais à anticiper les réactions et les ressentis. Je continue de me désaper, et retire ma chemise que je laisse tomber à même le sol. « J'espère que tu ne t'étais pas réfugiée ici en quête de solitude, du coup… » Je laisse échapper, en me tortillant sur moi-même pour enlever mon bas de jogging en coton. « Si c'est le cas, je peux te proposer d'être tellement discrète que tu remarqueras pas ma présence ? » Parce que ouais, une espèce de grande asperge rousse qui patauge gaiement dans un bassin c'est super effacé comme présence.

Je ne suis pas du genre rancunière, enfin pas avec tout le monde. Disons que c'est... compliqué. Il y a des gens à qui je vais pouvoir faire la gueule pendant des mois, voir des années pour des conneries sans nom et d'autres à qui je vais 'pardonner' ou plus ou moins 'oublier'. Je ne peux pas tellement dire pourquoi. Peut-être parce que je considère certaines personnes plus importantes à mes yeux et que les rayer de ma vie pour des choses sans intérêt n'est pas franchement mon but. Alors oui, je me suis pris la tête avec Dagga. Pour des conneries. Parce que ça me faisait chier qu'elle soit si... aveugle, j'en sais rien ou qu'elle ne pige pas que ma pique était à but humoristique et non une attaque en tant que telle. Si j'avais réellement attaqué quelqu'un ici, il le saurait et s'en souviendrait je crois. Sauf que je n'ai plus d'énergie à perdre pour ça, j'ai déjà perdu beaucoup trop pour des cons bornés, je ne compte plus faire la même erreur. J'ai préféré l'ignorance aux coups, et c'est bien mieux comme ça. Donc quand au prime cette sale histoire fut remise sur le tapis, j'avais déjà zappé ça depuis un bout. Pour autant, j'ai répondu, ce que je pensais, à quoi bon mentir, de toute manière ce n'est pas mon genre. Je ne suis donc pas dérangée par l'arrivée de Dagga en cette heure tardive et non elle ne me gène pas même si je sens une pointe de malaise lorsqu'elle prend la parole. Je prends une nouvelle taffe sur ma cigarette alors qu'elle me questionne sur ma possible envie de solitude. Je souris, amusée. « Je me cache beaucoup mieux quand j'ai envie de solitude. » Et elle se... déshabille ? Ok, c'est toujours une option envisageable mais là, dehors, avec ce temps, ce froid, ce vent... « T'es quand même entrain de te déshabiller devant moi, si ça ce n'est pas faire en sorte qu'on remarque sa présence, je ne sais pas ce que c'est ! » Je plaisante bien évidemment, et puis j'imagine que Dagga n'est pas du genre à se déshabiller pour attirer l'attention. Moi si. Parfois. On attire tout de suite l'attention, c'est utile, bref. « Ça te prends souvent de venir te baigner à cette heure-ci ou... ? » Non parce que c'est quand même surprenant...