Il est tôt. Il est trop tôt. Pourtant, j'ai beau faire des pieds et des mains pour que le sommeil m'emporte de nouveau, rien n'y fait. Je tente toutes les positions, j'enlève et je remets mes draps. Toujours rien. Je déteste le fait d'avoir un sommeil si léger, c'est insupportable. Alors je soupire, et je me résigne à sortir de mon lit. Je passe par l'étape premier du levé, à savoir la case toilettes, et je me perds dans le couloir. Qu'est-ce que j'allais pouvoir faire à... Quoi ? Approximativement 8h du matin ? Je passe par la cuisine et fouille dans les placards. Malgré le fait que je vive ici depuis plusieurs jours maintenant, j'avais toujours autant de mal à trouver ce que je voulais dans les multiples rangements des différentes pièces. Finalement, j'attrapais une petite bouteille en verre de jus de pommes, et repartais vagabonder dans les couloirs. Je remontais au premier étage et fis un bref tour dans la salle de bain histoire de passer un peu d'eau sur mon visage marqué par la fatigue. Depuis que j'étais dans cette émission je veillais beaucoup plus tard le soir, et en revanche, je me levais toujours un peu près à la même heure que d'habitude, ce qui réduisait considérablement mon temps de repos. Une fois fait, j'essuyais mes mains mouillées dans une serviette et regagnais le couloir. J'ouvrais ma bouteille et bus une gorgée du breuvage, mélange de colorants en toutes sortes et autres produits chimiques infâmes. J'étais statique, au beau milieu du couloir entre la cage d'escaliers et les multiples pièces du nid. Puis, je me rendis dans la salle de projection. Par chance, il n'y avait personne. C'était la première fois d'ailleurs que j'y arrivais et qu'un film n'était pas déjà bien entamé. Je repensais ainsi à la façon dont la production s'était vantée du nombre imposant de DVDs présents, et de la diversité des films proposés. Pour le coup j'avais envie d'en visionner un en particulier, et j'espérais très franchement que j'allais le trouver. Slumdog Millionaire, bingo ! Avec un sourire misérable, je pris le DVD et mis le dispositif en place. Je me tâtais quant au fait de prendre des pop-corns, la base lorsque l'on va au cinéma, et puis en me remémorant l'heure, je me résonnais. Je m'installais alors sur une banquette, tandis que le film commençait. J'avais beau le connaître par cœur, à chaque fois que je le revoyais, je l'aimais encore un peu plus.

Encore une fois, la jeune femme s'était levée tôt. Et ce n'était pas la première fois que cela arrivait, depuis qu'ils étaient dans le jeu. Autant dire que cela commençait à l'agacer. Il n'y avait aucun problème de ce côté là, Enora était du genre à aimer dormir. Certes, elle avait le sommeil léger, mais dormir une dizaine d'heures d'affilées n'était pas du tout un problème pour elle si elle le pouvait. Mais apparemment, non, elle ne le voulait pas, puisqu'elle avait une tendance à se lever tôt, depuis quelques jours. Était-ce parce qu'elle avait l'habitude de se lever à une heure pas possible lorsqu'elle devait aller travailler ? Hm, certainement. C'était, d'ailleurs, la seule raison qu'elle avait pu trouvé. Elle avait tellement l'habitude de se lever tôt depuis plus d'un an, étant donné qu'elle devait être au travail à six heures du matin, qu'elle en était habituée. Même le week-end, la belle n'avait jamais réussi à faire de longues grasses matinées. Mais c'était énervant, à la longue, puisque bon, vous voyez, tout le monde dormait. Beaucoup dormait jusqu'aux alentours de onze heures voir midi, parfois. Et elle.. Non. Enora venait tout juste de terminer de déjeuner. Oui, déjà. Au moins, le matin, elle était bien tranquille et pouvait se réveiller au calme. De ce côté là, c'est sûr, il n'y avait aucun problème. Au-cun. Se levant, elle avait ainsi rangé les céréales, les biscottes et le beurre dans leurs placards respectifs ainsi que le réfrigérateur pour le beurre. Puis, elle avait lavé à la main son bol et tout ce qu'elle avait pu utilisé. Avant de les ranger, eux aussi. Et après quelques secondes de réflexion, elle s'était machinalement dirigée vers la salle de projection. A cette heure-ci, il n'y devrait y avoir personne, non ? Et bien, elle eût tord. Puisqu'en ouvrant la porte (un peu brusquement, au passage), elle put voir qu'un film était déjà en route. Hm. Et le candidat regardant ce film qu'elle avait reconnu d'ailleurs, s'était retourné vers elle. Oui, elle n'avait définitivement pas été discrète en ouvrant la porte. « Oops, désolée de te déranger, je pensais qu'il n'y aurait personne à cette heure-ci. » murmura t-elle, en faisant une petite grimace.

Le matin, le nid est beaucoup trop calme à mon goût. Pas assez d'agitation. Pas comme dans une ville, ou peu importe l'heure qu'il peut être, il suffit de jeter un œil de l'autre côté d'une fenêtre pour apercevoir un peu de mouvement dans la rue. Je détestais ce trop plein de silence, ce calme excessif. Du coup, regarder un film semblait devenir un bon compromis. Les protagonistes n'interagissaient pas directement avec moi, mais au moins ils créaient une ambiance, un truc qui me rassurait. Je me concentrais donc sur les images qui défilaient, et sur les sons qui se propageaient depuis les enceintes dans la salle de projection. La bande-son de ce film était grandiose, je trouve. Je buvais mon jus de fruit en contemplant les lieux dans lesquels se pavanaient Jamal et Salim. L'Inde, j'aimerais bien m'y rendre un jour. Mais pas dans les endroits supra luxueux. Je veux dire, peu m'importe de connaître l'histoire du Taj Mahal et d'en admirer les longs bassins, mais j'aimerais moi prendre un bain dans cette société qui ne vit de rien et qui semble toujours plus heureuse que ceux qui ont de l'argent. Enfin, je suppose que le fait de n'avoir rien justifie le fait que l'on ait plus idée de la valeur des choses et du fait de profiter des petits plaisirs que la vie parfois nous accorde. Et tandis que je commençais à m'enfoncer profondément dans la chaleur du long métrage, la porte de la pièce cogna contre le mur. Évidemment, je me retournais, histoire de voir de qui il s'agissait. Ça ne pouvait être que le geste maladroit d'un candidat ayant donné un peu trop d'énergie dans son action. « Oops, désolée de te déranger, je pensais qu'il n'y aurait personne à cette heure-ci. » Je souris. Nous avions eu la même pensée visiblement, sauf que j'avais été le plus rapide. « C'est rien... Slumdog Millionaire, ça te branche ? » Peut-être qu'elle l'avait déjà vu, probablement qu'elle l'avait déjà vu même mais si ça se trouve elle était comme moi, et elle adorait ce film. Quoique je sais aussi que certaines personnes détestent revoir X fois le même long métrage. Enfin, au moins je lui aurais, d'une façon ou d'une autre, proposé de rester.