mado

Je ne sais pas trop ce que je fais debout à cette heure de la journée. Je suis loin d’être une lève-tôt en temps normale. Je suis de ceux qui font la grâce matinée jusqu’au début de l’après-midi. Mais je me suis fais réveiller par mon ventre qui criait famine. Le con. Ça m’enrage quand ça arrive, pourtant je sais très bien pourquoi. J’ai à peine mangé hier soir. Et là, même si je voudrais pouvoir m’attacher à mon lit et ne surtout pas me rendre à la cuisine, je crois que c’était dans le genre impossible. On ne contrôle pas ce genre de pulsion, surtout pas celle-ci. Et je me lève donc, seulement vêtue d’une chemise que j’ai piqué à Cameron et d’une paire de boxer plutôt petit dans son genre. De toute façon, y’a personne de levé à cette heure. J’imagine. J’entre dans la cuisine sur la pointe des pied, le froid de la céramique de donnant un frisson et j’ouvre le frigo pour y sortir les oeufs. Et le bacons. Et je vais prendre du pain aussi. Oui, voilà, j’ai envie d’un gros petit déjeuner. Et je vais tout manger, sans exception. J’ai mal, encore et un peu plus alors que je casse trois oeufs dans la poêle. Je suis tellement concentrée, tellement déterminée à me faire un festin que je ne me rend pas compte que quelqu’un entre dans la pièce. Je me tourne le manche de la poêle dans les mains et sursaute en voyant Mado. Et impuissante, j’échappe le contenu de celle-ci contre le sol. Tous mes oeufs et mon bacons... Sur le sol. Je suis scandalisée, horrifiée. Je lève les yeux vers Mado, puis les baisse à nouveau, faisant des allées-retours. « Merde... » J’ai le regard qui se remplie de larmes alors que je suis en colère contre elle d’avoir été là, de ne pas s’être annoncé. Et je suis en colère contre moi. J’en avais besoin de ce repas. Je voulais le manger. À l’intérieur de moi, j’ai l’impression que c’est la fin du monde. Elle vient de tout gâcher, tout. Oui, je suis extrême comme ça. Je pleure pour un petit déjeuner sur le sol.

Les entrées de Mado était renversantes, et ça n'était assurément pas les quelques œufs et les tranches de bacon qu'elle pouvait présentement admirer sur le sol de la cuisine qui oseraient dire le contraire. Oh, sans doute aurait-il été plus correct de s'annoncer, de faire savoir à quiconque serait susceptible de se trouver ici qu'elle comptait entrer, mais disons qu'à à peine sept heures du matin, elle avait tendance à partir du principe, peut être un peu trop naïvement, que personne n'était supposé se tenir ici. Au pire, excusez-la, hein. Bref. C'était qui cette demoiselle, qui semblait un tantinet bouleversée par la façon dont les choses venaient de se passer ? Oh attendez voir, ne serait-ce pas Harlow ? Harlow, la fille d'Everleigh. Harlow, la partenaire de Mickey. Harlow, le plan cul officiel d'un certain Cameron. Harlow, la barge qui avait cru bon de grimper sur Bob lors du prime. Harlow la nana qui enchainait les conneries, probablement. Oui, ce devait être elle. Et donc, hm, la nana s'était dit qu'elle pourrait se préparer un petit déjeuner franchement copieux, à sept heures tout juste ... Ouais, pourquoi pas après tout. Mado se levait quant à elle rarement aussi tôt, et mangeait parfois bien peu le matin, mais soit, elle pouvait concevoir que des fringales puissent prendre n'importe qui et à n'importe quelle heure. Si Mado se trouvait ici, elle, c'était simplement pour boire un verre d'eau, car elle espérait pouvoir se rendormir une fois sa soif calmée. Sauf que bon, en se pointant ici, pensant d'ailleurs pouvoir y être seule, elle fut bien loin de s'attendre à trouver Harlow et son feu petit-déjeuner. Bon et bien ... peut être Mado allait-elle finalement renoncer à l'idée de boire et la laisser, hein ? Non ? Bon allez, elle allait déjà tâcher de tirer tout ça au clair, parce que la voir au bord des larmes pour si peu, ça la rendait perplexe quand même. « Toi, t'as du gruyère à la place des mains » crut-elle malin de lancer, peut être pour détendre un peu l'atmosphère, allez savoir. Okay, ça n'était peut être pas la meilleure chose à dire, mais bon, il était sept heures du matin alors disons qu'elle faisait ce qu'elle pouvait. « Tu sais, ce ne sont que des œufs et du bacon ... ça n'est peut être pas la peine d'adopter cette mine dépitée. » Elle disait ça pour elle, parce qu'en soi, ça n'était pas franchement la déception de toute une vie, si ? Bah non, hein. « Ça se nettoie. Et il y a suffisamment de réserves pour que tu recommences, non ? » Reprendre la préparation de son petit déjeuner, ça ne devrait pas lui demander beaucoup de temps, ni beaucoup d'efforts. Mais encore faudrait-il qu'elle se calme, pour commencer.

Ma réaction est soudaine et excessive. J’aurais envie de crier et de pleurer. De pousser Mado contre le mur et même de lui fracasser la tête sur le comptoir. Je sais, ça ne fait aucun sens. C’est stupide et ridicule. Mais ça vient me chercher d’une façon si inattendu que des larmes viennent s’écraser sur mes joues. « Toi, t'as du gruyère à la place des mains » C’est quoi ce commentaire d’imbécile ? À la place de dire de la merde, elle pourrait se la fermer. Surtout que c’est de sa faute. Tout était parfait avant qu’elle ne débarque. Je ne répond rien, alors que mon ventre se tord de douleur, que ma tête tourne. Je serre les poings, presque prête à y’en coller une. Surtout qu’il semblerait qu’elle n’a pas finit de parler. « Tu sais, ce ne sont que des œufs et du bacon ... ça n'est peut être pas la peine d'adopter cette mine dépitée. Ça se nettoie. Et il y a suffisamment de réserves pour que tu recommences, non ? » Je lève enfin le visage vers elle, plantant mon regard dans le sien et ne le lâchant plus. « FERMES TA GUEULE, PUTAIN. » Et je hurle. C’était inévitable. On ne pouvait pas passer à côté. Ce n’est pas le genre de chose à me dire, pas quand je suis dans un tel état. Non. J’ai le coeur qui bat à une vitesse folle, alors que ma tête tourne encore plus qu’il y a de cela quelques secondes. J’attrape dans un mouvement sec et rapide un linge qui traîne et me laisse tomber sur les genoux, commençant à ramasser la nourriture sur le sol. Toute cette nourriture, gaspillée. Ça me rend folle, complètement folle. Et voilà que je me mets à regretter d’être venu dans la cuisine pour manger. Mais c’était quoi cette idée aussi. Une si mauvaise idée. Je ne pouvais pas me permettre de manger autant d’oeufs et de bacons. Je n’aurais pas pu. J’aurais voulu mourir après avoir engloutit tout cela. « Je suis conne... Non mais qu’est-ce qui m’a prit... je ne peux pas manger ces trucs... » Je murmure, je suis dans ma bulle, dans une autre réalité. J’en oublie la présence de Mado. J’oublie même que je viens de lui crier après. J’oublie tout. Sauf cette obsession pour la bouffe qui est par terre.

Pourquoi se mettre dans un état pareil ? Pourquoi en avoir les larmes aux yeux ? Cela n'arrivait-il pas à tout le monde de renverser de la nourriture ? Et puis, cela ne pouvait-il pas être nettoyé et recuisiné par la suite ? Vraiment, la réaction d'Harlow laissait Mado assez sceptique. Cette nourriture semblait avoir une importance toute particulière pour elle. Une importance presque malsaine, au vu de son comportement, qui avait de quoi intriguer. Naturellement, il n'eut pas été malin de vouloir détendre un tantinet l'atmosphère avec une réplique assez maladroite, mais Mado n'était pas franchement supposée à trouver beaucoup mieux à une heure comme celle-ci. En tous les cas, il n'était véritablement pas utile de faire tout un fromage de quelques œufs et d'un peu de bacon. La vie continuait, après tout. Ou pas. Car tandis que Mado tâchait d'analyser la situation pour tâcher de comprendre ce qu'il se passait précisément dans cette cuisine, voilà que sa camarade ... lui hurla dessus. Mais genre, vraiment. Genre très fort. Et genre en l'insultant, en plus. Oula, mauvais plan. Car Mado n'était pas quelqu'un que l'on pouvait insulter gratuitement. Non, clairement pas. « TU SAIS, JE PEUX HURLER MOI AUSSI. MAIS CA NE TE RENDRA PAS TA BOUFFE. » Oui, à ce niveau-là, elle pouvait se défendre. Alors bien sûr, elles risquaient toutes les deux de se faire tirer les bretelles pour avoir crié à sept heures du matin, mais qu'importe. Sa camarade, peut être un peu calmée, mais semblant toujours aussi fébrile, se mit alors à genoux et, à l'aide d'une sorte de torchon, s'employa à nettoyer la nourriture. Mado l'observa, silencieusement, comme si elle essayait de comprendre le cas Harlow, décidément source de mystères et de questions pour elle. Elle ne savait pas grand chose de cette jeune femme, si ce n'est qu'elle aimait les hommes mûres, alors oui, elle était intriguée. Elle l'entendit bientôt murmurer et soupira doucement. Que faire, alors ? La laisser tranquille ? Ou tâcher de creuser un peu, au risque de se faire hurler dessus à nouveau ? Au pire, elle ne comptait pas se laisser faire. Pas le genre de la maison, non. « Tu avais faim » formula-t-elle, s'accroupissant face à elle. « Tu avais juste faim » répéta-t-elle, se demandant comment sa camarade réagirait à ça. « Et tu es beaucoup trop jeune pour culpabiliser de cette manière » reprit-elle, ayant bien compris que sa camarade culpabilisait et n'était pas tranquille avec l'idée d'avoir songé à ingurgiter ce petit déjeuner. Comme si elle pensait ne pas pouvoir se le permettre. C'était des conneries. Elle était extrêmement mince, ça crevait les yeux. « Écoute, ça m'embêterait que tu fasses une crise d’hypoglycémie, alors hm, tu devrais peut être laisser ça et aller t'assoir, pendant que j'avise. » Elle nettoierait tout ça et tâcherait de lui trouver à manger, peut être quelque chose de moins "extrême" à sept heures du matin, mais de tout aussi consistant. Cette fille avait besoin de manger, son corps semblait le crier de tout son long.

« TU SAIS, JE PEUX HURLER MOI AUSSI. MAIS CA NE TE RENDRA PAS TA BOUFFE. » J’ouvre grand les yeux, surprise de l’entendre crier en retour. Elle me fait sursauter, je ne m’attendais vraiment pas à ça. Et ça me fait un certain choc. Tellement qu’un peu plus de larmes viennent brouiller ma vue. Je ne me sens vraiment pas bien à cette instant même. J’ai même l’impression que mes jambes vont se dérober sous moi. Que je vais rejoindre mon petit déjeuner sur le sol et ne plus bouger de là durant des heures. Je ne suis pas bien là. Et pourquoi avoir voulu manger autant. De toute façon, je sais comment cela aurait terminé. Un tour au toilette et voilà. J’étais rongé de remords alors qu’habituellement, les remords me venaient après avoir engloutie une tonne de nourriture. Et voir toute cette bouffe sur le sol, merde. À genoux, j’essaie tant bien que mal de nettoyer mon dégât. Mais je ne suis pas vraiment d’une grande utilité puisque je ne vois rien de ce que je fais. Mes larmes me rendent aveugle. J’oublie Mado, mais elle est bien là pour me rappeler qu’elle est toujours présente dans la pièce. « Tu avais faim. Tu avais juste faim. Et tu es beaucoup trop jeune pour culpabiliser de cette manière » Je tremble un peu plus en l’entendant, comme un écho au loin. Je ne comprend pas le rapport de mon âge dans tout ça. Mais je ne suis pas en état pour lui poser des questions. Je ne suis même plus en état de lui crier après. Je pleure encore un peu plus. Je suis tellement pathétique. J’ai honte, tellement honte. « Je voulais juste... Je... C’est facile pour toi de dire ça... T’es tellement mince... et... et belle. » Et pourquoi je lui dis ça ? Je ne sais plus pourquoi je parle, alors que j’ai l’impression d’être dans une réalité parallèle à celle-ci. « J’ai la tête qui tourne. » Je laisse tomber le linge que je tiens dans mes mains. « Écoute, ça m'embêterait que tu fasses une crise d’hypoglycémie, alors hm, tu devrais peut être laisser ça et aller t'assoir, pendant que j'avise. » Aviser ? Je ne suis pas certaine de comprendre. Mais je suis soudainement apeurée. Non, elle ne doit pas en parler à personne. Elle ne doit surtout pas dire ce qu’elle vient de voir. Je ne veux pas, elle a pas le droit. « S’il-te-plait... Non, ne le dit à personne... N’en parle pas. » Alors qu’habituellement j’aurais criée, là je suis juste désemparée. Et je la supplie, je suis à genoux et je la supplie. Alors que je ne la connais absolument pas.

Mado n'avait pu que crier à son tour. Pas par colère ou par simple envie de riposte, mais pour montrer à sa camarade que hausser le ton ne ferait aucunement avancer les choses. Ce n'était pas solution, non, clairement pas. Elle même tâchait généralement de se contrôler, partant du principe que tout était susceptible de se régler cordialement, sans tomber dans le sordide jeu du "qui criera le plus fort ?". Elle, elle ne voulait clairement pas jouer à cela, non. Alors elle espérait qu'Harlow s'en tiendrait là, histoire au moins de ne pas être amenées à réveiller tout le nid, ce qui pourrait leur valoir quelques représailles à l'avenir, hm. Sa camarade sembla pour autant assez déstabilisée par son haussement de voix. Visiblement, cette jeune femme n'avait pas tellement l'habitude à ce qu'on la suive sur ce genre de terrains, chose que Mado n'avait d'ailleurs pas fait par plaisir, m'enfin. Elle la sentait si fragile, si fébrile. Elle la voyait au bord des larmes, prête à défaillir à tout instant, et clairement, cette situation la met incroyablement mal à l'aise. Cela lui rappellait que n'importe qui pouvait se laisser abattre de cette manière, même ceux qui n'en donneraient pas tellement l'impression à première vue. A cet instant précis, Mado était en tout cas déstabilisée à son tour. Que faire ? Que dire ? Elle ne craignait pas tant de se faire crier dessus à nouveau que de contribuer à la peine de sa camarade. Non, elle ne voulait pas qu'elle se mette à pleurer et qu'elle soit ensuite forcée d'aller réveiller Everleigh, ou toute personne qui serait logiquement plus apte qu'elle à trouver quoi lui dire pour la calmer. Alors elle tâcha de lui faire comprendre que tout ça, et bien, ça n'était pas grave. Qu'avoir faim n'était pas grave, oui, exactement. Et qu'en soi, elle était bien trop jeune pour s'inquiéter de son poids. Ce genre de choses, ça ne devrait concerner que des femmes ménopausées, et pas de jolies jeunes filles en fleur comme Harlow. Voyez comme elle était jolie et élancée. Comment pouvait-elle se reprocher d'avoir tout simplement faim ? Lorsque la toute jeune femme reprit la parole, Mado se pinça la lèvre. Elle ne savait pas comment prendre tout ça. Elle ne pouvait pas la remercier, car c'était là les dires d'une jeune femme bien peu objective concernant sa propre personne, et probablement apte à fantasmer le corps de n'importe qui, quand le sien était pourtant idéal, quoi qu'un peu mince il est vrai. Et d'ailleurs, pourquoi crut-elle utile d'insinuer que Mado, elle, était mince justement ? Elle l'était, globalement, sans pour autant s'être jamais privée de quoi que ce soit. Un bon métabolisme, lui avait-on souvent dit. Il ne fallait pas tomber dans ce genre de pièges, vouloir être toujours plus mince, jusqu'à en être maigre, puis squelettique, puis morte. C'est ce qu'elle voulait ? Non, sans doute pas. Gênée plus qu'autre chose, Mado ne trouva rien à répondre et se contenta de s'inquiéter lorsque sa camarade précisa qu'elle avait la tête qui tournait. Oui donc il serait effectivement pas mal d'aller s'assoir, non ? Elle ne sembla pour autant pas comprendre l'insinuation de Mado, celle au sujet du fait d'aviser. Ne le dire à personne ? Mais ... « Je n'ai jamais eu l'intention de le dire à qui que ce soit. Je parlais simplement de te préparer autre chose pendant que tu te serais assise. » Et sur ces mots, elle se redressa et saisit le bras de sa camarade pour la relever. Celle-ci étant probablement trop faible pour résister, elle l'assit sur une chaise, non loin de là. « Déjà, si tu tombes, tu tomberas de moins haut. » Encore une réplique dont on aurait pu se passer, oui, bon. « Tu dois manger. Il ne faut pas jouer avec ton corps, les conséquences seraient trop graves. » Ainsi, elle s'éloigna quelques peu pour commencer à fouiller dans les placards environnants. « Un petit déjeuner froid, à la française, ça te tenterait ? » Peut être pas, mais elle préférait le lui suggérer avant de s'embêter à fouiller davantage. « Je vais manger avec toi. » Histoire qu'elle voit que Mado, elle, n'aimait pas se priver. Tant pis, elle ne se rendormirait pas. En tout cas, il était certain que Mado était plus branchée croissants au beurre que bacon chauffé. Une vraie parisienne, oui.

Si je ne suis pas dans la réalité, j’ai plus l’impression d’être dans un cauchemar que dans un rêve. Parce que premièrement, je me montre d’une incroyable vulnérabilité devant Mado que je ne connais même pas. Mais encore pire, puisque pour l’instant, je m’en fous un peu d’avoir l’air complètement folle devant Mado. Non, ce qui me préoccupe le plus, c’est la nourriture. Toute cette nourriture que j’avais passé proche d’engloutir. Qui m’aurait fait sentir bien durant un quart de seconde avant de me faire culpabiliser à mort. Et voilà que je pleure, que mon estomac est serré et que je sens que j’ai de la difficulté à respirer. Et ce, encore plus lorsque je pense comprendre que Mado veut alerter quelqu’un ou je ne sais quoi. Pour être franche, j’ai rien compris, je ne sais même pas si elle s’adresse à moi ou à quelqu’un d’autre. En espérant franchement qu’il n’y ait personne d’autre ici. Je panique. Et elle me répond. « Je n'ai jamais eu l'intention de le dire à qui que ce soit. Je parlais simplement de te préparer autre chose pendant que tu te serais assise. » Je suis quelque peu soulagée. Enfin, ça ne m’apaise pas totalement, mais au moins elle me confirme qu’elle n’en parlera à personne. Ce qui me stresse un peu plus c’est qu’elle parle de me faire manger. Je dépose mon coude sur la table alors que j’ai pris place à une des chaise. Passant ma main contre mon visage alors que des larmes viennent encore mouiller mes joues. « Tu dois manger. Il ne faut pas jouer avec ton corps, les conséquences seraient trop graves. » Jouer avec mon corps. Je ne veux pas... Enfin. Je ne veux pas jouer avec mon corps, mais, est-ce qu’elle m’a bien regarder. Elle ne doit pas voir la même que moi lorsque je regarde mon reflet dans le miroir. Non, surement pas. J’ai encore la tête qui tourne causé fortement par ma sous-alimentation. Enfin, c’est ce que tout le monde me dirait parce que moi, je crois que c’est simplement causé par la petite scène qui vient d’avoir lieu. Par ma perte de contrôle. Encore et toujours. J’avais passé proche de faire une grave erreur. Finalement, je devrais peut-être remercier Mado de m’avoir fait sursauté. Je suis silencieuse, alors que j’essaie de calmer mes pleures. Je crois que j’ai envie de partir d’ici. Surtout qu’elle me propose un petit déjeuner français. Non mais elle a rien comprit. Je me sens faible. Et elle propose de manger avec moi. « Je vais bien... J’ai pas besoin... Je vais aller m’étendre, je suis juste un peu étourdie. » dis-je dans un faible murmure, alors que je ne me sens même pas assez forte pour me lever de ma chaise. Je pose ma tête contre la table de la cuisine finalement, fermant lentement mes yeux. Non, je ne vais pas bien. Faut que je me le rentre dans la tête oui. Et je devrais accepter son offre. Je devrais vraiment accepter. « Finalement... Je... D’accord. » Ce n’est pas très claire, mais je suis confuse. Je ne sais même plus où je suis. Ce qui se passe.

Non, Mado n'allait évidemment pas aller raconter ce petit indicent à tout le monde. Déjà parce qu'elle ne gagnerait rien à le faire, mais aussi parce que la dernière chose qu'elle voulait, naturellement, c'était mettre cette gamine plus mal encore qu'elle ne l'était déjà. Clairement, si elle pouvait l'aider, elle estimait que c'était plutôt bon à prendre pour quelqu'un comme elle qui, honnêtement, cherchait à se rendre un peu utile depuis son entrée dans le nid. Elle ne prétendait évidemment pas pouvoir véritablement la soulager d'un poids - les problèmes de cette demoiselle n'étaient pas moindres, autant se l'avouer - mais essayer de l'apaiser, au moins ce matin et alors qu'elles étaient probablement les seules à être debout, ce serait assurément mieux que rien. La voir si fébrile, si faible, ça ne pouvait évidemment pas la laisser insensible. L'on pouvait penser ce que l'on voulait de Mado, mais clairement, laisser les gens dans la détresse, ça ne faisait pas partie de ses principes. Alors elle tâcha d'aider sa camarade à se relever et vint l'assoir sur une chaise à proximité, histoire au moins que celle-ci ait moins de risque de s'évanouir, car vraiment, elle la sentait au bord de la perte de connaissance. Pour le moment, elle excluait le fait d'aller chercher du renfort, préférant penser qu'elle s'en sortirait seule avec Harlow, mais il est vrai qu'elle craignait que sa camarade devienne incontrôlable ou qu'elle tombe tout bonnement dans les pommes. En tous les cas, Mado était certaine d'une chose, que sa camarade avait absolument besoin de se remplir l'estomac. Si elle se sentait si faible, ça n'était pas pour rien. Ce qu'il lui fallait, c'était manger. Pas nécessairement quelque chose de faramineux, mais au moins de quoi reprendre un peu de contenance et qui lui éviterait de frôler la crise d’hypoglycémie comme ce devait être le cas à cet instant précis. Debout, Mado pouvait voir sa camarade pleurer, et ça la mettait assez mal à l'aise. Elle tâcha alors de lui proposer un petit déjeuner français, froid donc, qui devrait être plus facilement dirigeable pour un estomac probablement un peu laissé à l'abandon. D'ailleurs, elle alla jusqu'à lui proposer de petit-déjeuner avec elle, histoire peut être de lui montrer l'exemple et de lui faire comprendre que manger était indispensable, d'autant plus dans cet état. Sans surprise, sa camarade se mit à nier avoir besoin de manger. Prête à l'arrêter si elle essayait de se lever, Mado constata bien vite qu'elle n'en avait même pas la force. Et finalement, comme résignée, Harlow accepta. Mado, plutôt soulagée, se remit donc à fouiller dans les placards, sortant des paquets de croissants, de petits pains, déposant le tout sur la table, puis sortant des verres et du jus d'orange. Elle allait peut être éviter de lui faire boire un laitage, n'étant pas sûre que ce soit recommandée alors qu'Harlow devait déjà être un peu nauséeuse. Le jus d'agrumes lui donnerait un coup de fouet, ce qui serait tout aussi bien. S'asseyant face à elle, elle déposa sa main sur son bras pour lui indiquer qu'il était temps de faire un effort. « Ne mange que ce que tu peux avaler, l'idée n'est pas de se gaver mais de reprendre un peu de forces. » Son but, ça n'était évidemment pas de lui fourrer mille choses dans la bouche, histoire d'avoir bonne conscience. Il ne fallait tomber dans aucun extrême. « Ça t'arrive souvent ? » finit-elle par demander, assez légitimement à ses yeux. Disons qu'elle se demandait s'il était habituel que sa camarade vive ce genre d'incidents. Elle avait tendance à penser que ça pouvait avoir un coté assez récurent, effectivement. « Tu penses que ça va aller, ou tu veux que j'aille chercher quelqu'un ? » Réveiller quelqu'un à sept heures du matin, si cela pouvait l'apaiser, elle était prête à le faire. Bien sûr, ça irait contre le fait de ne pas ébruiter cette histoire, mais il était question de savoir ce qui lui serait le plus utile pour se calmer.