W/EVERLEIGH
04 AVRIL A 15H15
C'était étonnant ce qu'Everleigh avait pu se poser comme question lorsqu'elle avait su pour le secret et la position de Fitz. En général, il était plutôt habitué aux filles lui demandant de lui faire visiter les palaces, de leur présenter les princes ou de s'intéresser à son porte monnaie mais Everleigh, elle, avait pensé aux bals. Logique. Le fait est que Fitz participait parfois à ce genre de mondanités. Certains étaient plus privés que d'autres mais dans tous les cas, l'écossais n'était pas franchement très friand de ce genre de sauteries, y préférant largement une bonne bière dans un pub accompagné de ses amis. Sa question eut cependant le mérite de lui rappeler de vieux souvenirs, ceux d'une époque où sa mère essayait de lui apprendre les rudiments de certaines danses, dont la valse, afin qu'il ne paraisse pas trop empoté en public. C'était la période où, en quelque sorte, il avait été présenté au milieu, de façon officielle, le genre de cérémonie sans âge et complètement désuète mais à laquelle il avait du se plier. Suite à ça, Fitz avait évité toutes les occasions possibles pour parfaire ses pas de danse et il savait bien que sa mère ne le voyait pas de cet œil là ce qui l'amusait assez en réalité. Ils s'étaient alors mis d'accord, elle le laissait tranquille mais en contrepartie, il devrait danser, valser même plus précisément, le jour de son mariage. Autant dire donc, que ce jour n'était pas encore prévu dans son agenda et qu'il ne comptait pas vraiment le faire de si tôt. Racontant tout ça à Everleigh, la candidate s'était alors gentiment offerte de lui donner quelque cours et si au départ l'idée ne lui plaisait pas franchement, il s'était laissé séduire par la proposition de la jeune femme. Autant mettre à profit son temps ici et puis, Everleigh était une très bonne danseuse, elle devait être une aussi bonne professeur. Le rendez-vous pris, c'est ainsi que Fitz se trouva dans la salle de sport, attendant sa prof comme un élève bien sage. Lorsqu'elle arriva enfin, Fitz sourit, un peu gêné car il était clair que la danse et lui, ça faisait trente-six. - J'espère que le bout de tes chaussures est renforcé, je suis assez maladroit... Et il ne voulait pas lui briser les orteils, non, ce n'était franchement pas le but.

Quand j'étais enfant, je voulais être une princesse, une vraie princesse avec les robes tout ça. Et plus encore, les cérémonies, les bals, oui voilà. Quand j'étais petite j'ai grandi avec Sissi, c'est de sa faute à elle si j'voulais devenir une princesse, j'voulais juste danser, parce que tout se rapportait toujours à ça. Tout le temps. C'est ce qu'on appelle une passion. Je dansais, je m'imaginais être avec mon prince dans la salle à manger au plus grand damne de ma mère, parfois je prenais mon frère à parti mais c'était délicat il était plus vieux et il 'avait beau m'adorer ça ne durait pas longtemps. Alors évidemment c'est mes souvenirs de petite fille plein la tête que j'ai décidé d'interroger Fitz quant aux bals. J'avais l'impression d'être un peu idiote d'ailleurs; si idiote que j'ai failli lui demander de m'y inviter un de ces jours. Comme si c'était possible, comme si c'était ne serait-ce qu'envisageable, c'est pas une sauterie où on peut inviter une amie dans une foule qu'on ne remarquera pas. Heureusement je ne suis pas allée plus loin, par contre j'ai entendu la requête de sa mère, j'ai bien compris que ça lui ferait plaisir qu'il sache danser la valse. Et comme je suis professeur je me suis tout naturellement proposé. Ça peut être drôle. Autant pour moi, non plus pour moi j'imagine. Je ne pensais pas qu'il accepterait pour tout dire et si. On s'est donné rendez-vous dans la salle de sport, et il est plus ponctuel que moi puisqu'il est déjà là lorsque j'arrive dans la pièce. - J'espère que le bout de tes chaussures est renforcé, je suis assez maladroit... Non il ne l'est pas mais ça devrait aller. J'vais m'en sortir. « Non ce serait pas super pratique. » Moi j'ai des talons, c'est logique, j'pourrais danser sur des talons aiguilles de toute façon. Je m'approche tout sourire. « Alors concrètement, tu sais faire quoi ? » Peut être qu'il a les bases au moins? Parce qu'une valse ça peut être somptueux si c'est maîtrise, mais ça peut aussi s'avérer être un cauchemar.

Les cours de danse n'avait jamais vraiment été ce que préférait Fitz et oui, il pouvait le dire sans se tromper car il en avait déjà eu. Gamin, tout ça avait commencé avec la musique et le piano, plus précisément, la raison pour laquelle il savait en jouer assez bien à présent. Avaient suivi les cours d'étiquette, de bonne conduite et malheureusement, les cours de danse. Fitz s'en souvient comme si c'était hier : lui, sa mère, le prof un peu vieux et surtout très rigide. Il avait fallu apprendre à danser la valse et d'autres choses dont il ne se souvenait ni du nom, ni des pas. En soit donc, cela avait été une perte de temps monumentale et heureusement pour lui, sa mère avait pu assez rapidement se rabattre sur ses sœurs qui elle, les malheureuses, avaient eu encore moins la possibilité de s’échapper que lui. C'était dans ces moments là donc que Fitz se réjouissant d'être né à cette époque. Celle où il n'y avait pas de bals tous les mois, celle où l'on n'avait pas décidé avant sa naissance de sa future femme et celle où donc, il n'avait pas eu à se marier passé ses vingt-ans. A cette époque là, il aurait alors certainement été le genre de libertin un peu indomptable, ceux qui sont sexy, dans les romans de Jane Austen dont il n'avait pas hérité de son prénom, malgré ce que la majorité des gens pensaient. Pourtant, ici, dans le nid, Fitz s'était bien gentiment laissé faire quand Everleigh lui avait proposé un cours. Pourquoi pas, elle était douée, plus agréable que son ancien prof et puis, il n'avait pas grand chose à faire de plus. Sans parler que ça risquait d'être drôle. Pour elle en tout cas. Alors qu'elle arrivait, Fitz la mit en garde sur sa maladresse et malheureusement pour elle, Everleigh lui annonça qu'elle n'avait pas de chaussures renforcées. Il grimaça et encore plus lorsqu'elle lui demanda les bases. Hum. - Et bien... Pied droit, avant. Pied gauche, gauche et... pied gauche, arrière ? Un truc comme ça, non ? En général, jme contentais de regarder donc tu sais... Et il n'a pratiqué que deux fois, en public. De quoi donner des sueurs froides à certains...

Les cours de danse c'était ma spécialité, je suis pro, ce n'est pas vraiment exceptionnel du coup. Enfin je ne me suis jamais réellement considérée comme professeur, je suis une danseuse même si je le suis depuis quatre ans. Depuis que mon fils est né. Sauf que j'ai des élèves, plusieurs, des jeunes avec de bases solides, assez courageux, bosseur mais pas toujours très disciplinés pour la plupart. Les cours particuliers ce n'est pas vraiment dans mes habitudes et puis qu'on se le dise, moi j'enseigne la danse moderne, pas la danse de salon, et les danses de salons on les apprend pourtant, j'ai fait beaucoup beaucoup de danse de salon à une certaine époque, trop à mon goût pourtant ce n'est pas ma partie préférée, mais ça m'a semble totalement normale de proposer à Fitz de l'aider. On ne peut pas dire que je sois mal lotie bien au contraire. Je lui demande ce qui lui en reste. - Et bien... Pied droit, avant. Pied gauche, gauche et... pied gauche, arrière ? Un truc comme ça, non ? En général, jme contentais de regarder donc tu sais... Je hoche la tête, oui bon ça va, c'est pas si catastrophique, c'est même mieux que je le pensais. « T'es un bon observateur parce que l'idée est là. » Bon, je m'approche et me place face à lui. Apprendre à un homme et à une femme c'est différent, les pas sont inversés, c'est une obligation déjà. « Déjà c'est une danse de macho alors c'est évidement l'homme qui mène c'est lui qui guide sa partenaire. Il faut que la position des bras soit ferme et assurée. Main gauche en l'air et tu vas devoir mettre ta main droite sur mon omoplate et c'est à moi de me placer en fonction de ça. » La valse viennoise c'est rudimentaire. Ouais je sais, c'est cruel mais c'est comme ça. « Il faut que nos bras gardent vraiment cet arrondi, tu vois. Et ensuite, tout est une question de rythme, tu comptes toujours par trois. un, deux, trois, tu avances, un, deux, trois, tu recules, tout en gardant une forme circulaire. On essaye ? » Parce que parler c'est bien mais bouger c'est mieux, pas de panique, je veux juste voir. Je peux lui montrer ensuite les pas. On le fait sans musique et après on avisera.

Cours de danse. Non, vraiment, Fitz en trépigne d’impatience. Alors dans un sens, heureusement qu’il s’agit d’Everleigh, la prof parce que s’il avait du se plier à cet exercice traumatisant avec une personne qu’il n’apprécie pas, ça aurait été tout de suite moins drôle. Cette opportunité était en plus une façon de faire d’une pierre deux coups. D’une, apprendre la valse, ça fera plaisir à sa mère (et marrer son plus jeune frère qui pourtant n’allait pas y couper d’ici peu) et de deux, peut-être qu’une rencontre de ce genre permettrait à Everleigh et Fitz de se retrouver un peu, après tout ce qui avait pu se passer entre eux dernièrement : engueulades, froid, distance. Fitz espérait avoir un peu dé répit cependant, genre, il pourrait s’asseoir dans un coin pendant qu’Everleigh lui montre, à rien faire sauf que… non. Elle arrive et d’ores et déjà, elle se lance dans le cours. Ouais, bref. Fitz lui expose donc toute l’étendue de ses connaissances, c'est-à-dire pas grand-chose mais la brune semble quand même rassurée d’entendre autre chose que ‘Je ne me souviens de rien’. Et donc oui, il est bon observateur, des années à observer et à se faire chier dans le coin d’une pièce bourrée de gens de la haute société, ça laisse des traces. Elle le fait sourire en parlant de danse de macho mais concentré, il écoute ce qu’elle a à lui dire. Pas sûr qu’il soit aussi réceptif dans un quart d’heure mais autant faire honneur à sa proposition pour le moment. – Ah parce que c’est pas toujours l’homme qui mène ? dit-il en souriant, espiègle. Oui bon ok, il ne parlait pas que de danse et il fait son cancre mais que voulez-vous, chassez le naturel, il revient au galop. Bras, arrondi, omoplate, hum ok. – Oui, on peut essayer mais ne sois pas trop déçue, tu es prévenue. Oh oui elle l’est. Il s’approche donc et fait tout ce qu’elle dit, comme un élève modèle, ce qu’il n’est absolument pas. Main sur son omoplate, l’autre en l’air, il a l’air d’un con. L’arrondi ? Ouais, ça ira. Et pour les pas, il attend qu’Everleigh les lance, essayant de suivre comme il peut. Ca doit être très très moche à regarder mais c’est l’intention qui compte non. Et comme Fitz est vraiment à fond dans le cours, il lui vient une question. En rapport avec la valse, bien évidemment. – Alors, il parait que ça dort pas beaucoup, la nuit, dans votre chambre… En rapport avec la valse, oui oui.

C'est sympa de passer du temps avec Fitz sans qu'on vienne nous faire chier ou qu'on nous regarde de travers, j'fais référence à rien du tout, il ne faut pas s'imaginer des trucs. Soit, on s'est donné rendez-vous pour que je lui donne des cours de danse. Au moins il pourra crâner à son retour chez lui. Parce que je ne le lâcherais pas tant qu'il ne sera pas très bon. Et du coup j'imagine qu'on va rester longtemps dans cette salle, pas d'un seul coup j'suis pas une tortionnaire non plus. J'veux pas le dégoûter à jamais, je veux juste qu'il puisse danser en société sans qu'il en ait honte. Du coup pour me faire une idée de son niveau, je lui demande s'il souvient de quelque chose et ça pourrait être pire je trouve alors du coup je termine son "éducation" et lui indique la marche à suivre. – Ah parce que c’est pas toujours l’homme qui mène ? Je souris. « Si si bien sûr, il mène et la femme n'est là que pour le sublimer davantage, le mettre en valeur rien de plus, un peu comme avec la valse... » Et bien sûre, je pense tellement ce que j'avance. Et lui aussi c'est certain. Il se met en place assez assidûment. – Oui, on peut essayer mais ne sois pas trop déçue, tu es prévenue. Je suis sûre qu'il se sous estime, j'attrape la main et débute même si à la base c'est à lui de débuter, j'suis un ange et recule pour qu'il puisse avancer. C'est comme ça, les hommes avancent d'abord et les femmes reculent. C'est la vie. Bon ça va, il ne se débrouille pas si mal, j'ai connu pire, vraiment. – Alors, il parait que ça dort pas beaucoup, la nuit, dans votre chambre… Pardon ? Je ris en levant les yeux au ciel, non mais. « Oh bah tu sais. Cameron est revenu dans le nid, c'était pas étonnant... » Mais bien sûr, c'est plus simple de jeter la faute sur ce pauvre Cameron, j'suis pas sûr qu'il parlait de lui d'ailleurs mais bon, j'imagine qu'il n'est pas entrain de parler de ma vie sexuelle non ? Non il n'oserait pas ...

Spoiler:

Les bases lui étant assez rapidement revenues, étonnement, il est temps pour Fitz de se mettre à la pratique. Bon, avec Everleigh, c'est bizarre de danser la valse, surtout ici, dans cet environnement et en se sachant filmé mais bon, c'est toujours ça. Peut-être que comme ça, il sera moins nul, au prochain bal, même si les bals, pour être honnête, il les fuit comme la peste. Ca n'a jamais été son truc, la danse, les événements officiels de ce genre et en général, il est plus le gars qui se met dans un coin de la salle, et qui regarde, qui ne fait rien et qui est très content comme ça. D'ailleurs, pour ce cours, il n'est pas non plus aussi concentré qu'il devrait l'être, s'amusant de chaque geste, mot, comme un gosse en somme. Histoire que l'attention soit attirée ailleurs, sur autre chose que ses compétences en danse donc... - Ah oui, je me disais bien que ça se passait comme ça... C'est vrai ça, non ? L'homme est supérieur à la femme, c'est bien connu donc il mène la danse, bien évidemment. Bref. Elle attrape alors sa main et commence en lançant la danse, et il suit, il est très concentré, c'est vrai pour cette fois parce que bon, il n'aimerait pas lui éclater les doigts de pieds, ça serait bien, hein. Sauf qu'il lance la conversation sur autre chose, un sujet anodin comme ça et au moment où il commence à en parler, il sent qu'il aurait du se taire. Du coup, quand Everleigh parle de Cameron, c'est tant mieux. Après tout, ce ne sont pas ses affaires et puis... il s'en fout un peu, elle fait ce qu'elle veut. - C'est ta fille qui doit être contente... Oui bon, ça aussi il aurait mieux fait de se taire, vraiment. - Bon et sinon, je suis bon là ou pas ? Je vais pouvoir arrêter de rester dans mon coin ? Non parce que c'est le but même si bon, ça ne veut pas dire que d'un seul coup, il va se mettre à adorer ça...

C'est la société qui veut ça, l'homme mène la femme subit et si c'est parfois pas idiot là pour le coup c'est un peu l'inverse. C'est moi qui mène la danse, c'est mon métier après tout, je suis là pour lui expliquer, lui montrer le guider comme un bon prof, j'suis pas ce genre de prof, de ce genre de danse mais j'vais avec. De toute façon c'est moi qui ai proposé. Sauf qu'en théorie, c'est supposé être lui qui guide, la valse c'est un peu la danse de macho par excellence. C'est sans doute pour cette raison qu'elle est toujours de rigueur dans les soirées auxquelles Fitz peut assister, ils sont du genre vieille école. Encore que le dirigeant est une femme m'enfin. C'est comme ça j'imagine. - Ah oui, je me disais bien que ça se passait comme ça... Oui évidemment. Non mais n'importe quoi. Une chance que je ne sois pas une de ces féministes tordues hein. Bref, on danse et il n'est pas très assidu même si je m'attendais à pire au moins il bouge en rythme sans être particulièrement gauche. Tant mieux me direz-vous. En tout cas il évoque un sujet assez inattendu. Le fait qu'il se passe des choses dans notre chambre la nuit. Oui mais encore ? Et bien je parle de Cameron, tout le monde connait sa réputation, sauf que ça entraîne évidemment Harlow. - C'est ta fille qui doit être contente... Hum, c'est très fin ça. J'crois que j'préférais encore qu'il me parle de Myles et moi. Bref. Je souris mine de rien. « Et sinon c'était sympa avec Mado ? » Qu'il ne se sente pas obligé de répondre en vrai, je m'en fiche totalement mais bon j'peux aussi y aller des questions gênantes. J'sais que j'ai parlé de Cameron la première mais à la limite c'est lui qui a lancé le sujet hein. Heureusement qu'il en change d'ailleurs. - Bon et sinon, je suis bon là ou pas ? Je vais pouvoir arrêter de rester dans mon coin ? Ah tiens, la danse. Hum. « Tu n'es pas trop mauvais, tu ne m'as pas encore écrasé les orteils donc j'imagine que tu vas pouvoir inviter les demoiselles à danser au prochain bal... Bon je pense qu'on peut arrêter de tourner. » Ce n'est pas que je n'aime pas ça, je pourrais continuer encore un moment mais j'ai tout simplement pitié de lui. Je suis trop bonne je sais.