sega & oliver

Je l’habitude d’avoir un horaire de vie réglé à la seconde près, sans aucune trace pour l’erreur, ou presque. Toujours la même heure de réveil, toujours la même routine matinale, toujours les mêmes préparatifs à faire au boulot, etc. Je suis maintenant confronté à une réalité tout autre, ou ma vie n’est plus totalement entre mes mains. Cupidon peut décider d’intervenir à tout moment, à tout instant, et ces ordres doivent être respectés à la lettre. Quant on l’habitude d’être son propre patron, il est désagréable d’être ainsi détrôné et de devoir subir le joug d’un être supérieur. Qui plus est, n’est qu’une image, un mythe. Personne n’a jamais ‘rencontré’ ce Cupidon. C’est la production qui tire les ficelles derrière ce curieux personnage. Ceci dit, en attendant que le chérubin daigne bien nous accorder son attention, il faut continuer de nourrir le nôtre, afin d’éviter de tomber dans l’ennui. Ce n’est pas les distractions qui manquent. Cet endroit n’aurait jamais été mon premier choix, mais ma témérité a décidé de venir me rendre visite, et elle m’a menée jusqu’à ce mur d’escalade. Je reste réellement sceptique quant à mes capacités, mais qui n’ose rien… Et puis, du moment que ça peut me distraire. En espérant que je n’y laisse pas ma peau, ça serait malin, ça… Tiens, un harnais de sécurité. Pas une mauvaise idée. Je suis d’ailleurs au prise avec ce dernier quant je remarque un nouveau venu. Le petit nouveau, justement! « T’as l’âme d’un casse-cou? » que je lui demande, cherchant à savoir si seul sa curiosité l’a amené ici, ou un réel intérêt de la chose. « Remarque, je suis loin d’être du genre téméraire, mais j’vais quand même tenter le coup. Si t’as envie de risquer ta vie en ma compagnie, t’es le bienvenu, mec ! » Je sais, tout à fait sympathique comme approche.

Quatre jours. Il a suffit de quatre jours pour que je commence à m’ennuyer. En même temps, je bosse pas, j’ai pas mes occupations habituelles, et je connais pas bien les lieux. Ok, j’ai qu’à visiter. Mais la dernière fois, je me suis à moitié pommé. Bon allé, je retente le coup. J’ai rien à perdre après tout et puis, il y a des caméras partout donc j’imagine qu’on retrouvera bien assez vite ma trace. J’espère. Ça me ferait chier que mon absence passe à la trappe. Imaginez que personne ne s’aperçoit pas que vous avez disparu, ça serait horrible. Ça se pourrait pour moi remarque. Je suis encore considéré comme nouveau, j’ai rien fait de spécial qui me rende indispensable au jeu et je suis sûr que la plupart des candidats ont déjà zappés ma présence. Bref, j’ai pas perdu mon chemin encore. Heureusement. J’arrive au niveau du décor penché puis je croise un candidat qui s’apprête à grimper et qui m’aborde. Je crois qu’il est dans mon équipe lui. Est-ce que je suis casse-cou ? « Complètement ! Tu ne sais pas à qui tu as affaire. » J’essaye de rester sérieux quelques instants histoire de paraître crédible mais j’ai des doutes quant à mes performances de comédien. Là, j’imagine qu’il doit penser que je suis un grand aventurier ou que j’ai réalisé un exploit sportif. Mais non. Rien de tout ça. « Je suis un grand sportif. Genre je cours tous les jours pour avoir un bus, je me tape tous les jours les cinq étages à pied de mon appart’ vu qu’il a pas d’ascenseur, quand je fais les courses j’ai l’impression d’avoir gravi l’Himalaya et.. » Je m’arrête net, j’adresse un sourire à mon interlocuteur puis je reprends. « Je plaisante. » Enfin qu’à moitié. Vivre en plein centre de Paris, c’est du sport, faut pas croire. « Je suis pas vraiment sportif ni aventurier. » Bon, au moins, le candidat n’aura pas le devoir de m’impressionner ou de se donner à fond pour ne pas se ridiculiser. Avec moi, il craint rien. J’ai dû faire de l’escalade quand j’étais jeune mais je suis loin d’être un expert. « Faut savoir prendre des risques. » Autrement dit, je suis partant pour l’accompagner dans sa quête du Mont-Blanc. Je m’empare d’ailleurs sans plus attendre d’un harnais de sécurité tout comme lui histoire de minimiser les risques. « Dis, t’es français ? » Je viens de capter son accent qui ressemble étrangement au mien. Après, peut-être que je me trompe. Si c’était le cas, je me prendrais un gros bide. Je l’imagine déjà me répondre « non ». J’aurai l’air fin pour le coup. Enfin ça reste quand même plausible. C’est pas comme si je lui demandais si il est chinois non plus.

Et voilà qu’il me sort un grand discours sur ces exploits, et même si je suis conscient que tout ceci est loin d’être sérieux, je conserve un visage impassible, acquiesçant à chacune de ces remarques, faussement impressionné par ses propos. Sa tirade se conclut en me confirmant ce que je savais déjà : que tout ceci n’était qu’une vaste plaisanterie. « Je suis pas vraiment ni aventurier. » Je rigole un peu. « Tu m’étonnes, avec ton pedigree, je commençais à en douter. » Il est vrai que pour vivre à Paris, certaines de ses références m’ont semblés plutôt familière. Les longs escaliers de mon ancien appartement, notamment. Ah, que de souvenirs... douloureux pour mes mollets. « Faut savoir prendre des risques. » me lâche-t-il en fait, et j’en déduis qu’il a fait son choix. Il daigne finalement se joindre à moi, et le voyant s’attaquer à son harnais de sécurité, je peaufine les derniers détails quant à la mienne. Mieux vaut être prudent. J’aime mieux passer pour un obsédé de la sécurité que de me retrouver aplatit contre le sol. « Dis, t’es français? » qu’il me demande, alors que nous nous attardons à nous préparer à notre périlleuse escalade. « L’accent qui t’as mis la puce à l’oreille, j’imagine. » laissais-je entendre, répondant à sa question par une remarque plus ou moins révélatrice de la vérité. « Mais ouais, je suis français. Je vis sur Paris depuis que je suis gamin. » Tant qu’à le titiller avec un semblant de réponse, soyons direct. J’aime quand les choses sont claires, nettes, précises. Je déteste les approximatifs, les ‘peut-être’, etc. Je tire une dernière fois sur l’une de mes sangles, pour tester sa solidité, puis avise mon camarade. « Je me lance, mec, alors souhaite-moi bonne chance. » J’en aurais surement grand besoin. Parce que l’escalade, c’est pas tellement mon truc. Mais n’ayant rien de mieux à faire ici, autant tester quelque chose de nouveaux, question de pimenter mon quotidien.

Parfois j’en fais trop. J’me rends pas compte. C’est mon caractère et ma personnalité qui veulent ça. Je suis assez extraverti comme garçon. Et j’aime beaucoup voir énormément bavarder. J’ai besoin de ça. J’ai donc tendance à être une vraie piplette facilement, à débiter un nombre de conneries incalculable et à raconter des choses inutiles aussi. C’est comme ça. Je crois que je changerai pas. Après, j’sais faire des efforts et rester soft aussi mais le naturel revient toujours au galop. Et là, clairement, Oliver paye les frais de mon naturel. Il a droit a une longue tirade sur mes exploits.. hum.. sportifs. Ça le fait un peu rire mine de rien. Sa remarque aussi me fait rire. Surtout le mot « pédigrée » qu’il emploi. Je sais pas pourquoi mais ce mot m’a toujours fait pensé à d’la pâté pour chien. Ah bah si, en y réfléchissant, je crois que c’est une marque de nourriture canine. Bref, je rejoins sans plus attendre Oliver dans son défi sportif. J’vais ainsi l’encourager et en même temps, ça va me motiver aussi à me bouger les fesses. J’ai besoin de perdre ma graisse alors j’estime que tout sport est bon à prendre. J’attache mon harnais de sécurité autour de moi en m’inspirant de celui déjà placé sur le corps du candidat. Car ouai, c’est pas vraiment évident de trouver le bon sens et comment bien le mettre. Je préférerai d’ailleurs qu’un professionnel nous assiste mais bon, j’imagine que la prod’ n’est pas folle et qu’il n’y a pas vraiment de gros risque. « Tu penses que c’est bon là ? » Au cas où, je préfère demander l’avis du jeune homme. Ça ne coûte rien. Ça serait bête de crever à cause d’un problème technique. Puis je capte alors que l’accent du futur cascadeur m’est familier. Il est français ! Je suis quasi sûr. Je lui en demande la confirmation. « Oui, c’est l’accent. » Bingo ! J’en rigole car je connais tout à fait ça, étant moi-même français. Malgré le fait que j’ai un très bon niveau d’anglais de part mes études et mes expériences à l’étranger, je garde quand même cette French touch dont il est très dur de se débarrasser. « T’es sérieux mec ?! Moi aussi ! » Moi, enthousiaste ? Noooon. Bon, c’est pas comme si il y avait des candidats venant de tous les pays du monde mais quand même, je trouve ça sympa. Je me sens moins seul du coup. « T’es de quel arrondissement ? » Bah quoi, si ça se trouve on est voisin ou on a des amis ou connaissances en communs. Ça peut être drôle. Bon, après, ça m’étonnerait un peu. Paris, c’est une très grande ville. Quelques instants plus tard, voilà qu’Oliver se lance dans la montée de l’Everest. Je me dois donc de l’encourager car le prochain à y aller, c’est moi. Et merde. « Courage ! Tu peux le faire ! » Je le regarde monter tout en me disant qu’il se débrouille bien quand même. Je sais pas si je serai aussi douer que lui. La dernière fois que j’en ai fais, je crois que j’avais genre.. douze ans. Ouai, ça remonte. Puis quand on est petit, c’est facile aussi. « Ça va ? Tu t’en sors ? »