Prime fini. Blaise restait. C’était tout ce que j’avais retenu de la soirée de la veille. Le plus important à mon sens, le reste m’importais peu en fait. Puis tout de suite -ou presque- après le prime j’étais montée me coucher, toujours fatiguée, esquintée même, en fin de semaine. Et le lendemain, par ne sait-on quel miracle, je m’étais levée relativement tôt. En quittant la chambre et ses habitants encore endormi, j’attrapais un pull à Blaise et l’enfilais. Il me devait au moins ca le gay. Faisais escale dans la salle de bain puis l’envie d’air frais me conduisis jusqu’aux tables. Quelqu’un y était déjà, je n’en tenais pas compte, ou y fis à peine attention, je sortais une cigarette de ma poche et l’allumais. Entendais la personne avachie sur la table bouger et me retournais. « Tiens Austin » fis-je un fin sourire s’étirant sur mes lèvres. Il était d’ailleurs l’un des rares habitants avec qui je n’avais pas eu l’occasion de « parler » et qui pourtant j‘entendais ici et là des choses le concernant, comme par exemple hier avec l’annonce de Cupidon..

Salut Rusty, lui lançais-je poliment avant de détourner mon regard pour le fixer à nouveau dans l'horizon, le vide. Comment vas-tu ?

« Salut Rusty. Comment vas-tu ? » répondit-il poliment alors que je l’observais fixement, adossée à l’espèce de rambarde. Il engageait la conversation et me demandais si ca en valait la peine de répondre. Allais-je lui laisser une espèce de « chance » ou simplement le rembarrer. J’avais, comme beaucoup, entendu ici et là des choses franchement pas glorieuses à son sujet, parfois même à la limite du pathétique. Aller Rusty, un peu de compréhension face à un homme au bord du gouffre. « Mieux que tu ne sembles l’être apparemment » fis-je simplement en tirant sur ma cigarette. Je ne comptais pas lui demander un récit détaillé du pourquoi du comment et bien que ca ne m'intéressais pas je n'allais pas ouvrir les hostilités dès maintenant, si hostilité il y'avait. Évidement que j'en étais capable, tout autant que d'enfoncer les gens un plus dans le "malheur", désespoir, par pur et simple plaisir.

Je tirais à nouveau sur ma cigarette, commençant à faire des ronds avec la fumée, on s’amuse comme on peut hein. « Ne t'inquiète pas, va ! Je vais plutôt bien ce matin. » dis-je feignant un sourire que je décelais aisément faux. Bon. « Mes maux de têtes semblent avoir pris une pause-café, alors autant en profiter. » continua-t-il et je l’écoutais sans afficher une moindre expérience. Impassible, neutre, comme toujours. Scrutait son expérience, analysais son comportement, je n’étais pas psychanalyste mais j’aimais observer les gens. Généralement, on en apprenait bien plus sur les gens en sachant les observant qu’en les écoutant parler, parler, parler. « Tu as bien dormi ? » C’était d’une banalité et d’un ennui. D’un côté, je ne le connaissais pas et inversement, c’était normal dans un sens. Et puis, je ne faisais pas plus d’effort que cela à lancer une conversation. Au moins, je le lui concédais. Et je portais une nouvelle fois ma clope à mes lèvres tel un automatisme, un geste machinal, routinier, ne répondant pas à sa question. « Quel curieux personnage, vraiment déprimant oui tu me fais presque pitié Austin » dis-je ensuite l’air absente, mes prunelles fixant néanmoins les siennes. Oh non je n’étais pas méchante, je faisais juste le constat. Peut être ma franchise ne serait pas appréciée, mais j'étais ainsi. « Pourquoi agis-tu comme ça » demandais-je ensuite cherchant à comprendre –pour une fois- pourquoi les gens déprimaient aussi facilement et pourquoi surtout. Etaient-ils juste trop sensible et craquaient au moindre truc. Ou alors, il y’avait une raison béton à cela ? J’avais soudainement l’impression d’être étrangère à ce genre de ressenti. Non qu’il ne m’arrivais pas de déprimer de temps à autres, mais c’était généralement du à un énervement passager, sur le moment puis il disparaissait aussi rapidement que cette déprime était survenue. Mais lui jamais plutôt l’impression que c’était permanent.