Je ne sais pas trop ce que je fais ici. Je ne suis pas une adepte de la littérature il faut le dire. J'ai parfois l'impression de manquer de culture, mais ces dernières années je n'ai pas eu une seule seconde pour moi, pas un seul moment pour ouvrir un livre. Et au fond, je dois dire que cela ne m'a pas beaucoup manqué. J'ai toujours été bien plus manuelle qu'intellectuelle. J'aurais parfois aimé que la balance soit un peu plus équilibrée. On ne peut pas tout avoir dans la vie. Je me dis que je pourrais peut-être profiter d'un peu de temps libre pour lire un livre. Je ne sais pas à quand remonte la dernière fois où j'en ai eu le temps. Ici j'ai fait bien des choses dont je n'avais plus le temps dans ma vie de tous les jours. Je vais prendre plus de temps pour moi quand je sortirai. Ma vie ne sera de toute manière plus du tout la même. Si je suis bien ici, quelque part, j'ai hâte de sortir, de voir comment tout va changer, d'avoir un peu d'intimité, de ne plus être épié constamment. Je dois encore m'y faire un peu, ce n'est pas grave, j'aime être ici. Je vais peut-être avoir le temps de lire, ce serait bien. Je rentre dans la bibliothèque sans faire un bruit. Je jette un rapide coup d’œil autour de moi, je marche un peu et je finis par tomber sur Cosmas. Je crois qu'il ne m'a pas entendu, je vais vers lui et pose une main sur son épaule. « Bon alors dis-moi de qui tu te caches ici ? T'as fait un truc grave ? » Je plaisante bien évidemment, je pense qu'il peut le voir au léger sourire qui se dessine sur mon visage. C'est simplement une manière comme une autre d'entamer la conversation.

Mon amour pour les livres remonte à ma plus tendre enfance. Si je suis parti du lycée avant d'obtenir mes diplômes, c'est bien parce que j'avais envie d'en apprendre plus sur moi même, mon identité, et du coup, mon père, que sur le passé de la Grèce et les mythes s'y cachant. Je connais toute la mythologie grecque, ou presque. Les trois quarts des dieux, même les moins connus, les légendes antiques, les héros de mes ancêtres, du côté de ma mère ... Ces contes font partie de moi, et je les chérirai jusqu'à ma mort. Je devrais peut être chercher un livre sur la mythologie de mon pays, tiens, si telle chose existe, à "Los Angeles", la ville des Anges. Peut être qu'un mythe que j'avais oublié y figurerait ... Voire, même, un que je ne connaissais pas encore. Je sens alors une main se poser sur mon épaule. À en juger par son poids, c'est celle d'une femme. Me retournant doucement, je reconnais le visage d'Avalon, qui semble également m'avoir reconnu, malgré son affliction. Ça me fait sourire. Je dois avouer en être un peu flatté. C'est un privilège que je pensais unique à Enoch, et aux autres rares intimes qu'elle voyait assez souvent pour se rappeler des traits de leurs visages. Après, vu qu'elle ne m'a pas appelé par mon prénom, peut être que je me trompe ... Et pourtant, j'ai envie de croire que non. Qu'elle se rappelle vraiment de moi de par ma taille, mon apparence.

- Je cherchais le dernier endroit où je serais capable de tomber sur Jaileen. je lui avoue alors, plaisantant à moitié. Moi aussi, je sais plaisanter, après tout. Je réponds à son sourire, avant de lui demander, plus sérieusement.

- Comment vas-tu ? Tu n'avais pas l'air dans ton assiette, au Prime ... Et la nomination d'Enoch ne doit pas la rassurer, en plus.

Peut-être que je parviendrai à lire un livre avant que je ne sorte du jeu. Je n'en sais rien, je n'ai jamais aimé beaucoup lire en réalité. Un livre de temps à autre, mais je crois que maintenant ça ne me dérangerait pas, j'y trouverais sans doute une certaine forme de plaisir. Ça me permettrait de m'éloigner un peu de la réalité, de me changer les idées. Ce serait une bonne chose que je m'éloigne parfois un peu de mon quotidien. Je dois profiter de l'aventure tant que je le peux encore de toute manière, tout sera bientôt terminé. Le temps est passé vite, un peu trop vite d'ailleurs. Ce n'est de toute manière pas encore le temps de tirer un bilan de tout ça, j'ai encore une semaine pour ça. Pour l'heure, je veux simplement profiter de mon temps libre. Je n'en aurai pas autant une fois dehors. Je traîne un peu dans cette bibliothèque, jetant un rapide coup d'oeil aux livres, avant d'apercevoir une silhouette non loin de moi. Désormais je n'ai plus aucun mal à reconnaître les autres candidats, je vis avec eux vingt quatre heures sur vingt-quatre et nous ne sommes plus beaucoup. C'est désormais beaucoup plus aisé pour moi, je reconnais facilement Cosmas de qui je m'approche. Pour plaisanter, je demande de qui il se cache. Il cherchait le dernier endroit où pourrait se trouver Jaileen, ce qui me fait rire légèrement. Même si ce n'est pas nécessairement gentil, je ne pense pas que ce soit une idiote. Je ne suis de toute manière pas là pour lui faire la morale. « A ce que je vois tu ne la portes toujours pas dans ton cœur. » je lui dis dans un sourire. On n'est de toute manière pas obligé de s'entendre avec tout le monde. Puis il me demande comment je vais, il a vu que je n'étais pas bien durant le prime. Oh donc, quelqu'un avait remarqué ma présence ? Je plaisante. « C'est vrai que je n'ai pas très bien vécu le prime, mais ça va mieux maintenant, c'est du passé. » Oui les abandons soudains, la fille d'Enoch, sa nomination, tout ça j'avais eu du mal à tout encaisser, mais j'avais eu du temps pour digérer toutes ces nouvelles depuis. « T'imagines c'est bientôt la fin, j'ai l'impression que ça a commencé seulement hier. » que je dis finalement. C'est ce à quoi je pense depuis tout à l'heure, ça me trotte dans la tête.

Je lui donne la première réponse qui me vient à l'esprit : "le premier endroit sans Jaileen". Je suis sûr que Jaileen ne sait même pas lire ... Enfin, non, quand même pas. C'est de la mauvaise foi, là, je l'admets. Par contre ... Par contre, je suis sûr qu'elle n'aime pas ça. Avalon me dit alors voir que je n'affectionne toujours pas particulièrement la belle blonde. Je réfléchis, un bref instant. Elle n'a pas tort. Comment lui dire que celle-ci fait tout pour m'insupporter, en même temps ? Le simple son de sa respiration me casse les oreilles, pour vous dire ... Et pourtant, je dois moi-même avouer que nos animosités se sont largement calmées, ces dernières semaines ... Surtout depuis le Prime de l'immunité, je crois. Quand on était nominés tous deux.

- Je suis très loin de tomber sous son charme, oui. Mais ça va un peu mieux, je crois. Je réponds à son sourire. Elle en a un beau, d'ailleurs, de sourires. Il lui va très bien. Elle me dit aller mieux depuis le Prime, et j'ai envie de le croire, même si quelque chose me dit qu'il lui faudra un peu plus d'une poignée de jours pour que tout cela soit vraiment derrière elle. Compassion. C'est ce que je ressens, en cet instant. Avalon, je la trouve touchante. J'ai envie de la voir aller loin, elle. Elle et Enoch. Ils vont tellement bien ensemble, les deux, en plus. Elle parle alors de la fin, ce qui me surprend un peu. En tous les cas, je comprends absolument son ressenti. Je baisse solennellement de la tête, avant de chuchoter, entre mes lèvres :

- Pareil. Je ne veux pas repartir. Je crois que c'est la première personne à qui je l'admets, à défaut de l'avoir admis à moi-même. Et ça, en plus, je ne suis pas certain de l'avoir fait, donc bon. Tu vas où, après, toi ? Tu retournes en Europe ?

Je ne sais pas trop pourquoi il semble y avoir cette animosité entre Cosmas et Jaileen. Je ne lui ai jamais demandé pourquoi. C'est leurs affaires après tout, je ne veux pas m'immiscer là-dedans. S'il ne semble pas particulièrement s'apprécier, je pense qu'il n'y a rien de grave dans cette histoire. On ne peut pas aimer tout le monde ce serait impossible, c'est bien normal que parfois deux candidats ne s'apprécient pas. Ce serait presque inquiétant que tout le monde s'aime. Il me dit pourtant que ça va un peu mieux entre eux. « Qui sait à la fin de l'aventure, ce sera peut-être l'amour fou entre vous. » Je plaisante, je pense qu'il ne faut pas non plus trop en demander. Et puis Cosmas est avec Odessa non ? Et Jaileen semble avoir un truc pour Valeri, je ne sais pas, je me perds dans toutes ces histoires. En tout cas je lui assure que je vais mieux depuis le prime de dimanche. J'ai pu parler à Enoch de sa fille, cela dit il est toujours nominé. On verra bien dimanche, c'est plus proche que je ne veux le penser. Tout comme la fin du jeu, plus qu'une semaine peut-être deux, même si honnêtement je n'y crois pas trop. Cosmas lui ne veut pas repartir. « Il y a une raison particulière à ça ? » Peut-être qu'il n'a pas envie de revenir à son quotidien, pour une quelconque raison, je ne sais pas. Personnellement je suis nostalgique c'est vrai, mais j'ai aussi hâte de sortir d'ici, de ne plus être épiée. « Oui je retourne chez moi en Irlande. Et toi ? Tu vas revoir Odessa ? » J'imagine que oui, je ne sais pas, ce ne sont peut-être pas mes affaires.

Je ne peux m'empêcher de rire, fortement, à l'hypothèse d'Avalon. La notion m'en semble tellement grotesque que je suis incapable de me l'imaginer, ne serait-ce que dans un univers alternatif.

- "Fou" est sans doute le mot le plus réaliste des deux. Je lui réponds alors en souriant, avec douceur. Nous discutons calmement. C'est le genre de conversations que j'affectionne particulièrement, pour tout vous avouer. C'est le genre de conversations agréables et paisibles qu'on ne peut pas avoir avec n'importe qui, voyez-vous. Pas avec Jaileen, certainement pas. Avec Avalon, par contre, si. Elle me demande donc les raisons qui me poussent à ne pas vouloir rentrer et, inspirant profondément, je lui fais alors mes aveux :

- Disons que j'aime bien l'environnement, ici. À défaut de lui avouer ne pas vouloir me retrouver face à la vie que j'ai échappé à tous prix. Une pause. Puis ... Mais bon ... Il faut bien rentrer un jour, hein ... Rester ici pour une éternité doit être ennuyant, à la longue, surtout pour un voyageur invétéré tel que moi. Avalon dit alors qu'elle retournera en Irlande, une fois Fake Lover terminé, et je ne peux qu'approuver ce choix : Odessa et Hadatt devraient y être, eux aussi, et si je ne souhaite en aucun cas revoir Anna, eux, je suis impatient de les retrouver. Elle me renvoie alors ma question et je souris, doucement.

- Irlande aussi, je crois bien, et oui, je vais essayer de le faire. Et Hadatt, aussi, si j'y arrive ... Dis ... Toi ... Tu vas retourner vivre ta vie, comme ça, normalement ? J'imagine que ma question semble bien plus étrange qu'elle ne l'est nécessairement, donc je me corrige : Je veux dire ... Est-ce que l'aventure Fake Lover t'a donné envie de changer tes habitudes ? Enfin ... De vivre différemment une fois rentrée chez toi ?