En entrant dans le château, elle savait que sa vie lui manquerait assez rapidement. Elle aurait simplement préféré que le rapidement en survienne pas aussi vite. Au bout d’une heure allongée sur son lit à fixer le plafond, elle finit par craquer. Ses pas la menèrent jusqu’à la salle de surveillance où elle pénétra sans vraiment y penser. Une personne se tenait déjà devant les écrans et Inès prit place sur une chaise à côté de cette dernière. « Dis-moi qu’il se passe quelque chose, n’importe quoi. » A ce stade là, elle était même prête à regarder une télénovela avec de mauvais doublages. « Une bagarre, un triangle amoureux, une chute. » Oui, n’importe quoi tant qu’il se passait quelque chose. La télévision lui manquait. Elle ne la regardait quasiment jamais mais suivait ses séries favorites sur internet. Elle n’allait nulle part sans son mac. Enfin si, à Fake Lover. Au point où elle en était, elle serait même retournée en cours. Ils devaient s’amuser un peu plus qu’elle en cet instant. C’était assez déstabilisant, de changer radicalement de vie et parfois c’était plus difficile à supporter. Aujourd’hui était un jour sans. Elle espérait qu’il y aurait très vite un jour avec parce qu’elle en aurait besoin rapidement. « Moi c’est Inès, par ailleurs. » Elle n’avait pas était spécialement polie dans son empressement de trouver quelque chose pour s’occuper et en avait momentanément oublié les bonnes manières.

J'essaye de passer autant de temps que possible dans la salle de surveillance. Pas par voyeurisme (c'est pas spécialement mon keaf, du moins pas plus que ça), plutôt parce que je ne perds pas de vue le principe du jeu, et après tout nous sommes là pour découvrir les secrets des autres candidats alors autant commencer à se renseigner et à émettre des hypothèses aussi tôt que possible. Néanmoins, je n'ai pas l'impression d'apprendre grand-chose via les caméras. Y a-t-il vraiment des candidats qui trouvent des secrets simplement par ce biais ? Si j'avais réussi à remporter quelques indices, ça m'aiderait sans doute, mais là je sèche. Distraitement, j'observe mes candidats du coin de l'œil, perdant progressivement le peu d'intérêt que je leur vouais encore. Si bien que quand quelqu'un vient me rejoindre, je me relève aussitôt du canapé dans lequel je me morfondais, dressant le cou pour apercevoir une jeune femme, Inès je crois. Deuxième semaine de jeu, je crois que j'ai retenu la plupart des prénoms. Je crois. « Désolée de te décevoir mais il se passe pas grand-chose. Telle que tu me vois, j'étais à deux doigts de m'endormir. » je confesse en étouffant un bâillement. Je suis pas fâchée de recevoir une telle visite du coup, ça va me tenir éveillée. Je zieute l'air de rien Tiago rejoignant Eibhlin sur l'écran qui montrait les écuries. Rien de bien passionnant pour le moment. « Et ce matin, le truc le plus incroyable auquel j'ai assisté, c'est Ivan servant un petit déjeuner au lit à India, elle a tiré la bonne pioche celle-là niveau partenaire. » je commente avec un demi-sourire, même si somme toute j'étais très satisfaite de ma pioche à moi, et ne l'échangerais avec India pour rien au monde. Je porte ensuite mon regard sur Inès, qui se présente, et je ne juge pas opportun de lui signaler qu'il s'agit d'une formalité superflue. « Enchantée, Inès. Moi c'est Aliénor. » je fais avec un sourire poli, toujours un peu amusée par ces formules de politesse. Mais bon, je préfère de loin les petits ragots juteux aux politesses inutiles. « Et toi, t'as déjà vu des trucs intéressants ici ? Sérieusement, je me demande si je perds pas mon temps… » C'est vrai quoi, il se passe rien – quand je suis là en tout cas. J'étais où quand Pavel et Kinga se sont sautés dessus, hein ?

Un soupir de dépit passe ses lèvres lorsque la demoiselle lui apprend que rien ne se passe sur les écrans. Au moins, elle aurait quelque chose de plus passionnant à observer que le plafond. Elle décida donc de rester, ne perdant pas espoir d’assister à quelque chose d’intéressant. Quittant les écrans des yeux, Inès observa la demoiselle qui affirma que ce matin non, plus il ne s’était pas passé grand-chose. Finalement, elle n’était pas la seule à s’ennuyer si elle était là depuis si longtemps. Et effectivement, India en avait de la chance. Elle n’en mettrait pas vraiment sa main au feu mais n’était pas particulièrement convaincue que Betty cuisinait beaucoup mieux qu’elle. Inès n’était pas particulièrement mécontente de s’être retrouvée avec la brune mais elles ne venaient vraiment pas du même monde. « Effectivement, il y en a qui ont de la chance. C’est le grand brun Ivan ? » Cela ne devait pas vraiment l’aider à voir de qui elle parlait puisqu’ils étaient plusieurs à répondre à cette description. Pour autant, Inès était bien déterminée à repérer le jeune homme et voir si elle ne pouvait pas bénéficier du même traitement. Pas en ce qui concernait la partie qui impliquait le lit, elle ne mangeait pas là où elle dormait mais ne serait vraiment pas contre se lever et trouver le petit déjeuner prêt. Non, vraiment pas contre. Elle quitta à regret ses songes pour essayer de se garder en mémoire le prénom de la demoiselle. Aliénor. Elle devait probablement être française. Bien que maintenant, cela ne voulait pas dire grand-chose. Surtout pas ici. Après tout, certains parents appelaient bien leurs enfants Kinga alors… De son côté, Inès n’avait assisté à pas grand-chose d’intéressant non, comme l’indiqua son hochement de tête. « Non, à croire qu’on est tombé sur la mauvaise saison. » C’était un peu plus intéressant de l’autre côté de la télévision, il fallait l’avouer. Au moins, elle pouvait voir l’ensemble, assister à ce qui était intéressant au lieu de tout rater. « Ah si, j’ai entendu Betty tomber du lit. » Ce qui était la chose la plus intéressante qui lui soit arrivée jusqu’ici. C’était un peu pitoyable. « On pourrait peut-être créer des conflits, rapprocher deux trois personnes. » Elle était loin d’avoir envie d’endosser le rôle de marieuse mais que ne ferait-elle pas pour avoir un peu d’action. « A ton avis, qui serait le plus susceptible de s’énerver après quelqu’un d’autre ? » Elle avait entendu que quelques problèmes sévissaient déjà entre certaines personnes.

Oui il y en a qui ont de la chance. Ceci dit, j'estime ne pas avoir à me plaindre ; je ne suis pas trop mal tombée avec Lewis, et même s'il ne m'apporte pas (encore) mon petit déjeuner au lit, je suis heureuse de l'avoir en tant que partenaire. Qui sait si je pourrais en dire autant d'Ivan ? Après tout, je ne lui ai jamais adressé la parole, et si ça se trouve on s'entendrait comme chien et chat. Donc non, vraiment, y'a pas à chier, je n'échangerais avec India pour rien au monde. « Ouais ouais, c'est celui-là, avec les bouclettes et tout. » Je hoche ensuite doucement la tête quand Inès émet l'hypothèse que nous sommes tombées sur la mauvaise saison. C'est possible. Même s'il faut laisser le temps faire son œuvre – les tensions se créeront bien assez tôt, et il risque d'y avoir de la romance dans l'air dans très peu de temps (et qui dit romance dit surplus de tension). « Tout cela avait l'air plus palpitant depuis notre canapé, n'est-ce pas ? » je commente avec un demi-sourire. Il était toujours très étrange de découvrir l'envers du décor. « Faut dire que personne ne sélectionne pour nous les moments les plus croustillants de la journée, comme ça peut être le cas avec une quotidienne. Fake Lover c'est du 24/24h pour nous, alors forcément le croustillant est bien dilué dans la masse soporifique de notre routine quotidienne. » Nul doute que les scores d'audience seraient bien moins bons si les téléspectateurs avaient le loisir de nous observer vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Un sourire amusé prend place sur mes lèvres à la vision de Betty tombant du lit. Tiens, elle aussi je lui avais jamais parlé, faudrait peut-être que je fasse un effort ? On verra. Inès émet ensuite une suggestion qui ne manque pas de susciter tout mon intérêt, comme en témoigne mon regard soudainement beaucoup plus brillant. « Huum, l'idée est assez séduisante, en effet… » Je réfléchis à toute vitesse. Le tout est de savoir qui prendre pour cible… ? Malheureusement, je n'ai suivi que très distraitement les divers conflits qui ont pu opposer certains candidats jusque-là. Y'a eu un clash Zoran/Kinga, il me semble. Eibhlín a suffisamment de répondant pour se mettre quelqu'un à dos sans le vouloir également, et puis il y a bien Henley qui n'est, apparemment, pas réputée pour son tact (même si personnellement je ne trouve rien à redire à son attitude) et puis évidemment Pavel, mais, si des noms me viennent à l'esprit, je n'ai pas encore l'idée lumineuse, le concept qui tue tout, aussi je juge plus opportun de rester silencieuse pour le moment. « Bonne question… Mais je vais définitivement y réfléchir. L'aventure a définitivement besoin d- » Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase, interrompue par une petite musique que nous commençons tous à bien connaître. Un rictus sarcastique s'empare de mes lèvres. Mais bien sûr… Était-ce là un message subliminal de notre cher Cupidon ? Une manière de nous rappeler que c'est lui qui tire les ficelles, ici, et pas nous ? Ou bien est-ce qu'il cherche à guérir notre ennui à sa façon ? « Bien. Il semblerait que je doive t'embrasser, j'espère que tu n'y vois pas d'inconvénient… » je précise avec un sourire mutin, en me rapprochant légèrement. C'est que je suis proche de mes sous, moi, et bien décidée à suivre les règles du jeu ; qu'elle me dise non et je lui saute dessus tout de même, on ne plaisante pas avec ces choses-là.