too much.

APOLLINE.

La loge de maquillage, c'est la pièce où je risque bien de me marrer. Je demande mon chemin, un sourire mesquin parce que j'ai trop hâte de voir des filles moches essayer de croire qu'elles peuvent être potable avec trois centimètres de fond de teints, trois milles couleurs de fard. Non, t'es moche, tu vas rester laide ma fille, ça ne va rien changer, sinon peut-être te faire apparaître des boutons, et t'auras tout gagné. Je pousse la porte de la pièce avant mon coude, je ne veux pas attraper des microbes en utilisant la poignée que les gens bassement humains ont pu utilisé. Il ne faut pas tout mélanger. Un beau spécimen apparaît, face à moi. « Wow » je commente simplement. Sans déconner, il me faut des lunettes de soleil pour la regarder en face. Je fais mine d'être éblouie par la demoiselle, je mets mes deux mains en visière, au niveau de mon front, un rictus déformant ma bouche parfaite. « Toutes les couleurs de la gay pride dans tes cheveux c'est un choix artistique ou une colo ratée ? » je siffle alors de ma voix rauque parce que je tente de comprendre. Si c'est l'option de la colo, j'crois qu'elle peut faire un procès à sa coiffeuse, je serais ravie de l'aider, j'ai quelques bases en droit. « Fascinant » je commente simplement en tournant d'elle un instant, soulevant quelques mèches de temps en temps. « Comme certaines couleurs hideuses agressent la rétine mais rendent quand même bien sur toi » je lâche avant de m'écarter d'elle de quelques pas en arrière pour avoir une vue d'ensemble. Je l'observe comme un collectionneur devant une oeuvre d'art. Si elle était une oeuvre d'art, elle sera soit un dessin d'un gamine de cinq ans ou le tableau d'un peintre daltonien doublé d'un drogué.

Je me rends dans la loge maquillage, après qu'une idiote m'a accidentellement collé son chewing-gum dans les cheveux. Non, mais les gens ici sont complètement fou, elle a de la chance de ne pas l'avoir fait exprès, je l'aurais certainement tué après ça. Je rentre donc dans la loge, me plaçant devant une glace retirant alors à l'aide de mes seules mains comme outils ce putain de chewing-gum, voilà qu'une fille sortit de nulle part s'en prends à la couleur de mes cheveux. Tiens, tiens une perturbatrice. Je la laisse faire son cirque devant les autres greluche de la pièce, pas du tout intimidée par son comportement. Lorsqu'elle en vient à toucher mes cheveux, je ne peux m'empêcher cependant de taper dans sa main pour la reculer. Il y a des limites à ne pas dépasser. Je finis alors par me lever de ma chaise et lui faire face, avec un sourire tout ce qui à de plus hypocrite. « C'est incroyable, ça va être la douzième saison de Fake Lover et il y en a toujours une pour tenir le rôle de la pétasse en chef. C'est cool, je pense vraiment que tu vas être prise. » Je prends alors la pose, mimant quelqu'un en train de réfléchir. « Laisse moi deviner, ton secret ça doit être un truc du genre je suis l'ex call-girl d'un politicien ou la future pute de luxe d'un vieux très riche. Tiens, ton premier billet symbolique ! » Je finis alors par sortir un billet de cent euros de mon porte-monnaie qui se trouvait dans la poche arrière de mon jeans et le lui glisse directement dans son décolleté. « Tu vas pouvoir t'acheter une nouvelle poitrine, parce que ça m'a l'air aussi vide là ... » Je pointe son décolleté du bout des doigts. « Que là ! » Et je lève alors mon doigt que je pose sur son front, mon sourire s'élargissant un peu plus. Cette garce ne m'aura pas aussi facilement.

Elle me casse déjà les ovaires, pourtant je la trouvais cool avec ses couleurs de perroquets exotiques sur la tête, mais elle veut faire la maligne. Pétasse en chef, j'aime bien perso c'est toujours mieux que n'être rien. Au moins on parle de moi, mon prénom sera sur toutes les bouches. « C'est incroyable ça va être la douzième saison de fake lover et il y en a toujours une pour tenir le rôle de l'idiote de service aux jugements erronés avec une pseudo répartie » je plagie volontairement en prenant la même petite pose qu'elle, je suis son miroir, ou alors une version améliorée quoi. Elle en déduit que je suis une pute. Pardon. J'arque un sourcil en la regardant de haut, elle ajoute de luxe, ouais, j'préfère. « J'suis Zahia 2.0 » je souffle alors en levant mes yeux saphirs au ciel. Elle est vraiment con en fait, je pensais qu'elle le faisait exprès mais non. Putain, ça doit être dur au quotidien, de vivre comme ça, mentalement réduite, je n'éprouve qu'une sorte de compassion étrange à son égard. Elle glisse un billet de 100 dans mon soutif. Je ne le récupère pas tout de suite, étonnée qu'elle le lance comme ça, qu'elle le gaspille pour une simple pute, comme elle dit. Ça se voit que ce n'est pas elle qui le gagne, son fric, je vous le dis. Je n'ai pas de poitrine, j'esquisse un sourire mauvais. « C'est marrant de se faire juger sur son physique par une meuf qui ressemble à rien » je lance parce que c'est vrai, elle a pas vu sa gueule la meuf, un vrai épouvantail. « L’hôpital qui se fout de la charité » je complète. Je ne relève pas pour ma tête qui sonnerait creux, je n'ai rien à prouvé de ce côté là, contrairement à elle. J'affiche simplement un sourire désolée à son égard, elle me fait de la peine.

Dis donc, c'est qu'elle semble pas vouloir lâcher l'affaire. Je suis pas du genre à me battre pour avoir le dernier mot, à partir du moment où j'ai dis ce que j'avais à dire, je ne préfère même plus rentrer dans son idiotie. Surtout que les autres filles nous regardent toutes les deux comme si on était deux extraterrestres. Ça ne me dérange pas, mais c'est clair que je préférerais me faire remarquer autrement qu'en répondant à ses provocations. Elle reprends ma phrase qu'elle transforme bêtement. Je l'écoute pas vraiment, car je me demande si je peux lui coller un procès pour plagiat, ça serait sympathique de la voir pleurer devant monsieur le juge, enfin je divague. Lorsque je l'insulte de pute, elle semble bien le prendre, en se proclamant elle-même de Zahia 2.0, du coup je soupire. Elle est vraiment désespérante en fait. Elle continue son cirque, mais je finis par ne plus l'écouter et je lève ma main pour la placer face à son visage. « Comme dirait ta compatriote Nabilla, les aigles ne volent pas avec les pigeons, donc évite de m'adresser la parole si pour que chacune de tes paroles soient comparables à de la merde. » Je plante alors mon regard azur dans le sien, sans sourciller. Je m'attends encore à une parole sanglante de sa part, mais ça ne me fait rien. Cette fille est une idiote, c'est tout ce que je retiens. Ils sont encore tous là à nous fixer et ça commence vraiment à me gonfler. « On est au zoo c'est ça, c'est bon, vous avez eu votre animation les guenons. » Et je conclus mes paroles avec mon majeur en l'air. Elles s'offusquent, mais je m'en fiche royalement. Elles prennent alors la direction de la porte et je me retrouve enfin seule dans la loge. Ah non, elle est encore l'autre.

Sans déconner, je crois qu'elle a un Master en cassage de couilles, c'est con pour elle, j'en suis au Doctorat, perso. Elle ne pourrait pas simplement fermer sa gueule, pour faire sa bonne action de la journée. Non, au lieu de ça, sa voix criarde agresse mes tympans tout comme sa couleur de cheveux façon poney arc-en-ciel brûle mes rétines. J'écoute à peine ce qu'elle dit, je retiens juste que je dis de la merde blablabla et qu'elle a des références fumeuses. « Je t'emmerde » je lâche simplement de ma voix rauque avant que mes lèvres « Je te souligne mon charmant jeu de mots que ton QI de moule ne saurait apprécier » j'ajoute tout de même parce qu'il faut la rendre sensible à la beauté des mots, voyez vous. Puis sans que je comprenne, elle commence à s'exciter toute seule, je savais que la production était friande de futurs candidats névrosés, mais pas à ce point là. Elle vire les squatteurs. Je fais une légère révérence ironique devant mon public qui est obligé de se barrer. Je suis sûre que ma performance était mémorable. Aller, du vent, maintenant. « Je t'aime bien en fait » je dis avec un sourire hypocrite en prime, parce que je crois que c'est comme cela que marche la demoiselle, à coup de faux semblant, alors je m'adapte. Je l'imagine bien dire "et bien moi non" mais en fait, je m'en fous de son avis tout comme de sa vie ou de son complexe d'infériorité face à ma magnificience. Limite, le dernier point, je peux comprendre voire compatir. Je l'aime bien parce qu'elle sert vraiment à rien, dans le genre inutile et bruyante, elle est championne. « Chiante, mais divertissante » je conclus simplement alors que ma bouche se tord en un rictus destiné à la pouf avant d'aller m'asseoir sur l'une des tables.

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