Je viens de croiser Benjamin. Pourquoi, bon dieu, pourquoi faut il que je tombe toujours sur lui ? J’ai l’impression que quoi que je fasse, bam, le voilà au détour d’un couloir. Ou en train de prendre sa douche au même moment. Ou de manger. Ou…Oui bon d’accord, on vit en communauté, donc il est normal que je le croise régulièrement. A même titre que tous les autres. Mais j’ai quand même l’impression que lui c’est tout le temps. Où c’est peut être juste l’effet que ça me fait, parce que justement je veux l’éviter. Donc que je le remarque beaucoup plus dès qu’il est là. Tout ça pour dire que là j’ai besoin de me défouler. J’ai envie de cogner sur quelqu’un. Mais je crois que je vais devoir retenir mes pulsions meurtrières. Ou alors…Oui j’ai une idée. Je passe par le dressing pour me changer. J’enfile une tenue de fitness, confortable pour pratiquer une activité physique. Je prends ensuite la direction de la salle de sport. Personne. Tant mieux. C’est parfait. Je commence par faire de la corde à sauter. A un rythme effreiné. Puis j’enfile des gants, et passe aux choses sérieuses. Je donne des coups dans un pushing ball. Je visualise la tronche de Ben, ça marche très bien. C’est alors que j’aperçois dans mon champ de vision un candidat arriver. Silas. « Tu veux être mon pushing ball personnel ? Comme c’est gentil. » Quoi, il n'est pas là pour ça ? 

Bon, ça fait deux semaines que j’fou rien. Il est temps que je reprenne du poil de la bête et que je m’entretienne. Mes abdos commençaient presque à ramollir. Si je deviens pompier après ma sortie, il faudra que je sois stock. Là, pour l’instant, c’est pas gagné. Mais je suis à présent motiver pour bosser quasi tous les jours sur mon corps. Onze heures du mat’, c’est le timing parfait. Evidemment, je ne suis pas seul à avoir eu cette idée. Une autre personne se trouve dans la salle. C’est la pseudo-MILF. Je suis sûr qu’elle ment sur son âge d’ailleurs. En tout cas elle est au taquet sur son pushing-ball. J’sais pas à quoi elle pense mais mieux vaut pas trop l’énerver. Ou alors si, ça sera drôle. Je sers le nœud de mon bas de jogging puis j’avance vers elle. Elle a apparemment décidé à ce que je sois son souffre-douleur. « C’est drôle, tu fais les questions réponses à toi toute seule. A se demander si t’as pas des petits soucis mentaux. » Comment ça s’appelle quelqu’un qui a plusieurs personnes dans sa tête déjà ? Ah oui, un schizophrène. Je me méfie d’elle, maintenant. Je me trouve peut-être face à une folle à lier. Ça ne m’étonnerait pas vu ce qu’ils ont l’habitude de recruter à Fake Lover. « Vas-y, frappes. » Je me saisis de deux bidules en mousse exprès puis me place face à la candidate en l’observant se déchainer dessus. « Allez, du nerf, ma grand-mère a plus de punch que toi. » Je sais comment il faut s’y prendre avec la boxe. J’ai déjà pratiqué quelquefois avec un coach dans une salle de sport.

Je frappe, frappe, et frappe encore sur le sac de sable. A m’en faire mal aux mains. D’ailleurs, celle droite qui est bandée souffre un peu. Je me suis entaillé la paume de la main l’autre jour. A cause de qui by the way ? Benjamin, évidemment. Mais je m’en fiche. Me défouler ainsi, libérer les toxines, ça me fait du bien. Et c’est toujours mieux que de taper sur une personne réelle pas vrai ? Il parait que c’est plus sain en tout cas. J’en suis à batailler avec le pushing ball, lorsque Silas entre. Une cible vivante. Tentation. « C’est drôle, tu fais les questions réponses à toi toute seule. A se demander si t’as pas des petits soucis mentaux. » Toujours aussi agréable le bonhomme. « Et bien plus encore. » Je suis loin d’être la plus équilibrée mentalement, c’est certain. Il devrait peut se méfier d’ailleurs. Pour autant il attrape deux trucs en mousse là, destiné à recevoir les coups. Bien bien. Je n’attends même pas qu’il déclare être prêt ou quoi, et je commence à frapper. Evidemment, ce qui était prévisible arriva. Il me provoque, me comparant à sa grand-mère qui aurait plus de punch. « Et bah p’tain, je serais curieuse de la rencontrer. » Sur ce, je lui fou un grand coup. Et un autre. Je me donne à fond. Et si sa grand-mère se donnait réellement ainsi, c’et que gosh elle est en forme olympique. Surhumaine même. Ou alors elle a 40 piges. « J’ai besoin…d’une pause. » Que je déclare finalement à bout de souffle. Qu’il se moque autant qu’il veut j’en ai rien à faire. C’est que mine de rien, ça faisait déjà un petit moment que je tapais dans ce sac avant que monsieur n’arrive. Sans compter la corde à sauter et le reste. Je m’arrête, ôte les gants, et bois de grandes gorgées d’eau à la bouteille. Je reprends mon souffle alors que je pose mon regard sur monsieur. Je n’avais pas fait attention à son entrée, mais c’est vrai qu’il est bien gaulé. « Alors..t’as refilé le VIH a quelqu’un depuis notre dernière conversation ? »

Fraichement débarqué dans la salle de sport, Amy semble décidé à ce que je lui serve de punching-ball. J’ai mon mot à dire moi ? Elle est bizarre en plus la nana à faire des questions/réponses à elle toute seule. Elle doit avoir quelques problèmes psychologiques à mon avis. « C’est pas la réplique de Denver le dinosaure ça ? » Ouais, je crois bien que c’est la chanson du générique. Un truc du genre : Denver le dernier dinosaure, c’est mon ami et bien plus encore. Ça signifie quoi d’ailleurs ça ? Et plus si affinité ? Putain, j’viens de briser mon enfance. Comment se rendre compte en deux secondes que j’ai regardé un dessin animé zoophile. Berk. « Je t’ai pas demandé de commenter. Tu gaspilles ton souffle pour rien. » C’est bon, faut arrêter de me prendre au mot tout le temps. Les conneries sortent toutes seules de ma bouche. Je n’ai évidemment pas de grand-mère boxeuse ou plus en forme que la candidate. C’était un moyen détourné de lui dire de se donner plus. Et d’ailleurs, cela semble l’agacer et ça a l’effet escompté puisqu’elle accélère la cadence et donne toute sa force dans ses poings. Elle me fatigue presque. Heureusement que la mousse est épaisse. Puis v’là qu’elle arrête. J’hausse les yeux en l’air. « Tu vois, je t’avais dit. » Je regarde la candidate reprendre ses esprits et se désaltérer tandis que je me saisis de gants à mon tour. J’aimerai frapper aussi. Je pense sérieusement que ça pourrait me faire du bien. En attendant, faut que je m’échauffe un minimum. Je commence donc par m’étirer alors que la trentenaire revient vers moi. Elle pense que j’ai déjà couché. « Bah non, je voulais que tu sois la première à l’avoir. » Cela va de soi. Soupire. « Et toi, c’est ton mec le viking roux ? Je te vois souvent avec. » Je me souviens plus très bien de son prénom. Benoît ? Bernard ? Elle comprendra surement, des candidats roux, barbus et baraqués y’en a pas trente-six.

« C’est pas la réplique de Denver le dinosaure ça ? » De quoi ? « T’as des références étranges. » Pourquoi il me parle de Denver le dinosaure ? C’est quoi ça ? Un dessin animé ? Surement. Faut croire qu’il en regarde toujours à son âge. Bref, je commence à le frapper. Pas pour de vrai, malheureusement, à traver des coussins. « Je t’ai pas demandé de commenter. Tu gaspilles ton souffle pour rien. » Il est mignon. « Ah parce que je ne dois parler que dès que tu m’en donnes l’autorisation ? » Si j’ai envie de faire un commentaire, je le fais jusqu’à preuve du contraire. Et je m’en fiche si je gaspille mon souffle. Ce qui finit par arriver finalement. Et il déclare qu’il me l’avait bien dit. Tsss, rien avoir avec le fait que j’ai parlé. Je suis là depuis longtemps voilà tout. Et puis frapper avec autant d’intensité, ça fatigue. Un peu plus longtemps, et je suis presque sur que je l’aurais fatigué lui aussi. Il fait quelques étirements, alors que je bois quelques gorgées d’eau. Pause pour moi. Je le questionne sur sa vie sexuelle au sein du jeu. C’est plus pour faire la conversation qu’autre chose. Et puis bon, c’est toujours intéressant les potins non ? Ici en tout cas oui. Ça occupe. « Bah non, je voulais que tu sois la première à l’avoir. » Et bah oui c’est évident. « Comme c’est attentionné. » La première à qui il refilerait le VIH. Trop sympa de m’en donner la primeur. « Et toi, c’est ton mec le viking roux ? Je te vois souvent avec. » Je fronce les sourcils. De qui il parle ? Y a un roux dans le jeu ? Avec qui je passerais souvent du temps ? Il parle de qui, mon partenaire, Ulysse ? L’est blond et pas franchement barbu, alors non. Ou peut être qu’il est bigleux. « De qui tu parles ? » Je n’en ai franchement pas la moindre idée. « Mais je n’ai pas de mec en tout cas. » Ou alors je ne suis pas au courant.

Evidemment, elle ne connaît pas Denver. Elle a limite ratée sa vie. Quoi que, elle est québécoise et je suppose qu’il y a pas eu de version québécoise et bon sang, merci. Ça doit être un massacre si c’est comme les films que je télécharge avec des accents horribles. En attendant, elle jacte trop et risque de s’épuiser. Je lui demande gentiment de se taire mais madame continue telle une pie qu’on aurait envie dégommer à coup de cerises. « Si je suis ton coach, ouais. » C’est bien pour ça que je suis là. Je vais pas me contenter d’être un mannequin sur lequel elle peut taper. Elle a cru quoi, j’veux bien l’aider à se défouler mais faut qu’elle accepte mes conseils aussi et là, présentement, elle ferait mieux de la fermer ou sinon...ah bah voilà. Ce qui devait arriver arriva. La milf est épuisée et s’arrête. Un sourire agaçant domine sur mon visage. Je ne peux m’empêcher de la ramener. J’l’avais prévenue, ouais. Il fallait m’écouter. Quelques secondes plus tard, je m’équipe alors que la jeune femme reprend ses esprits et semble plutôt occuper à faire causette que du sport. Elle évoque le VIH, mes relations, puis moi j’lui parle du mec avec qui je l’ai déjà vu traîner et avec qui elle semblait se disputer. Mais elle ne semble pas percuter. Oh allé, un peu d’effort Brenda. « Un trou du cul roux, un peu costaud, barbu et avec qui t’as eu une dispute de couple la dernière fois. » Franchement il y a pas vingt-mille. D’accord, il est peut-être pas exactement roux mais ça s’en rapproche. Il est moche en tous les cas. « Allé, fais marcher tes neurones. » Pas très perspicace la nana. Faut peut-être que je lui fasse un dessin ? Ouais, non, mauvaise idée, j’ai jamais été doué quand il s’agit de dessiner. « Bon, le salon de thé est fini. Prends ça. A mon tour un peu. » Je lui tends les trucs en mousse dans les mains pour qu’on échange les rôles et pour me défouler à mon tour.

 « Si je suis ton coach, ouais. » Ah parce qu’il s’est prit pour mon coach ? Il croit que j’ai besoin d’un entraineur personnel ? Non je voulais juste me défouler, et il est tombé au bon moment. Ou au mauvais, selon le point de vue. Rien de plus. Pour la peine je frappe un peu plus fort. Et je finis par me fatiguer.  Il se la joue fier de lui, genre je te l’avais bien dis. Tu parles rien avoir. Et puis de toute façon, c’est bon, il a fait son utilité, je n’ai plus besoin de lui. J’ai réussi à évacuer toute la pression. Je discute un peu, cherchant à savoir s’il a forniqué. A priori, non. En retour, il me demande si un roux avec qui je passerais mon temps ne serait pas mon mec. Je ne vois franchement pas de qui il veut parler. Jusqu’à ce qu’il m’en fasse la description. Je comprends immédiatement à trou du cul. Et puis bon il n’y a qu’une personne avec qui j’aurais eu une dispute. Mais en gros Silas est un gro con, parce qu’il sait très bien que ce n’est pas mon mec du coup. Pour la dispute, c’est qu’elle ait apparue sur les écrans, et clairement il parraissait évident que ce n’est pas l’amour fou entre nous. « Benjamin ?! L’est blond, loin d’être costaud, et c’est probablement le type avec qui je passe le moins de temps dans ce jeu. » Si il y a bien une personne que j’évite, c’est lui. On fait tout pour ne jamais être dans la même pièce en même temps. SI bien qu’on utilise souvent la salle de vidéo surveillance pour s’assurer de la localisation de l’autre. Oui à ce point. « Et c’est mon frère au passage. Enfin on partage le même sang. » Oui parce que est ce que je peux vriament le qualifier de frère aujourd’hui ? Il ne fait plus parti de la famille. C’est juste un type qui partage mon ADN. Du moins c’est ce que j’aime me dire. Silas veut ensuite qu’on inverse les rôles. Mouais bon d’accord. J’attrape les mousses et me mets donc en position.