cooking mama
ft. Danica & Maxence

Je ne sais pas si Danica s'en était déjà rendue compte, mais j'étais un homme de parole, dans l'ensemble. Quand je disais un truc j'essayais de m'y tenir dans la mesure du possible, et si il y a quinze jours j'avais tenu parole en lui offrant un verre - et pas qu'un seul croyez-le bien - cette semaine je comptais bien lui apprendre à faire quelque chose de constructif dans une cuisine. Elle m'avait prévenu, elle partait de très bas, mais disons que j'avais foi en elle et en mes capacités de professeur ... Rapidos ceci dit, jusqu'à présent la seule expérience de professeur que j'avais c'était celle de mes hivers comme moniteur de ski pendant mes études, et je doutais que l'on apprenne à quelqu'un à faire revenir des oignons de la même manière qu'on lui apprenait à amortir ses virages sur une paire de skis, mais enfin. Toujours est-il que j'avais donc donné rendez-vous cet après-midi là à Danica dans la cuisine, et que l'attendant sagement j'en avais profité pour me servir un verre de vin. Y'avait pas d'heure pour le vin, sachez-le, surtout pour le blanc. « Anda di sini » que j'avais alors lancé à la jeune femme en la voyant débarquer. Oh qu'elle n'espère pas trop, ma tentative pour singer l'indonésien dont elle m'avait parlé s'arrêterait là, je n'étais même pas certain que la conjugaison de ma phrase soit correcte « J'ai hésité à prendre le casque, le kevlar et tout, mais j'ai préféré te faire confiance en me disant que tu m'aimais trop pour que cette séance de cuisine ne devienne dangereuse pour mon intégrité physique. » J'exagérais à peine moi, mais pas du tout quoi. Ceci dit il valait peut-être mieux la mettre en garde dès le départ, en parlant de dangereux « L'idée c'est que tu choisisse un truc que t'as vraiment envie de savoir faire, et que je t'aide à en venir à bout. La seule restriction c'est que tu oublies le poisson et les fruits de mer, parce qu'en l'occurrence avec ça tu pourrais réussir à me tuer sans trop te forcer ... et ni toi ni moi n'avons envie d'en arriver là. » Enfin j'espérais bien, qu'elle n'avait pas envie d'en arriver là. Ce serait assez mauvais pour son image au sein du jus, d'avoir ma mort sur la conscience en plus de ça. Attendant qu'elle se décide j'avais bu une nouvelle gorgée de mon vin, mon autre main posée sur le plan de travail au milieu dela pièce.

En fait je crois que bizarrement la cuisine était la seule chose qui parvenait à résoudre mon problème actuel : penser à autre chose. Penser à autre chose qu'à cette horrible sensation qui m'avait encore réveillé deux fois cette nuit, comme la nuit précédente. Un mélange entre la sensation de stress que l'on peut ressentir avant un entretien d'embauche important, celle que l'on avait quand on manquait de louper une marche et de se rompre le cou en bas d'un escalier, et celle encore que l'on ressentait quand un bruit ou quelque chose de soudain nous faisait sursauter. C'était ce qui me réveillait, et pourtant une fois les yeux ouverts, le cœur battant et la sueur au front j'étais incapable de me rappeler ce à quoi je pouvais bien rêver. C'était peut-être mieux. Sans doute. Mais cela me bousillait aussi un peu mes journées, parce que j'avais du mal à penser à autre chose qu'à ça ... Sauf quand je cuisinais. Quand je cuisinais j'arrivais à penser à autre chose, je pensais à un conseil que mon père m'aurait donné un jour où j'aidais à la brasserie, ou au pays où je me trouvais quand j'avais appris à cuisiner un plat exotique, ou à la dernière fois que j'avais cuisiné pour Aurore ou Alicia ... Bref, j'arrivais à penser à plein de choses, et pas à ce qui me tracassait. Je mentirais donc en disant que je n'avais pas un peu l'espoir qu'il en soit de même aujourd'hui, et que ça ajouté à la présence de Danica m'aide à penser à autre chose au moins pendant une petite heure. Et en parlant de Danica la voilà d'ailleurs qui venait d'arriver, zyeutant sur la bouteille de vin « C'est un piège, c'est ça ? C'est pour me capturer comme un lapin et m'ajouter à ton harem ? » Ahah. Pourquoi je n'étais pas étonné, je me demandais quand au juste elle me relancerait là-dessus, c'était presque trop prévisible pour y voir une coïncidence « Allez avoue, c'est toi qui a soufflé cette question à Cupidon ? Je te remercie pas. » Non pas vraiment, parce que le terme de harem était quand même assez péjoratif, et parce que cela n'avait clairement pas du arranger mon cas auprès de Yityish. « Mais je te pardonne, dis merci au Real. » Ou plutôt elle pouvait dire merci aux liens existant entre les clubs du Real et de la Juventus, parce que hey, il n'était pas encore arrivé le jour où je renierais un club qui nous avait fait passer des soirées si mémorables, mon frère et moi. Bref, nous étions là pour cuisiner. « Je crois que moi et la cuisine, ça ne relève même plus de ma volonté ... may the odds be ever in your favor. » J'avais déjà entendu cette expression. Je ne savais plus où, mais je l'avais déjà entendue. « D'ailleurs, il vaut mieux que ça ne soit que du vin, ou tu aurais couru à ta perte. » Souriant d'un air amusé j'avais trinqué avec elle et le verre qu'elle venait de se servir. Mon but n'était de toute façon pas de la faire boire, elle n'avait pas vraiment besoin de moi soi dit en passant. « Le vin ça se déguste, de toute façon. » Non mais quand même, surtout le blanc quoi. En buvant d'ailleurs une nouvelle gorgée j'avais reposé ensuite mon verre sur le plan de travail tandis que Danica me précisait « Et au fait, je n'ai jamais mis les pieds en Indonésie, le mieux que j'aie fait, c'est manger un nasi goreng dans ce restau dans ma rue. » avant que je ne questionne la jeune femme sur ce qui lui faisait envie, culinairement parlant j'entends. Elle avait le choix, je n'avais mis de restriction que sur le poisson et les fruits de mer, étant donné que je ne pouvais pas y toucher, et donc pas les cuisiner. « Honnêtement je n'ai aucune idée, mais si on peut juste faire genre, frire du riz avec des trucs dedans, style petits pois, chorizo, des conneries comme ça, ça serait déjà énorme. » Je la scrute un instant, je crois que je cherchais à savoir si elle me faisait marcher ou si ... Non, elle était sérieuse ? Bon, donc elle ne mentait pas, son niveau en cuisine était vraiment proche du négatif « Oui, donc une paella. Sérieux t'as vécu aux Canaries et t'as jamais eu l'occasion d'apprendre à faire ça ? » Je fronçais les sourcils d'un air faussement sévère, tout en me tournant un instant pour attraper un bol et une planche à découper derrière moi « D'ailleurs, comment on passe de Tenerife à Los Angeles ? T'es américaine, à la base ? » Simple curiosité. Et puis ce n'était pas parce que nous avions prévu de cuisiner que nous ne pouvions pas discuter en même temps. « Oh et, moi non plus. Je ne suis jamais allé en Indonésie, je veux dire, je suis pas allé plus loin que le Sri Lanka. Mais j'aimerais bien, c'est pour ça que je me suis mis au malais. » Pour avoir une bonne excuse, pour pouvoir un jour dire à mon boss qu'il n'avait plus de raison de ne pas me laisser aller là-bas, que même si ce n'était pas un pays en guerre cela ne voulait pas dire qu'il n'y avait rien à raconter ... Et pour une fois, travailler sans avoir peur de me prendre une balle perdue, un attentat à la bombe ou de m'ajouter à la liste de mes confrères otages, cela me ferait peut-être du bien, aussi. « Bon, donc il nous faut du riz, déjà. Du safran, des petits pois, deux tomates, un poivron ... T'es pas végétarienne ? » Sinon il allait falloir remplacer le poulet par autre chose. « Normalement y'a du calamar aussi, mais je remplace par un peu de maïs, en général. » Ce qui n'avait rien à voir, c'est vrai, mais c'était pour le principe de ne pas retirer un ingrédient sans en mettre un autre à la place. M'adossant à la porte ouverte du cellier pour laisser passer la jeune femme, j'étais rentré à sa suite dans la pièce attenante à la cuisine.

Si j'étais parfaitement honnête cette question m'avait dérangé, un peu, parce qu'entre ça et les taquineries de Danica je commençais à croire que c'était vraiment l'image que je renvoyais, sans même m'en être aperçu. Est-ce que c'était ma faute alors, est-ce que j'avais moi-même créé la situation avec Yityish avant de tout plomber en répondant à ce stupide détecteur ? J'étais assez préoccupé sans avoir besoin de rajouter ces questions là à la pile ... Pourtant il était trop tard, maintenant qu'elles s'étaient immiscées là j'allais me les poser, les retourner dans tous les sens, et n'en aurait probablement pas la réponse. Ce n'était pas comme si je me voyais sérieusement les poser à quelqu'un pour avoir à un avis ... Au lieu de ça j'avais donc simplement plaisanté, copiant le ton de Danica. « Je plaide l'innocence, je ne suis pour rien dans cette question, mais je remercie la personne l'ayant posée, j'ai passé un bon moment. » Bon, si y'en avait au moins que ça avait diverti dans ce cas. Mais je la croyais, je veux dire, si ça avait été elle je suppose qu'elle me l'aurait simplement dit, alors c'était quelqu'un d'autre ... Je n'étais pas certain d'avoir envie de savoir qui, en fin de compte. Laissant là le sujet, derrière un sourire peut-être un peu trop crispé pour être honnête, j'étais bien vite revenu à ce qui nous amenait ici, à savoir la cuisine. « Je pensais plus à du riz cantonais, mais ça me va aussi. » Bon, de toute façon la teneur de ce que nous allions manger ne changeait rien à ma question qui elle relevait de la curiosité pure et simple « Ma famille est américaine, on va dire que ma mère ne m'a pas vraiment appris à cuisiner des trucs espagnols. » J'allais peut-être éviter de donner mon avis sur les tendances culinaires venues d'outre-Atlantique, dont une bonne partie me donnait plus envie de grimacer que de me mettre à table ? Oui, j'allais éviter. « Et quand on veut une paella en Espagne, quand on est pas techniquement espagnole, la meilleure façon de manger une paella, c'est la commander sur la terrasse d'un restau sur le port. » Cette fois-ci j'avais levé les yeux au ciel de façon un peu théâtrale avant de soupirer « Moi j'appelle surtout ça la solution de facilité, hm. Mais disons que ça doit être une question de point de vue. » Ouais, ou de priorités. Je crois que le truc en fait c'était que j'aimais cuisiner plus que je n'aimais manger ce que j'avais préparé ensuite, c'était un peu comme préférer peindre un tableau à le contempler après une fois terminé. Bref, avoir tout ça j'en arrivais à ne plus trop bien suivre, comment une américaine de base se retrouvait-elle sur une île espagnole à des milliers de kilomètres de chez elle ? « Besoin de changement. Je suis née à Chicago, mais on a déménagé à Tenerife quand j'avais quatorze ans. » J’acquiesçais d'un signe de tête. Ça pour du changement c'était du changement en effet, radical même je dirais. Et moi qui avait déjà eu du mal à me faire au fait de quitter mes montagnes et mon village pour aller m'installer à Lyon le temps de mes études, imaginez un peu le gouffre entre ce que j'étais capable de supporter à dix-huit ans et le changement de culture de Danica à quatorze. Bon, en tous les cas grâce à moi elle pourrait se vanter de savoir faire un plat espagnol, oui je sais c'était le genre de trucs dont on se vantait tous les jours cela va de soi. J'attendais juste de savoir si elle était végétarienne « T'es malade, se passer de viande, c'est la dépression assurée. » Amen à ça. « Et je suis d'accord sur le calamar, c'est dégueulasse. Sauf si c'est frit. » Bien, en plus elle ne faisait pas la difficile et nous étions sur la même longueur d'onde, que voulez vous demander de plus. Enfin ceci dit je ne faisais que croire à ce qu'elle disait mais je n'en savais foutrement rien « J'en ai jamais mangé ceci dit, alors je vais devoir me contenter de te croire sur parole. » Faut dire que c'était limite si rien que le fait d'y penser ne me donnait pas déjà de l'urticaire, voyez. J'avais en tout cas fini par prendre le chemin du cellier avec elle, et tandis qu'elle se chargeait du riz et que j'attrapais une boite de légumes en conserve ; Faut de mieux cela ferait l'affaire. Enfin, elle se chargeait du riz, disons qu'elle essayait. Levant le bras au dessus du sien j'avais attrapé le paquet de riz pour lui tendre « Fallait manger plus de soupe quand t'étais môme. » que je lui avais alors fait remarquer d'un ton amusé. Le genre de dicton totalement débile ceci dit, comme aimait à me le rappeler ma fille qui bien que pas plus épargnée par la soupe qu'une autre petite fille se plaignait pourtant de ne faire désormais qu'un mètre douze les bras levés. Ouais, en même temps on inventait de ces conneries pour faire manger des trucs aux gosses. « Je doute qu'on ait du safran, c'est une grosse production télé, mais bon, faut pas exagérer, non plus. » Oh non il n'y en avait pas, je le savais. A vrai dire je pensais plutôt à y trouver une alternative, et machinalement j'avais déposé sur le paquet de riz que tenait la jeune femme un pot déjà entamé de Curcuma. Je plaidais coupable, j'avais tendance à en foutre un peu partout, ça me prenait parfois, les jours de grand désespoir il m'arrivait même d'en mettre dans mes pâtes. Ouais, et vous imaginez le sacrifice que cela pouvait représenter pour un italien. Demi-italien. « Suffisait de demander. » Puisqu'à priori il ne manquait rien nous avions rejoint à nouveau la cuisine, et tandis que je remplissais une casserole d'eau j'avais froncé les sourcils et demandé d'un ton incertain « Tu sais faire cuire du riz ... ? » Non parce qu'à priori y'avait pas besoin de sortir de Saint-Cyr pour mettre un sachet dans de l'eau bouillante et de rajouter une pincée de sel, éventuellement, mais je ne savais plus trop à quel niveau j'avais affaire après ce que m'avait dit Danica. Quant à elle, elle m'avait posé une question à son tour mais qui n'avait rien à voir avec la cuisine « Ça s'est arrangé avec ... Yit- Yit- oh merde, j'y arriverai jamais, Titi ? » J'avais coupé l'eau une fois la casserole remplie au trois-quart, et je l'avais posée sur la plaque de cuisson. « Yityish. » avais-je commencé par corriger machinalement, avant de tourner le bouton pour ouvrir le gaz et enclencher l'étincelle. Déposant la casserole sur le feu j'avais reposé mon regard sur Danica et haussé les épaules « Je sais pas trop. » Je n'en savais même rien du tout pour être parfaitement honnête. Je suppose que j'allais bien voir dans les jours à venir, et la semaine prochaine, comment les choses allaient évoluer. « Qu'est-ce que j'aurais pu répondre de toute façon ? On m'a pas demandé si elle me plaisait, ou je sais pas ... "tomber amoureux" c'était traitre, comme formulation. C'était traitre, et c'est compliqué. » La notion de tomber amoureux je veux dire. C'était compliqué, déjà de manière générale mais encore plus de mon point de vue à moi. Et si c'était compliqué, comment vouliez-vous que j'explique correctement ça à la concernée ? « Ces questions ne rimaient à rien, de toute façon. » avais-je fini par bougonner. Autant celle concernant ma "femme" que celle qui opposait Danica à Titi pour je ne sais quelle raison. Ça puait la personne qui se posait des questions sans savoir, si vous voulez savoir ce que j'en pense.

Spoiler:

Ce cellier était pourtant parfaitement rangé à notre arrivée dans le nid, mais six semaines aux mains d'une horde de candidats affamés avait de toute évidence suffit à en faire un joyeux bazar désorganisé où on ne se repérait majoritairement qu'à coups de "la dernière fois que j'ai utilisé tel truc il était à tel endroit" sans vraiment être certain que ce soit un gage de réussite. Mais les pâtes, le riz et la purée en sachets restaient plus ou moins au même endroit à chaque fois « Quelle idée de ranger ça aussi haut, aussi. » D'accord, c'était peut-être pas l'endroit le plus stratégique, mais comme je venais de lui faire remarquer elle n'avait qu'à manger un peu plus de soupe quand elle était gosse, huhu. Avec tout ce qu'elle m'avait raconté de ses non-talents culinaires j'en venais en tout cas à craindre le pire et à douter que la cuisson du riz doive se passer d'explications elle aussi. Heureusement elle m'avait assuré « Ça encore, c'est dans mes cordes, faire bouillir de l'eau, c'est la solution à la plupart de mes problèmes culinaires. » J'avais laissé échapper un léger rire tout en préparant la dite casserole d'eau « Tu vois que ton cas n'est pas si désespéré que ça, je savais bien que tu devais te sous-estimer un peu. » Faire cuire des pâtes c'était la base de toute façon, du flemmard, de l'étudiant fauché, de la personne fâchée avec la cuisine ... Enfin voilà, et faire cuire du riz c'était un peu la variante. Tandis que je mettais le riz à cuire et que j'attrapais un couteau pour couper le poivron en dés, Danica s'était elle attaquée au chorizo, faisant en même temps la conversation ; J'avais une légère dent contre les questions du détecteur, comme elle du le remarquer « Je suis d'accord, moi même y'a des questions où j'aurais voulu répondre "et ta mère ?" ou même "va te faire foutre" mais j'ai été disciplinée. » J'avais esquissé un sourire ; Venant de Danica cela ne m'étonnait pas, mais en effet il y avait de fortes chances qu'Alix n'ait pas apprécié des masses. « Non mais sérieusement, à quoi ils s'attendaient en posant ce genre de questions ... oh bah oui, tombons amoureux de la première venue en quoi, un mois, c'est vrai que c'est courant et logique. » J'étais resté silencieux, faisant mine de me concentrer sur mon poivron. Si seulement c'était aussi simple, si c'était une question de temps uniquement. « Si tu veux mon avis, c'était juste une question pour foutre la merde ! » Le bruit du couteau plus que la phrase en elle-même m'avait fait relever la tête, et finalement j'avais haussé les épaules en posant les yeux sur Danica. Évidemment que c'était un peu le but, fallait bien que les gens derrière leur télévision s'intéressent, et qu'est-ce qui intéressait plus les humains que les conflits ? J'étais bien placé pour le savoir avec mon métier. « Mauvais prime, hein. » J'avais fini de couper mon poivron en dés, et mettant le tout dans un bol je m'étais attaqué aux tomates, que j'avais commencé par couper en deux pour en retirer les pépins « C'est pas pour moi qu'il a été mauvais. Même si je la ramenais pas trop avec les nominés. » Surtout Titi et Amy en fait, j'avais beau me répéter qu'elles ne risquaient sans doute pas grand-chose il n'empêche qu'au moment des résultats je ne faisais pas trop le malin. Même Jouko, je le connaissais moins mais j'aurais été un peu déçu de son élimination si tel avait été le cas. « Si elle est pas trop bornée, elle te pardonnera. Enfin, j'espère pour toi qu'elle comprendra. » Retour à Yityish, et Danica avait sans doute raison. De toute façon je ne pouvais pas faire grand chose si ce n'était attendre de voir, je n'avais jamais été malhonnête et je pensais avoir mis les choses assez au clair avec la concernée après le prime pour qu'elle ait les cartes en main et décide elle-même comment elle voulait prendre les choses. En tous les cas je ne la blâmais pas. Peut-être parce qu'elle me voyait pensif Danica avait fini par ajouter « Je crois qu'il vaut mieux que j'arrête de parler et que je coupe le chorizo. » avant de se remettre à l'ouvrage. Et je vous jure que je ne savais pas ce que ce pauvre chorizo lui avait fait mais elle s'acharnait dessus comme s'il lui avait volé son doudou ou troué son jean fétiche. « Tu as un compte personnel à régler avec ce chorizo ? Tu me le dis si il a été insultant avec toi, je t'aiderai à lui régler son compte. » que j'avais alors commenté d'un ton amusé. Non mais je disais aussi ça pour pas qu'elle se tranche un doigt hm, d'une parce que l'hémoglobine ne faisait pas partie des ingrédients de la paella et de deux parce que maitriser un bateau avec un doigt en moins c'était une difficulté supplémentaire. « T'as jamais eu envie de te poser ? » que j'avais alors demandé, changeant totalement de sujet et sans raison particulière. C'était une question que je m'étais déjà posé, à plusieurs occasions et à différentes périodes de ma vie depuis que j'avais décidé de choisir un tel métier ; Parfois je me demandais si je n'avais pas sacrifié trop de choses que j'aurais du considérer comme prioritaires. Je me demandais si elle y avait déjà pensé, elle, qui semblait encore moins tenir en place que moi.

Je pense que ouais, ce prime ne resterait pas parmi mes meilleurs souvenirs, même si je suppose que mon humeur déjà moyenne avant d'y aller n'avait pas du aider ; De toute façon ce n'était qu'un prime, le suivant serait sans doute meilleur. « Pas besoin d'être nominé pour passer un prime de merde. » m'assura ceci dit Danica, et il est vrai qu'elle avait un peu raison. Preuve en était que le dernier prime m'avait plus agacé que les deux précédents durant lesquels j'étais pourtant nominé. Ça avait d'ailleurs calmé un temps mes ardeurs concernant la roulette je dois dire, j'avais peur du jamais deux sans trois je crois. Toujours est-il que nous avions repris la cuisine, un peu plus sérieusement, mais je crois que là le sérieux de Danica s'était limite transformé en hargne concernant un pauvre morceau de charcuterie qui à priori n'avait rien demandé à personne « C'est toujours très impoli, le chorizo, rien que le nom, ça sonne comme une mauvaise insulte. » Bah voyons. « Mais ça va, j'ai les armes pour me défendre ! » qu'elle m'assura finalement tout en brandissant son couteau avant de se remettre à l'ouvrage. C'était bien ce qui m'inquiétait, rappelez-moi e ne jamais énerver Danica quand elle avait un couteau à portée de main. « Justement, je disais plutôt ça parce que j'ai peur de retrouver un morceau de doigt dans le chorizo. Le sang dans un plat ça fait assez mauvais effet en général. » Le sang humain surtout, quoi. Miam. Retournant à mes tomates, tout en jetant de temps en temps un coup d’œil au riz pour éviter qu'il ne cuise trop, j'avais fini par poser une question à Danica. Comme ça à première vue elle semblait sortir d'un peu nul part mais pourtant c'était une question que je me posais déjà depuis un petit moment à son sujet. Peut-être parce que je me l'étais posée à mon propre sujet aussi, à plusieurs reprises. « Je crois que des fois je me dis que ça serait plus simple si en effet je pouvais arrêter de galoper partout et me poser quelque part. Avoir des amis, des trucs comme ça. » J'écoutais, attentivement bien que je donnais l'impression d'être concentré sur mes tomates. « Mais c'est une question de tempérament je crois ... et j'ai promis que je ferai ce tour du monde, alors qui sait, peut-être qu'une fois ma promesse tenue, j'en aurai marre et je m'installerai quelque part. » J'avais fait un signe de la tête pour montrer que j'avais entendu, et j'étais resté pensif un instant. Tout ça ce n'était qu'une question de volonté au fond ... Est-ce que ça faisait de moi une mauvaise personne du coup, de ne pas réussir à renoncer à la façon dont je vivais mon métier, même si cela impliquait de sacrifier une grosse partie de ma vie de famille ? Danica n'en avait plus visiblement, elle était libre dans un sens, elle n'avait de comptes à rendre à personne. Je crois que quelque part je l'enviais, même si à certains moments voir ce à côté de quoi je passais me rendait aussi un peu amer. « Et il reprend où ton tour du monde ? T'as visité quoi pour l'instant ? » J'avais conscience de poser beaucoup de questions, mais j'étais curieux. Danica me rendait curieux, et tant qu'elle semblait encline à éclairer ma lanterne je me disais qu'il fallait en profiter.