S'isoler peut avoir du bon. Ghika l'expérimentait parfois, souvent en fait, dans les moments de stress. Aujourd'hui n'était pas différent des autres jours importants. Assis sur le chiotte, Ghika était en position quasi-foetale, il entendait ses voisins et voisines entrer dans les toilettes alentours. Il était là depuis bien dix minutes quand il se décida à sortir, sans avoir utilisé le trône à sa juste fonction. Son ventre faisait des siennes mais il n'était pas d'humeur à se soulager. En ouvrant la porte il tomba presque nez à nez, au sens propre, avec une jolie rouquine. « T'es plutôt directe toi ! » lui dit-il en riant, faisant référence à leur proximité incongrue pour un premier contact. Reculant un peu en direction des toilettes, il fit une courbette et indiqua d'un geste de la main les toilettes dont il venait de s'extirper. « Le siège est tout à toi mademoiselle, et je te promets de ne pas laisser traîner mon oreille pendant que tu te soulages. » Courtois et pas goujat, il savait bien que sa phrase pouvait donner l'impression d'être un petit pervers, mais les besoins physiques des femmes n'étaient pas vraiment dans la partie haute de la liste de ses préoccupations.

Le stress, elle connaît pas Pia. Elle n'a jamais eu d'examens à passer, de concours qu'il faut à tout pris gagner et son entretien d'embauche s'est déroulé entre deux assiettes de spaghetti, et en plus c'était avec le père d'un ami. Du coup quand elle commence à sentir au creux de son estomac une sorte de douleur qui s'intensifie au fur et à mesure que les minutes s'écoulent, elle ne comprend pas. C'est quand son cœur commence à se serrer dans sa poitrine qu'elle se demande si c'est le sandwich qu'elle a mangé à midi qui ne passe pas. Si ça se trouve, quelqu'un l'a empoisonné en se disant que cela ferait toujours une candidate de moi sur la bonne centaine au moins qui se présente, et d'une minute à l'autre elle va se mettre à baver et à se convulsionner sur le sol. Elle refuse de mourir là, au milieu de gens qu'elle ne connait même pas et qui au pire se réjouiront du fait qu'ils auront moins d'attente. Du coup elle se lève comme une furie et part en courant pour regagner les toilettes qu'elle a repéré en arrivant, sous les quelques rires moqueurs des autres participants. C'est ça, riez. Si ça se trouve c'est l'eau qui est empoisonnée et alors vous allez tous mourir, et vous rirez beaucoup moins à ce moment là. Elle ouvre la porte à la volée, s'offrant le regard étonné des quelques personnes qui font la queue devant l'unique cabinet. Sérieusement, une seule toilette ? Clairement la production espérait voir quelques candidats s'entre-déchirer avant l'entretien. Sans s'encombrer des convenances, elle passe devant tout le monde. « C'est urgent ». Elle fait taire les quelques protestations qui sont remplacées par des rires discrets. Se rendant compte que sa phrase porte à confusion, elle s'apprête à se lancer dans quelques explications douteuses quand son nez manque de venir rencontrer celui de la personne qui occupait les cabinets jusqu'à présent. « T'es plutôt directe toi ! ». Elle rougit. Ce qui ne lui arrive jamais, en temps normal, seulement là trop d'émotions contraires se bousculent dans son crâne. « Désolée. ». Elle bafouille à moitié. « Le siège est tout à toi mademoiselle, et je te promets de ne pas laisser traîner mon oreille pendant que tu te soulages. ». Elle le regarde sans comprendre, avant de saisir enfin là ou il veut en venir. Il faut croire que l'inquiétude lui rongeait le cerveau et perturbait ses connexions neurologiques. Seulement, cela faisait une personne de plus à ajouter à la trentaine qui la pensaient en proie à des problèmes d'estomac, ce qui ne renvoyait sûrement pas d'elle une image rutilante. « Non mais c'est pas du tout ce que tu crois ! pas du tout. ». Les mots s'empêtrent dans sa bouche, comme si ils voulaient tous sortir en même temps et qu'il y avait bousculade. « Je crois que je vais mourir. Sans rire. ». Les personnes autour rient de plus belle alors que Pia se noie dans sa détresse. C'est un cauchemar. Elle risque de crever là et ils sont tous là à se moquer d'elle et de ses probables problèmes intestinaux. C'est sans doute la pire mort souhaitable.

Elle est mignonne, elle s'excuse d'être passée par là au mauvais moment, ce n'est ni plus ni moins qu'une coïncidence heureuse qu'il ne soit pas sorti une seconde plus tard, sinon les toilettes auraient le théâtre d'une collision d'un tout autre genre. Les effusions corporelles auraient tourné au rouge et pas parce que les filles vivaient leur mauvaise période du mois mais parce que le menton de Ghika aurait percuté le nez de la jolie rousse et l'aurait cassé comme un morceau de sucre. « Y a pas de mal. » laisse-t-il échapper en la regardant avec, ce qui est rare, une vraie douceur dans les yeux.

Ghika sent immédiatement qu'il va l'aimer cette jeunette, sa confusion, son empressement, sa politesse. Tout en elle lui donne envie de sourire tout en n'éveillant aucune part de moquerie en lui, pour l'instant du moins. Alors qu'elle recommence à parler, son débit s'accélère, ses mots se bousculent et il se prend à avoir envie de lui donner une gifle pour lui remettre les idées en place. Comme dans un vieux film où le choc de la claque perturbe le délirant dans sa folie momentanée par un rappel à la réalité. « Donc je suppose que tu n'allais pas aux toilettes ? Tu cherchais l'entrée de Narnia ? » plaisante-t-il avant d'entendre la rouquine proférer des menaces de mort à l'encontre de sa propre vie. Se suicider pour un casting, c'est tout de même un peu extrême, même en cas de grave crise d'angoisse. Il recule pour la laisser passer en paix se disant qu'elle est petite sujette à une sévère manifestation de delirium. Mais devant la stupéfaction de la jeune femme, Ghika -dans un moment de grandeur d'âme peu commune à sa personnalité- décide de tenter de l'aider à se calmer, au moins un minimum, le temps qu'elle redescende sur terre et redevienne cohérente. « Tu ne vas pas mourir, je t'assure que tu as l'air très en forme pour une mourante. »  Ok, ce n'est peut-être pas le meilleur speech de réconfort qu'on puisse donner mais il n'est pas non plus docteur ou psychologue spécialisé dans les patients hypocondriaques ou souffrant de névroses pathologiquement incurables. Alors il fait quelque chose qu'il n'a pas l'habitude de faire, avec personne et encore moins avec une inconnue. Ses mains viennent attraper celles de la jeune femme et il l'entraîne dans un coin de la pièce. « Asseyons-nous, tu dois te calmer, t'exciter comme ça ne va pas nous aider à comprendre ce qu'il t'arrive. »  Sans lâcher ses mains il se laisse glisser contre la paroi en faïences jusqu'à être assis par terre, l'entraînant dans sa descente. Il sait par expérience que se positionner genoux contre poitrine aide à se calmer, ce dont elle a clairement besoin en ce moment. A moins qu'elle ne soit hystérique et que sans le vouloir elle lui révèle son secret à cet instant précis.

Il lui semble entendre le brun lui dire qu'il n'y a pas de mal. Au contraire. Il y a du mal. Elle a mal partout Pia, au ventre, au cœur et peut-être bien à son amour propre pour le coup, étant donné que son malaise déchaîne plus de rires que de compassion et qu'on risque bientôt de lui coller l'étiquette de '' la fille à la tourista ''. Elle marque un temps d'arrêt lorsqu'il lui demande si elle cherche l'entrée de Narnia, trop obnubilée par sa maladie imaginaire pour saisir directement l'ironie. Un sourire confus se peint sur sa figure alors que la file d'attente derrière elle s’agrandit toujours d'avantage. Les candidats qu'elle a doublé commencent à se lasser du spectacle, on en entend quelques-uns protester. C'est pas bientôt fini ? D'ici quelques secondes, une poignée de minutes peut-être, c'est elle qui est finie, c'est sûr. Qu'on la laisse adresser ses dernières paroles à un type mignon, urgence urinaire ou pas, et qu'on lui foute la paix. « Tu ne vas pas mourir, je t'assure que tu as l'air très en forme pour une mourante. ». Elle secoue la tête. « C'est peut-être un poison qui laisse pas de trace, tu sais.. Ou alors c'est l'appendicite ? Ou un cancer de la rate. 'Faut que j'appelle un médecin.. ». Elle se mordille la lèvre. Merde. Ce serait vraiment trop bête de mourir ici. Dans un pays qui n'est pas le sien, au milieu d'inconnus qui pensent déjà à la jeter par la fenêtre pour pouvoir profiter de l'unique cuvette disponible, sans même pouvoir voir sa mère une dernière fois pour lui demander de prendre soin de ses poissons rouges. Elle est tirée de ses pensées funestes par la main du jeune homme qui saisi la sienne avant de l'attirer dans le coin de la pièce. Soupir de soulagement parmi la foule qui va enfin pouvoir se soulager sans avoir à attendre qu'elle décède. « Asseyons-nous, tu dois te calmer, t'exciter comme ça ne va pas nous aider à comprendre ce qu'il t'arrive. » Elle obéit docilement et se laisse glisser contre le carrelage. Elle lui crierait bien que non, elle ne doit pas s'assoir, qu'il faut l'amener aux urgences et que c'est impossible d'être calme lorsque la mort vous adresse un clin d’œil en se réjouissant de vous ajouter à sa collection macabre dans l'heure, mais c'est sans doute trop tard pour espérer la sauver. Quitte à ce qu'il soit là, il peut peut-être la supporter dans ses derniers moments. « J'sais pas ce qui c'est passé.. » elle commence sa phrase comme ça, le regard un peu inquiet, dans le vague. « J'étais dans la salle d'attente, tout allait bien tu vois. Et là c'est venu. Comme une douleur dans le ventre un peu, pas grand chose, mais au fur et à mesure ça s'est empiré. ». Elle prend une inspiration, comme si elle allait dire quelque chose de solennel. « Après, j'ai eu du mal à respirer, c'était comme si on m'appuyait sur la poitrine. Du coup j'suis venue là, je sais pas pourquoi, de toute façon je pense que je suis foutue. J'aurai pas dû accepter le sandwich d'un des candidats - il avait pas fait gaffe, c'était poulet-crudité et il m'a dit qu'il n'aimait pas ça -, mais j'avais faim tu comprends, du coup j'ai tout becté et si ça se trouve il a mis de l'arsenic dedans. ». Elle ne lâche pas ses doigts, comme raccrochée à une bouée de sauvetage. Un peu de chaleur humaine ne sera pas de refus dans ses derniers moments. « Voilà, je vais clamser ici entre les quatre murs des chiottes et ma seule consolation sera d'être citée aux Darwin Awards.. Et puis de t'avoir connu aussi, comme ça tu pourras dire aux pompes funèbres que je veux me faire incinérer, surtout pas enterrer. Et aussi que je veux qu'on serve du flan au caramel durant ma cérémonie. ».

Il ne pouvait tout simplement pas en placer une. Ghika s'était toujours considéré comme un véritable moulin à paroles, débitant les mots plus rapidement que ses poumons n'avaient la capacité de le permettre. Mais elle ? Cette fille parlait plus qu'un champ d'éoliennes ne brassait d'air. Il n'y avait pas une seconde, ou presque, de cette dernière minute où le climat ambiant n'avait pas été habité par les mots qu'elle crachait dans sa frénésie verbale, que Ghika apparentait à cet instant à une diarrhée orale. En parlant de rejets corporels, il avait cette impression que la rousse aurait bien pu profiter d'un bon passage aux chiottes histoire de soulager ses intestins et son estomac apparemment barbouillé. Dans le rush du moment, Ghika préférait se taire quelques secondes, le temps de mettre en place une stratégie efficace pour qu'elle respire et qu'elle ait le temps de se recentrer.

Le mensonge n'était pas une chose sur laquelle il crachait, mentir ne lui avait jamais paru mauvais. A cet instant, il était même nécessaire de ne pas dire la vérité pour rendre cette inconnue rationnelle. « Ne t'inquiètes pas, je m'appelle Ghika, je suis en quatrième année de médecine à Oxford, j'ai vu des gens mourir de toutes les manières et à moins que tu aies développé dans la matinée une maladie congénitale fatale foudroyante, tu n'as aucune chance de mourir. » Donner son prénom servait à l'humaniser, mais vraiment lui étudiant en médecine ? Heureusement qu'elle n'était pas en état de réfléchir correctement et que dans son étant il la soupçonnait de pouvoir avaler tout bobard qui sortirait de sa bouche. Elle lui rendait la tâche un peu plus simple. Ce qu'il allait faire n'était pas vraiment pour lui plaire, mais il n'avait pas le choix. « Je vais te faire une auscultation de routine, mais crois-moi tu m'as l'air en pleine forme. » Avant qu'elle ne puisse en placer une, il savait que s'il la laissait parler il était foutu. Il posa le dos de sa main sur son front, pas plus de deux secondes. « Pas de fièvre. » Avait-elle de la fièvre ? Il n'en savait fichtrement rien mais s'il avait soutenu le contraire elle lui aurait claqué entre les doigts. Le prochain geste serait légèrement déplacé, mais il l'avait vu pratiqué tellement de fois qu'il pensait pouvoir en prodiguer une imitation convaincante. Ses doigts palpèrent la zone abdominale, anormalement dure, de la jeune fille. Oh il ne doutait pas qu'elle ait un ventre plat et même un début de plaquette de chocolat, mais c'était un ventre noué qu'il percevait sous l'épaisseur des vêtements. « AH ! » s'exclama-t-il pour lui signaler qu'il avait trouvé. « Je sais ce que tu as et cache ta déception ce n'est pas un cancer. Je pense que tu ne digères pas le sandwich que tu as mangé effectivement, mais pas à cause d'un poison quelconque, tu fais juste une crise d'angoisse assez sévère. »

Se reposant contre le mur, Ghika souffla, tout en tenant dans sa main gauche la main de sa patiente, une malade imaginaire comme il y en avait temps. Médecin malgré lui, il avait fait un assez bon boulot pour une première. « Rapproche tes genoux de ta poitrine, met ta tête entre tes genoux, inspire profondément et souffle lentement, ça devrait se calmer rapidement. » Comme il ne savait pas rester sérieux très longtemps, surtout quand la situation était aussi forte en potentiel comique, il ne put s'empêcher d'ajouter. « Cependant si tu veux quand même me pencher sur ton héritage je n'y vois pas d'inconvénient. »

Elle en viendrait presque à manquer d'air, Pia, balançant ses paroles à la face du brun sans prendre le temps de reprendre son souffle. Remarquez que si elle meurt d'asphyxie, cela abrégerait ses souffrances, et celle de son dévoué sauveur par la même occasion. D'ailleurs il a déjà l'air d'être assommé le pauvre, il la laisse s’empêtrer dans ses explications vaseuses et ses suppositions grotesques sans piper mot. De toute façon il n'en a pas besoin, elle tient très bien la conversation pour deux, elle pourrait même le faire pour quatre personnes sans soucis. Il finit quand même par l'ouvrir lorsqu'elle est obligée de la fermer quelques secondes le temps d'inspirer un coup. « Ne t'inquiètes pas, je m'appelle Ghika, je suis en quatrième année de médecine à Oxford, j'ai vu des gens mourir de toutes les manières et à moins que tu aies développé dans la matinée une maladie congénitale fatale foudroyante, tu n'as aucune chance de mourir. ». Le soulagement se peint immédiatement sur le visage de la rouquine. Elle ne se pose même pas la question de savoir si il ment ou non. C'est pas qu'elle est conne, Pia. On lui a appris il y a longtemps déjà qu'il ne fallait pas accepter de jouer au docteur avec tous les bruns qui passent, ça peut avoir des tournures inattendues. Surtout lorsqu'ils ajoutent '' consultation '' après ça, ordinaire ou pas. Seulement elle ne va pas cracher sur des soins médicaux alors qu'elle est à l'article de la mort, surtout s'ils lui sont prodigués par un vrai pro comme lui. « Pas de fièvre. » C'est déjà ça. On voit qu'il connait son métier, le gars. Future élite de la médecine, j'vous dit. Du coup elle ne se formalise pas lorsque ses doigts viennent lui pétrir le ventre, il sait ce qu'il fait. « Je sais ce que tu as et cache ta déception ce n'est pas un cancer. Je pense que tu ne digères pas le sandwich que tu as mangé effectivement, mais pas à cause d'un poison quelconque, tu fais juste une crise d'angoisse assez sévère. » Apprendre qu'elle ne risque pas de clamser entre les quatre murs de ces toilettes est un véritable soulagement, oui. Elle laisse échapper un soupir, un sourire un peu trop grand scotché sur la figure. « C'est vrai ? C'est cool. C'est cool ouais. » C'est comme si elle ne savait pas quoi dire d'autre, son cerveau ayant probablement manqué d'oxygène lors de son apnée verbale. « Mais c'est pas possible que ce soit une crise d'angoisse, tu dois te tromper, aha. J'suis pas du genre à stresser moi. Jamais. » Cependant on ne va pas lui tenir rigueur de s'être trompé dans son diagnostic. Il a déjà réussi à lui sauver la vie, ou presque. C'est pour cette raison qu'elle obtempère tranquillement lorsqu'il lui dit de mettre sa tête entre ses genoux et de respirer profondément, quoi que trouvant la pratique assez ridicule. Elle tente de respirer calmement, histoire de se remettre de ses émotions, de la même façon que le ferait toute personne qui vient de frôler la mort. C'est dans cette position toujours qu'elle répond au brun qui la questionne quant à son héritage. « J'ai deux poissons rouges, si tu veux. Et une bd collector de tintin, si jamais tu t'es trompé et que je crève tu pourras toujours la revendre. »
La rouquine finit par se redresser avant de lâcher : « Au fait, moi c'est Pia. Merci de m'avoir sauvé la vie. » Trop aimable de sa part en effet.

Il la regarde avec un petit sourire en coin, elle est crédule mais mignonne. La naïveté est parfois attachante quand elle n'est pas excessive. Mais Ghika attribue celle de la jeune fille à son état de détresse momentané. Une fois qu'elle sera calmée, il lui avouera peut-être qu'il n'est pas un futur médecin prometteur ou un brillant chirurgien en devenir. S'il a reconnu sans aucune difficulté la crise d'angoisse, c'est parce qu'il en a vu un paquet pendant les soirées arrosées du bar. Les gens ne tenant pas très bien l'alcool et qui se laissent emporter par leurs copain finissent inévitablement par vomir, sombrer dans le coma ou par faire une crise d'angoisse. Le fait qu'elle le contredise, qu'elle se targue de n'être jamais stressée le fait rire même s'il est passablement agacé par le manque de confiance qui règne dans le coin des chiottes. « Je t'assure que c'est une crise d'angoisse. C'est probablement parce que tu n'es pas familière des effets du stress que tu as été aussi paniquée, ce qui n'a fait qu'ajouter à l'ampleur de ta crise d'angoisse. » Parler calmement, faire le savant, il maîtrise. C'est peut-être pour ça qu'il arrive à mentir de façon crédible à celle qui se met maintenant en position foetale. Il rigole en attendant la liste de ses biens, Tintin, c'est pas vraiment son truc, mais si c'est une édition collector ça change tout. Par contre les poissons rouges c'est pas du tout son truc, mais ce serait potentiellement la came de Sidoine, son chat persan. « Je prendrais ce que tu me laisseras, tu penses qu'elle peut me rapporter combien ta BD ? » plaisante-t-il gentiment, négligeant de préciser le sort mortel que son félin réserve aux deux petits êtres munis de branchies. « Moi c'est Ghika, tu peux m'appeler Doc' si tu veux et ce n'était que mon devoir, tu sais le serment d’Hippocrate, tout ça. » Il se prendrait presque d'affection pour cette rousse un peu déjantée, pas tout à fait sur Terre bien qu'ayant -selon son pronostic vital- déjà un pied dans la tombe. La position dans laquelle il se trouve maintenant est un peu délicate, Ghika doit choisir entre le fait de la distraire et éloigner la pensée de sa crise d'angoisse et une autre option, qui serait de lui demander si elle se sent mieux ce qui risquerait de relancer sa névrose. Mais, en médecin malgré lui, Ghika n'a pas vraiment le choix, il doit rester dans le personnage... « Tu sens déjà comme ton estomac se détend un peu et ton cœur qui reprend un rythme normal ? » glisse-t-il bienveillant -quoique ayant très envie de rire- à la jeune fille assise à côté de lui.

« Je t'assure que c'est une crise d'angoisse. C'est probablement parce que tu n'es pas familière des effets du stress que tu as été aussi paniquée, ce qui n'a fait qu'ajouter à l'ampleur de ta crise d'angoisse. ». Elle tire la tronche et se retient de lever les yeux au ciel, mais c'est bien parce qu'il vient de lui sauver la vie qu'elle accepte de se montrer aussi sympa. Franchement, il la prend pour qui, ce p'tit brun ? Pia n'est pas stressée. Pia ne stresse jamais. Elle n'en a pas souvent rencontré l'occasion, il faut dire. Il n 'empêche que la plupart du temps elle prend les évènements comme ils viennent, avec philosophie même. Elle n'est pas du tout du genre à se sentir mal devant un ridicule entretien pour une téléréalité. Du moins c'est ce qu'elle croit. Mais devant les paroles savantes du gars, elle s'interroge un peu. C'est tout de même pas n'importe qui, ce sauveur improvisé. Il fait des études. Il sait de quoi il parle. C'est sans aucun doute quelqu'un de confiance. C'est bien pour ça qu'elle accepte de lui livrer son héritage. C'est pas grand chose mais il a l'air conciliant, il dit qu'il s’accommodera de ce qu'elle lui propose, en même temps il n'a pas trop le choix. Les derniers présents d'une mourante, ça ne se refuse pas. Quand bien même le pronostic vital n'est visiblement plus engagé. « Si on vise haut, ça pourra te rapporter, j'sais pas, une centaine d'euros ? T'as de quoi te faire un bon restau avec ça, clairement. Ce sera pas du sandwick bas-de-gamme. ». Pas qu'elle ait quelque chose contre les sandwich bon marchés, la rouquine. Seulement elle préfère ceux qui évitent de lui retourner l'estomac. Ghika qu'il dit s'appeler. C'est original. Ça sonne bien. « Alors merci, doc Ghika. ». Elle se concentre de façon à dire ça le plus sérieusement possible, même si elle sent qu'une envie de rire la prend à la gorge. S'agirait pas de le vexer alors qu'il vient quand même de lui éviter une mort certaine. Un sourire se dessine pourtant sur son visage, mais il n'a de toute façon aucun moyen de le savoir puisqu'elle se trouve actuellement avec la tête entre les genoux. Est-ce qu'elle sent son estomac se détendre et son cœur qui arrête de tambouriner contre sa poitrine à la manière d'un marteau piqueur ? « Je sens.. Je sens.. ». Il est là. Il s'échappe de ses lèvres sans qu'elle arrive à le retenir emprisonné d'avantage. Le fou rire. « Je sens qu'avoir la tête coincée entre les genoux ne me donne pas l'air franchement intelligent. ». Et elle ne peut plus s'empêcher de rire, Pia. Elle relève la tête pour venir planter son regard dans celui de Ghika. « Merde, désolée, c'est pas contre toi du tout, j'remet pas en doute tes capacités médicales, pas du tout.. ». Elle s'empêtre dans ses excuses, la voix cassée par les éclats de rire. Et voilà, elle va le vexer, et quand elle aura un véritable cancer de la rate il refusera de la soigner et elle mourra sans brun-superman pour lui serrer les doigts.

Cent balles pour une bande dessinée d'Hergé ? Ce n'est pas si mal, il pourrait se payer une paire de jeans, peut-être même un ou deux tee-shirts. Histoire de renouveler son stock de fringues neuves. Il préfère le prendre à la rigolade, parce que mine de rien la situation est assez cocasse. « Cent euros... je t'aurais bien invitée avec cette coquette somme, mais à l'évidence si je la touche un jour c'est que tu seras morte et manger avec ton cadavre serait d'assez mauvais goût. » Il ne sait pas si elle croit vraiment à toute cette histoire de docteur ou pas mais bon, Docteur Ghika, ça sonne vraiment bien, il aurait peut-être dû choisir des études qui mènent à ce niveau de compétence en matière de santé, ça aurait pu être super classe d'avoir un docteur dans la famille. Un chirurgien cardiaque, pour vérifier que sa mère avait bel et bien un cœur, ou un neurologue pour lui faire passer des tests afin d'être certain qu'elle n'a pas la partie du cerveau supposée rendre les gens sympathiques amputée. « Ce fut un plaisir Patiente Pia. » Et puis elle éclate de rire, elle le regarde mais pas pour longtemps, à ce rythme elle pleurera bientôt à cause de sa crise. La douleur dans son estomac a dû se volatiliser mais bientôt elle aura mal aux zygomatiques. Ghika espère juste qu'elle a déjà ri autant et que cela ne la rendra pas complètement délirante, à nouveau. « Tu sais ce qu'il se passe quand une crise d'angoisse s'estompe ? Les muscles de ton abdomen et ceux de ta gorge se relâchent et créent généralement une crise de fou rire ! Tu es guérie, j'avoue que je suis assez fier de la façon dont j'ai traité mon premier cas... » Et merde ! Il espère que la crise d'hilarité couvrira la dernière partie de sa phrase qui pourrait bien -dans le cas contraire- relancer sa paranoïa. Retour à la case départ qu'il n'est pas sûr d'être capable de le supporter. Ce n'est pas comme s'il était médecin pour de vrai et qu'il était lié par une quelconque clause praticien-patient à respecter. Il n'est pas non plus un psychologue, dont le bien mental de sa cliente serait une question éthique majeure. Elle est mignonne, elle est gentille, mais si elle recommence à croire qu'il y a des tumeurs dans son estomac Ghika n'est pas sûr de ne pas finir par la tuer de ses propres mains ! Là ! Dans les toilettes ! Noyée dans la cuvette ! Voilà ce qu'il va faire.

« Cent euros... je t'aurais bien invitée avec cette coquette somme, mais à l'évidence si je la touche un jour c'est que tu seras morte et manger avec ton cadavre serait d'assez mauvais goût. ». Effectivement, certaines pratiques sont encore bannies par la société - bien trop conservatrice qu'on se le dise - et s'attabler avec un cadavre fait sans aucun doute partie des idées à bannir. « Du moment que tu ne manges pas mon cadavre, ça peux passer. ». A ce stade là elle arrive encore péniblement à garder son sérieux, pour une poignée de secondes au moins, avant de se mettre à rire comme une possédée sous les yeux de Ghika. Cancereuse peut-être pas, mais déficiente mentale sans doute. C'est clair qu'il va écrire ça sur son dossier. Peut-être qu'il va demander à ce qu'on la fasse interner ? Ça lui ferait toujours une concurrente de moins. Si ça se trouve il est dans la stratégie depuis le début, il sait qu'elle va mourir d'une minute à l'autre mais il essaye de la distraire pour qu'elle ne prenne pas les dispositions nécessaires pour éviter de clamser ; il ira sans doute danser sur sa tombe quand il aura gagné Fake Lover et qu'il sera devenu millionnaire. Elle espère au moins qu'il aura l'amabilité de faire graver une plaque en or à son nom pour la poser sur son tombeau. Plutôt de de l'inquiéter cette pensée la fait rire d'avantage. « Tu sais ce qu'il se passe quand une crise d'angoisse s'estompe ? Les muscles de ton abdomen et ceux de ta gorge se relâchent et créent généralement une crise de fou rire ! Tu es guérie, j'avoue que je suis assez fier de la façon dont j'ai traité mon premier cas... ». Elle va mourir. De rire. C'est déjà mieux que de finir assassinée par une indigestion au poulet. En entendant ses derniers mots elle redresse brusquement la tête vers lui, des larmes perlent au coin de ses yeux. « Premier cas ? Sérieusement ? ». Elle rassemble ses esprits comme elle peut puis finit par calmer les soubresauts qui l'agitent. Elle fixe ses prunelles sur Ghika avec tout le sérieux du monde. « Docteur Ghika, je suis heureuse de vous décerner ce diplôme de médecin. ». Son masque sérieux se fendille alors qu'elle repart de plus belle, quand bien même ce n'est pas spécialement drôle puisqu'elle a fait office de cobaye pour un étudiant de médecine qui pourrait tout aussi bien dans le fond avoir menti sur la marchandise et n'être qu'un vendeur de poisson. A plus tard les inquiétudes rationnelles.