Je suis d’humeur sportive, c’est bien simple, j’ai besoin de ma dose quotidienne de sport. C’est l’une des craintes que j’ai pu avoir avant de postuler aux castings, j’ai une carrure qui nécessite beaucoup d’entretien et il n’y a rien de meilleur que le sport pour cela. Trouver la motivation pour se bouger les fesses ne sera probablement pas toujours facile mais il le faut. Voilà ce qui motive mon passage par le stade. Je me suis arrêté aux vestiaires pour me changer, enfiler une tenue de sport confortable et j’ai laissé mes affaires là-bas pour rejoindre l’un des couloirs dessinés à la craie blanche sur la piste qui entoure le terrain. La journée n’a pas été particulièrement épuisante, quoi de mieux qu’une bonne heure d’endurance pour se réveiller un peu ? Je n’ai pas apporté mon iPod et je le regrette à présent, courir sans musique je trouve cela juste terriblement plus compliqué mais je vais faire avec, rien ne peut mettre à mal ma motivation comme vous pouvez le remarquer. J’ai choisi de venir en fin de journée car je sais que très peu de monde se rendra ici pour improviser un jogging, tous viennent généralement en début de matinée. Pour commencer je m’élance dans un bref jogging de dix minutes durant lequel j’accentue par petits pics la vitesse à laquelle je cours pour réveiller un peu mes muscles et pour pouvoir me lancer dans un échauffement qui me permettra de tenir le rythme ensuite. Je n’ai jamais particulièrement aimé courir mais c’est un moyen très efficace de se vider la tête, d’avoir une activité physique soutenue tout en s’oxygénant, idéal quoi.

Les muscles de mes genoux se contractent à chaque mouvement que je fais, ma respiration pourrait être un beau bordel mais je m’arrange pour inspirer et expirer très régulièrement. C’est là-dessus que la plupart des gens ont tendance à se faire avoir lorsqu’ils se mettent à courir, il est très important de bien expirer pour chasser les toxines et ne pas attraper de points de côté. C’est le seul petit secret que l’on peut mettre en avant pour parvenir à courir sans trop souffrir pendant une heure, et plus si affinités. Il n’est pas uniquement question de mental lorsque l’on se livre à une discipline qui nécessite de l’endurance, il faut également faire preuve de méthodologie et ne pas gaspiller de l’énergie inutilement. Je dois bien courir depuis vingt minutes, vingt-six pour être plus précis, lorsque j’aperçois au milieu de ma piste un peu plus loin une petite blonde, plutôt mignonne d’ailleurs, tout à fait mon style de femmes, qui agite les bras de droite à gauche. « Hé, hé arrête toi ! » S’arrêter en plein milieu d’un effort ce n’est pas vraiment ce que j’apprécie, il est toujours très difficile de s’y remettre et même quasiment impossible d’y aller avec autant de puissance que précédemment mais bon, je veux bien faire un effort pour un si joli sourire. « Je suis désolée de t’arrêter, mais je trouvais que tu courais bizarrement. Tu devrais mettre tes bras plus comme ça, tu vois ? » Je relève un sourcil, je n’ai pas l’impression de courir différemment des autres et, honnêtement, je m’en contrefiche complètement mais je la regarde quand même faire, elle imite l’acte en me montrant comment placer mes mains. C’est plutôt marrant et je ne prends donc pas mal sa remarque, je souris même. « Je vois oui, mais quand je cours j’ai tendance à ne pas trop prêter attention à ce genre de détails, si je commence à me concentrer sur mes bras je risque de ne plus faire attention à mon souffle et paf paf paf le loup, un mauvais point de côté ! » Je cogne mon poing contre la paume de mon autre main à trois reprises lorsque j’utilise le mot paf. « Tu ferais une course contre moi ? » Je la regarde de haut en bas et je me mets à rire stupidement. « Si tu veux, tu n’as pas vraiment la tenue idéale cependant. » Les femmes sont parfois meilleures que les hommes en endurance, je me méfie donc de l’eau qui dort, elle pourrait bien me mettre la pâtée après tout. « Je gagne quoi si je te bat ? » Un sourire davantage séducteur étire mes lèvres à présent, j’aurais tort de me priver non ?

Je tâche toujours de me vider la tête lorsque je me lance dans un petit exercice d’endurance, réfléchir ce n’est jamais très bon pour le rythme et je m’en suis rendu compte à force de m’exercer. Il faut dire que j’ai tendance à me prendre la tête pour pas grand-chose du coup, lorsque je cogite j’ai vite fait de perdre le fil de ce que je fais et de m’essouffler stupidement. Je préfère donc me concentrer essentiellement sur ma respiration que je peux ainsi maitriser sans trop de difficultés, j’inspire brièvement et j’expire longuement bien que mon souffle, bien plus court à présent, soit légèrement affecté par l’effort. Je ne sais pas d’où elle est arrivée mais McKayla s’interpose en plein milieu du terrain et, accessoirement, de ma piste. Je n’ai pas pour habitude de m’arrêter au cours d’un effort mais puisque je n’ai encore jamais eu l’occasion de discuter avec elle je me dis qu’il est temps de faire un pas vers ce que l’on peut appeler la sociabilité. La petite blonde me parle de mes bras et me conseille de les placer dans une position différente, cette remarque est surement pertinente mais je ne réfléchis pas trop à comment mes bras sont positionnés lorsque je cours. Pour être honnête s’intéresser à cela reviendrait à toujours réfléchir à sa démarche en plein milieu de la rue, pourquoi ne pas faire opter pour le naturel tout simplement, plutôt que de se prendre la tête en détails futiles ? « Oui mais je suis sûre que tu gagnerais en aérodynamisme. » Je relève un sourcil, interrogateur. « Probablement. Je n’ai jamais été très attentif en cours de sciences. » En deux mots, je ne suis pas certain de réellement savoir ce que c’est l’aérodynamisme, pas dans notre contexte en tout cas. McKayla me propose de faire une course et il n’y a rien de tel pour réveiller la bête de compétition qui sommeille en moi. Égalité des chances oblige, je la questionne sur sa tenue vestimentaire pas vraiment idéale pour délivrer des performances optimales. « Oh non moi je peux courir en jean tu sais, ça m’empêchera pas de te battre ! » Elle m’a l’air plutôt convaincue, juste le comportement qu’il me faut pour avoir la pêche et me mettre dans le challenge à fond. « C’est beau de rêver ! » La blondinette est ambitieuse, c’est une très bonne chose. « Déjà t’as peu de chances mon petit. Mais donne ton prix. » Le séducteur en moi serait-il lui aussi au garde-à-vous ? J’ignore si c’est le cas mais ce qui est certain, c’est que j’ai envie de mettre un peu de beurre dans les épinards. « Un bisou, mais attention, pas un vieux smack pourri de pucelle catholique et pieuse, un baiser de cinéma ! » S’il y a vraiment peu de chances que je gagne, autant me donner quelque chose pour me motiver à tout donner.

McKayla me parle d’aérodynamisme que je serais obligé d’améliorer en gérant mieux la position de mes bras lorsque je cours et je me sens cruellement inférieur intellectuellement. Je n’ai jamais été particulièrement intéressé par l’école, si j’ai accepté de poursuivre mes études jusqu’à l’obtention du bac c’est uniquement pour faire plaisir à ma mère qui ne voulait pas que son fils se retrouve SDF si un jour il abandonnait la fête foraine. J’ai été élevé dans ce monde et je ne me vois honnêtement pas faire autre chose mais je me suis quand même intéressé un minimum à l’école pour réussir et la rendre fière de son fils. Ce qu’elle peut aimer dire à ses amies que son fils est cultivé et qu’il a réussi à décrocher son bac, il faut dire que je suis le seul parmi les jeunes forains à avoir poursuivi ses études après avoir eu seize ans. Je me dis que j’aurais peut-être dû m’y intéresser encore plus pour éviter d’avoir l’air stupide face aux autres, l’aérodynamisme… Passons, McKayla gagne en intérêt, en plus d’être relativement agréable à regarder elle semble avoir une tête bien remplie et, étrangement, j’ai toujours été plus attiré par les femmes cultivées que par les bimbos avec un Q.I. inférieur à celui d’une huitre. Lorsqu’elle me propose de faire la course je trouve intéressant de mettre un prix, un peu de beurre dans les épinards. Je décide qu’en cas de victoire elle me devra un baiser… De quoi surement lui donner très envie de gagner, je l’espère en tout cas. J’ai envie d’avoir une concurrente de taille pour donner le meilleur de moi-même. « Il n’y a que comme ça que t’arrives à embrasser des filles ? » Je souris amusé et je lève bêtement les épaules. « Non, mais j’aime sortir des sentiers battus et tester de nouveaux moyens d’emballer. C’est inspirant ! » Non parce qu’en général je n’ai pas besoin d’une compétition pour emballer, je n’ai jamais eu de problèmes pour me rapprocher des femmes, certaines m’ont mis des bâtons dans les roues mais ça a eu le mérite de rendre la chose plus passionnante encore. « Un baiser avec la langue quoi, c’est ça que tu veux dire ? » J’acquiesce en souriant, elle a tout compris. « Hum … Ok. » Parfait, j’ai à présent envie d’en découdre, je suis plus motivé que jamais. « Et si je gagne … Tu me devras un massage ! » Je ne suis pas le roi du massage mais bon, pourquoi pas. « Un massage ? Ce devait être dans mes cordes. » Il est temps d’agir à présent, de voir qui de nous deux est le meilleur en course. « Bon alors t’es prêt ? » Si je suis prêt ? Je n’attends plus qu’elle ! « On fait deux tours de terrain ? Celui qui arrive le premier, remporte la course ? » Je me positionne sur le terrain, dans l’un des couloirs, prêt à partir dès qu’elle sera prête. « Un, deux… GO ! » Je pars en sprintant, ce n’est pas forcément la stratégie la plus intelligente à adopter, surtout pour tenir deux tours de terrain mais j’ai confiance. J’ai toujours été très bon en course de vitesse, si je parviens à la distancer au début j’aurais largement de quoi remporter en y allant plus tranquillement après.